31 août 2010

Décadence

Interview de Roger Garaudy,  par Michel Lafarge dans l'Humanité du 2 novembre 1993.

Roger Garaudy, j’imagine que lorsque vous décidez d’écrire un livre c’est toujours dans l’urgence du débat d’idées qu’il faut mener. Pour cet ouvrage (1), quelles ont été vos préoccupations essentielles ?.

Ce n’est pas seulement le souci du débat d’idées mais celui de trouver une issue aux dérives dans lesquelles le monde actuel est engagé. Nous avons affaire à une période de décadence. J’ai essayé de définir les critères de celle-ci. Ce n’est pas une notion sentimentale, voire de répulsion. Les critères objectifs sont au moins au nombre de deux.
Premièrement, une inégalité croissante qui introduit un déséquilibre dans le monde. Reprenons les statistiques les plus irrécusables : 80% des ressources de la planète sont contrôlées et consommées par 20% de la population. Ce fait a pour conséquence - ce sont les chiffres de la FAO et des Nations unies - que 25 millions d’êtres humains meurent chaque année de malnutrition et de faim. Autrement dit, le modèle de croissance de l’Occident coûte au tiers-monde l’équivalent en morts d’un Hiroshima par jour. A mon avis, c’est là le point de départ aujourd’hui de toute réflexion. Cela ne se corrige pas mais au contraire s’aggrave. Par exemple, entre 1980 et 1990, le niveau de vie de l’Amérique latine a diminué de 15% et de 20% pour l’Afrique. Par conséquent, parler de peuples en voie de développement est une imposture. Ils sont en voie de sous-développement. Si on chargeait un navire de cette façon comme on charge aujourd’hui le vaisseau Terre, avec 4/5 de la charge d’un côté et 1/5 de l’autre, le bateau coulerait. Voilà la première considération qui m’a amené à réfléchir, pas seulement sur tel ou tel problème particulier, mais sur celui plus général du choix des finalités dernières de notre action, de notre politique, de notre façon de gérer le monde. Or, ce choix, traditionnellement, était l’affaire des religions quelles qu’elles soient. J’ai intitulé cela « Avons-nous besoin de Dieu ? », puisque dire Dieu c’est d’abord dire la vie a un sens.
Deuxièmement, le critère de la décadence, c’est une primauté absolue de la spéculation sur le travail. Les chiffres de la Banque des règlements internationaux montrent que les flux financiers étaient en 1990 de 490 milliards de dollars chaque jour, soit trente-quatre fois plus que ne représente l’économie réelle, c’est-à-dire une production et une distribution de produits et de services. La spéculation - l’argent gagné sans travail - représente aujourd’hui au moins quarante fois plus. C’est un renforcement encore de ces inégalités. Il ne s’agit pas seulement d’inégalités à l’intérieur du tiers-monde mais aussi à l’intérieur des pays développés, les fameux G7 (les sept pays les plus industrialisés). M. Clinton déclare que 1% des citoyens des Etats-Unis contrôlent et disposent de 70% de la richesse nationale. C’est étrange d’appeler un tel régime une démocratie. Voilà les deux raisons qui montrent que nous avons affaire à une décadence.

Vous faites un constat pessimiste sans issue de secours ?

Ce n’est pas seulement un constat mais une interrogation : comment allons-nous échapper à cette dérive de la mort ? Comment allons-nous faire pour que le bateau ne coule pas ? J’ai essayé de chercher dans l’Histoire des situations analogues. Je n’en ai trouvé qu’une, c’est la décadence romaine. Elle se caractérisait par une très grande inégalité des fortunes. Au temps de Néron, six propriétaires terriens possédaient la totalité des provinces d’Afrique de Rome. Une misère croissante : on comptait 300.000 personnes sans emploi à Rome. Cet empire romain possédait une puissance militaire économique écrasante, mais il n’était porteur d’aucun projet humain. Exactement comme aujourd’hui les Etats-Unis disposent d’un empire militaire et économique considérable, et exercent leur domination sur le monde. Ces inégalités de fortune entraînent aux Etats-Unis un record de la criminalité. Des chiffres provenant de la police de New York indiquent que toutes les quatre heures un homme est assassiné, que toutes les trois heures, une femmes est violée, et que toutes les trente secondes un attentat est commis. Et New York n’arrive qu’au 7e rang des villes américaines, pour la criminalité. Ajoutons à cela les chiffres de l’UNICEF : aux Etats-Unis, un enfant sur huit ne mange pas à sa faim ; 33 millions d’Américains vivent au-dessous du seuil de pauvreté, et 35 millions sont drogués. Parmi les jeunes assassinés dans les pays industrialisés sur dix assassinats, neuf se produisent aux Etats-Unis. Nous devons voir dans ces Etats-Unis l’avant-garde de cette décadence, même si on doit m’accuser d’anti-américanisme primaire. Et nous devons nous en prémunir dans tous les domaines. Les 1% dont parle M. Clinton, ce sont ceux qu’on héroïse avec « Dallas », avec « Santa Barbara », avec « Miami Vice »…

On touche ici aux problèmes de l’heure, à l’exception culturelle ?

Nous avons à nous défendre contre cette invasion spirituelle par le film américain. Nous devons soutenir nos cinéastes qui protestent avec juste raison. La part du marché français du film aux Etats-Unis est de 0,5% ; par contre, la part du marché américain dans le film français est de 60%. Pour la télévision, le déséquilibre est encore plus grand. Ce ne sont pas seulement dans les dossiers agricoles que les Etats-Unis préconisent le libre-échange partout et le protectionnisme chez eux. On torpille Airbus pour favoriser l’aéronautique américaine. Il en va de même pour l’informatique et l’acier. C’est une situation où nous sommes en passe de devenir une colonie américaine par l’intermédiaire de l’Europe. Le traité de Maastricht précise qu’elle sera le pallier européen de l’Alliance atlantique.

Ne nous éloignons-nous pas de la question que pose votre livre ?

Je rappelais l’analogie qui existe entre notre période et celle de la décadence romaine. A cette époque, une brèche s’est produite, c’est l’irruption de Jésus dans l’histoire. Que représentait-elle ? Une inversion radicale de l’idée de Dieu. Celle-ci a toujours été, lorsqu’il s’agissait d’un dieu extérieur souverain et tout-puissant, le meilleur allié de la soumission des hommes. Ces dieux souverains au-dessus de nous, dirigeant nos destins entièrement en dehors de nous - qu’il s’agisse du Zeus des Grecs, du Jupiter des Romains ou du Yahve de tradition juive - sont des dieux qui nous imposent un ordre et que nous devons respecter. C’est en ce sens que Marx avait tout à fait raison de dire : « La religion, c’est l’opium du peuple. »… Ce qu’apporte Jésus est une inversion précisément de cette idée. Voilà un homme qui, à vue humaine, a une vie qui est un ratage total. Il meurt du supplice le plus infamant de l’époque puisque c’était les esclaves que l’on crucifiait. Et voilà qu’on dit : « Ce vrai homme est le vrai Dieu. » Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est qu’à un moment donné de l’Histoire des hommes ont pu considérer que Dieu se révélait à travers le plus démuni et non pas à travers la toute-puissance d’un roi. Cette intériorisation de Dieu redonne à l’homme toute sa stature et toute sa responsabilité. C’est tout le contraire d’un opium du peuple ; c’est au contraire une exaltation de l’homme.

Quels sont donc les problèmes qui aujourd’hui nous appellent à notre responsabilité d’homme ?

Les grands maux de notre monde d’aujourd’hui sont la faim, le chômage et l’immigration. Ce sont un seul et même problème. Prenons l’exemple du chômage : quand on dit qu’il y a surproduction, elle est réelle, mais en fonction d’un certain marché, celui qui est solvable. Mais les 3/5 du monde ne le sont pas. Par conséquent, la seule solution, celle qui n’est malheureusement avancée par aucun des partis politiques , est de rendre solvable ceux qui ne le sont pas. Il faut établir des rapports radicalement nouveaux avec le tiers-monde en mettant fin aux échanges inégaux. La dette par laquelle il a été remboursé 4 à 5 fois les sommes de la prétendue aide n’en est pas une en réalité. L’annuler serait une réparation à l’égard de ces pays que le colonialisme a déstructurés. Les investissements : là encore, s’il faut les rembourser en dollars -et c’est la doctrine du FMI -, c’est un moyen d’écrasement. Les rembourser en monnaie du pays d’origine obligerait à réinvestir dans ceux-ci. On ne passerait pas ainsi par des gouvernements de collabos où cette aide ne profite qu’à de petites élites urbaines et occidentalisées. On s’adresserait en priorité aux communautés de base : les coopératives agricoles, les syndicats ouvriers, qui ont des projets au coup par coup. Voilà quelques aspects où se mêlent les problèmes de la plus haute spiritualité et de l’action politique. 

(1) Roger Garaudy, « Avons-nous besoin de Dieu ? ». Introduction de l’abbé Pierre. Editions Desclée de Brouwer. ( Au 31/08/2010, toujours en vente notamment sur
http://livre.fnac.com/a1032716/R-Garaudy-Avons-nous-besoin-de-dieu)
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Cet  article est repris sur le site du Comité Valmy: 
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article823

30 août 2010

Les mythes fondateurs de la politique américaine


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L'anti-américanisme n'est ni une forme de nationalisme ni de racisme ni d'aucune forme du refus de l'autre, d'un autre homme ou d'un autre peuple. Il est la lutte contre un système, contre une conception de l'homme et d'un mode de vie. Historiquement il est né dans un continent qui tente de l'imposer au monde par la puissance des oligarques politiques, financiers et militaires aujourd'hui à la tète des Etats-Unis. Ils ne peuvent d'ailleurs le faire qu'avec la complicité et la servilité des dirigeants d'un grand nombre de pays.
Pour être plus clair encore -pour ceux surtout qui voudraient confondre "anti-américanisme " et xénophobie- pour enlever au mot "américain ", qui désigne un mode de vie et une conception du monde, toute attache géographique ou ethnique avec ceux qui sont nées ou ont émigré en Amérique depuis 1620, avec le " Mayflover ", et qui y ont créé ce système à la fois colonial et racial (selon ses origines), dominateur et mercantile (selon son histoire), j'appelle "américain " tous ceux, dans le monde, qui veulent imposer au peuple ce "modèle ". Sa caractéristique principale est que la société toute entière est soumise aux exigences de l'économie et du marché et non l'économie et le marché au service de la société.

Affaire des "Mythes fondateurs de la politique israélienne": le droit de réponse de Roger Garaudy


Roger Garaudy (Juin 1996) [Samizdat, brochure de 38 pages]

Aucun "droit de réponse" (pourtant inscrit dans nos lois) ne m'a été accordé par les "médias" lorsqu'ils déversaient sur mon livre : "Les mythes fondateurs de la politique israélienne", les pires mensonges.
J'ai été muré dans le silence.
Seul l'Abbé Pierre osa élever sa grande voix.
L'État français, par ses lois limitant la liberté d'expression, et notamment "la loi Gayssot" restaurant le "délit d'opinion", aboli depuis Vichy, cesse d'être un État de droit. Cette loi rétablit, en effet, la discrimination pour qui ne se plie pas à la "pensée unique" et au culte des "tabous" du "politiquement correct" imposé par les dirigeants américains et leurs mercenaires occidentaux, surtout israéliens.
Voici, après ce silence imposé, la réponse au lobby de la "chasse aux sorcières", gardien des tabous.



Machination d'un lynchage
Pas un mot de réfutation sur la collaboration des dirigeants sionistes avec Hitler

Dans le torrent d'insultes qui déferla sur l'Abbé Pierre et sur moi, pas un argument ne fut produit pour réfuter les preuves que j'ai apportées à chaque accusation de mon livre contre la politique israélienne : par exemple, la collaboration des dirigeants sionistes, (devenus dirigeants d'Israël) avec les nazis, depuis les accords de la Haavara permettant aux milliardaires juifs de transférer leurs capitaux d'Allemagne en Palestine, puis la collaboration du Bétar sioniste portant l'uniforme hitlérien et le drapeau à l'étoile de David jusqu'en 1938 (pendant 5 ans sous le régime hitlérien), puis les propositions de collaboration, y compris militaire, faites par Itzaac Shamir aux autorités hitlériennes en 1941, jusqu'aux dernières tractations de "l'Agence juive" pour fournir 10.000 camions à Hitler sous la seule réserve que ces camions ne seraient utilisés que sur le front de l'Est, contre l'Union Soviétique, afin de réaliser une paix séparée avec les Etats-Unis et l'Angleterre, rêve des "alliés" de l'Ouest : utiliser Hitler pour écraser l'Union Soviétique.
(Voir les preuves de cette collaboration avec l'hitlérisme dans mon livre: "Les mythes fondateurs de la politique israélienne". (p. 65 à 90)

Pas un mot sur le terrorisme israélien

Pas un mot pour contester mon analyse du terrorisme d'État israélien depuis le massacre de 237 civils à Deir Yassin par les troupes de Begin, jusqu'à celui des Arabes en prière à Hébron par Baruch Goldstein en 1995, l'assassinat du Comte Bernadotte et de Lord Moyne, coupables de dénoncer à l'ONU cette terreur contre les Palestiniens chassés par centaines de milliers de leurs villages et leurs cimetières profanés et déracinés au bulldozer, l'agression contre le Canal de Suez préparée par Sharon et Pérès à Paris avec le Général Challe (futur dirigeant du coup d'État d'Alger), les massacres de milliers de civils libanais par Sharon en 1982, et sa responsabilité, avec le Général Rafael Eytan, dans les tueries de Sabra et de Chatila, l'occupation, après la "Guerre des Six jours" de ce qui restait de la Palestine, et aussi du Sud Liban et du Golan en Syrie considérant comme des "chiffons de papiers" les condamnations de ces occupations par les résolutions de l'ONU: la résolution 181 de 1947 stipulant le partage de la Palestine, la résolution 242 du 22 novembre 1967 exigeant "le retrait des forces israéliennes des territoires occupés" ; la résolution 338 du 22 octobre 1973 réitérant cette exigence après la guerre du Kippour; la résolution 425 condamnant l'occupation du Liban, comme celle (unanime) du 4 juillet 1967 sur l'annexion de Jérusalem. Le 12 mars 1991, dans une interview au "Monde" le Ministre français des affaires étrangères, M. Roland Dumas, écrivait : "le Conseil de sécurité a pris au total 197 résolutions touchant au problème israélo-arabe et 34 concernant les Palestiniens. Toutes ces résolutions sont restées lettre morte."
Dès la première, concernant le partage, Ben Gourion, la considérait comme un "chiffon de papier". Depuis 50 ans les dirigeants israéliens, quel que soit leur parti, se placent au dessus de la loi internationale.
Ils ne craignent même pas de rendre public leur projet de désintégration de tous les États arabes de la région comme ils le firent en 1982 dans la revue "Kivounim" (Voir p. 203 et 204 de mon livre "Les mythes fondateurs de la politique israélienne".)
Personne pour contester mon analyse du contrôle de la politique américaine par le "lobby" israélien et sur le financement de l'État d'Israël comme mandataire de la politique américaine au Proche-Orient.

Le "droit de réponse" bafoué

Pas même un essai de réfutation. Avec un cynisme naïf, Vidal-Naquet écrit dans le "Monde" du 4 avril 1996:
"Le jour où l'on accepte un de ces messieurs dans un débat public à la télévision ou dans un colloque d'historiens, ils ont gagné la partie. Ils sont considérés comme une école. Il faut le leur refuser absolument."
C'est au nom de ce "principe" que tout "droit de réponse" m'a été refusé, par tous les journaux qui ont raconté sur mon livre les mensonges les plus éhontés. Le "droit de réponse" est pourtant inscrit dans les lois. Et ceci de "La Croix" à "l'Humanité", en passant par le "Monde", "Libération" ou le "Journal du Dimanche".
De même, en aucune des 3 chaînes de télévision, ne me fut donnée la parole en direct, mais furent faits des montages caricaturaux, ne permettant jamais de répondre aux calomnies. Il est significatif qu'ils parlaient tous d'une même voix, celle d'un "Bréviaire de la haine" employant le même jargon pour m'accuser de "négationnisme", un mot qui n'existe dans aucun dictionnaire français, faute de pouvoir définir ce que l'on nie.
Comme si les mots d'ordre venaient de la même centrale du mensonge et de la haine, celle qui faisait dire au Général de GAULLE: "Il existe en France un puissant lobby israélien exerçant notamment son influence dans les milieux d'information."
En 1978 le Président du Congrès juif mondial, M. Nahum Goldman demande au Président Carter de "briser le lobby juif", qu'il considère comme une "force de destruction, obstacle à la paix au Moyen Orient."
Lors de la guerre du Golfe, M. Alain Peyrefitte, écrit dans le "Figaro" du 5 novembre 1990 :
"Deux puissants groupes de pression poussent au déclenchement du conflit :
1 - Le lobby juif jouant dans le système médiatique d'outre-atlantique un rôle essentiel;
2 - Le lobby des affaires (pour relancer l'économie par la guerre.)
"

La chasse aux sorcières

Pour me mettre au pilori le mot magique : "négationnisme" remplaça l'accusation désignant au Moyen Age ceux qui trafiquaient avec le diable et méritaient donc le bûcher: "sorcellerie".
Tout comme le mot "négationniste", celui de "Shoah" (qui, en hébreu, signifie: extermination), sort, lui aussi, des bréviaires de la haine: il fut popularisé par le film de Lanzmann, financé par Menahem Begin (l'auteur du "crime contre l'humanité" du massacre de centaines de civils à Deir Yassin) investissant 850 000 dollars pour ce "projet d'intérêt national".
La chasse aux sorcières commença donc sur ce thème dans "Le Monde" (qui, depuis qu'il fur tiré de ses difficultés financières par d'autres investisseurs, n'est plus le journal de Beuve-Méry ou de Jacques Fauvet).
Dès le 26 janvier 1996, il titre, dans sa rubrique des livres: "Roger Garaudy négationniste". La rumeur s'étend comme l'air de la calomnie du Barbier de Séville; elle occupe déjà un titre de 4 colonnes dans "Libération" du 31 janvier: "Roger Garaudy rejoint les négationnistes". Avec le temps l'enflure progresse: dans "Libération" du 8 mai 1996, le titre occupe toute la largeur d'une page : "de négationnisme, c'est du ressassement."
Même air obsessionnel sur toutes les gammes de la presse : de l'"Humanité" du 25 janvier 1996, plaignant hypocritement "un homme dont l'humanisme a marqué une époque " et devenant un "raciste", jusqu'a la "Croix" du 2 février 1996 s'attristant aussi du "naufrage suicidaire d'un homme qui aurait pu être le témoin d'une époque " et allant jusqu'"aux plus serviles délires de l'antisémitisme ."
Évidemment mon passé les gêne. Trois mois après avoir été décoré de la Croix de guerre comme soldat contre Hitler, je suis arrêté le 14 septembre 1940. Et, nous étant levés, contre le nazisme, avant le jour, à une époque où n'existaient pas encore de déportations en Allemagne, nous étions envoyés au Sahara. Je subis 33 mois de camp de concentration, en particulier avec le fondateur de la "LICA" (devenue LICRA) Bernard Lecache, avec qui je fais des cours sur les Prophètes d'Israël à nos compagnons athées. Au retour je reçois la Médaille de la déportation.
C'est ce que les gens de la LICRA appellent aujourd'hui un "néo-nazi" !

La lutte contre tous les intégrismes

Animateur des dialogues chrétiens-marxistes, puis chrétiens-musulmans, je lutte contre tous les intégrismes.
En 1970, je suis exclu du Parti Communiste (dont j'étais l'un des théoriciens et des dirigeants) pour avoir déclaré: "L'Union soviétique n'est pas un pays socialiste !"
Dans mes trois derniers livres, j'analyse, tour à tour l'intégrisme catholique romain dans mon livre : "Avons nous besoin de dieu ?" y écrivant, malgré la colère de certains, que Jésus ne peut fonder les théologies de la domination aujourd'hui régnantes.
Puis, dans "Grandeur et décadences de l'Islam" je dénonce "l'Islamisme maladie de l'Islam".
Enfin, dans "Les mythes fondateurs de la politique israélienne" j'analyse "l'hérésie sioniste", remplaçant le DIEU d'Israël par l'ETAT d'Israël, reniant ainsi, par un nationalisme tribal, la foi universaliste des grands prophètes juifs.
Mes critiques des intégrismes chrétiens et musulmans avaient naturellement soulevé des polémiques, ce qui est normal et même fécondant. Mais pour le dernier livre, je touchais à un tabou et, cette fois, faute d'arguments, on appelle la police.
Naturellement, toute la presse de province orchestre la rumeur. Elle passe les frontières car l'organisation sioniste a ses ramifications dans le monde entier: au Canada, le Congrès juif Mondial obtient de faire interdire mes conférences (portant d'ailleurs sur d'autres sujets. Mais c'est l'homme qu'il faut diaboliser!). En Suisse, le dirigeant de la "LICRA", M. Vodoz, demande aux tribunaux suisses de m'inculper.
La presse internationale répercute les mêmes calomnies que la presse française, exportées, par exemple, par Finkelkraut dans le "Corriere della Sera" en Italie et "El Mundo" en Espagne. Du "New York Times" aux Etats-Unis à la "Frankfurter Allgemeine Zeitung" en Allemagne, le même choeur chante la même chanson.

Le mot magique qui tue : "négationnisme"

"NEGATIONNISTE", négation de la "SHOAH" ! Le même vocabulaire supra-national sert à me "vouer à l'interdit", comme disait Josué.
Voyons donc ce que je "NIE".
1 - En aucun cas je ne nie les crimes du nazisme, ni la persécution raciste exercée par lui contre les juifs.
Ce qui est une atteinte à mon honneur, c'est de m'attribuer une "négation des crimes contre l'humanité". Mon livre ne cesse de dénoncer "le dessein monstrueux d'Hitler " (p. 62 et 251, sa "sauvagerie" (p. 97) ; ses "crimes immenses n'ont besoin d'aucun mensonge pour révéler leur atrocité " (p. 1354). Ayant décrit "les conditions horribles qui firent des dizaines de milliers de victimes ", je conclus:
"Tel fut le martyrologue des déportés juifs et slaves et la férocité des maîtres hitlériens les traitant en esclaves n'ayant même pas valeur humaine "(p. 257).
J'ajoute (p. 257): "Ces crimes ne peuvent être sous-estimés, ni les souffrances indicibles des victimes ."
"Sans aucun doute les juifs ont été l'une des cibles préférées d'Hitler en raison de sa théorie raciste de la supériorité de la race aryenne ."(p. 152)
Quand je rappelle les mensonges accueillis à Nuremberg:
-- 4 millions de morts à Auschwitz (selon le rapport soviétique) et les "révisions" successives des historiens.
-- 2 millions selon l'historien sioniste Poliakov dans son "Bréviaire de la haine";
-- 1 million 250 mille selon un autre historien sioniste, Raoul Hilberg (p. 160 de mon livre) et la conclusion de Bedarida, Directeur de l'Institut d'histoire du temps présent au CNRS, écrivant :
"Le chiffre de 4 millions, ne reposant sur aucune base sérieuse, ne pouvait être retenu. "
"Si l'on s'en rapporte aux statistiques les plus fiables, on aboutit à environ un million de morts Un total corroboré par l'ensemble des spécialistes puisqu'aujourd'hui ceux-ci s'accordent sur un nombre de victimes oscillant entre 950.000 et 1 million 200.000 ." (Le "Monde" du 23 juillet 1989).
Mon "révisionnisme", que mes détracteurs (dont aucun n'a lu mon livre) appellent "négationnisme" sans dire ce que je "nie", n'est donc que la reprise des "révisions" de "l'ensemble des spécialistes" (comme dit M. Bedarida) et qui a conduit, en 1994, à remplacer la plaque disant 4 millions (à Auschwitz) par une autre, disant: "un peu plus d'un million ."(p. 159). J'ajoute: "il ne s'agit pas d'établir une comptabilité macabre ".

L'assassinat d'un seul innocent, qu'il soit juif ou qu'il ne le soit pas, constitue déjà un crime contre l'humanité

(ce que je répète à la p. 257).
2 - Quant aux "chambres à gaz, j'ai dit avec clarté qu'aucun Tribunal, ni celui de Nuremberg, ni ceux qui l'ont suivi n'ont même pas cherché à examiner l'arme du crime. Des expertises existent : celle de l'ingénieur Leuchter, spécialiste aux États-Unis des chambres à gaz construites dans 6 États pour l'exécution des condamnés à mort. Ses investigations à Auschwitz-Birkenau l'ont conduit à des conclusions radicalement négatives.
"On aurait pu s'attendre à la détection d'un taux plus élevé de cyanure dans les échantillons prélevés dans les prétendues chambres à gaz (en raison de la plus grande quantité de gaz utilisé, d'après les sources, dans ces endroits) que dans l'échantillon de contrôle, prélevé dans les chambres de désinfection. Comme c'est le contraire qui est vrai, force est de conclure ( ) que ces installations n'étaient pas des chambres à gaz d'exécution ."
Fait à Malden (Massachusetts ) le 5 avril 1988
Fred A. Leuchter Jr. Ingénieur en chef.

Les contre-expertises de Cracovie, en 1990 et de Vienne n'ont pas apporté d'éléments nouveaux. N'étant pas moi-même chimiste ou biologiste, je ne puis décider. Je dis simplement, dans mon livre (p. 150), que je m'étonne que ces rapports n'aient pas fait l'objet d'une publication et d'un débat ouvert. La seule tentative de réfutation fut un livre de Pressac, subventionné par la Fondation Klarsfeld, auquel, curieusement, nul ne se réfère, même pas Pressac qui, dans son livre de 1993, ne cite même pas le rapport Leuchter au lieu d'en rappeler triomphalement sa "réfutation".
En ce qui concerne l'interprétation de la "solution finale" et des "chambres à gaz", mon livre pose clairement les problèmes.
1 - Selon la thèse officielle, Hitler aurait donné l'ordre d'extermination. Or, après le Colloque de la Sorbonne sur le "révisionnisme", en février 1982, Raymond Aron et Jacques Furet déclaraient à la Conférence de presse de la clôture: "Malgré les recherches les plus érudites, on n'a jamais pu trouver un ordre d'Hitler d'exterminer les juifs."
L'on nous dit ensuite que l'ordre a été donné à la Conférence de Wannsee le 20 janvier 1942. Dès 1992 Yehuda Bauer écrit dans le "Canadian Jewish News" du 30 janvier, que cette interprétation de Wannsee est stupide (silly).
Le dernier en date des pourfendeurs de révisionniste, Pressac, à la page 114 de son livre sur "Les Crématoires d'Auschwitz" note: "Conférence de Wannsee sur le refoulement des juifs vers l'Est".
S'agit-il de "langage codé" comme le suggère encore, après bien d'autres, faute de preuves, M. Nicolas Weill dans le "Monde" du 6 mai 1996 ?
Et voici que Pressac affirme que les entreprises de travaux publics ne recourent à aucun langage codé: "Il n'y a jamais eu de camouflage contrairement à ce que l'on dit. "(Cité par Laurent Greilsamer dans Le "Monde" du 26 et 27 septembre 1993).
Pressac, après avoir été salué comme un sauveur par les propagandistes de l'extermination, leur devient de plus en plus suspect: il détruit les interprétations "codées" de Wannsee, il met en cause les "témoignages", démentant par exemple le principal d'entre eux: Höss, commandant d'Auschwitz, et de surcroît Eichmann (p. 41 et 132).
Il contredit les interprétations dantesques sur les "Sondermassnahmen" (mesures spéciales) : "Ces termes n'ont pas de connotation criminelle comme on a pu le croire ." (p. 107)
Il ridiculise les chiffres avancés par Wellers sur les juifs hongrois passant à Auschwitz : "C'est manifestement inexact."(p.147).
S'agit-il d'un "révisionniste" repenti ou camouflé ?
Je m'en tiens donc, en attendant ce débat technique, à ce qui est clairement établi: le mot d'ordre odieux des nazis: "tous les juifs hors d'Europe ! ". L'exécution de ce plan, fut réalisée, dans un premier temps, en refoulant ces juifs vers l'Est dans des conditions d'inhumanité telles que des dizaines de milliers succombèrent. Enfin, car cela aussi est délibérément écrit et affirmé: la volonté, après la guerre et la victoire, de déporter tous les juifs européens dans une île d'Afrique (Madagascar fut évoquée après la défaite de la France).
Ce projet est déjà assez monstrueux et même les premières étapes de son exécution coûtèrent la vie à des centaines de milliers de juifs.
C'est toujours cet objectif : la déportation dans un ghetto africain, qui est envisagé comme "solution finale", et c'est pure barbarie.
Quant à "l'extermination", Hitler, pendant son règne absolu de 10 ans, dont 4 sur toute l'Europe, eut tout le temps pour la réaliser, et fort heureusement, malgré les incontestables massacres, la communauté juive, bien que décimée, est demeurée en Europe, parmi nous.

Alors qu'est-ce je nie ?

Ce que je nie, c'est le droit que s'arrogent les sionistes de minimiser les crimes d'Hitler en les réduisant à l'incontestable persécution des juifs. Sa volonté d'expansion a fait 50 millions de morts, dont 16 millions de Slaves, Russes ou Polonais, comme le rappelait à Miami le Pape JEAN PAUL II.
Ce que je nie, ce que je combats, c'est la volonté de ne retenir qu'une seule catégorie de victimes et de biaiser tout le langage pour masquer ce mépris des autres.
Cela conduit à une inversion du sens même de notre histoire, à la négation de la "résistance" des masses profondes de notre peuple, à la fois à l'occupation nazie et à la poignée de renégats et d'arrivistes collaborateurs de l'ennemi qui avaient été portés au pouvoir par l'invasion hitlérienne: lors des premières années de la Libération, "déporté" signifiait: résistant. Aujourd'hui, par détournement, "déporté" désignerait seulement les victimes juives.
Le massacre d'un grand nombre de juifs est incontestable, mais pourquoi l'appeler "génocide" ? Génocide signifie extermination ("Il ne restait aucun survivant" comme le dit le livre de Josué, racontant la conquête de Canaan). C'est incontestablement une vantardise puisque la majorité de la population cananéenne a survécu. Mais si, comme le prétend M. François Bedarida dans le "Monde" des 5 et 6 mai 1996, "l'invocation par Roger Garaudy du livre de Josué me paraît relever du parfait crétinisme intellectue l" [NOTE 1 : De ce langage nouveau Kouchner (l'histrion porteur d'un sac de riz médiatisé dans un port somalien) en a donné au "Monde" le ton, en me traitant de "salaud".] parce qu'il est "composé plusieurs siècles après les faits à partir de traditions passablement enjolivées ", M. Bedarida nous expliquera-t-il pourquoi la Bible distribuée à chacun des jeunes soldats israéliens, avec, depuis 1990, une préface du Grand begin garpamphlet html 3 Rabbin des armées, Gad Navon, "met l'accent sur le livre de Josué" et se caractérise par un extrême chauvinisme soulignant l'antagonisme entre les juifs et les autres peuples, allant jusqu'à représenter Abraham comme "le père de la nation juive " et "se dressant d'un côté, et le monde entier de l'autre ".
Voilà qui redonne à Josué une extrême actualité, d'autant plus qu'à cette Bible, transformée en manuel de nationalisme, où tout étranger est un "ennemi", est ajouté un Atlas où le jeune soldat peut trouver une carte de la terre complète d'Israël, incluant non seulement la Judée Samarie, mais aussi la Jordanie avec une exaltation du DIEU des armées qui donne la victoire sur les ennemis pour "renforcer l'esprit combatif des soldats ." (Source: Haaretz du 22 janvier 1996. Article de Yaron Ezrahi sur "La Préface chauvine de la Bible actuellement distribuée aux soldats israéliens ").
C'est dans le même esprit que, sans nier le moins du monde l'étendue et l'horreur du massacre des juifs et des autres opposants (trois millions et demi de prisonniers russes morts en captivité, dit M. Bedarida dans le même article du "Monde") je rejette cet "apartheid des morts" qui, sous le nom théologique d'Holocauste, rend le martyre des juifs irréductible à tout autre. Par son caractère sacrificiel il serait intégré à un projet divin, à la manière de la Crucifixion de Jésus dans la théologie chrétienne. (p. 156 de mon livre).
Or de telles discriminations sont inhérentes à la logique de l'hérésie du sionisme politique rompant avec l'universalisme grandiose des Prophètes de la foi juive.
La notion d'"État juif" selon le titre du livre du père fondateur de l'hérésie sioniste, comme du livre du Directeur de l'Institut de droit comparé de l'Université hébraïque de Jérusalem, le Professeur Klein, est incompatible avec toute démocratie véritable. La définition du juif est donnée par le Professeur Klein dans son livre : "Le caractère juif de l'État d'Israël" (Ed. Cujas. Paris 1977) telle qu'elle est formulée dans la "Loi du retour", texte fondamental de 1950. Article 4b : "Est considérée comme juive une personne née d'une mère juive ou convertie selon la halakah ."Critère racial et critère confessionnel. Tous les autres sont alors des citoyens de seconde zone.
Il ne peut pas exister de démocratie véritable dans un État introduisant, dans son principe même, une telle discrimination.
Pas plus d'ailleurs que dans un "État chrétien" où les juifs, les incroyants, les musulmans et même les non catholiques seraient des citoyens de seconde zone, voire des ennemis à détruire, comme le firent les chevaliers des Croisades (se livrant à des pogroms de juifs sur tout leur parcours vers la terre sainte, en attendant d'y massacrer les musulmans), ou créer des Saint Barthélémy ou des "dragonnades" contre les protestants, ou assimiler, aujourd'hui, tout immigré musulman à un terroriste en puissance.
Pas plus d'ailleurs qu'il ne peut y avoir de "démocratie" dans un "État islamique" où les chrétiens ne peuvent célébrer DIEU dans une Église ou un Temple, et les juifs dans une synagogue, et où leurs droits ne sont pas égaux à ceux de tous les autres membres de la nation.

Un seul but : bâillonner l'Abbé Pierre et Garaudy

Ne pouvant trouver dans mon livre aucune trace d'antisémitisme, ni de négation ou même de minimisation des crimes d'Hitler à l'égard des juifs comme de tous les opposants au régime, restait une ressource à mes accusateurs: la mise en cause de la justice du Tribunal de Nuremberg, tombant sous le coup de la loi Gayssot-Fabius.
Après m'avoir voué à la vindicte publique comme "négationniste" l'on tente de me faire taire en recourant à la police et à une loi de bâillon.
Il est vrai que le tribunal de la pensée unique est sujet à de brusques variations: le dimanche 28 avril 1996, le grand Rabbin Sitruk sur "Radio judaïque" estime utile de "réunir les historiens pour débattre de la Shoah ". L'Abbé Pierre avait conçu un espoir de dialogue vite déçu. Il dit à "Libération" du 2 mai 1996: "Le Grand Rabbin accepte ce que la LICRA refuse ".
Le lundi 30 avril, sur Europe 1, le Rabbin Sitruk déclare "qu'il ne peut y avoir de débat sur l'Holocauste " et que "les historiens ont apporté des preuves définitives ". [NOTE 2: Celui qui évoque ces propos, M. Max Clos, l'un des rares journalistes qui, même dans la critique, ait sauvegardé l'honneur de la profession, ajoute que "la notion de 'preuve définitive', quel que soit l'objet, est choquant pour l'esprit ces procédés ont été ceux de tous les régimes totalitaires, à commencer par ceux d'Hitler et de Staline ."]



C'est alors le cri de triomphe de mes poursuivants dans le hallali: "Roger Garaudy mis en examen pour contestation de crimes contre l'humanité", titre "Le Monde" du 27 avril 1996. L'"Humanité" sionisée exulte: l'inculpation de Garaudy s'appuie sur la loi Gayssot qui punit "la contestation de crimes contre l'humanité."
Le Président de la "LICRA", Pierre Aidenbaum a donné le ton dans son communiqué du 24 avril 1996: "Certains sous couvert d'un antisionisme, ne cachent plus leur véritable antisémitisme; cela a été jugé dans notre pays par les tribunaux."
Oui, M. Aidenbaum, cela a été jugé par les tribunaux et précisément pour condamner votre "LICRA" qui cherche à faire croire que le sionisme, qui est une politique, s'identifie avec le judaïsme, qui est une religion.
Je rappelle seulement la sentence rendue par le Tribunal de Grande Instance de Paris, le 24 mars 1983, (confirmée en Appel et par la Cour de Cassation) dans le procès qui avait été intenté par la "LICRA" contre le Père Lelong, le Pasteur Matthiot, Jacques Fauvet (Le Monde) et moi-même: "Considérant qu'il s'agit de la critique licite de la politique d'un État et de l'idéologie qui l'inspire et non de provocation raciale déboute la "LICRA" de toutes ses demandes, et la condamne aux dépens. "

Ce qui nourrit l'antisémitisme, ce n'est pas de dénoncer ces crimes mais de les commettre

.
Ma lutte contre la politique sioniste de l'État d'Israël qui est actuellement l'aliment principal de l'antisémitisme , fait partie intégrante de ma lutte incessante contre l'antisémitisme qui est un crime justement puni par la loi.

Le sionisme contre Israël.

Le pire ennemi de la foi juive prophétique, c'est la logique nationaliste, raciste, et colonialiste du sionisme tribal né du nationalisme, du racisme et du colonialisme de l'Europe du XIXe siècle. Cette logique, qui a inspiré tous les colonialismes de l'Occident comme toutes ses guerres opposant nationalisme à nationalisme, est une logique suicidaire.

Il n'y a d'avenir et de sécurité pour cet État, et de paix au Moyen Orient, que pour un Israël "désionisé", revenant à la foi abrahamique

qui est le patrimoine spirituel commun et fraternel des trois religions révélées : le judaïsme, le christianisme et l'Islam.
C'est pourquoi, après les immondices publiés dans le "Monde", par les Kouchner, les Vidal-Naquet et autres Bedarida, ou Weill, l'un des records de l'infamie est détenu par Claude Imbert qui, dans le "Point" du 4 mai 1996, compare mon livre au "Protocole des Sages de Sion" alors qu'à la page 249 j'analyse le mécanisme de la fabrication de ce faux ignoble (dont j'ai fait la réfutation détaillée dans un précédent ouvrage : "Palestine, terre des messages divins" (Ed. Albatros, 1986.p. 206 à 212).
Pour des calomnies de ce genre j'ai demandé "droit de réponse" au "Monde", à "Libération", au "Parisien", au "Journal du dimanche", à la "Croix", à l'"Humanité". Tous m'ont refusé ce droit pourtant reconnu par la loi.
Cela montre la puissance du lobby. En effet, ceux qui nient les "crimes contre l'humanité" sont précisément les journaux, les radios, les télévisions, quasi tous les "médias", dont aucun n'a osé qualifier de "crime contre l'humanité" les mitraillages d'ambulance portant des enfants blessés, le bombardement délibéré d'un camp de l'ONU et faisant plus de 100 morts civils, les pilonnages de Beyrouth et de toute la côte par l'aviation israélienne: pour eux il n'y a de "crime contre l'humanité" que lorsqu'il concerne des juifs.
Un rapport écrasant de l'ONU montre qu'il s'agissait d'une action criminelle délibérée, supervisée et contrôlée par hélicoptère. Tout cela est traité de "bavure" qui permettra de condamner un quelconque capitaine d'aviation pour "erreur de tir" et d'innocenter les vrais coupables: le gouvernement israélien et son Etat-Major militaire, comme on le fit à Sabra et Chatila dont le coupable principal: Ariel Sharon (reconnu même comme tel par la Commission d'enquête Kahn, pourtant bienveillante), fut aussitôt nommé Ministre chargé précisément d'implanter des "colonies" dans les territoires occupés (en dépit des condamnations par l'ONU de cette action contraire à la loi internationale).
Tout cela montre le rôle de diversion de ce lynchage médiatique de l'Abbé Pierre et de moi-même. Le jour du bombardement de Cana, le plus grand journal français titre en première page dans le même caractère que le crime de Cana:"La faute de l'Abbé Pierre " et non pas la réalité: "Le crime contre l'humanité de Shimon Pérès ".
Le jour où l'on reçoit à Paris, en grande pompe, ce criminel, et où le "Likoud de France" reçoit à Paris un autre criminel: le Général Rafael Eytan, (qui laissa sciemment se dérouler la tuerie de Sabra et Chatila, et qui est aujourd'hui le numéro 2 des candidats du Likoud), avec l'hymne au Messie, il y a de grands titres pour annoncer: "L'Abbé Pierre est exclu de la LICRA" pour son soutien à Garaudy.

Un lobby tout puissant aux États-Unis.

Une telle unanimité atteste à la fois l'existence et la puissance du lobby.
D'abord, parce qu'il est un organe de l'État d'Israël. Son statut figure dans la loi du 24 novembre 1952 sur "l'Organisation sioniste mondiale". Les articles 5 et 6 précisent ses attributions.
Article 5 : "l'État d'Israël compte sur la participation de tous les juifs et de toutes les organisations juives à l'édification de l'État"(Israel Government Yearbook. Jerusalem, 1953-54. p. 243.)
Aux Etats-Unis ce lobby puissant est officiellement accrédité au Capitole. C'est l'AIPAC (American Israeli Public Affairs Committee).
Les dirigeants sionistes, aux Etats-Unis, ne cachent pas leur rôle. Ben Gourion déclarait clairement au XXIIIe Congrès de l'Organisation sioniste mondiale: L'obligation collective de toutes les organisations sionistes de diverses nations d'aider l'État juif en toute circonstance est inconditionnelle, même si une telle attitude entre en contradiction avec les autorités de leurs nations respectives . "(Jerusalem Post du 17 aout 1952) (Voir mon livre p. 206).
Un exemple de cette puissance : lorsque le Président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, le Sénateur Fulbright, fit une enquête sur le lobby et qu'il la résuma à la chaine de télévision CBC du 7 octobre 1973, disant: "Les Israéliens contrôlent la politique du Congrès et du Sénat", aux élections suivantes il perdit son siège de Sénateur.

Un lobby tout puissant en France

En France cette pression n'est pas moindre mais moins tonitruante.
Par exemple, en Israël, le grand Rabbin Sitruk, déclare à Itzac Shamir (celui qui, en 1941, proposait son alliance à Hitler):
"Chaque juif français est un représentant d'Israël Soyez assuré que chaque juif en France, est un défenseur de ce que vous défendez ."(Le "Monde" du 12 juillet 1990), mais, à son retour en France, il ajoute : "sans pour autant songer à une double allégeance ."(Le "Monde" du 13 juillet 1990). On aurait pu s'y tromper !
Au cours de la dernière période, le 16 juillet 1995, sous la Présidence du même grand Rabbin, Chirac déclare: "La folie criminelle de l'occupant a été secondée par les Français et par l'État français ". Double reniement de l'attitude du Général de Gaulle.
Le Général de Gaulle refusait :
1 - toute légitimité aux "figurants" de Vichy qu'il n'a jamais considéré comme un État: "J'ai proclamé l'illégitimité d'un régime qui était à la discrétion de l'ennemi ."(Mémoires, I, p. 107)
"Il n'existe pas de gouvernement proprement français. "(I, p. 388) "Hitler a créé Vichy ."(I, p. 389).
Les dirigeants du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives en France) saluent avec enthousiasme ce reniement. Ils expriment une "intense satisfaction de voir reconnaître, par la plus haute autorité française, la continuité de l'État français entre 1940 et 1944." Tous les partis et toute la presse, du "Monde" à l'"Humanité", emboîtent le pas.
2 - De Gaulle n'a pas ce mépris pour le peuple de France: L'immense majorité du peuple français, loin d'accepter un régime imposé par la violence et la trahison voit dans l'autorité de la France Libre l'expression de ses voeux et de sa volonté ." (I, p. 394) et il ajoute la preuve: la levée du peuple de Paris: "Quatre années d'oppression n'avaient pu réduire l'âme de la capitale, la trahison n'était qu'une écume ignoble à la surface d'un corps resté sain. " (III, p. 442). "Fut-ce aux pires moments notre peuple n'a jamais renoncé à lui-même. " (III, p. 194)
Si Vichy était un État légitime, de Gaulle était un "déserteur" (comme le nommait Vichy) et nous, les Résistants, tous des traîtres et des "terroristes".
Dans l'épisode récent du lynchage de l'Abbé Pierre et de moi-même, cette puissance du lobby s'est affirmée non seulement dans l'alignement des médias, mais même de l'Église. Le 30 avril 1996, "l'Humanité" (!) nous apprend: "Le Président du "Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) Henri Hadjenberg a demandé hier que la hiérarchie de l'Église de France prenne position sur le livre négationniste de Roger Garaudy et le soutien de plus en plus net que lui apporte l'Abbé Pierre. "
L'Épiscopat s'incline aussitôt : Hadjenberg a prononcé son diktat le 29 avril. Aussitôt est publié le texte de l'épiscopat qui "déplore l'engagement de l'Abbé Pierre aux cotés de Roger Garaudy ."
Hadjenberg se dit satisfait de la position de l'Église de France qui a "marginalisé" lundi l'Abbé Pierre. Le même jour le Bureau de la "LICRA" exclut l'Abbé Pierre parce qu'il "maintient son soutien à Roger Garaudy ".

Le tabou de Nuremberg: une affaire Dreyfus à l'envers

Que reste-t-il de ce vacarme médiatique ?
C'est à dire qu'est-ce que j'ai nié dans ce qu'ils appellent, en leur jargon, "négationnisme" ?
Il suffit de lire le livre pour voir que je n'ai nié ni les crimes contre l'humanité commis par Hitler en raison de son racisme sanglant contre les juifs qu'il accuse à la fois d'être les auteurs de la Révolution d'Octobre (Il forge le terme de "judéo-bolchevisme"), et d'être les maîtres du capitalisme international. Double démagogie criminelle : la première pour se donner à l'égard des Occidentaux comme le rempart contre le communisme; la seconde à usage interne, pour racoler les masses populaires: Le Traité de Versailles lui avait pour cela donné des atouts majeurs en saignant à blanc l'Allemagne vaincue de 1918. Le grand économiste anglais Lord Keynes disait alors dans son livre "Les conséquences économiques de la paix" (1922): "Avec un tel traité vous aurez la guerre avant vingt ans ! "
Là aussi le Tribunal de Nuremberg dans sa désignation des "crimes contre la paix" n'a pas mis en accusation ceux qui ont ainsi facilité la montée d'Hitler en permettant à un bourreau des peuples de passer pour un sauveur de son peuple.


Ce que j'ai nié c'est que le Tribunal de Nuremberg puisse être considéré comme faisant jurisprudence et servir de critère de la vérité historique, alors que tant de révisions savantes avaient montré combien avaient été faussées ses délibérations et ses procédures. (Voir mon livre: p. 91 à 150)
Ma critique des "principes" de Nuremberg s'appuie en effet:

a

-- sur la définition même de ce procès, donnée, fort clairement, par son Président, le Procureur Général des Etats-Unis Robert Jackson à l'audience du 26 juillet 1946: "Les Alliés se trouvent encore techniquement en état de guerre avec l'Allemagne En tant que tribunal militaire, ce tribunal représente une continuation des efforts de guerre des nations alliées ."

b

-- sur les Statuts de ce Tribunal d'exception (élaborés à Londres le 8 août 1945 par les dirigeants américains, anglais, français et russes) et qui ne laissent aucun doute sur son "exemplarité juridique".
Le statut de ce tribunal est ainsi défini:
"

Article 19

: le Tribunal ne sera pas lié par les règles techniques relatives à l'administration des preuves."
"

Article 21

: Il considère également comme preuves authentiques les documents et rapports officiels des gouvernements alliés. "
C'est grâce à l'application de ces "principes", ou plutôt de cette absence de principes et de cette violation délibérée de toute la déontologie juridique, que, par exemple, le Procureur soviétique Rudenko a pu déclarer obligatoirement recevable le rapport sur le massacre de Katyn de 11.000 officiers polonais qu'il attribuait à l'armée allemande, alors qu'il fut prouvé que les coupables étaient les dirigeants soviétiques.
C'est ainsi également que l'on accepta sur parole le rapport des Soviétiques qui, ayant libéré le camp d'Auschwitz-Birkenau, ont donné le chiffre de 4 millions de morts dans ce camp, chiffres largement controversés depuis lors, comme nous l'avons vu.
A Nuremberg, je l'ai montré dans mon livre, à la différence des règles régissant tous les tribunaux, ne furent vérifiés ni les textes, ni les témoignages concernant "la solution finale", et ne fut pas expertisée l'arme du crime. (camions asphyxiants ou "chambres à gaz").
La sacralisation de ce tabou exigeait évidemment d'interdire toute recherche, d'étouffer toute expertise, et de diaboliser quiconque prétendait le mettre en cause.
Cela ressemble fort au procès du Capitaine Dreyfus où l'on considérait comme blasphématoire de mettre en cause les jugements d'un tribunal militaire ignoblement antisémite et d'une Église qui lui apportait sa caution par sa diabolisation non moins ignoble de l'ensemble des communautés juives qu'elle osait appeler "un peuple déicide."
La symétrie est saisissante : aujourd'hui, le lobby a pris le relais des États-majors militaires et religieux, non seulement pour lyncher les personnes (en l'occurrence l'Abbé Pierre et moi-même) qui osent briser les nouvelles idoles de la pensée unique et du "politiquement correct", mais mettre en accusation des peuples entiers, de nouveaux "peuples déicides" face au seul "peuple élu".

Un "bréviaire de la haine " 

Sont aujourd'hui repris les thèmes lancés, en 1942, par Theodor Kaufman: "Les Allemands, quels qu'ils soient, ne méritent pas de vivre " et indiquant les moyens pour qu'en 60 ans la race allemande soit totalement éliminée, confondant un peuple entier avec ses dirigeants criminels ("Germany must perish "), et les délires racistes, parallèles à ceux d'Hitler : Clifton Fadiman demandant en 1942 dans son hebdomadaire "New Yorker", "de susciter une haine ardente contre tous les Allemands et pas seulement contre les dirigeants nazis " car, disait-il, "l'actuelle agression nazie n'est pas l'oeuvre d'un groupe de gangsters, mais plutôt l'expression finale des plus profonds instincts du peuple allemand ".
En 1996, un produit américain de l'éducation sioniste (comme Ygal Amir, l'assassin de Rabin, ou de Baruch Goldstein, massacreur d'Hébron) un certain Daniel Jonah Goldhagen, inspiré par les mêmes "bréviaires de la haine", décrit les Allemands comme "une nation de tueurs" dans son livre intitulé: "Hitler's Willing Executioners " ("les dévoués bourreaux d'Hitler").
Une opération semblable, chez Bernard-Henri Levy qui, dans son livre "L'idéologie française", s'acharne, au prix des pires distorsions de l'histoire, à faire de tous les Français les créateurs, sous Vichy, d'un "fascisme à la française". Vichy serait le fruit de toute la culture française: "C'est toute la culture française qui témoigne de notre ancienneté dans l'abjection" (p. 61), et qui fait de la France "la patrie du national-socialisme" (p. 125)

Une lecture tribale de la Bible

Le sentiment de supériorité sioniste ressemble fort à l'exaltation de la pureté de la race aryenne, qui sert de justification à toute politique sanglante de domination.
Le Rabbin A. Cohen, dans son livre sur "le Talmud" (Ed. Payot. 1983) pourtant si scrupuleusement attentif à rechercher, dans la tradition talmudique, les moments universalistes, écrit, dès l'introduction de son livre (p. 19) pour excuser d'avance tous les passages discriminatoires: "Il fallait au juif une religion qui, non seulement le distinguât continuellement des païens, mais qui lui rappelât sans cesse à lui-même qu'il était un membre de la race juive ."
Ce qu'il appelle "une frontière de feu" "distinguant et séparant le juif de tous les autres ", il dit en trouver l'expression la plus forte chez Esdras. C'est, dit-il la semence dont procéda le Talmud . (p. 19)
Nous n'aborderons pas ici une discussion théologique mais nous rappellerons seulement l'interprétation politique et le sentiment de supériorité qui découle d'une lecture intégriste et littéraliste.
"On est d'autant plus homme que l'on est plus juif" écrit le Rabbin Eisenberg, qui dirige les émissions juives du dimanche sur Antenne II. (Source : Rabbin Eisenberg : "Une histoire des juifs " (CA L. 1970)
Thème repris par Elie Wiesel citant le Talmud, dans son livre : "Célébration talmudique " (Ed. du Seuil.1990):
"Le juif est plus proche de l'humanité que n'importe qui d'autre . "
Une telle prétention était la justification de tous les colonialismes anciens, et aujourd'hui de la politique annexionniste des dirigeants israéliens, de leurs occupations défiant la loi internationale, et de leurs agressions.

Cette lecture tribale

des textes sacrés, que ce soit par les extrémistes israéliens ou les "islamistes", ou les intégristes chrétiens, sont une source permanente de conflits et les traquer partout est notre tâche d'homme: celle qui vise à l'unité humaine et non à sa division.

Israël n'a d'avenir dans le concert fraternel des peuples que s'il est "désionisé", c'est à dire s'il devient fidèle à l'admirable foi juive de ses prophètes: celle qui ne vise pas à la conquête militaire nationaliste et colonialiste, mais au rayonnement du message divin sur la terre entière.

Je n'ai donc pas un mot à retoucher à mon livre qui est dans le droit fil de ma bataille pour l'homme depuis plus d'un demi siècle, changeant de communauté lorsqu'elle n'acceptait pas sa remise en cause, mais jamais de but : la défense de l'homme, et de tout homme, car chacun est habité par DIEU.

Une lecture prophétique : l'Abbé Pierre

C'est cela qui précisément nous unit d'amour fraternel avec l'Abbé Pierre à travers tout ce siècle et quelle que soit la différence de voies que nous avons suivies pour essayer d'accomplir la tâche divine de l'homme.
Cette fraternité n'implique aucun aveuglement. Lorsque nos divergences existaient, depuis la grève des mineurs de 1948 jusqu'à l'attitude à prendre à l'égard du Traité de Maestricht, nous avons confronté nos choix, sans complaisance, mais toujours en nous enrichissant de nos critiques réciproques comme il convient à un frère d'aider son frère à prendre le chemin de vérité.
C'est pourquoi les attaques perfides menées contre l'Abbé Pierre parce qu'il refusait de me désavouer déshonorent ceux qui ne savent pas ce qu'est le dialogue, fût-il conflictuel, et ce qu'est l'amour, la communion vers une vérité toute humaine, et donc toujours relative et humble, mais habitée de foi divine.
Qu'ils sont à plaindre ceux qui ont parlé "d'amitié aveugle", et plus encore, insultant le Père, de "gâtisme" sénile ou de "manipulation" par son entourage, ou d'"antisémitisme préconciliaire" !
Lorsqu'au début de cette "affaire" j'ai rencontré l'Abbé, je lui ai dit: "Tu sais, Pierre, combien j'admire ton action pour les exclus et surtout pour les sans-logis. Des millions de Palestiniens ont été chassés de leur maison par la terreur du sionisme, et des milliers de Libanais ont dû fuir sur les routes lors des agressions israéliennes. Ne crois-tu pas que leur défense est dans le prolongement de ton action pour les SDF (sans domicile fixe) de France ?"
L'inflexible prophète avait, à Gaza, demandé pardon aux Palestiniens, au nom des Occidentaux, de la spoliation de leurs terres et de leurs foyers (comme le lui reprochent la "Tribune juive" et les Kouchner) en ajoutant qu'aucun Arabe n'a été responsable des crimes d'Hitler ("chrétien apostat" disait l'Abbé Pierre.)
Il a, au cours du procès infâme et menteur qui m'était fait, dit que la violence annulait la promesse. Dénonçant la "politique suicidaire" des dirigeants israéliens il parlait le langage des Prophètes juifs, d'Amos à Michée criant: "Ecoutez-donc, dirigeants de la Maison d'Israël qui bâtissez Sion dans le sang et Jérusalem dans le crime. A cause de vous, Sion sera labourée comme un champ, Jérusalem deviendra un monceau de ruines. "(Michée, III, 1-12)
L'Abbé Pierre se refusa toujours à appeler "terre promise" une terre conquise, que ce soit par les légendaires exterminations sacrées de Josué à Jéricho ou à Hébron, ou par les trop réels massacres de Begin et de l'Irgoun à Deir Yassin en 1948, comme à Kafr Kassem en 1956, ou au Liban, de Sharon en 1982 à Pérès en 1996.
Alors fut lâchée contre lui la meute des apostats de la grande foi universaliste des Prophètes: Jacques Attali, Schwarzenberg, Kouchner, et les "grands prêtres", Sitruk et Kahn, qui le firent comparaître, comme Jésus devant le Sanhedrin, devant le nouveau tribunal de l'Inquisition, chargé de la police de la pensée: la "LICRA". Il refusa d'abjurer et fut exclus. Ce qui fut à son honneur, et la honte des pharisiens.
Il ne s'agissait nullement d'une querelle "religieuse" comme l'écrit le sophiste Jean Daniel dans un éditorial du "Nouvel Observateur" sur "les religions contre la paix ". C'est au contraire contre l'utilisation intégriste des religions à des fins politiques que l'Abbé Pierre et moi-même nous élevons: juifs, chrétiens et musulmans se reconnaissent un même "père des croyants" qui ne fut ni juif, ni chrétien, ni musulman, mais antérieur à tous, un "Araméen errant", annonçant l'Alliance de DIEU avec "toutes les familles de la terre", et c'est parce que nous sommes habités par ce même DIEU que l'Abbé Pierre, moi-même, et tous les hommes qui luttent pour l'unité humaine, résistent à toutes les tentations ou les tentatives d'accaparement de la promesse divine, qui est en nous et en tous, pour en faire l'instrument d'un nationalisme et d'un colonialisme sanglants.
Ce ne sont pas, comme le prétend Jean Daniel, les religions qui sont contre la paix, mais les hérésies nationalistes, dont les dirigeants d'Israël donnent un exemple saisissant, pour sacraliser une politique de spoliation, d'agression, de violations des lois internationales, selon le but qui leur était assigné par leur père spirituel : l'athée Herzl, dans son livre: "

L'État juif

": "Nous serons un bastion avancé de la civilisation occidentale contre la barbarie de l'Orient".

Abroger la loi Gayssot, loi totalitaire.

Il ne reste plus aujourd'hui à la police de la pensée qu'à nous inculper au nom d'une loi qui n'a pas seulement déshonoré le Parti "communiste" et le Parti "socialiste", qui l'ont patronnée, mais tous les partis politiques qui, après l'avoir combattue dans l'opposition, n'osent pas l'abroger lorsqu'ils sont au pouvoir, par peur du lobby.
Lors du débat du 2 mai 1990, à l'Assemblée nationale, (Journal officiel du 3 mai 1990) au cours duquel fut votée la "loi Gayssot" l'objectif de la loi était précisé: "Il s'agit d'instituer une nouvelle incrimination visant à réprimer ce que l'on appelle le "révisionnisme "."(J.O., p. 912) "Le révisionnisme, doit être sanctionné parce qu'il est vecteur d'antisémitisme ."(J.O., p. 956).
Le postulat caché de ce texte, c'est qu'il n'y a de "crime contre l'humanité" que lorsqu'il frappe des juifs. La séance se déroula sous haute surveillance. Un député remarqua (J.O., p. 905): "Nous assistons ce soir à une extraordinaire mise en scène. Durant nos débats nous voyons rarement autant de journalistes et de caméras de télévision. On veut essayer de démontrer que ceux qui voteront "contre" refusent de lutter contre le racisme ."
M. Toubon (aujourd'hui Ministre de la justice) précisa: "Ce n'est pas une loi contre le racisme, c'est une manipulation." (J.O., p. 929) et il ajouta: "La loi qu'ils vont voter répond uniquement à un coup médiatique."(J.O., p. 936).
Au profit de qui ?
Déjà, dans un article du 5 juillet 1983 de "Libération", M. Luc Rozenzweig écrivait: "La "LICRA" jouit d'un privilège inouï: la loi du 1er juillet 1972, qui réprime la discrimination raciale lui délègue le pouvoir de faire dire, avec une automaticité absolue, qui est antisémite et qui ne l'est pas. Seule elle juge de l'opportunité des poursuites et dirige, dans le cadre de la loi, le bras des juges réduits en la matière à jouer les notaires du registre de l'infamie ."
La loi "Gayssot" accroît encore ce pouvoir et M. Toubon précisa : "Cette proposition [à propos de l'article 7. R.G.] a été faite par la "LICRA" au cours des travaux de la Commission consultative des Droits de l'homme."(J.O., p. 948).
Ajoutons qu'aujourd'hui c'est précisément M. Kahn, grand maître de la "LICRA", qui est le Président de cette commission !
Ont voté contre la "loi Gayssot", Messieurs Chirac, Juppé, Seguin, les actuels Ministres de la Justice et de l'Intérieur (MM. Toubon et Debré) et 265 députés.
L'on peut se demander ce qui (ou qui ?) les empêche aujourd'hui d'abroger cette loi qu'ils ont alors si clairement dénoncée ?
Un grand juriste français, professeur de philosophie du droit à la Faculté d'Assas et membre de l'Institut, M. François Terré, écrit: "Ce texte d'esprit totalitaire a institué le délit pénal de négationnisme. Au juriste de veiller à la sauvegarde des libertés fondamentales auxquelles la loi Gayssot porte atteinte: la liberté d'opinion et d'expression Ce n'est pas devant les tribunaux que l'histoire doit trouver ses juges Alors, comment mettre obstacle à l'application de la loi Gayssot puisque ceux qui, avant sa promulgation, auraient pu la faire annuler par le Conseil Constitutionnel (Président de la République, Président de l'Assemblée Nationale et du Sénat, 60 députés, 60 sénateurs) n'en ont pas eu le courage ? " L'auteur propose de saisir la Cour européenne de Strasbourg pour en finir avec "le caractère détestable d'une loi qui rétablit le délit d'opinion"("Le Figaro" du 15 mai 1996)

Il est triste qu'il soit nécessaire de faire appel à une instance étrangère pour rappeler à la France ce qu'est un État de droit.

Dans le même numéro du journal un lecteur parle de "la dangereuse schizophrénie d'un pays où Salman Rushdie est un héros tandis que Roger Garaudy y est interdit d'expression et l'Abbé Pierre voué aux gémonies ."
Le Président de la "LICRA" en Suisse, le député Vodoz ayant demandé que me soit intenté un procès (en Suisse !), M. Georges André Chevallaz, ancien Président de la Confédération Helvétique, écrit: "En tant qu'historien je suis frappé par cet esprit de maccarthisme et de chasse aux sorcières, chaque fois qu'on touche à l'Holocauste " (Journal de Genève, du 2 mai 1996).
En France, lors du débat du 21 juin 1991, à l'Assemblée Nationale, sur la loi Gayssot, un député, M. Toubon, actuel Ministre de la Justice, proposait de la rejeter: "C'est, disait-il, une très grave erreur politique et juridique une loi de circonstances c'est glisser vers le délit d'opinion le principe consiste à fixer la vérité historique par la loi au lieu de la laisser dire par l'histoire cette loi, j'en suis sûr, ne sera jamais appliquée ."(Journal Officiel du 22 juin 1991, p. 3571)
Aujourd'hui encore un autre député invite à une réflexion sur "la vérité officielle qui fige l'histoire". Rappelant que la loi avait été votée au moment de l'affaire du cimetière de Carpentras, il explique sous le titre: "Une loi néfaste", les conditions du vote: "Une sorte de chantage implicite a été exercé sur les parlementaires: tout député qui n'aurait pas voté cette loi aurait été soupçonné de négationnisme Des groupes influents ont créé à l'époque un climat malsain "
"Il s'agit , ajoute-t-il, d'une loi qui instaurait une vérité officielle. Ce qui est digne des régimes totalitaires. Pas d'une démocratie. "(Le "Figaro" du vendredi 3 mai 1996)
Si l'on se souvient, comme le rappelle Max Clos dans son "Bloc Notes de la semaine", dans le même numéro, que "la loi Gayssot du 13 juillet 1990 fait un délit du "négationnisme", c'est à dire la contestation des crimes commis par les nazis contre les juifs " l'on devine quels étaient "les groupes influents" qui exerçaient "un chantage implicite" sur les parlementaires et pourquoi, aujourd'hui, ils n'ont pas eu le courage de la faire annuler, comme dit le Professeur Terré.
Nous savons désormais qui commande et qui télécommande les Présidents de la République (anciens ou nouveaux), les Assemblées, les Médias, les Partis comme les Églises, et combien il est difficile, à travers ces calomnies ou ces silences, d'aider des millions de Français de bonne foi à se libérer d'un demi-siècle de "lavage de cerveaux", masquant le rôle que joue le mensonge dans la stratégie de domination mondiale des États-Unis et de son gardien mercenaire des pétroles du Moyen-Orient par un projet de désintégration de tous les États de la région (dont le plan "Kivounim" n'est qu'une esquisse).
Mais, à contre-nuit, perce la vérité.
Les efforts pour nous faire taire seront vains. Il faudrait pour cela nous tuer. Le déferlement de haine contre nos écrits défigurés, véritables appels au meurtre, montre que certains y pensent, comme ils n'avaient trouvé que le bagne pour bâillonner DREYFUS. Mais ce serait une nouvelle preuve qu'ils ne peuvent contre nous trouver aucun autre argument.



ANNEXES


Lettre de l'Abbé Pierre à Roger Garaudy

Très cher Roger,
15 avril 1996
Tu sais les limites de mes forces. Elles diminuent chaque jour bien que beaucoup soient persuadés qu'elles sont grandes parce que ma voix est restée sonore et parce que dès que j'ai la conviction qu'un fait ou une question créent injustice et fausseté, je reprends des énergies, mais qui ne sont que bien brèves.

Pardon de tant parler de moi, mais c'est pour expliquer à toi et à tous ceux auxquels tu estimeras utile de faire connaître ma lettre, comment il se fait que j'ai tardé en dépit des contacts téléphoniques, à rendre publiques mes certitudes en ce qui te concerne, en ta personne que je connais depuis 50 ans et en ce qui concerne tes actes, des plus intimes à ceux ayant les plus grandes conséquences publiques.
Député communiste tu fus le premier interlocuteur avec qui il m'arriva que je me trouve avoir à débattre, et le souvenir m'en est resté inoubliable, parce que ce fut, je crois, fructueux et pour l'un et pour l'autre.



Ton livre le plus récent m'est parvenu alors que j'étais vraiment à bout de forces pour d'autres tâches pressantes. Je ne peux que trop peu lire, à 83 ans, de tout ce qui m'arrive, n'ayant guère que 2 heures le matin et 2 heures l'après-midi où je puisse vraiment travailler.



Sur cet écrasant drame millénaire qui ne cesse autour d'Israël, tu sais ma pensée mûrie depuis beaucoup d'années, et tu sais aussi que cette pensée s'étend bien au delà des seuls drames contemporains.

Nous avons eu déjà sur ce sujet de graves entretiens.
De ton nouveau livre il m'est impossible de parler avec tous les soins que réclament non seulement son sujet fondamental, mais aussi l'étonnante et éclatante érudition, scrupuleuse, sur laquelle chaque propos se fonde, comme j'ai pu le constater en le parcourant.
Autour de moi quelques personnes dont les exigences et la compétence sont grandes et qui l'ont entièrement lu me disaient l'importance de ce qu'elles en ont reçu.
Il faut tout faire, et je m'y emploie, pour que bientôt des historiens vrais, de la même passion du vrai qui est la tienne, s'attachent à en débattre avec toi.
Les insultes contre toi que j'ai pu connaître (jusque dans un quotidien que j'estime le plus pour son habituelle objectivité), qui t'ont accablé de toutes parts sont déshonorantes pour ceux qui, comme à la légère, t'en accablent.



Je veux en cette lettre m'efforcer de rendre publiques deux convictions : l'une, en peu de mots, concernant ta personne, et l'autre (sûrement encore, bien imparfaitement exprimée) porte sur ce que toute ma vie d'homme de foi et d'amour m'a conduit à concevoir de la succession de faits historiques sur lesquels je pense avec tristesse, que toute la foi, admirable (mais depuis tant de siècles repliée sur elle-même) de ce peuple, de mes frères, se limite, sans entendre qu'elle l'appelait à une mission d'une autre et noble grandeur.

La Providence m'a donné, en d'autres temps (qui me paraissent encore si proches) de pouvoir, au risque, volontairement accepté, de ma vie, venir au secours de ceux pour lesquels j'ai pu le faire. Du fait de cela je reste particulièrement sensible à tout ce qui, en les concernant, fait se répercuter tant de douleurs chez eux, et de partout à l'entour, et comme sans fin.


Sur toi et ta vie, peu de mots suffisent. Tu es un de ces hommes qui ne cessera jamais, jusqu'au face à face avec l'Infini Amour, d'être tourmenté d'une dévorante faim d'Absolu.

Je plains ceux qui sont si superficiels, ou pressés de trop d'autres "faits divers", qu'ils n'aient pas su respecter et aimer tes recherches, et la façon dont, (en toute ta vie) tu as voulu cueillir et rassembler tout Absolu, perçu fût-ce très parcellaire, en toutes les spiritualités entre lesquelles si sincèrement se partagent (et parfois égarées se combattent) les humains de toute la terre et de tous les siècles.



Ce n'est pas sans quelque douloureux tremblement et grande humilité que j'évoquerai l'autre de mes convictions relative à la portion juive de l'univers humain.

Tout a commencé, pour moi, dans le choc horrible qui m'a saisi lorsqu'après des années d'études théologiques, reprenant pour mon compte un peu d'études bibliques, j'ai découvert le livre de Josué. Déjà un trouble très grave m'avait saisi en voyant, peu avant, Moïse apportant des "Tables de la loi" qui enfin disaient: "Tu ne tueras pas , voyant le Veau d'or, ordonner le massacre de 3.000 gens de son peuple. Mais avec Josué je découvrais (certes contés des siècles après l'événement), comment se réalisa une véritable "Shoah" sur toute vie existant sur la "Terre promise".
A crié en moi : "Si je te promets ma voiture, et si toi, dans la nuit, tu viens tuer le gardien, forcer les portes et t'emparer de la voiture promise, que peut-il rester de la "Promesse" ? "
La violence ne détruit-elle pas tout fondement de la Promesse ? Certes, après, continuera à être, sans cesse, redite l'Alliance avec le peuple qui (pas unique semble-t-il mais unique en tant que peuple fortement constitué) a, dans sa conscience, la notion de l'Éternel Unique (certes pas encore connu pleinement comme ayant pour essence l'amour. Cette révélation je la vis avec Jésus. Jésus qui fondera la foi trinitaire : Deus caritas est.

Mais cette Alliance porte-t-elle encore sur ce coin du monde seulement (que l'on peut et doit encore appeler, non "terre promise", mais "terre sainte",
couverte de crimes mais aussi de saints prophètes ?)

Je ne puis plus concevoir promise par DIEU (même si on lui attribue l'ordre de massacrer (et n'est-ce pas outrager DIEU ?), seulement ce coin de terre pour ou contre lequel tant meurent aujourd'hui encore.
L'Alliance n'est-elle pas l'envoi en mission de tout Israël pour porter la foi qu'il a reçue à la terre entière !
La terre promise à tout croyant, (donc à tout Juif aussi.). Je ne puis me départir de cette pensée de porter à la terre entière la JOIE de connaître DIEU vrai.
Oh, que je voudrais être encore assez jeune pour entreprendre, avec des équipes fraternelles, l'accomplissement de la mission reçue d'abord en Israël puis en Jésus.
Je n'ignore pas que le repli d'Israël sur soi, sans missionnaire, est en partie dû à l'étrange retournement de l'histoire causé par Constantin après l'Edit de Milan et des néfastes conséquences qui accompagnèrent ses bienfaits.
Nous entendons dire une intention du Pape, en l'an 2.000 (sera-ce le même Pape ?) de confesser les fautes historiques qui ont accompagné le zèle des missions chrétiennes.
Puisse-t-il ne pas sous-estimer la part prise dans l'antisémitisme avec les mots "peuple déicide", ce qui est insensé car c'est pour tous les peuples, pour tous les humains que Jésus s'est offert en rançon?
De ce temps naquit, en place des martyres enfin interdits, la désastreuse coutume (pour suppléer à la décadence de l'empire) des structures de privilèges: princes-évêques, papes-roi en tous les sens, jusqu'aux plus abusifs, cette confusion entre spirituel et temporel.
Roger, de tout cela sûrement, tous deux vieillards, devons encore parler, et interroger de plus savant que moi.
Je t'en prie, retiens de ces lignes presque illisibles que nous lirons ensemble au téléphone, la force et la fidélité de mon affectueuse estime et de mon respect pour l'énorme travail de ton nouveau livre. Le confondre avec ce qui fut appelé "révisionnisme" est une imposture et véritable calomnie d'inconscients.
Je t'embrasse et t'assure que toi et les tiens me restez présents dans l'offrande de chaque jour du peu d'effort que je peux encore tenter.
Ton frère
Abbé Pierre


Le témoignage d'un Pasteur protestant

Le 11 mai 1996
Cher Abbé Pierre, cher Roger Garaudy,
Je suis triste pour le flot de haine et de mépris dont on vient de vous accabler. Et qui révèle les vrais sentiments que beaucoup portaient dans leur coeur. Pensez donc, pouvoir tenter de traîner dans la boue l'Abbé Pierre, cet homme dévoué, cela survalorise (à ces yeux) celui qui juge et qui condamne.
Et vous, Roger Garaudy, vous vous payez le luxe d'un beau doublet; incarner les deux phobies françaises, le communisme et l'Islam. On dirait que vous le faites exprès.
Vous aimez les juifs, vous l'avez prouvé, infiniment plus que tous les donneurs de leçons ? Mais voilà, vous aimez aussi les Palestiniens et les Arabes en général, musulmans en majorité et parfois chrétiens. Tous des frères Palestiniens ou Arabes, depuis tant de générations humiliés, colonisés, dépouillés, bastonnés à douze ans, emprisonnés, affamés. Et vous avez raison de les aimer et de vouloir pour eux la justice et la paix.
Personne n'a compris (et personne n'a expliqué non plus) que c'est à cause d'eux que vous vous êtes lancés dans l'entreprise folle qui consiste à essayer d'expliquer (à des ignorants et des gens qui ne veulent rien savoir) quelles ont été les conséquences de l'odieuse extermination des Juifs sur le sort des Palestiniens et des Arabes qui n'étaient pour rien dans les pogroms polonais ou russes, l'Affaire Dreyfus et les camps de concentration et d'extermination nazis. Et pourtant c'est eux qu'on a dépouillés. Ce qui est contesté ce n'est pas l'abjection et l'horreur des massacres antisémites, c'est l'usage qu'on en fait pour justifier la création et l'extension permanente de l'État d'Israël, et couvrir de folles injustices. Faire "d'Auschwitz" un argument politique pour soutenir Israël c'est s'exposer à ce que cet argument soit contesté. Et quand on refuse le ré-examen historique de la période nazie, quand on considère que l'étude du dossier est terminée, n'est-ce pas, en réalité, qu'on voudrait empêcher que la légitimité de l'État d'Israël soit remise en question et son comportement. Et pourtant, on ne peut rien contre l'Histoire. Un jour ou l'autre tout se sait.
J'aime que ce soit un historien Juif (pour qui j'ai un immense respect) qui ait écrit dans " les Temps Modernes", il y a trente ans, le merveilleux dossier sur "Israël, fait colonial ? ". A-t-il tort ou raison ? Et si c'est vrai que la colonisation de la Palestine a été élaborée par le mouvement sioniste, il y a cent ans, à l'apogée de tous les colonialismes, n'y a-t-il pas lieu de redouter que cette domination coloniale finira comme les autres ? Il vaudrait mieux y réfléchir que de lancer des anathèmes. ARAFAT n'a-t-il pas accepté de payer, pour la paix un prix très lourd. Et dans une certaine mesure les pacifistes israéliens aussi, Rabin compris ?
On appelle "négationnistes" les nazis d'aujourd'hui qui veulent réviser l'Histoire pour donner raison aux nazis d'hier. On ne me fera jamais croire (après lecture des déclarations de l'Abbé Pierre et du livre de R. Garaudy) que ces frères se sont convertis au nazisme.
C'est vite dit que la théologie de "l'Abbé Pierre est obsolète": j'en connais qui le sont davantage et qui feraient mieux d'être modestes.
Quant à vous deux, frères, les combats que vous menez, à l'âge que vous avez, pour conscientiser tous ceux qui ont besoin de l'être, forcent le respect et contribuent à l'espérance.
Pasteur Roger Parmentier


Le cri d'un déporté 
 
Gaulliste de 1940, ancien des Forces Françaises libres (FFL) j'ai été arrêté en octobre 1943 et déporté pendant 18 mois à Buchenwald puis dans l'enfer de Dora, où des milliers de déportés français ont laissé leur vie pour la fabrication des V1 et des V2 dans l'usine souterraine. Je suis revenu grand invalide.
Tout cela pour vous dire que nous avons partagé avec nos camarades juifs toutes les épreuves des camps.
Cela étant dit, je pose la question aux journalistes: de quel droit dénient-ils à d'anciens déportés le droit de contester certaines thèses érigées en postulats, non par des déportés juifs, mais par certains dirigeants sionistes ?
Dans quelle société vivons-nous, où l'on n'a pas le droit de critiquer, de quelque manière que ce soit les juifs, les Israéliens, les sionistes, sans être automatiquement taxé d'antisémitisme et de racisme ?
Que les journalistes sachent une chose: la très grande majorité des déportés dans les camps nazis n'ont pas été les juifs, bien que tous les médias aient accrédité la thèse que seuls les juifs ont été déportés et exterminés.

Qu'ils sachent aussi qu'il y a eu en France environ 250.000 déportés, dont près de 25.000 juifs français. Il en est revenu entre 80.000 et 100.000 dont environ 15.000 juifs.
Personne ne parle de tous les déportés non juifs. Pourquoi ? On parle d'Auschwitz à propos de la Shoah, mais on oublie de dire que rien que dans l'usine souterraine des Vl et des V 2 de Dora, plusieurs milliers de déportés français sont morts d'épuisement et de mauvais traitements. Dora aussi était un camp d'extermination par le travail et la faim.
Quant à Auschwitz, il est vrai qu'environ 800.000 juifs de toute l'Europe y ont péri à partir de fin 1943, mais il ne faut pas oublier que les premiers déportés exterminés furent près de 400.000 soldats soviétiques, auxquels il faut ajouter environ 150.000 Tziganes et de 500.000 à 600.000 Polonais et des déportés d'autres nationalités.
De cela non plus on ne parle nulle part. Alors pourquoi ne parler que du sacrifice des juifs et occulter le martyre des autres déportés ? Eux aussi ont droit à la mémoire
Garaudy, en tant qu'ancien déporté, ne dit pas autre choses lorsqu'il affirme qu'on a occulté la déportation des "non-juifs" et qu'il dénonce la manipulation des chiffres puisqu'au départ on parlait officiellement de 4 millions de juifs exterminés à Auschwitz et que l'on ramène maintenant ce chiffre à 1 million.

Est-ce être "révisionniste" ou "négationniste" ou même antisémite que d'affirmer cela ?

Dans les camps, il n'y a pas eu de monopole de certaines catégories. Nous étions tous sur un pied d'égalité devant la souffrance et la mort.

Nous ne pouvons pas accepter que la déportation soit actuellement monopolisée par certains et que des journalistes, qui n'ont connu ni la déportation ni la guerre, se permettent de soutenir une telle manipulation.

Gaston Pernot, Docteur en droit, Commandeur de la Légion d'honneur, Paris.
("Le Figaro" vendredi 3 mai 1996)




L'indignation d'un écrivain israélien: Ari Shavit*

Cana, 102 morts sans visage
Nous avons tué 170 personnes au Liban, pour la plupart des réfugiés, au cours du mois d'avril 1996. Nombre d'entre eux étaient des femmes, des vieillards, des enfants. Nous avons tué 9 civils, dont une enfant de 2 ans et un centenaire, à Sahmour, le 12 avril. Nous avons tué 11 civils, dont 7 enfants, à Nabatyeh, le 18 avril. Dans le camp de l'ONU, à Cana, nous avons tué 102 personnes. ( )
( ) Nous avons veillé à donner la mort de loin. D'une manière totalement séculière. Sans l'idée archaïque de péché, sans le souci antédiluvien de considérer tout homme à l'image de Dieu et sans l'interdit primitif du "Tu ne tueras point".
Notre alibi d'airain veut que nous ne soyons responsables de rien; que la responsabilité retombe sur le Hezbollah. Alibi plus que douteux: car dès lors que nous avons décidé de déclencher une attaque massive sur une région civile du Sud-Liban (alors même qu'lsraël ne courait aucun risque vital), nous avons décidé ipso facto de faire couler le sang d'un nombre X de civils innocents. Dès lors que nous avons décidé de chasser un demi-million de gens hors de leurs maisons et de bombarder ceux qui étaient restés en arrière (alors même qu'en Israël nous n'avions pas une seule victime civile), nous avons décidé en fait d'exécuter plusieurs dizaines d'entre eux. Ce qui nous a permis de prendre ces cruelles décisions sans même nous regarder comme des salauds. ( )
Nous les avons tués parce que le fossé entre le caractère sacro-saint de plus en plus étendu que nous attribuons à nos propres vies et celui de plus en plus restreint que nous reconnaissons à celle des autres nous a permis de les tuer. Nous croyons de la manière la plus absolue que, avec la Maison-Blanche, le Sénat, le Pentagone, le New-York Times à nos côtés, leurs vies ne pèsent pas du même poids que les nôtres. Nous sommes persuadés qu'avec Dimona [site atomique d'Israël], Yad Vashem et le musée de la Shoah entre nos mains nous revient en vérité le droit d'annoncer à 400.000 personnes d'avoir à évacuer, en huit heures, leurs demeures. Et que nous échoit le droit, au bout de ces huit heures, de considérer leurs maisons comme autant de cibles militaires. Et que nous est réservé le droit de faire pleuvoir 16.000 obus sur leurs villages et sur leurs populations. Que nous est réservé le droit de les tuer sans ressentir quelque culpabilité que ce soit.( )
Mais de tout cela il n'est rien qui puisse alléger la gravité du massacre à l'israélienne et notre responsabilité devant son exécution. Car il se perpètre en général dans des lieux où nous avons laissé libre cours à un usage immodéré de la violence.( )
Le tir sur Cana a été exécuté selon les règlements, les ordres et les objectifs de campagne de "Raisins de la colère", il y avait quelque chose d'erroné dans ces règlements, ces ordres et ces objectifs. Quelque chose qui n'est déjà plus tout à fait humain. Et qui touche au criminel. Et tous, sans exception, nous avons été partie intégrante de cette machine. Le public a cautionné les médias, qui ont cautionné le gouvernement, qui a cautionné le chef d'état-major, qui a cautionné l'officier enquêteur, qui a cautionné les officiers, qui ont cautionné les soldats, qui ont tiré les trois obus, qui ont tué 102 personnes à Cana.( )
Rien ne fera que Cana ne fasse pas désormais partie intégrante de notre biographie. Parce qu'après Cana nous n'avons pas dénoncé le crime, n'avons pas voulu élucider l'affaire au regard de la loi, parce que nous avons voulu nier l'horreur et passer aux affaires courantes. C'est ainsi que Cana fait désormais partie de nous. Comme l'un des traits de notre visage.
De même que le massacre perpétré par Barukh Goldstein [dans le caveau des Patriarches sur des musulmans en prière] et le crime commis par Yigal Amir (tout comme les réactions qui les suivirent) étaient comme autant de manifestations de semences pourries au coeur de la culture national-religieuse, le massacre de Cana est-il une manifestation non moins extrême d'une graine de pourriture au c ur de la culture séculière israélienne. Son cynisme, sa brutalité, son instrumentalisme, son égocentrisme des forts. Cette tendance-là à brouiller la frontière entre le bien et le mal. Entre le permis et interdit. Cette tendance à ne pas exiger la justice. A ne pas se soucier de la vérité.
C'est ainsi, aussi, que la manière dont l'Israël contemporain a fonctionné pendant et après Cana a montré que l'israélité moderne et rationnelle recèle quelque aspect terrifiant. ( )

Ari Shavit/ Haaretz / New York Times Syndication.
* Ari Shavit est écrivain et chroniqueur du journal israélien Haaretz. Il vit à Jérusalem.
(Traduit de l'hébreu dans "Libération", mardi 21 mai 1996)

28 août 2010

Le socialisme est une idée universelle

Dans son livre Pour un dialogue des civilisations (Denoël) Roger Garaudy analyse le socialisme africain de Julius Nyerere et expose ce qui dans cette conception du socialisme a valeur universelle. Un extrait significatif:

Le socialisme est une idée universelle. Si on le définit par ses fins et non pas seulement par ses moyens. Nyerere en dégage les caractéristiques suivantes:
- 1 - L'homme est le but de toute activité sociale. L'homme, c'est-à-dire tout homme. Ce qui exclut toute domination de race, de classe ou de sexe.
- 2 - La démocratie n'est pas nécessairement un régime de partis
(la pluralité des partis est simplement le signe qu'il y a des conflits dans la société), ni un parlement (dans lequel on délègue et aliène les pouvoirs et les responsabilités).
       Les élections ne sont pas le commencement et la fin de la démocratie. Sans aucun doute il faut que le peuple lui-même désigne les hommes chargés d'aider les communautés autonomes en planifiant et en répartissant les ressources, et de coordonner leur coopération entre elles, mais il est aussi important que ce peuple ait la liberté et le pouvoir de les contrôler efficacement.
- 3 - Dans une société composée de travailleurs (ce qui ne signifie pas nécessairement de salariés), la garantie de la possibilité de contrôle c'est la propriété publique qui peut présenter de multiples formes mais a toujours le même but: empêcher qu'un individu ou un groupe puisse dominer la société par une mainmise sur les moyens de développer le bien-être de la société.

(R. Garaudy, pages 175-176)

Le socialisme n'est universel que dans la mesure où il tient compte des différences entre les hommes, tout en étant également valable pour chacun d'eux. Cela est possible, car l'universalité du socialisme n'implique pas une uniformité complète de toutes les institutions, les habitudes sociales et les langues de la terre

Julius Nyerere "Liberté et socialisme" (Editions Clé Yaoundé, 1972).

Marx, le doute, la foi

Le grand iconoclasme, la lutte contre les idolâtries de la foi, commence avec Kierkegaard qui fait la critique du christianisme historique et institutionnel à partir de l'individu, et se poursuit avec Marx, qui en fait la critique du point de vue de la société.

27 août 2010

Mystification de l'idée de nation


... Telle que, par exemple, celle d'une France éternelle, anachroniquement et rétrospectivement reconstruite en projetant l'actuel hexagone dans le passé, et la dotant, avant même l'existence d'un peuple français, des attributs d'une personnalité agissante en fonction d'un but, quelle que soit d'ailleurs l'origine mythique assignée à cet acteur.
Notre pays a toujours existé ou préexisté à sa réalité actuelle. L'histoire de France de Lavisse, comme autrefois celle de Michelet, ont servi de moule à la fabrication du mythe, et, malgré l'immense progrès de l'école des Annales, le moule n'est pas entièrement brisé.
"Il y a deux mille ans la France s'appelait la Gaule... Dans la suite, la Gaule changea de nom. Elle s'appela la France." Peu importe si le rassemblement des terres qui constituent aujourd'hui la France, fut l'oeuvre d'une série de guerres, de conquêtes, de massacres des hommes et des cultures.
Cette déité fantasmatique a tous les caractères d'un personnage poursuivant: un but bien déterminé: la réalisation de l'ordre présent.
Le point de départ est hasardeux et dépend du pouvoir du moment.
De toute façon la France est éternelle: elle descend de Dieu.
Pendant des siècles ses rois, de droit divin par leurs ancêtres bibliques, incarnèrent à eux seuls la France et ses ambitions conquérantes. A en croire Jean Lemaire de Belge vers 1510 dans son livre Illustrations de Gaule et singularités de Troie, les rois de France sont descendants de Samothes, quatrième fils de Japhet, lui-même fils de Noé. En un mot la France remonte à Adam lui-même, sinon à Dieu. Mais à cela s'ajoute un riche héritage gréco-romain: un membre de cette famille royale proscrit s'est enfui en Asie, a fondé Troie, apportant la civilisation gauloise à la Grèce et à Rome.
Dans les Grandes chroniques de France, écrites à la fin du XIIIe siècle, à l'abbaye de Saint-Denis, le premier roi de France était Pharamond (qui figure encore dans une réédition de 1838 de l'histoire de France de Ragois.)
Dans sa Franciade, dédiée au roi très chrétien Charles IX, Ronsard, reprend cette mythologie de l'origine troyenne de la monarchie française avec ses fondateurs légendaires: Francion, Pharamon, etc. Cette mythologie a ses variantes; par exemple l'opposition d'une plèbe issue des Gallo-Romains, et d'une aristocratie franque (c'est-à-dire d'origine germanique) dont le débat ne sera tranché qu'avec la Révolution française, mettant fin à cette querelle en remplaçant les privilèges du sang par ceux de l'argent.
Ce rappel de la mythologie nationale n'est pas une diversion car la conception mythologique des histoires nationales continue à opérer des ravages dans les esprits et dans les corps des peuples.
La France, même après les massacres des juifs, des chrétiens de Byzance, ou des musulmans de Jérusalem, même après l'extermination des cathares, après que le pieux roi Saint Louis fit porter aux juifs la rouelle (morceau d'étoffe jaune en forme de roue -- pas encore d'étoile). La France où sévirent la Saint-Barthélémy, les dragonnades de Louis XIV, la férocité de la répression vendéenne sous la Révolution, les tueries européennes de Napoléon (qui n'en reste pas moins un héros national alors qu'il a laissé la France plus petite qu'il ne l'avait trouvée), lorsqu'elle construit un empire colonial à coups de massacres et sans parler de la participation à la guerre de l'opium en Chine, ou du négoce des esclaves noirs sur tous nos ports de l'Atlantique, reste le soldat de Dieu et du Droit.
Ce glorieux passé est la justification officielle du racisme colonialiste telle qu'en fit la théorie, à l'Assemblée nationale, Jules Ferry, (J.O. du 28 juillet 1885:

"Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis à vis des races inférieures."
Cette France reste éternellement le soldat de Dieu ou du Droit, suivant qu'il s'agit de fêter le baptême de Clovis en 1996 ou de célébrer, sur le mode de l'odieux et du grotesque, le deuxième centenaire de la Révolution française, en n'en retenant qu'une déclaration de papier qui excluait du droit de vote les trois-quarts des français.
Cette mythologie de la nation n'est d'ailleurs pas une spécialité française, qu'il s'agisse, pour l'impérialisme anglais massacreur de l'Inde, magnifié par Rudyard Kipling comme fardeau de l'homme blanc, de la sauvagerie nazie au nom de la supériorité aryenne, des spoliations, des expulsions, et des répressions féroces de l'Etat d'Israël au nom de la promesse tribale d'un Dieu.
Au nom du destin manifeste des Etats- Unis, dont les premiers envahisseurs puritains d'Angleterre assimilaient les Indiens aux Amalécites de Josué justifiant le vol des terres aux Indiens, leur refoulement ou leurs massacres.
L'on peu contempler encore, en bordure des ruines du Forum de Rome, les cartes de l'Empire romain par lesquelles Mussolini, qui prétendait en être l'héritier, justifiait ses carnages africains jusqu'en Ethiopie.
L'utilisation de l'entité abstraite d'une France éternelle préexistant à son peuple et à son histoire, qu'il s'agisse de Clovis, de Jeanne d'Arc ou de la Fête de la Fédération présidée par Lafayette, peut justifier tous les crimes jusqu'au moment où renonçant à la mythologie en faveur de l'histoire, on reconnaisse en la France de 1998, une création continue faite du mélange de vingt races et dont la culture s'est enrichie de l'apport de chacune, qu'il s'agisse, par exemple, des troubadours d'Occitanie inspirés, comme le notait Stendhal, des conceptions de l'amour et de la poésie des poètes arabes de l'Andalous, de l'Espagne voisine, du cycle breton des épopées du roi Arthur, des cultures méditerranéennes des grecs et des romains, ou des influences germaniques, de la musique à la philosophie, par les marches de l'Est qui ont bouleversé et enrichi la culture française.
Cette critique historique mettant fin aux entités métaphysiques de la mythologie, a une importance capitale pour résoudre aujourd'hui les fausses querelles sur la citoyenneté et sur l'immigration.
Fausse querelle, celle de la citoyenneté, fondée sur le droit du sol ou le droit du sang, comme si l'appartenance à une communauté dépendait de facteurs extérieurs à l'homme et à sa sensibilité: être né en un lieu déterminé ne dépend aucunement de moi et ne saurait donc être une raison de fierté ou d'humiliation.
Quant au droit du sang il repose sur un autre facteur indépendant de ma volonté: comme, pour un animal, d'être éléphant ou grenouille.
Le seul lien, proprement humain, d'une communauté proprement humaine, c'est la participation à un projet commun et la contribution à la réalisation de ce projet, patrimoine commun de l'humanité considérée comme un tout. Chaque peuple, par sa culture originale, participe à l'humanisation de l'homme, à sa véritable croissance et développement en humanité.
Il en est de même du problème de l'immigration qui ne peut être, selon les règles génératrices d'inégalités croissantes du monothéisme du marché, une question d'exclusion de concurrents sur le marché du travail et du marché tout court, mais une question de dialogue où chacun prend part, pour élargir la vision de l'homme et du projet humain de chacun (par exemple, échange et partage du sens de la communauté des uns et du sens de la personne de l'autre, dans une lutte commune contre un individualisme de jungle ou un totalitarisme de termitière.)
De même, échange et partage pour échapper à la fois à une conception dogmatique de la religion prétendant régenter la société entière, et d'un laïcisme excluant la recherche des fins dernières, afin de lutter ensemble pour l'unité de la foi et pour la fécondation réciproque des cultures et des institutions dans lesquelles cette foi est vécue.
La place de l'histoire dans l'éducation doit donc être radicalement transformée.
Il ne peut plus s'agir de la transmission, par les manuels scolaires, se succédant et se recopiant les uns les autres à partir de deux ou trois modèles variant dans leur présentation mais obéissant tous à la même logique, d'une pensée-unique, des mythes sur l'origine ou la genèse historique de la nation formant des citoyens à la pensée-unique du politiquement correct. Ces mythes sont de plus en plus nocifs, au fur et à mesure qu'on approche de la situation contemporaine, depuis les tabous de la Première guerre mondiale où les soldats du droit réalisaient une union sacrée contre les ennemis héréditaires.
Après la deuxième guerre mondiale, et le tribunal de Nuremberg, où était interdite toute évocation des causes génératrices du monstre nazi (depuis le traité de Versailles rendant son ascension possible, jusqu'en 1933 où il devint, le plus démocratiquement du monde, le tyran de son peuple), avec le soutien du monde capitaliste tout entier qui, à partir de 1933, voyait en lui le meilleur "rempart contre le bolchevisme". Il fut salué comme tel par Churchill, comme par les chefs de l'Eglise allemande, (et, à leur suite, de toutes les églises qui appelaient, après sa victoire, à la collaboration des peuples. En France comme en Allemagne, en Italie, en Espagne et dans toute l'Europe.)
Après sa défaite l'histoire fut rendue plus incompréhensible encore en attribuant (par un culte de la personnalité à l'envers) tous les malheurs du monde au délire obsessionnel raciste d'un Hitler fou, ce qui était le fruit d'une longue gestation: depuis les traités de Versailles, puis les fournitures d'argent et d'acier par tous les banquiers du monde, de l'Angleterre, de la France, des Etats-Unis, puis les concessions politiques (dont Munich est le symbole et les accords germano- soviétiques, conséquence défensive contre ceux qui voulaient l'orienter vers l'Est), jusqu'aux collaborateurs sionistes (alliés naturels d'Hitler contre les Allemands de confession juive: les premiers voulaient aider, par la création d'un Etat d'Israël puissant, à "vider l'Europe de ses juifs" (Judenrein), ce qui était le rêve d'Hitler, alors que l'Association des allemands de religion juive voulaient rester en Allemagne, demandant seulement le respect de leur religion et de leur culture. C'est contre eux (95% de la communauté juive contre 5% de sionistes) que s'acharnèrent les nazis.
Dès lors l'histoire mettait en oeuvre de nouveaux tabous: la collaboration des sionistes par les accords bancaires de la Haavara pour lesquels, en échange du départ de quelques millionnaires juifs et de leur fortune, ils promettaient de lutter contre le blocus de l'Allemagne nazie; les propositions de coopération militaire des groupes armés de la bande Stern et d'Itzac Shamir, avec l'armée hitlérienne, en raison de leur communauté de vue; l'échange abject proposé par Hitler et accepté par les dirigeants sionistes en 1944, d'un million de juifs contre dix mille camions (à condition qu'ils ne servent que sur le front de l'Est). Hitler et les alliés ne rêvaient que d'une paix séparée par l'entremise des sionistes. (Voir Yehuda Bauer, Juifs à vendre (Ed. Liana Levi. 1996. pp. 87, 227 et 80 et 88)
Sur ce chapitre de la falsification délibérée de l'histoire contemporaine (depuis la chute d'Hitler) la conclusion fut formulée explicitement en 1990, par une loi scélérate, dite loi Gayssot, qui, en complicité avec le président de l'Assemblée, Laurent Fabius, légalisa la répression de toute histoire critique des crimes hitlériens en imposant, comme un tabou, toute critique des décisions du Tribunal de Nuremberg dont le président même, le juge américain Jackson, reconnaissait qu'il était le "dernier acte de la guerre" et qu'il n'était donc pas tenu "aux règles juridiques des tribunaux ordinaires en matière de preuves."
Le colonialisme culturel
A l'époque du colonialisme européen il est significatif que l'histoire est celle de la conquête légitime de nouveaux territoires pour apporter la Civilisation aux barbares.
Toute invasion ou agression coloniale est alors légitimée au nom de la civilisation, et la résistance des peuples colonisés, spoliés et massacrés, est invariablement appelée terrorisme.
L'histoire scolaire, c'est à dire, essentiellement celle de l'Occident, ne peut avoir, évidemment, que deux sources, comme l'Occident lui-même: judéo-chrétienne et gréco-romaine.
En 1975, Preisswerk et Merrot, étudiant trente manuels scolaires les plus utilisés (trois allemands, six anglais, onze français, deux portugais, huit russes) se bornaient à un seul problème: celui de la déformation nationaliste des manuels d'histoire et son colonialisme intellectuel faisant de l'histoire "une histoire de l'Occident avec des annexes concernant d'autres peuples" (Ethnocentrisme et histoire. (1975) Ed. Anthropos). La perspective ethnocentrique prenant pour critère du progrès, de la modernité, le seul pouvoir technique sur la nature et les hommes, permet d'établir un palmarès où l'Europe arrive en tête, non seulement avec le droit mais le devoir d'élever les Primitifs à son niveau de perfection. Même lorsqu'un manuel dit: "A leur arrivée dans le pays, les Européens y trouvèrent une brillante civilisation", ils ne trouvent brillant que ce qui répond à leurs propres critères.
L'on est loin, ici, de l'admirable humilité scientifique, ou plus simplement, de l'objectivité et de l'universalité dont Lévi-Strauss donne l'exemple dans Race et histoire: "L'Antiquité confondait tout ce qui ne participait pas de la culture grecque (puis gréco-romaine) sous le nom de barbare; la civilisation occidentale a utilisé le terme de "sauvage" dans le même sens; ... sauvage, qui veut dire "de la forêt" évoque un genre de vie animale, par opposition à la 'culture." (p. 20)
L'invasion de l'Algérie et les déclarations du maréchal Bugeaud en sont un exemple typique.
Le 14 mai 1840, Bugeaud annonçait à la chambre des députés: "Il faut une grande invasion en Afrique qui ressemble à ce que faisaient les Francs, à ce que faisaient les Goths."
Devenu gouverneur de l'Algérie, en application de ce principe, il adresse aux chefs de la résistance algérienne cette sommation:
"Soumettez-vous à la France .... Dans le cas contraire j'entrerai dans vos montagnes , je brûlerai vos villages et vos maisons, je couperai vos arbres fruitiers, et, alors, ne vous en prenez qu'à vous seuls, je serai, devant Dieu, parfaitement innocent de ces désastres." (Moniteur Algérien , J.O. , 14 avril 1844)
Programme de vandalisme et de meurtre réalisé, de point en point, par ses subordonnés tels que le futur Maréchal de Saint-Arnaud: "On ravage, on brûle, on pille, on détruit les maisons et les arbres" (Saint-Arnaud: Lettres du Maréchal de Saint-Arnaud, à toutes les pages du recueil).
Les Lettres d'un soldat du colonel de Montagnac nous apprennent, de la région de Mascara: "Nous poursuivons l'ennemi, nous lui enlevons femmes, enfants, bestiaux, blé, orge". Et il ajoute: "Le Général Bedeau, autre perruquier de première qualité, châtie une tribu des bords du Chélif,... leur enlève de force femmes, enfants et bestiaux". Le comte d'Herisson, dans La chasse à l'homme (p. 133-347-349) nous décrit les opérations de la colonne à laquelle il était attaché: "Les oreilles indigènes valurent longtemps dix francs la paire, et leurs femmes demeurèrent un gibier parfait."
Tous ces textes et bien d'autres, montrant que les bâtisseurs d'Empires procédèrent par crimes de guerre et crimes contre l'humanité, ne figurent dans aucun manuel scolaire où l'on préfère apprendre aux enfants les couplets attendrissants sur la casquette du père Bugeaud.
Il ne s'agit pas d'exhumer des souvenirs cadavériques: ces mythes sanglants continuent d'exercer une influence déterminante sur les comportements actuels, façonnés par ces mensonges historiques.
Lorsqu'une junte militaire interrompt, en Algérie, des élections qui lui étaient défavorables, nos bons démocrates civilisateurs qui réclamaient des élections libres , acceptent aussitôt la dictature militaire et le chaos sanglant qu'elle devait inéluctablement entraîner en excluant de la vie publique la majorité de la population.
Les informations répandues par les médias pour manipuler l'opinion publique véhiculent les fantasmes de ceux pour qui les Croisades et la guerre d'Algérie ne sont pas terminées.
Car nombreux sont ceux qui confondent la défense de la mémoire avec un bréviaire de la haine, ruminant des vengeances de mille ans.
Le général Gouraud, proclamait en 1918: " Saladin, nous sommes revenus". Revenant, en effet, au Liban, il en organisait une partition religieuse et ethnique qui y créait, pour un siècle, le chaos.
Le général anglais Allenby, disait, en 1948, devant le tombeau de Saladin: " Les Croisades ont pris fin aujourd'hui"; et il organisait en Palestine les conditions d'un régime d'apartheid enfermant les autochtones dans des bantoustans faisant ainsi renaître les haines et les guerres auxquelles Saladin, en 1187, mit fin pour des siècles en rouvrant à Jérusalem, où il entrait en vainqueur, les synagogues des Juifs et les églises des Chrétiens.
Aujourd'hui encore, en ce qui concerne le drame algérien, tous les clichés d'une mythologie historique millénaire refont surface dans toutes les versions, de droite ou de gauche, des tueries qui évoquent, en modèle réduit, les massacres du colonialisme: les uns mettant l'accent sur la responsabilité de l'intégrisme sauvage des islamistes, les autres sur le despotisme oriental des gens au pouvoir, comme, pour le Rwanda, on invoque des querelles tribales d'ethnies arriérées, au lieu de rappeler que les dirigeants français (comme, en un pays voisin, les anglais) n'ont cessé de financer, d'armer et de dresser les tortionnaires à leur solde, ou de corrompre leurs complices voisins, à la Mobutu, pour en sauver les restes.
* * *Deux exemples expriment la prétention caricaturale de l'ethnocentrisme occidental: le récit officiel des batailles de Marathon et de Poitiers comme manifestations exemplaires de la victoire de l'Occident contre les barbaries de l'Orient.
* * *Pour démystifier Marathon il suffirait pourtant de ne pas se contenter de répéter la version d'Hérodote contre laquelle Plutarque nous met en garde, en rappelant qu'elle avait pour but "de flatter les Athéniens pour en avoir une grande semence de deniers.
Thucydide ramenait l'événement à sa vraie grandeur en ne lui consacrant que deux lignes dans sa Guerre du Péloponnèse. Ce qui n'empêche pas, en 1968, l'un des meilleurs spécialistes de l'hellénisme à la Sorbonne, François Chamoux, d'écrire dans son livre sur La civilisation grecque (p.100) qu'il s'agissait là d'une victoire décisive de l'Occident contre l'Orient: "Les Grecs, écrit-il, ne combattaient pas seulement pour eux-mêmes mais pour une conception du monde qui devait devenir plus tard le bien commun de l'Occident."
Un autre éminent spécialiste, le professeur Robert Cohen, écrit dans son livre: La Grèce et l'hellénisation du monde antique, à propos des expéditions d'Alexandre: "L'histoire de la Grèce, se confond, pour toujours, avec celle de l'Univers." (p. 396.)
A l'époque d'Alexandre existaient déjà depuis longtemps, les Hymnes védiques, les Upanishads et le Bouddha, la Chine de Lao-Tseu et de Confucius, et bien d'autres peuples qui ignoraient l'existence d'Alexandre et de sa légende. Mais l'optique de l'Occident limite le monde à son propre horizon.
Ce qui fait oublier, en nous, deux réalités historiques essentielles:
1/ -- que cette escarmouche était si peu décisive, qu'un siècle après Marathon, en 386, un simple gouverneur perse d'Ionie, Tiribaze, dictait, au nom du grand roi, ses volontés, aux délégués d'Athènes, de Sparte de Corinthe, d'Argos et de Thèbes. Xénophon, dans ses Helléniques (Livre V, chap. 1), nous apprend que "les Grecs se pressèrent à son invitation". Le diktat du roi des Perses, Artaxercès, disant: "il est juste que les villes d'Asie soient à lui, ceux qui n'accepteront pas cette paix je leur ferai la guerre sur terre et sur mer." Les envoyés rapportèrent ces conditions à leurs états respectifs. Tous jurèrent de les ratifier.
Isocrate commente: "Maintenant c'est lui (le Barbare) qui règle les affaires des Grecs ... ne l'appelons-nous pas le Grand Roi comme si nous étions ses captifs." (Panégyrique p. 120- 121.)
* * *A l'autre extrémité de l'Occident l'on trouve le pendant du complexe de Marathon avec celui de la bataille de Poitiers présentée comme un déferlement de la barbarie asiatique sur l'Occident.
Dans l'histoire de France dirigée par Ernest Lavisse, au chapitre des Carolingiens, on parle de Poitiers comme ailleurs de Marathon: "La bataille de Poitiers est une date mémorable de notre histoire... Un chroniqueur nomme les soldats francs, les Européens, et, en effet, en ce jour où il fut décidé que la Gaule ne deviendrait pas sarrasine comme l'Espagne, c'est bien l'Europe que les Francs défendirent contre les Asiaiques et les Africains."
Défaite si peu décisive que, deux ans après, en 734, ce que Lévi-Provençal appelle les raids ou les incursions (qui n'ont rien à voir avec une invasion massive du type de celle des Huns, trois siècles avant) atteignent Valence sur le Rhône et tiennent solidement Narbonne.
Là encore ce ne sont pas des historiens "professionnels" qui ont détruit cette autre version du mythe de l'opposition manichéenne de la civilisation occidentale contre les barbares.
Dans la Vie en fleur, Anatole France écrit: "M. Dubois demanda à mme Nozière quel était le jour le plus funeste de l'Histoire de France. Mme Nozière ne le savait pas. "C'est, lui dit mM. Dubois, le jour de la bataille de Poitiers, quand, en 732, la science, l'art et la civilisation arabes reculèrent devant la barbarie franque."
Je garderai toujours en mémoire cette citation qui m'a fait expulser de Tunis en 1945 pour propagande antifrançaise! Il était interdit d'affirmer que la civilisation arabe dominait largement, jusqu'au XIVe siècle, la civilisation européenne!
L'écrivain Blasco Ibanez explique, dans A l'ombre de la cathédrale, que "la régénération de l'Espagne n'est pas venue du Nord, avec les hordes barbares, mais du Midi avec les Arabes conquérants." Parlant de la civilisation arabe, il écrit: "A peine née, elle a su assimiler le meilleur du judaïsme et de la science byzantine. Elle a apporté avec elle la grande tradition hindoue, les reliques de la Perse et beaucoup de choses empruntées à la Chine mystérieuse. C'était l'Orient pénétrant en Europe comme les Darius et les Xerxès, non par la Grèce qui les repoussait afin de sauver sa liberté, mais par l'autre extrémité, par l'Espagne, qui, esclave de rois théologiens et d'évêques belliqueux, recevait à bras ouverts ses envahisseurs." Blasco Ibanez ajoute encore: "En deux années, les Arabes s'emparèrent de ce que l'on mit sept siècles à leur reprendre. Ce n'était pas une invasion qui s'imposait par les armes, c'était une société nouvelle qui poussait de tous côtés ses vigoureuses racines."
Déjà Lévi-Provençal, dans son Histoire de l'Espagne musulmane avait réduit l'événement militaire à sa juste dimension: il lui consacre une vingtaine de lignes dans un ouvrage de plusieurs tomes.
Mais il fallut attendre le dernier tiers du XXe siècle pour qu'un "amateur" espagnol, Ignacio Olaguë, se livrant à une analyse minutieuse des sources, montre que le texte le plus proche des événements et le plus exploité, était la chronique de l'abbaye de Moissac qui joue, en l'occurrence, le même rôle, pour la bataille de Poitiers, que celui d'Hérodote pour celui de Marathon.
Dans son livre La revolucion islamica en España (défigurée dans une prétendue traduction française qui en retire les références essentielles) Olaguë analyse comment est née la légende, recréée, plusieurs siècles après l'événement, lors des invasions -- réelles cette fois -- des Almoravides et des Almohades qui jalonnent les phases du recul de l'Islam en Espagne.
Les rois catholiques ont développé le thème qui a survécu jusqu'à la fin du XXe siècle.
Quant à Charles Martel, son rôle de sauveur de l'Occident se dégage plus clairement lorsqu'on l'insère dans le contexte de l'époque.
1 -- Ce sauveur de la France et de l'Occident, après son escarmouche victorieuse contre le commando arabe d'Abderahman, en 732, a complété ses exploits contre les barbares musulmans, en se lançant à la conquête de l'Aquitaine, de la Bourgogne, puis de la Provence restée jusque là romaine.
2 -- L'écrasement définitif des Sarrasins est tel que plusieurs siècles après, les Arabes sont encore à Narbonne. Ils sont maîtres de la Provence avec leur base principale à Fréjus. Ils remontent la vallée du Rhône comme en témoigne la cathédrale du Puy dont la façade porte encore des inscriptions en caractères koufiques.
En ce qui concerne l'éveil il conviendrait de se souvenir, par exemple, que, plusieurs siècles après Poitiers, le centre culturel de Cordoue réveille l'Europe de son long sommeil intellectuel: non seulement en lui transmettant les richesses anciennes de la Chine, de l'Inde, de l'Iran, mais même son propre patrimoine, celui par exemple des Grecs. C'est dans les commentaires d'Aristote d'Ibn Roshd (Averroes), et en polémiquant avec son oeuvre qu'Albert le Grand et Tomas d'Aquin développèrent leur système, et que se développera, l'averroïsme latin à l'université de Paris, avec Siger de Brabant, comme à Oxford et au XVe siècle en Italie, avec Pic de la Mirandole.
Les cartes d'Idrissi de Ceuta (XIIe siècle) qui fit ses études à Cordoue, créeront pour Roger de Sicile, pour passer de la sphéricité de la terre à la planisphère, les méthodes de projection semblables à celle de Mercator, quatre siècles plus tard, et qui permettront les grandes découvertes.
Les traités de chirurgie d'Abulcassis, né au Xe siècle à Cordoue, firent autorité pendant cinq siècles, dans toutes les facultés de médecine de l'Occident, à Montpellier comme à Palerme, à Paris ou à Londres.
Roger Bacon (vers 1220-après 1292.) considéré en Europe comme l'introducteur de la science expérimentale (faire une hypothèse mathématique et construire un dispositif expérimental pour la vérifier), dans la cinquième partie de son Opus Majus procède à un démarquage, parfois même à une simple traduction de l'Optique du savant Egyptien Ibn Hayttam et reconnaît lui-même ses emprunts: "La philosophie, écrit -il, est tirée de l'Arabe et aucun Latin ne pourrait comprendre comme il convient les sagesses et les philosophies s'il ne connaissait pas les langues dont elles sont traduites." (Metalogicus IV, 6)
Cet esprit d'unité règne dans toutes les sciences où excellaient les savants arabes: de la physique et de l'astronomie, à la biologie et à la médecine:
La clé de voûte de la culture islamique, dans tous les domaines de la théologie, et de la philosophie aux sciences et aux arts c'est l'idée de l'unité. Cette unité fondamentale (tawhid) ne se limite pas à l'affirmation que Dieu est unique.
Le tawhid n'est pas de l'ordre du fait mais du faire. Il ne fonde pas une philosophie de l'être, comme celle des grecs, mais au contraire une philosophie de l'acte.
C'est ce qui permit le renouvellement de toutes les sciences.
Si l'on renonce à l'illusion qui consiste à considérer l'Europe comme le centre de toute l'histoire, l'on doit donc reconnaître que, du VIIIe au XIVe siècle, il n'existe pas un trou noir, mais que s'y épanouit au contraire une civilisation arabo-islamique l'une des plus brillantes de l'histoire.
Ibn Arabi de Murcie (Espagne) -- (1165-1241) conduit vers son terme cette philosophie de l'acte, opposée aux philosophies grecques, (platoniciennes ou aristotéliciennes) de l'être.
Rien ne commence avec une réalité déjà faite, donnée, qu'elle soit sensible ou intelligible, mais par l'acte créateur incessant de Dieu.
Son problème fondamental est de montrer comment l'homme peut participer à cet acte de création d'un monde toujours en naissance.
La vision dynamique du monde, dans le Coran, découle de cette incessante action créatrice de Dieu. Il est le Vivant (II, 255; III, 2, etc.); "Le Créateur par excellence, Celui qui ne cesse de créer." (XXXV, 81); Celui "qui est présent en chaque chose nouvelle" (LV, 29). Cette création continuée maintient en existence (II, 255) toute chose. Contrairement à la Genèse (II, 2), Il ne connaît ni cesse ni repos (II, 255). "Il commence la création et la recommence" (X, 4).
La théorie islamique de la connaissance, qui part de l'acte créateur, ne sera reprise que plusieurs siècles après, dans la philosophie occidentale, notamment par Kant et son Imagination transcendantale et, plus encore, par Gaston Bachelard, qui en recherche l'histoire.
L'essentiel de l'apport de la science islamique ce n'est pas seulement la méthode expérimentale et une impressionnante quantité de découvertes, c'est d'avoir su lier la science, la sagesse et la foi.
Loin de limiter l'action de la science qui remonte de cause en cause, la sagesse s'élève de fin en fin, de fins subalternes à des fins plus hautes afin que la science ne serve pas à la destruction ou à la mutilation de l'homme mais à son épanouissement en lui fixant des fins humaines. Car la science expérimentale et mathématique, ne nous fournit pas les fins de cette action puissante. La sagesse, réflexion sur les fins, est un autre usage de la raison. Celui que l'Occident a laissé s'atrophier: la philosophie ni la théologie n'y jouent plus ce rôle complémentaire de la science qui donne des moyens, avec la sagesse qui recherche les fins.
La raison occidentale, confinée dans la rechercher des moyens considérés comme des fins en soi conduit le monde à la destruction par la manipulation sans sagesse de l'atome, du missile et du gêne.
- La foi est la troisième dimension d'une raison plénière: ni la science, dans sa recherche des causes, ni la sagesse dans sa recherche des fins n'atteignent jamais une cause première ni une fin dernière. La foi commence avec une prise de conscience lucide de cette limite de la raison et de la sagesse. Elle devient le postulat nécessaire à leur cohérence et à leur union: cette foi n'est pas une limite ou une rivale de la raison. La foi est une raison sans frontière.
* * *Conclusion: le rôle de l'histoire, dans l'éducation, doit être radicalement changé: la recherche des sources doit remplacer le colportage des mythes.
Ce qu'il est convenu d'appeler le monde colonial jusqu'au milieu de XXe siècle, le tiers-monde au temps des deux blocs affrontés de l'Est et de l'Ouest, et d'une manière constante les pays sous-développés (selon les critères occidentaux du développement) n'apparaissent dans les manuels scolaires et dans la presse que par les menaces à la sécurité des envahisseurs, qu'il s'agisse des westerns américains où le bon indien ne peut être que mort ou collabo, ou des palestiniens, chassés de leurs terres volées, ou massacrés par balles lorsqu'ils n'ont plus d'autre armes que les vieilles pierres de la terre de leurs ancêtres. Là encore, comme au temps du colonialisme et de l'hitlérisme, la résistance à l'occupant est appelée terrorisme. Israël exige sa sécurité alors qu'il menace celle de tous ses voisins en occupant leurs frontières (au mépris de toute loi internationale et des condamnations platoniques des Nations Unies, et en élaborant un programme de désintégration de tous les Etats voisins de l'Euphrate au Nil.
Il y a là une démarche typiquement colonialiste: le fondateur du sionisme, Théodore Herzl, écrivait déjà, il y a un siècle: "Nous serons un bastion avancé de la civilisation occidentale contre la barbarie de l'Orient" tout comme Huntington théoricien du Pentagone, un siècle après celui du sionisme, dans son Choc des civilisations oppose la civilisation judéo- chrétienne à la collusion islamo-confucéenne.
Le schéma mythologique est le même et les formules jumelles unissent l'expulsion et le massacre des Indiens par les Etats-Unis, et l'expulsion et le massacre des palestiniens par les sionistes d'Israël dont la politique pratique la même politique d'apartheid et d'expansion coloniale que leur souteneur américain.
Le même refus de l'autre et du dialogue fécondant des cultures, des civilisations, inspire depuis des siècles, de Josué à Jules César, de Pizarre à Natanayu, les chasseurs d'hommes, mythiques ou historiques de toutes les Croisades, de tous les colonialismes, de toutes les dominations et de toutes les guerres.
L'histoire, toujours écrite par les vainqueurs, a toujours appelé victoire de la civilisation et du droit, la victoire du plus fort.
* * *Le baptême officiel de cette mythologie se substituant à ce qui mériterait le nom d'histoire, recouvre une autre imposture: celle qui fait des peuples et des civilisations non-occidentales, des appendices de l'histoire de l'Occident qui n'entrent dans l'histoire que lorsqu'ils sont découverts par lui. L'histoire qui nous est transmise par les manuels scolaires n'est que l'histoire de l'Occident avec ses annexes concernant d'autres peuples dont l'étude est affaire de spécialistes, au Collège de France ou à l' Ecole des langues orientales. L'élève de l'école primaire ou du lycée a quelques chapitres à lire sur Marco Polo en Asie, Savorgnan de Brazza ou Faidherbe en Afrique, mais rien sur la Chine, d'où vinrent toutes les découvertes scientifiques qui permirent la Renaissance de l'Europe, sur les empires Songhai qui firent de Tombouctou l'un des plus grands centres de recherche mathématique, ou sur la civilisation des Mayas dont l'astronomie créait un calendrier plus précis que le grégorien, avec plusieurs siècles d'avance.
L'ethnocentrisme de l'Occident est tel que, par exemple, nos manuels scolaires et nos encyclopédies font de Gutemberg l'inventeur de l'imprimerie que les Chinois pratiquaient quinze siècles avant, de Harvey le découvreur de la petite circulation au XVIIe siècle, alors qu'Ibn El Nafis, né en 1210, médecin arabe, quatre cents ans avant Harvey et trois cents ans avant Michel Servet, avait donné la description simple et le schéma dessiné de ce parcours du sang dans son Commentaire d'Avicenne.
Toute invasion ou agression coloniale est alors légitimée au nom de la civilisation et la résistance des peuples colonisés, spoliés et massacrés est invariablement appelée terrorisme.

Roger Garaudy, L'avenir, mode d'emploi, Editions Vent du Large