29 juin 2019

Georges Cottier: dialogue avec Roger Garaudy

COTTIER (Georges) ,Chrétiens et Marxistes. Dialogue avec Roger Garaudy , Paris, Mame, 1967 
par Henri Desroche .
Archives de sociologie des religions, n°25, 1968. pp. 182-183;

L’auteur s’était déjà signalé entre autres par son ouvrage sur L’athéisme du jeune Marx et ses racines hégéliennes (1959). La partie la plus intéressante de la présente étude serait peut-être la première partie sur la genèse et le contenu des thèmes du dialogue dans la théologie catholique. La suite bien que plus directement branchée sur ouvrage précité constituerait moins le dialogue annoncé par le sous-titre qu’un certain monologue théologique assorti d’interpellations à la cantonade adressées à Roger Garaudy et quelques autres. Monologue certes averti, érudit, attentif, mais aussi pointilleux et peut-être avec une teinte d’auto-suffisance. Le message demeure dans le genre littéraire que serait la réponse du représentant du Grand Roi à l’émissaire du Grand Turc, y compris pour le premier, le projet - sinon la prétention - de mieux connaître que le second le dossier pourtant plaidé par celui-ci.
Quelques points sont désagréables. L’escamotage par exemple du dossier parallèle ou contradictoire , de L. Althusser moyennant l’allégation : « Est-ce un hasard si plusieurs de ses disciples ont fini dans le camp des pro-chinois ?» (p 21). Ailleurs c’est en dire trop ou trop peu sur E.Bloch que de régler son compte en mentionnant ses «réflexions» sur le principe espérance comme ayant une «originalité marquée» (cf étude de P. Furter in Arch. 21 8-22). Décréter comme caduque la soi-disant «erreur des progressistes» (p 87) dans un verdict de cinq lignes n’est-ce-pas ignorer l’énorme phénomène qui se passe aujourd’hui en Amérique Latine ? Ailleurs encore quid de ce «fait certain» selon lequel l’idéologie marxiste est sur «la pente de l’usure» (p 68) et si ce fait est certain n’y a-t-il pas en sens contraire d’autres faits et non moins certains ? On pourrait aussi épiloguer sur la déclaration selon laquelle la propagande marxiste courante «nie l’existence du Christ» (p 181). Pauvre A. Robertson avec ses Origins of Christianity et sa controverse avec Khazdan. Et pauvre Engels suspect avoir légué à G. Mury la thèse «insoutenable» sur les deux christianismes apocalyptique et institutionnel ! (p 169). «C’est dans les sectes au cours de histoire se manifeste le courant apocalyptique constamment contrecarré par institution ecclesiale Cette thèse de Mury est pas soutenable historiquement .Elle du reste ses racines chez Engels qui comme l’on sait avait passé par une période de ferveur piétiste» (p 169). Des trois affirmations de cette seule phrase il n’en est aucune qui ne puisse être controversée : ni la thèse sur les deux courants qui, si elle se trouve très peu chez Engels, se trouve par contre largement et abondamment étagée dans opus de Troeltsch ; ni le fait «du reste» qu’elle a ses racines chez Engels ; ni le fait «comme on le sait» que celui-ci eut une adolescence piétiste; il n’y a rien de disqualificatoire dans aucune de ces trois qualifications et rien surtout qui puisse permettre de juger la sauvette un dossier aussi fondamental. Même pas si on ajoute un «Or le mouvement piétiste est anti-ecclésiastique». Bien fragile ce «or» pour le «donc» qu’on prétend en tirer. A moins qu’il ne agisse d’un «donc» à l’usage une théologie normative réfractaire à toute sociologie du Dissent ou du Sektentypus.
 Ce dernier point de vue est pas celui de l’auteur certes. Mais puisqu’il dialogue avec le marxisme n’est-il pas possible de suggérer que l’essentiel du marxisme et de sa critique religieuse se trouvent déjà dans Saint-Simon. Celui-ci, comme Engels et occasionnellement Marx, privilégie historiquement le catholicisme comme facteur de l’édification européenne. Dès lors leur critique est essentiellement que cet «européisme religieux» que fut le catholicisme est la fois dépassé dans le temps et débordé dans l’espace, nourrissant ainsi un appel à sa propre relève par le système d’une nouvelle conviction globale. Mais dans l’appréhension de ce système se trouve emmêlée la double filière que Cottier récuse : la filière attestante, institutionnelle, constantinienne d’une part et autre part la filière contestataire, dissidente, apocalyptique. L’ironie est que le dialogue entrepris par Cottier risque de se trouver canalisé et enclos au sein de la première filière entre ce on pourrait nommer une Chrétienté «avec» christianisme et une chrétienté «sans» christianisme (déjà H. Gouhier avait avancé ce second label pour cerner le saint-simonisme). Et, chose curieuse, plutôt que dans les contre- positions de Cottier ce serait dans certains textes de Garaudy cités ici (sa prospective esthétique 95 et ss) qu’on pourrait apercevoir ce qu’on pourrait intituler: un christianisme sans chrétienté, ce troisième homme ou ce troisième partenaire que la vague diplomatique des dialogues semble tenir pour nul et non avenu.
 Tout se passe en effet comme si l’axe horizontal du dialogue entre un christianisme et un marxisme également établis se trouvait de plus en plus traversé par l’axe vertical d’un christianisme et d’un marxisme également contestés, et contestés non par l’un ni par l’autre, mais chacun par ses propres «protests within» ou «without» pour reprendre les catégories de Wach La limite de ouvrage de Cottier est, semble-t-il, de se cramponner au dialogue entre deux establishments, on serait tenté de dire entre deux magistères. Du coup son genre littéraire demeure étranger à trois dossiers : le dossier des sciences des religions qui ne sont pas plus marxistes que chrétiennes ; le dossier de l’esthéticien Garaudy et de ses dimensions d’auto-contestation ; le dossier enfin de l’axe vertical, celui, par exemple, de cet autre dialogue entre le marxiste contestataire Fidel Castro et le groupe contestataire catholique au congrès culturel de la Havane en janvier 1968. Dossier de paradoxes; Fidel Castro souligne ce qui serait le paradoxe du marxisme : « Ce sont les paradoxes de histoire Comment quand nous voyons des secteurs du clergé devenir des forces révolutionnaires, allons-nous nous résigner voir des secteurs du marxisme devenir des forces ecclésiastiques ? ». N’y aurait-il pas un paradoxe parallèle et complémentaire qui serait celui du christianisme et le dialogue entre ces deux paradoxes ne serait-il pas une trame à croiser avec la chaîne des sentences que nous lisons ici ?

28 juin 2019

Humanisme marxiste

Jean Lhomme
 Revue économique, volume 10, n°5, 1959. pp. 803-804

Garaudy (Roger) – « Humanisme marxiste. Cinq essais polémiques ». Paris , Editions sociales, 1957

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« Pourquoi je suis marxiste » est la question laquelle répond une brève introduction de l’auteur. Itinéraire intellectuel qu’il est instructif de connaître plus un titre. «  Le chemin de la liberté passait par la dictature du prolétariat. Et mon adhésion au parti de la classe ouvrière était le commencement de ma liberté » (p 13). Ainsi s’explique que, délibérément, les cinq essais qui nous sont présentés soient qualifiés par leur auteur de « polémiques ». Polémique en effet contre le R.P Bigo dans le premier essai consacré aliénation ;  contre le R.P Calvez dans le deuxième consacré la dialectique de la nature et au matérialisme (R.G  est visiblement fort agacé - cf pp 106 et suiv- de voir tellement de religieux écrire et publier sur le marxisme et dans un sens qui bien entendu ne lui agrée pas toujours) ; contre J.-P Sartre dans le troisième essai sur la dialectique et la liberté. C’est dans ce dernier texte que nous semble apparaître, par delà des controverses souvent circonstancielles, l’effort constructif le plus original, celui qui est relatif la conception bourgeoise de la liberté : les pages 205 à 212 précisent très exactement les critiques que le marxisme oppose à une pareille conception. Les pages qui suivent (212 sqq.) retracent dans le même esprit évolution du libéralisme jusqu’à notre époque. Et sans adhérer le moins du monde au marxisme on peut bien reconnaître combien l’ambivalence des termes liberté, libéraux, libéralisme a servi des desseins fort peu désintéressés.
 L’essai intitulé « Des Intellectuels » étudie successivement la situation de ces derniers (classification en trois groupes pp 238-239), puis les problèmes qui se posent eux. On ne peut manquer d’évoquer ici les pages que Schumpeter consacrées à ces mêmes intellectuels : décidément que on soit marxiste ou schumpeterien les intellectuels ne sont pas faciles interpréter !
R.G résume ainsi p 282 leur attitude : «  La position de parti n’est qu’un autre nom de leur volonté d’enraciner leurs créations dans les deux grandes forces avenir de notre époque : la classe ouvrière en lutte pour le socialisme et la méthode scientifique du matérialisme historique toute- puissante parce elle est vraie ».
Quant au dernier essai efforce définir un «  parti ouvrier révolutionnaire ». De tous c’est le plus politique, celui qui souligne le mieux la relation entre classe (sociale) et parti (politique).
 Ouvrage au total instructif une évidente sincérité et que on rangera parmi ceux qui précisent avec le plus de netteté les attitudes actuelles du marxisme sur plusieurs problèmes Importants.


Jean LHOMME

27 juin 2019

A propos de "L'alternative" de R. Garaudy (1973)

Autogestion et rationalité 

Raison présente  Année 1973  26  pp. 69-74
Fait partie d'un numéro thématique : Marxisme et monde musulman
Lire ici des extraits du livre de Garaudy
Notre temps souffre du politique ; il a mal au politique. Le malaise de notre civilisation se traduit par un refus qu'on voudrait croire sporadique, mais qui se révèle fréquent, de participer à la gestion des affaires publiques : l'abstention massive et récente des jeunes électeurs américains à qui l'on vient d'accorder le droit de vote est révélateur de cette tendance.
Tout se passe comme si la démocratie manquait de démocrates ; comme si nous étions désormais incapables de fonder une espérance politique sans recourir à la promesse messianique de temps meilleurs. Le militantisme déchristianisant du début de ce siècle s'est embrigadé derrière un seul modèle et parfois derrière un seul chef, réinstaurant par là-même, avec le sectarisme et le culte, la religiosité. Il n'est donc pas surprenant que des voix s'élèvent pour prêcher la nouvelle vérité. L'échec du projet politique ne tient pas à sa reconfessionnalisation subreptice, mais bien au contraire à son trop peu de religiosité : «Le marxisme ne peut être l'authentique briseur de chaînes que s'il est capable d'intégrer ce moment chrétien, ce moment divin de l'homme » (1). La vérité du marxisme est dans le christianisme ; autant dire que l'efficacité du rationalisme politique est dans la foi. Roger Garaudy d'ailleurs n'hésite pas à le dire : ceux qui vont répétant que ce sont les circonstances qui forment les hommes sont des athées vulgairement positivistes ou des positivistes vulgairement athées, incapables qu'ils se révèlent d'expliquer comment de circonstances conservatrices peut naître la conscience révolutionnaire. Or la seule explication, pour l'auteur, réside dans le recours à la transcendance :
«Cette subjectivité active, qui est jaillissement sans fin de la transcendance, l'image du Christ en a donné l'exemple : lorsque avec lui le Dieu des transcendances lointaines est entré dans l'histoire quotidienne des hommes, il l'a fait en briseur d'idoles et de chaînes, en passeur de frontières, détruisant les tabous et se situant par-delà la justice, le bien et le mal, au nom d'un amour transcendant précisément toutes ces limites historiques, et faisant de lui, selon l'expression du théologien protestant Roland de Pury, le vrai homme, l'homme que Dieu lui-même, Dieu seul a pu être, toute autre humanité que la sienne ne pouvant être qu'inhumaine » .
Ce qui a contribué à rendre jusqu'ici la réflexion tâtonnante, c'est la perversion cléricale de l'Eglise et du Mouvement Socialiste. Le sursaut d'authenticité qui, sur l'un et l'autre des deux plans requiert «le moment de la subjectivité » assure la coïncidence de la foi et de la conscience révolutionnaire ; la «preuve » c'est qu'il est historiquement faux de lier d'une part le matérialisme philosophique et l'athéisme à l'action révolutionnaire, et d'autre part la religion au conservatisme. D'ailleurs l'athéisme de Marx n'est pas «métaphysique » mais «méthodologique ». S'autorisant alors d'Ernst Bloch, redécouvrant le fondement nécessaire de tout marxisme vivant dans «le principe de l'espoir », Garaudy avance deux thèses complémentaires : 1° La vraie foi est révolutionnaire. 2° Le vrai révolutionnaire a la foi. La double conversion qui se trouve ici prônée n'est en somme qu'un retour aux sources du christianisme d'une part, du marxisme de l'autre, et, comme elle doit devenir un phénomène de masse, elle implique une révolution culturelle. C'est à Lénine, cette fois que Garaudy demande l'inspiration, et le texte qu'il évoque reste incontestablement d'une brûlante actualité. Dénonçant dans un article Sur la coopération, un socialisme pratiqué pour le peuple et non par le peuple, Lénine ne voyait de remède à une telle bureaucratisation que dans le contrôle ouvrier et paysan sur la gestion des affaires dans leur entreprise. Mais cette solution implique un tel degré de culture, qu'une véritable révolution culturelle est la condition sine qua non du socialisme. De sorte que l'alternative chrétienne offerte au militant révolutionnaire s'inscrit dans l'alternative globale de l'autogestion qui seule peut éviter au socialisme de dégénérer en stalinisme. La thèse donc à laquelle se trouve ici confronté le rationalisme politique peut se résumer comme suit :
1° Le socialisme sera d'autogestion ou il ne sera pas.
2° La révolution culturelle est la condition de l'autogestion.
3° La révolution culturelle implique la réunification de la subjectivité chrétienne et de la subjectivité révolutionnaire.
4° Tout chrétien authentique est révolutionnaire et tout révolutionnaire authentique est chrétien.

25 juin 2019

Serge Perottino, "Garaudy et le marxisme du XXe siècle"

par Jacques Baufay
Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 75, n°28, 1977. pp. 714-715;

Serge Perottino, « Garaudy et le marxisme du XXe siècle » (Seghers-
Philosophie). Paris, Seghers, 1974.

En moins de cent pages, — le reste de l'ouvrage est fait de textes
choisis par Garaudy lui-même — , l'auteur a pu esquisser une
remarquable évocation du célèbre philosophe français. Après avoir indiqué
les diverses influences qui pesèrent sur l'élaboration de la pensée de
Garaudy, — en même temps que l'originalité de celui-ci vis-à-vis de
chacune — , il développe sa présentation en trois chapitres (I.
Subjectivité et création artistique; II. Transcendance et révolution;
III. Dialectique de l'histoire et modèles du socialisme), montrant à
merveille comment le philosophe s'efforce d'articuler subjectivité et
transcendance, sans verser dans l'irrationalisme (existentialiste ou
chrétien), mais en construisant «une théorie de la subjectivité qui ne
soit pas subjectiviste et... une théorie de la transcendance qui ne soit
pas aliénée » (pp. 27 et 52). La transcendance, pour Garaudy, devient
dimension de l'homme : dimension particulièrement évidente dans
l'art, qui explore et construit les possibles nouveaux de l'homme et
rend visible l'univers invisible du possible (p. 40) — et quand il s'agit
de l'homme, répète Garaudy, le possible fait partie du réel (p. 63) — .
Philosophie contemporaine 715
D'où la grande importance de l'esthétique pour un philosophe
marxiste, s'il est vrai que le point de départ du marxisme, comme
son point d'arrivée, c'est l'acte créateur de l'homme (p. 37). Ceci
explique pourquoi Garaudy (qui fut l'élève de Jean Nabert) évoque
volontiers l'influence, trop négligée à ses yeux, de la philosophie
fichtéenne de l'acte sur la formation du marxisme.
On sait l'admirable volonté qui anime Roger Garaudy. Cela le
conduit peut-être à tendre au-delà du supportable (pour l'orthodoxie,
tout au moins) certains thèmes marxistes. Voir, par exemple, les pages
sur la «conscience-reflet», où le penseur communiste estime que le
travail est acte de transformation de la nature et de soi-même, mais
précédé de la conscience de ses fins (p. 152); et que la conscience du
but précède le travail accompli (p. 94). Voir encore les réflexions
émouvantes qu'il consacre à l'amour, la mort, la religion, en tâchant
de respecter l'esprit et la lettre de Marx.
L'ouvrage se termine par une précieuse biographie, qui met en
lumière le lien unissant vie et pensée chez le philosophe, et une
bibliographie reprenant les écrits de Garaudy et les études
consacrées à son oeuvre, y compris les travaux en cours.

Jacques Baufay



24 juin 2019

"Lénine", par Roger Garaudy

Revue Philosophique de Louvain
Roger Garaudy, Lénine
Joëlle van Drooghenbroeck
 In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 71, n°11, 1973. pp. 608-609;

Roger Garaudy, « Lénine » (Coll. S.U.P. « Philosophes»).  Paris, Presses univ. de France, 1968.

Ce petit ouvrage, qui comporte à la fois une présentation de la biographie, un exposé de la philosophie et un choix de textes de Lénine, développe la thèse suivant laquelle Lénine allie les qualités de militant politique et celles de philosophe, convaincu qu'il était de ce qu'une sous-estimation du théorique ou du pratique produirait soit le règne absurde d'une spontanéité aveugle, soit la contemplation stérile d'une histoire écrite. Cette thèse est condensée dans cette phrase : « ce qui caractérise fondamentalement l'oeuvre de Lénine, qui est indivisiblement politique et philosophique (et l'auteur indique clairement les étapes de ce propos), c'est d'avoir débloqué la dialectique vivante de l'histoire proprement humaine, enrayée par les régimes d'oppression qui font de milliers de travailleurs non les sujets actifs mais les objets passifs de l'histoire » (p. 65).
D'un accès aisé, cette étude n'en a pas moins des mérites techniques
incontestables. Elle joint heureusement la synthèse à l'analyse soigneuse
des articulations de la démarche de Lénine.

Joëlle van Drooghenbroeck

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Lire ici de larges extraits du "Lénine" de Roger Garaudy:
https://rogergaraudy.blogspot.com/search?q=Lénine

23 juin 2019

Le christianisme primitif comme "paradigme": évolution d'une problématique (d'Engels à Garaudy), par Raymond Winling (1981)

Revue des Sciences Religieuses
 (extrait)

Résumé
Des penseurs marxistes contemporains comme E. Bloch, M. Machovec, Kolakoswki, Garaudy, opèrent un changement de perspective et cherchent à comprendre le christianisme primitif non plus tellement à travers l'expérience de la première communauté de Jérusalem qu'à travers le comportement et l'enseigne ment de Jésus. Sous ce rapport ils prennent en considération les acquis de l'exégèse récente. En même temps ils procèdent à une réévaluation du fait chrétien et s'efforcent d'en dégager les aspects positifs, la charge subversive et la valeur d'anticipation
 Revue des Sciences Religieuses, tome 55, fascicule 4, 1981. pp. 264-271;
doi : https://doi.org/10.3406/rscir.1981.2929

20 juin 2019

Principes d'une politique

© Droits réservés. Reproduction autorisée avec mention de l'auteur et du lien vers l'article

Si on refuse l’exploitation/aliénation de l’Homme sous le Capital, et la destruction des communautés, l’individualisme de jungle, et le mode de croissance mortifère pour l’homme et la nature, qui en résultent ;
Si on refuse aussi de céder aux «pestes émotionnelles - nationalisme, fascisme, stalinisme, intégrismes » (Raoul Vaneigem);
Si on admet enfin  avec Rousseau que  l
’inégalité des fortunes et l’absence d’une foi en des valeurs absolues - qui fassent aimer à chacun son devoir humain plutôt que son intérêt personnel - sont les deux obstacles à une véritable démocratie;
 4 principes peuvent être énoncés pour une pratique politique transformatrice/révolutionnaire.
 1 - Principe de base, qui n’a rien de nouveau, comme les suivants, mais prend avec la phase actuelle de la mondialisation du Capital et la révolution cybernétique une importance à la fois symbolique et pratique : agir en tout en intégrant la dimension planétaire des problèmes, de leurs solutions, et des luttes pour faire gagner parmi ces solutions les émancipatrices contre les régressives (les «pestes»). Il n’y a pas plusieurs mondes dont l’un – le monde occidental – devrait être «défendu» contre les autres. Contre les tenants du «choc des civilisations», soutenir que le monde est un, que ce monde un est à transformer, et que chaque communauté ne pourra agir qu’en se sentant  partie libre, et reconnue comme telle par les autres parties, de ce UN.
 2 - Substituer à la propriété privée des moyens de production et d’échange, dans laquelle trouvent sa source l’exploitation du travail, l’aliénation des hommes et le pouvoir d’Etat (au service de la classe propriétaire), une «association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous». La propriété n'a de légitimité que  si elle est fondée sur le travail vivant et  concourt au développement de tous. Nous retrouvons ainsi la voie montrée par Marx aux communistes : «Dans tous [les] mouvements, ils mettent en avant la question de la propriété  [comme] la question fondamentale». 
3 -  A partir de là, et compte tenu du fait que la propriété collective, bien que nécessaire, n’est pas suffisante pour émanciper les hommes, chercher à créer les conditions d’une politique exercée à partir de la base, c’est-à-dire dégagée des contraintes de la centralité du pouvoir, réification de toute révolution. Le parti prolétaire moderne - «parti» au sens historique du mot - a à prendre en charge l’animation des formes nouvelles du pouvoir politique, structuré de bas en haut à partir des «conseils»: autodétermination des buts de chaque communauté et autogestion des moyens.
4 - Se dégager de la conception statistique, comptable, de la politique – les fameuses «majorités» et «minorités» - pour chercher au contraire à créer dans la société une «atmosphère d’UNanimité, en quoi finalement consiste, selon Teilhard de Chardin, l’ultime et fuyante essence de la Démocratie», ou l’intérêt général de Rousseau - l’union des forces du travail, de la jeunesse et de la culture.  

Ou bien l’inconscience de l’anarchie d’une guerre de tous contre tous, qui conduit à la «ruine commune»des classes en lutte ou à la victoire de l’une des «pestes»; ou bien la prise de conscience de la primauté du TOUT pour sauver l’espérance et la vie. Passer, selon les mots de Roger Garaudy, de l’individualisme à la communauté, du positivisme à la foi en des valeurs supérieures, du particularisme à l’universalisme.  Et donc «la transformation révolutionnaire de la société tout entière » (Marx).
A.R

15 juin 2019

D'Amman à Riad, via Washington et Tel-Aviv

La résistance des palestiniens et leurs enfants n'ayant d'autres armes que des pierres contre les blindés et les armes automatiques de l'armée israélienne, est née après la dernière session de la Ligue Arabe à Amman.
Pour la première fois depuis 40 ans l'oppression du peuple palestinien n'y était plus considérée comme le problème majeur. Le peuple palestinien, devant cet abandon, a pris conscience qu'il ne mettrait fin à l'occupation étrangère qu'en ne comptant que sur lui-même, fût-ce avec des pierres.
Il importe que l'on sache sous quelle pression s'est produit le revirement d' Amman qui constitue un alignement total sur la politique américaine: ne condamner l'occupation israélienne qu'en paroles , et concentrer tous les efforts contre l'Iran.
Le rôle déterminant est joué par le deuxième agent des Etats-Unis au Proche-Orient, après Israël: l'Arabie Saoudite.
Les espoirs américains, après la chute du Shah, se sont reportés sur le roi Fahd pour accomplir les mêmes fonctions.
L'analogie est saisissante: les "placements" saoudiens aux Etats-Unis, comme autrefois ceux du Shah, dépassent les 172 milliards de dollars, dont une grande partie en "Bons du Trésor" directement à la disposition de l’armement des Etats-Unis et d'Israël.
Ces "placements" servent de "caution" pour assurer la docilité du vassal (comme autrefois le blocage des fonds du Shah lors de la révolution iranienne).
La C.I.A veille sur l e secret de ces Investissements.
L'ancien dirigeant de la C.I.A., Casey, dans ses Mémoires, se vante d'avoir obtenu du roi Fahd 200 millions de dollars en 1984 et 240 millions en 1985.
Un exemple typique de cette vigilance de la CIA est la saisie, par ses agents, de tous les enregistrements des séances consacrées à 1'Arabie Saoudite par la sous-commission de la Chambre des représentants chargée d'investigations sur les investissements étrangers le 6 mai 1982.
Le 17 février 1982 le Président Reagan avait adressé personnellement une lettre aux membres du Congrès leur expliquant la nécessité de ce secret.
Cette connivence permet à des Compagnies américaines notamment la Bechtel Corporation, qui compte deux anciens dirigeants de la CIA dans son Etat-Major, d'être le bras des Etats-Unis au Moyen -Orient.
Dans cette colonie, l' armée américaine a ses bases, et elle est assez assurée de sa soumission pour lui livrer les armes les plus sophistiquées: depuis les AWACS, qui ont coûté 8 milliards et demi (sans compter les "pots de vin") et qui permettent à l'armée américaine de contrôler tous les mouvements dans le Golfe, jusqu'aux "stingers" (missiles portatifs à bras).
Le budget de l'armée de répression représente 30% du budget de 1'Arabie Saoudite(le deuxième pays au monde, après les Etats-Unis, pour les dépenses militaires par tête d'habitant).Bien entendu ces armements ne sont livrés qu'à la condition de ne servir que contre d'autres pays musulmans. (C'est pourquoi le gouvernement d' Israël ne proteste que pour la forme et laisse passer, bien qu'il ait le pouvoir, par son "lobby"f de bloquer tous les votes.)
La force de répression saoudienne, la "Garde nationale", a été dressée par les instructeurs de la "Vinnel corporation" des Etats-Unis. En décembre 1979, furent appelés les gendarmes français du trop fameux capitaine Barril. Le 1er août 1987 le général allemand Ulrich Wegener (technicien de la répression) est désigné comme organisateur des forces de répression saoudiennes.
Telles sont les causes profondes des décisions d' Amman, abandonnant les Palestiniens, et désignant l'Iran comme cible, et aussi des massacres de la Mecque d'août 1987.
Le problème se pose pour le prochain pèlerinage en juillet 1988. L'Iman Khomeiny a déjà annoncé la venue de 170000 pèlerins iraniens, et une manifestation de "contestation des dieux païens" à la Mecque, où, en dehors de formes extérieures, le seul culte réel des dirigeants est celui du Veau d'Or.
Nous l’avons dit, et nous le répétons: les dirigeants saoudiens, faisant appel aux maîtres de la répression des Etats-Unis, de France, ou d’Allemagne, pour faire régner leur "ordre" à  La Mecque, sont moralement indignes et politiquement incapables d'assurer la sécurité des Lieux Saints .
En utilisant la foi sincère des multitudes pour des fins politiques, les rois protégés de Reagan peuvent créer une nouvelle barrière de sang entre musulmans.
Dans le "Monde" du 4 février, le Prince Talal, avançait des paroles de sagesse: "le conflit isrélo-arabe est notre problème central" disait-il, et les arabes doivent encourager les israéliens partisans de la Paix, pour négocier un accord donnant à chacun une patrie. Il ajoutait: "Nous devons trouver un moyen de parler avec l'Iran."
Il appartient à tous les musulmans d'empêcher de nouveaux massacres dont seuls peuvent se réjouir les dirigeants américains .
Il leur appartient de montrer ce qu'est un Islam à visage humain et divin,- qui n'a rien à voir avec celui des vassaux saoudiens de Reagan-le visage qu'en révèle le Coran: celui d’ Abraham, de Moïse, de Jésus, et de Mohammed parachevant leur message.



Roger Garaudy
Inédit, 1988

[Archives personnelles de RG]

10 juin 2019

Entre hommes libres...



Dans le deuxième extrait l'auteur évoque le livre de R. Garaudy "Mon tour du monde en solitaire", il s'agit en réalité de "Mon tour du siècle en solitaire", mais il n' y a pas vraiment contradiction ! On trouvera ci-dessous le tapuscrit intégral de la lettre à laquelle Jean Michel BARRAULT fait allusion dans le premier extrait:

08 juin 2019

"Ce que la vie signifie pour moi..."

Je découvris que je n'aimais pas vivre à l'étage du salon de la société. Intellectuellement, je m'y ennuyais. Moralement et spirituellement, cela me rendait malade. Je me rappelai mes intellectuels et mes idéalistes, mes prédicateurs défroqués, mes professeurs brisés, et les ouvriers avec leur esprit propre et leur conscience de classe. Je me rappelai mes jours et mes nuits sous la lumière du soleil et des étoiles, là où la vie tout entière était une merveille sauvage et douce, un paradis spirituel d'aventure généreuse et de roman éthique. Et j'aperçus devant moi, toujours brûlant et flamboyant, le Saint-Graal.

Ainsi, je suis retourné à la classe ouvrière dans laquelle je suis né et à laquelle j'appartiens. Je n'ai plus envie de monter. L'imposant édifice de la société qui se dresse au-dessus de ma tête ne recèle plus aucun délice à mes yeux. Ce sont les fondations de l'édifice qui m'intéressent. Là, je suis content de travailler, la barre à mine à la main, épaule contre épaule avec les intellectuels, les idéalistes et les ouvriers qui ont une conscience de classe - et nous donnons de temps en temps un bon coup de cette barre à mine pour ébranler tout l'édifice. Un jour, lorsque nous aurons un peu plus de bras et de barres à mine, nous le renverserons, lui et toute sa pourriture et ses morts non enterrés, son monstrueux égoïsme et son matérialisme abruti. Puis nous nettoierons la cave et construirons une nouvelle habitation pour l'humanité. Là, il n'y aura pas de salon, toutes les pièces seront lumineuses et aérées, et l'air qu'on y respirera sera propre, noble et vivant.

Telle est ma vision. J'aspire à un temps où l'homme aura une perspective plus haute et plus vaste que son ventre. Un temps où l'homme sera poussé par un stimulant plus intéressant que le stimulant d'aujourd'hui, qui est celui de son ventre. Je conserve ma foi en la noblesse et l'excellence de l'être humain. Je crois que la douceur spirituelle et la générosité finiront par avoir raison de la grossière gloutonnerie actuelle. Et, pour conclure, ma foi va à la classe ouvrière.

Jack London
Newton, Iowa ,Novembre 1905
dans  Ce que la vie signifie pour moi
Editions du Sonneur, 2011, p 34-35

Traduit de l’américain par Moea Durieux

03 juin 2019

L'islamisme est une maladie de l'islam, par Roger Garaudy

L'islamisme est une maladie de
l'Islam. Et cette épidémie se présente
sous des formes très diverses.
Je voudrais donc en rappeler la principale
source, celle d'ailleurs, dont on
parle d'ordinaire le moins. Elle en est
pourtant le modèle idéologique par ses
interprétations les plus étroites de la
"tradition", et sa lecture la plus littérale
et la plus formaliste du Coran. Elle en
est l'aliment économique de loin le plus
important.