28 janvier 2017

Nous mettre debout !


Ahmed nous propose un extrait caractéristique de la période plus spécialement "autogestionnaire" de R. Garaudy. En 1979, Roger Garaudy a déjà redécouvert la foi chrétienne, sans renoncer au marxisme - auquel il ne renoncera jamais tout en reconnaissant ses limites - , mais pas encore la foi musulmane. Sur le plan politique, exclu du PCF en 1970, il prend le contrepied du centralisme bureaucratique post-stalinien et assume l'héritage de mai 68, en particulier dans deux livres: "L'alternative" et "Le projet espérance". En 1977 il a publié "Pour un dialogue des civilisations", qui élargit au monde sa perspective politique et philosophique; avec "Appel aux vivants", qui obtiendra le Prix des Deux Magots et un gros succès de diffusion il développe cet aspect nouveau de sa quête. L'autogestion des moyens et l'auto-détermination des fins de la société continuent cependant, aux cotés du dialogue mondial des cultures et des civilisations, à occuper une place importante dans ses propositions politiques, d'où l'appel - parfois lyrique, toujours concret - aux vivants, c'est-à-dire à ceux qui ne se résignent pas à déléguer à d'autres l'organisation de leur vie. Le succès de ce livre débouchera sur la création d'une "Association Appel aux Vivants" et sur une candidature à l'élection présidentielle de 1981. En 1980 parution de "Il est encore temps de vivre", véritable programme de candidat, et qui obtient lui aussi un grand succès. N'ayant pu réunir les conditions d'une candidature unitaire, Roger Garaudy se rallie à François Mitterrand dés le premier tour de l'élection . - A.R.
Chez lui à Chennevières-sur-Marne en octobre 1979. Photo J.A. Pavlovsky / Sygma
La politique, au sens vrai et fort du mot, c’est-à-dire la volonté de créer une société à visage humain, est en gestation (…), à l’extérieur des partis. Les germes de l’avenir sont là où de petits groupes d’hommes se rassemblent, se concertent, se fédèrent pour prendre en main leurs propres affaires sans attendre « d’en haut », d’élus ou de chefs auxquels ils auraient délégué leurs pouvoirs, les décisions concernant leur vie quotidienne comme leur destin.
Déjà, en dehors des institutions officielles, est en train de sourdre la volonté de vivre autrement. Au sein même des « foules solidaires » naissent, meurent et se recréent sans cesse des communautés d’un type nouveau. Des regards se rencontrent. Des mains se nouent. Des projets sont bâtis en commun. Ici un puits. Ici un stade ou une garderie d’enfants. Ici une prière. Ici une coopérative. Ici une école. Ensemble. Et à l’initiative de ceux « d’en bas » (…).
Dire aux résignés assis à regarder le torrent qui déferle et à ceux qui se sont déjà laissé emporter par lui vers le gouffre : il est possible encore d’exister et de vivre. Il est possible encore d’endiguer le flot, d’en inverser le cours. A condition de tenir nos yeux ouverts. De nous mettre debout. De défendre chaque parcelle de notre vie. (…) Pourquoi ne pouvons-nous pas vivre autrement ? Vivre autrement : c’est de cela qu’il s’agit ; rien de plus ; rien de moins. Vivre autrement.


Roger Garaudy, "Appel aux vivants", Ed. Seuil, Paris, 1979.
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