27 mai 2018

Une rechute du stalinisme (2)

(Publication partielle des notes de Jean Kanapa)

20 octobre 1968,réunion du Bureau politique du Parti communiste français
Présidence : Raymond [Guyot]
Ordre du jour : La situation politique
Rapporteur : Gaston [Plissonnier]
GASTON [PLISSONIER] - La déclaration du BP du 22 août [condamnant
l'intervention soviétique] découle de toute son activité unanime en juillet. Toutes les informations nous montraient qu'une seule solution politique était possible et une intervention, devait être écartée. [Nous l'avons] encore
rappelé le 23 juillet. Puis [sont venues] les prises de position [du PCF] sur l'accord de Moscou. Réaffirmation fréquente de notre volonté d'unité, notamment avec le PCUS. Le BP a été attentif à ce que les relations se poursuivent normalement. En plus, le 26 septembre, sur l'initiative de Waldeck Rochet, le BP a décidé de proposer une rencontre. Démarche Marchais, puis lettre de Waldeck Rochet à Brejnev. Date fixée au 4 novembre. Les informations données par le PCUS depuis le 21 août n'infirment en rien notre position.
— la majorité du peuple est bien derrière le PCT;
— il y avait certes [une] agitation oppositionnelle;
— mais la direction du PCT a appelé au calme devant l'intervention [...]
 Les démissions ne serviraient pas le Parti.

Premier « reproche » [de Jeannette]: la position du Parti favoriserait
l'antisoviétisme.
— mais l'amitié avec l'URSS n'est le monopole de personne. Nous avons tous et toujours lutté contre l'antisoviétisme.
— nous faisons tout pour éviter la polémique. […]
Deuxième « reproche » : le Parti s'éloignerait de l'internationalisme.
La diversité des conditions peut entraîner des divergences sans que le mouvement éclate. Dans les conditions actuelles, toute autre vue serait irréelle. La seule voie, c'est la discussion. La dégradation de l'unité du
mouvement date de 1958-1959; elle n'est pas notre fait.

[Quant à] Roger [Garaudy] il contredit la politique du Parti en mai-juin :
— déclaration à CTK: ingérence inadmissible,
— lettre à Waldeck Rochet approfondissant ses désaccords,
— préface à son livre.
Donc, activité publique parallèle au Parti, sans en informer le Parti,
contrairement au centralisme démocratique. Roger doit s'engager ici à respecter le centralisme démocratique.

STIL - Nous sommes tous héritiers d'un patrimoine indivisible.

ROGER [GARAUDY] - Une rencontre avec le PCUS ne peut se contenter
d'un paragraphe évoquant la divergence.
Il faut le contexte, et il faut évoquer leurs ingérences chez nous.
Affirmer notre solidarité prioritaire avec le PCT.
Je prends l'engagement que me demandait Plissonnier. Mais chacun doit prendre ses
responsabilités.

Y A N N VIENS -
P. JUQUIN -
LAUPRÊTRE -
SOUQUIERE -
M A T H E Y -
COURTIEU1 -
JEANNETTE - On dit [de nous] : ce sont de vieux camarades, des sentimentaux,
ils ont idéalisé. C'est leur faire injure. Je ne suis pas déchirée entre mon coeur et ma raison. Je n'ai pas de solidarité aveugle pour l'URSS.
Effectivement dramatique que cinq pays socialistes en soient arrivés à faire pression sur un  sixième.
La prise de position, précipitée, brutale du BP le 21 faisait chorus apparemment avec la réaction.
Il fallait tout faire pour éviter l'intervention — et tout ce que nous avons fait était bien, y compris l a proposition de conférence.
Pas d'accord avec la résolution du Val-de-Marne qui parle de la conférence pour le « soutien » du PCT dans la défense du socialisme.
Félicitons-nous que les Partis d'Afrique et d'Amérique latine se groupent autour de l'URSS.

ROUX -
E T I E N N E [FAJON] - Ce qui est condamnable chez Roger, ce n'est pas seulement les méthodes, c'est le fond : car l a solidarité avec le PCUS est une nécessité.
Réaffirmer la position du 22 août et approuver l'action du BP qui a été unanime, à deux exceptions près.
Invitation pressante aux deux [Jeannette et Garaudy] à respecter les principes du centralisme démocratique et s'incliner devant la loi du Parti.
Faire part au cours de la rencontre [avec les Soviétiques] de notre volonté de ne pas laisser sans riposte toute attaque, même insidieuse.

HENRI MARTIN -
VICTOR JOANNES -
SÉGUY -
WALDECK ROCHET - Lit la lettre de démission de Jeannette. « Je ne peux rester un membre formel du BP. » « M a décision est irrévocable. »
Cette situation s'est créée malgré tous nos efforts. J'ai eu de nombreux entretiens avec Jeannette. J'ai tout fait pour la convaincre de rester même si elle se trouve en désaccord sur une question importante. Hier encore, pendant qu'elle parlait, je lui ai adressé un appel. Sa démission ne peut pas aider le Parti.
Adresser un blâme public à Roger, plus un engagement de Roger d'appliquer les règles du Parti.
[…]

Session du Comité central du PCF 21 oct 1968
[…]. Dans la journée du 21 octobre, Roger Garaudy a fait, à la tribune
du Comité Central, la déclaration suivante :

Chers Camarades,
Ayant écouté attentivement toutes les interventions faites au Comité
Central, j'ai constaté que, quelle que soit l'appréciation portée sur les idées
que je défends, si personne ne m'a demandé de renier ces idées, tous les
camarades, sans exception, ont condamné les méthodes et les formes qui
ont été les miennes dans leur expression publique, et qui constituent une
violation des principes de notre discipline et du centralisme démocratique,
condition nécessaire à l'unité du Parti.
J'accepte sans réticence cette critique et la sanction qui en découle.
Par conséquent je m'engage, pour l'avenir, sans renoncer à des idées que
je tiens pour vraies — comme les Statuts du Parti m'y autorisent — à n'en
donner l'expression publique que dans les formes prévues par les Statuts du
Parti auquel je suis fier d'appartenir depuis trente-cinq ans, et de faire de
mon travail un élément de la recherche collective, comme l'exigent les règles
d'organisation de notre Parti et l'intérêt supérieur de son unité dans le
combat commun.

                                                                             
Kremlin PCF.Conversations secrètes
Olivier Orban
© 1984, Olivier Orban

25 mai 2018

Une rechute du stalinisme (1)


Après l'intervention militaire en Tchécoslovaquie (aout 1968), Garaudy et Aragon sur la même ligne:


« UNE RECHUTE DU STALINISME »
Roger Garaudy, lui, avait manifesté sa désapprobation
publiquement dès la fin août. C'était juste après l'« accord » intervenu entre les Tchécoslovaques et les Soviétiques à Moscou. L'accord-diktat, qui parle notamment de « stationnement temporaire » des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie, est accueilli avec un «ouf !» de soulagement par le PCF qui, dans u n communiqué de son BP, le considère comme «un
fait positif». Roger Garaudy ne l'entendit pas de cette oreille et fit une déclaration à l'agence de presse tchécoslovaque CTK dans laquelle il affirmait, en contradiction avec la position du PCF, que « la seule solution est le retrait sans conditions de
toutes les troupes étrangères occupant actuellement la Tchécoslovaquie».
Et Garaudy concluait : « Ce qui est en cause, c'est une
rechute du stalinisme, dans la théorie et dans la pratique, de la
part des dirigeants soviétiques qui ont voulu trop vite tourner la
page du XXe Congrès. »
Le 5 octobre 1968, l'Humanité s'en prend à Garaudy qui
vient de signer une préface à la Liberté en sursis - Prague 1968,
un recueil de textes de dirigeants du PCT. Le directeur du
Centre d'études et de recherches marxistes (CERM) est accusé
de « rompre avec la discipline léniniste d'un parti communiste »,
celle qui condamne un « minoritaire » au silence.

Mais Roger Garaudy recommence sur l'antenne d'Europe I,
à la mi-octobre, quelques jours avant la séance du CC qui lui
infligera un « blâme public ». « Si je parle ici ce soir, c'est que  je
n'ai pu répondre ailleurs», affirmait-il en visant l'Humanité.
Bien informé — par qui ? — Raymond Barrillon commentait
ainsi dans le Monde: «Faut-il envisager une prochaine
éviction du Bureau politique du directeur du CERM ? Évitera-t-
on d'aller jusque-là, et l'offensive a-t-elle seulement pour but de
satisfaire et d'apaiser les " inconditionnels" du prosoviétisme, au
nombre desquels on cite avec une insistance croissante, ici et là,
Mm e Jeannette Thorez-Vermeersch, que le P C F n'avait pas
représentée aux élections sénatoriales du 22 septembre ? »

[…Il faut tout de même signaler les deux interventions de l'intouchable Aragon. Dans unéditorial des Lettres françaises, il lance :
« J'appelle un chat un  chat. » Ripostant à une attaque de la moscovite Literatournaïa Gazeta, le poète membre du CC écrivait: « Je ne suis
absolument pas sûr que le ridicule soit du côté des communistes
français, italiens, espagnols, entre autres, mais en tout cas, j'ai la
certitude que l'odieux est du côté de ceux qui donnent un nom
mensonger à l'invasion brutale de la Tchécoslovaquie, à la
rupture insolente de la fraternité entre les partis communistes, au
recours à la force comme méthode de discussion (...)»
Les Lettres françaises publieront aussi la préface qu'Aragon a
écrite au roman de Milan Kundera, la Plaisanterie, dont la
traduction française venait d'être publiée, préface surtout
connue par son célèbre : « Je me refuse à croire qu'il va se faire
là-bas un Biafra de l'esprit ! »
« Et voilà qu'une fin de nuit , écrivait le romancier, au
transistor, nous avons entendu la condamnation de nos erreurs
perpétuelles. Que disait-elle, cette voix d'ombre, derrière les
rideaux encore fermés du 21 août à l'aube? Elle disait que
l'avenir avait eu lieu, qu'il ne serait plus qu'un recommencement.
Cette voix qui depuis ne se tait plus, qui impose d'appeler vertu le
crime, qui appelle aide au peuple de Tchécoslovaquie l'intervention
brutale par quoi le voilà plongé dans la servitude. Cette voix
du mensonge, qui prétend parler au nom de ce qui fut un
demi-siècle l'espoir de l'humanité. Par les armes et le vocabulaire,
ô mes amis, est-ce que tout est perdu ? »

"KREMLIN PCF.Conversations secrètes"
Olivier Orban
© 1984, Olivier Orban

PAGES 34 ET 35                                                       A SUIVRE ICI

19 mai 2018

Document historique. La question palestinienne et la Responsabilité internationale (1983)

LA QUESTION PALESTINIENNE

et la Responsabilité Internationale
" On porterait gravement atteinte aux principes élémentaires de l'équité en n'accordant pas à ces innocentes victimes* du conflit le droit de retourner chez elles alors que, par ailleurs,les
immigrants juifs pénétreraient en grand nombre en Palestine et pourraient même menacer de prendre définitivement la place des réfugiés arabes dont les familles sont installées dans le pays depuis des siècles. "
Comte Bernadotte (1948)

* les Palestiniens.

Cher lecteur,
A la veille de la Conférence internationale sur la Palestine, débutant
à Genève le 29. 8. 83, nous avons cru utile de vous faire part de ce
document.
Celui-ci n'est aucunement destiné à une quelconque propagande.
Il essaye de jeter quelques rayons de lumière sur des réalités afférentes
à la cause palestinienne, oubliées ou méconnues.
Dès lors, on s'est borné, pour l'essentiel, à la citation de certains
textes des résolutions de l'O.N.U. et à des déclarations, notamment,
des différents dirigeants et responsables israéliens.

Le Groupe d'Etude
sur le Moyen-Orient, Genève.

L'O.N.U., Israël et les Palestiniens
Dans sa résolution ES/7/7 du 19 août 1982, l'Assemblée générale des Nations Unies avait décidé de convoquer à une conférence internationale sur la question de Palestine en vue de rechercher des moyens efficaces pour permettre au peuple palestinien d'obtenir et d'exercer ses droits.
Il apparaît, après plus de 30 années de conflit, que, si le peuple palestinien n'a pas encore obtenu ses droits, cela tient au fait que l'Etat sioniste d'Israël, fondé sur le racisme, l'expansionnisme et la terreur, ne se conforme pas au droit international et ne tient pas compte des résolutions de l'Organisation des Nations Unies. En un mot, c'est "parce que Israël n'est pas une Etat comme les autres" !
Toute ébauche de solution pour la question de la Palestine passe nécessairement par une démystification tant des principes selon lesquels l'Etat sioniste d'Israël a été créé que des principes selon lesquels s'exerce sa politique. Cette démystification permettra, non seulement de mesurer l'injustice faite au peuple palestinien, mais aussi de montrer la mesure du danger que la paix et la sécurité mondiale encourent. Avec les développements que connaît le Proche-
Orient à l'heure actuelle, une telle analyse devient de plus en plus urgente.

Création de l'Etat d'Israël

La Déclaration Balfour
Dans son livre L'Affaire Israël, le Sionisme Politique , Roger Garaudy dit: "avec la Déclaration Balfour commençait la série des grands mensonges qui jalonnent l'histoire de l ' Etat d'Israël et de ses dirigeants" . L'auteur de cette déclaration, parue le 2 novembre 1917, reconnaît que le principe de l’auto-détermination était refusé à la population de la Palestine. En effet, Arthur James Balfour écrira à Loyd George le 19 février 1919 : " le point faible de notre position c'est évidemment que, dans le cas de la Palestine, nous avons refusé le principe de l'autodétermination. Si les habitants actuels étaient consultés, ils rendraient
indiscutablement un verdict contre l’implantation juive ".
En effet, le rapport de la Commission King-Crane, envoyée par le Président Wilson en 1919, confirmera le refus opposé par la population palestinienne à rencontre de l'implantation juive. Cette commission proposait alors le rejet du programme sioniste maximal et le maintien de l'unité de la Syrie-Palestine sous un mandat britannique ou américain garantissant la présence du foyer national juif limité .
En outre, la Déclaration Balfour stipulait que les droits civils et religieux des communautés non-juives seraient respectés. Or ces droits furent constamment bafoués, et l'idée d'un foyer national juif qui, selon le Livre Blanc Britannique de 1922, devait consister à créer, en Palestine, un centre de rayonnement de la culture et de la religion juives, était devenue pour les dirigeants sionistes un paravent derrière lequel se cachaient leurs intentions de créer un Etat sioniste. Cet état d'esprit devait se confirmer par la suite avec le partage de la Palestine et la création de l'Etat d'Israël.

La Résolution de partage de la Palestine
Une étape décisive fut franchie le 29 novembre 1947 lorsque l'Assemblée Générale des Nations Unies adopta la résolution 181 dite de partage de la Palestine. Les Juifs, qui constituaient à cette date 32 % de la population et ne possédaient que 6,5 % des terres, reçoivent des Nations Unies 56 %du territoire avec les terres les plus fertiles.
Dès lors se posera l'épineux problème de la compétence de l'Assemblée Générale des Nations Unies à prendre une telle décision.
En effet, comme l'explique Monsieur Chambour, l'organisation des Nations Unies avait expressément renoncé, en 1946, à ses fonctions de contrôle exercées auparavant par la Société des Nations en matière de mandat sur la Palestine. A cet effet, les dispositions légales des obligations de la puissance mandataire sont nettement exprimées par l'article 2 du pacte du mandat. Ce dernier stipule que: "La garantie de l'intégrité territoriale de la Palestin e est assurée par la puissance mandataire, ainsi que sa protection contre toute perte ou prise à bail de tout ou partie de son territoire et  contre l'établissement de toute autre puissance
étrangère. "
Cette question de compétence fut reprise en 1947 par l'Assemblée générale, sous la forte pression qu'exercèrent les délégations sionistes sous plusieurs formes, dont la plus commode fut le chantage à l'antisémitisme. Les excès sionistes furent tels qu'ils faillirent compromettre les objectifs mêmes des Juifs. Le Dr Chaïm Weizmann dut minimiser, devant l'émotion de Truman, l'ampleur de cette campagne en l'attribuant à des éléments "incontrôlés" : "Il est courant de prétendre à Washington que nos frères israélites ont exercé des pressions déplacées et excessives sur certaines délégations et ont ainsi dépassé la mesure. Je ne peux
répondre des personnalités sans mandat..."
Dans ses Mémoires, l'ancien président des Etats-Unis, H. Truman, écrivit ce passage déplorable : " En réalité, non seulement les Nations Unies étaient soumises à des pressions telles qu'elles n'en avaient jamais connues, mais la Maison Blanche, elle aussi, subissait un véritable tir de barrage. Je ne crois pas avoir jamais été l'objet d'une campagne de propagande aussi virulente. L'acharnement de quelques-uns des dirigeants sionistes parmi les plus extrémistes, poussés d'ailleurs par des motifs politiques et maniant la menace politique, me gênait. Certains d'entre eux suggéraient que nous fassions usage de notre influence pour amener des nations souveraines à voter favorablement à l'Assemblée générale. "
L'Assemblée générale avait présenté à la Cour internationale de justice une demande d'interprétation de l'article 10 de la Charte de l'O.N.U., concernant » son pouvoir de contrôle et sa compétence en la matière. La Cour avait admis la demande et prononça sa résolution (No 141-III), qui fut confirmée par la résolution No 227-HI du 21 novembre 1948 et la résolution 337 du 6 décembre 1949.
La Cour internationale de justice a admis cette position malgré le fait que l'Assemblée générale avait expressément déclaré renoncer à ses fonctions de contrôle découlant de l'article 10 de la Charte et donna l'interprétation suivante:
"... La Cour a estimé que l'Assemblée générale des Nations Unies avait, aux termes de l'article 10 de la Charte, le droit de reprendre les fonctions de contrôle exercées auparavant par la S.D.N. La compétence de l'Assemblée générale des Nations Unies, pour exercer un tel contrôle et pour recevoir et examiner des rapports, ressort des termes généraux de l'article 10 de la Charte qui autorise l'Assemblée générale à discuter toutes questions ou affaires entrant dans le cadre de la Charte et à formuler sur ces questions ou affaires des recommandations aux membres des Nations Unies."

Compétence de l'Assemblée générale
Il ressort de l'interprétation de la C.IJ. que l'Assemblée générale de l’O.N.U. peut se prévaloir de ses droits auxquels elle avait expressément renoncé auparavant, dans le cadre des fonctions de contrôle que la S.D.N. exerçait en matière des mandats et de celles déterminées dans la Charte de TO.N.U. Ces compétences sont:
1. Recevoir et examiner les rapports de la puissance mandataire ;
2. Recevoir et examiner les pétitions ;
3. Emettre des recommandations aux membres des Nations Unies ;
4. Discuter toutes questions ou affaires dans le cadre de la Charte.
C'est dans l'exercice de ses fonctions précitées que l'Assemblée générale de l'O.N.U. s'était heurtée à nombre de difficultés d'ordre politique et juridique.

Questions politique :
Les très fortes pressions qu'exercèrent les congressistes sionistes sur nombre d'Etats membres de PO.N.U., les instances de la délégation des Etats-Unis auprès de l'Assemblée générale, afin de prendre une attitude favorable à la cause des Juifs et, enfin, les instructions données par le Président Harry Truman au Département politique d'Etat pour qu'il accorde l'appui de l'Amérique au plan de partage, lequel ordre est cité par M. H . Truman lui-même dans ses Mémoires, tous ces facteurs politiques d'influence eurent assurément de graves conséquences sur la conduite des décisions prises par l'Assemblée générale concernant l'affaire
palestinienne.

Questions juridiques : La succession de la SD.N.
Cette sucession est affirmée par la Cour internationale de justice, en ce qui concerne le
mandat. Certains auteurs ont contesté cette succession relative au mandat A qui a pris fin par l'indépendance des pays du Proche-Orient. Cependant, le régime de la tutelle internationale entre dans le cadre de la succession de l'O.N.U. à la S.D.N.
Mais l'interprétation de la C.I.J., en ce qui concerne la compétence de l'Assemblée               générale de l'O.N.U., assure le maintien intégral des dispositions juridiques et politiques du mandat A. La Palestine, qui n'avait pas reçu son indépendance encore, conservera les droits attachés à son unité territoriale et politique.
La Cour affirme à cet égard que les obligations résultant des mandats et leur objectif primitif demeurent maintenus par la succession de la S.D.N. L'Assemblée devait respecter sa compétence limitée par la Cour et l'article 10 de la Charte. Or, l'Assemblée générale, prenant en considération la demande de la puissance mandataire sur la Palestine, en date du 18 février 1947, annonçait la cessation du mandat britannique sur la Palestine.
Le problème palestinien s'est trouvé dès 1947 soumis à l'Organisation des Nations Unies. Celle-ci devait se conformer d'une part au Pacte de la S.D.N., voire à l'article 22 portant sur la législation fondamentale du mandat A appliqué sur la Palestine comme il a été appliqué aux pays du Proche-Orient sous mandat ; d'autre part, elle devait faire face au problème essentiel du conflit israélo-arabe, concernant le sort légitime de la Palestine en tant qu'Etat indépendant, avec un Foyer juif, nettement stipulé par le pacte du mandat britannique.
Le 15 mai 1947, l'Assemblée générale a pris deux résolutions*4, l'une portant sur la création d'une Commission spéciale, ayant pouvoir très étendu pour enquêter sur toutes les questions et tous les problèmes relatifs à l'affaire palestinienne; l'autre, sous forme d'appel aux gouvernements et peuples était ainsi libellée:
"L'Assemblée invite, par la résolution No 107, tous les gouvernements et tous les peuples et particulièrement les habitants de la Palestine à s'abstenir du recours à la force ou à la menace ainsi qu'à toute forme d'action qui serait de nature à créer une atmosphère pouvant  compromettre une solution rapide de la question palestinienne."

La question juridique du plan de partage
La Commission spéciale, n'ayant pas réussi à se prononcer à l'unanimité sur une solution unique, présenta à l'Assemblée deux plans différents. Le plan de la majorité recommande le partage de la Palestine en deux Etats, arabe et juif, liés  par une union économique, et le plan de la minorité, préconisant la constitution d'un Etat fédéral avec Jérusalem pour capitale.
Une commission ad hoc est instituée par l'Assemblée générale chargée plus
spécialement de l'étude des trois points suivants :
1. la proposition britannique,
2. la proposition arabe de cessation du mandat et de reconnaissance de l'indépendance
de la Palestine,
3. le rapport de la Commission spéciale.
L'élaboration d'une décision était déjà préparée à l'avance pour admettre le plan de partage, qui fut adopté par 25 voix contre 13,17 abstentions et 2 absences. C'est ainsi que la Belgique, la France, Haïti, le Libéria, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Paraguay et les Philippines ont dû réviser leur vote au moment de la séance plénière.
Cette décision est contraire aux prescriptions de l'article 22 du Pacte de la S.D.N. qui déclare l'entité politique territoriale de la Palestine. Elle l'est aussi par le fait de l'incompétence de l’O.N.U. de modifier les dispositions du mandat A qui reconnaissent l'indépendance de tous les pays qui s'étaient détachés de l'Empire ottoman. Le partage est contraire à l'intégrité territoriale de la Palestine prévue par l'article 22 précité. Que le Foyer juif se transforme par des décisions illégales de l'O.N.U., en un Etat. ; c'est une violation du droit des peuples de disposer d'eux-mêmes. L'Etat d'Israël n'étant pas en bonne et due forme nationale
pour pouvoir recevoir un fin juridique.
Que l'O.N.U. soit amenée à prendre la résolution 107 précitée, c'est qu'elle a été avertie des soulèvements en Palestine de l'opinion publique contre la décision du partage ; cela nécessitait une mesure à prendre contre les pressions sionistes, et les mettre devant la situation exacte qui ne pouvait être que le choix entre deux solutions juridiques équitables :
1. La détermination d'un lieu pour le Foyer juif, conformément aux dispositions du Pacte de la S.D.N. et du mandat A au sein d'une Palestine indépendante arabe.
2. La mise en application d'un mandat, sous le contrôle de l'O.N.U., de l'administration
autonome du Foyer juif, pour une période déterminée pour connaître la conduite des Juifs, et les conditions de leur établissement dans un canton. Cette décision aurait été conforme aux articles 1 et 2 de la Charte, qui recommandent le respect de la paix, des droits et libertés de l'homme, et avec les articles 10 et 14 de la Charte.
Mais cela n'était pas la pensée de l'O.N.U. Elle est et elle demeurera responsable du conflit actuel.
Le professeur I. Browlie écrit à propos : " Plusieurs considérations donnent à douter de la capacité des Nations Unies pour conférer un titre sur un territoire, entre autres parce que les Nations Unies ne peuvent assumer le rôle de souverain territorial." "Ainsi la résolution de 1947, comportant un plan de partage de la Palestine, était probablement prise en dehors de la compétence des Nations Unies, et même s'il n'en est pas ainsi, elle n'avait aucun caractère obligatoire pour les Etats membres."
Dans son rapport intérimaire présenté au Secrétaire général de l'O.N.U. le 16 septembre 1948, le médiateur de l'O.N.U., le comte Folke Bernadotte, releva les points essentiels du problème palestinien : le partage, l'Etat juif, l'immigration et les réfugiés palestiniens. Car il estimait que la question qui se posait n'était pas de savoir s'il était souhaitable de reprendre et de reviser la résolution
du 29 novembre 1947 ; celle-ci est déjà dépassée et irrévocablement révisée par les faits qui se sont produits au cours de l'histoire récente de la Palestine. Décrivant l'attitude des Etats arabes, le comte Bernadotte estimait : "qu'il est extrêmement difficile d'accepter seulement le fait de l'existence d'un Etat juif en Palestine, tout en reconnaissant le droit à de nombreux Juifs actuellement en Palestine, disait-il, de s'y trouver et d'y demeurer en tant que citoyens d' un Etat palestinien. Ils repoussent avec indignation les aspirations nationalistes des Juifs à un Eta t séparé." "Selon moi, conclut-il, et sans excuser en aucune façaon l'intervention armée
des Etats arabes, la solution d u problème serait facilitée si la communauté internationale et les Juifs d'Israël voulaient bien manifester plus de compréhension à l'égard du point de vue arabe."
Le lendemain de ses rencontres avec les représentants arabes et juifs, le Comte Bernadotte adressa son rapport au Secrétaire général de l'O.N.U. Le surlendemain, soit avant même que son rapport ne fût parvenu au Secrétaire général, le Comte Bernadotte fut assassiné.
"Ce serait se laisser aller à une dangereuse illusion que de vouloir instituer d'un jour à l'autre un Etat "d'Israël" sans tenir compte de la raison d'Etat, telle que l'entend la politique moderne des nations." Les Nations Unies ont omis le devoir impérieux d'appliquer sur cet Etat le régime du mandat international pour déterminer le système fonctionnel de l'Etat et  pour mesurer la compétence de son pouvoir public et sa conduite dans la société étatique.
Le problème qui subsiste est de savoir comment les Nations Unies voudront sortir de l'impasse difficile dans laquelle se trouve la Palestine, sa population dispersée et sa terre spoliée.
Dans le rapport qu'il a présenté au Conseil de Sécurité le 16 mai 1967, le Secrétaire général de VO.N.U: n'a pas caché l'extrême difficulté de la situation de l'O.N.U., depuis dix-huit ans, pour le maintien d'une paix au Proche-Orient. " Dans cette tâche, disait-il, l'Organisation s'est heurtée à un grand nombre d'échecs, de déceptions, de crises, de conflits et même à la guerre. Mais l'effort se poursuit sans relâche; nous faisons maintenant face à une situation nouvelle et menaçante; mais je reste convaincu qu'avec la coopération de toutes les parties
intéressées, l'O.N.U, et en particulier le Conseil de Sécurité, doivent continuer à chercher et finalement trouver des solutions raisonnables, pacifiques et justes. "

Décidément l'autorité internationale s'est déclarée aujourd'hui plus que jamais en état de crise, de défaillance morale. L'ultime assaut semble donné à l'édifice de l'autorité et de la justice internationale. Israël en profite pour abuser des décisions de l'O.N.U. La gloire et la splendeur de la victoire, d'être assis parmi les nations lui semblent suffisantes pour étendre son autorité en Palestine ainsi qu'en territoire occupé. Il lui importe peu de se voir considéré comme n'étant pas associé aux résolutions de la communauté internationale, ou d'être blâmé par elle. Le but à attendre est le seul souci qui lui cause des embarras. Qualifié de pacifiste lors de son admission à l'O.N.U., peu de temps après Israël s'est vu condamné par des actes graves d'accusation pour agressions violentes.

14 mai 2018

68 : «Le tournant des rêves», par Roger Garaudy

La révolte étudiante, les grèves ouvrières, l'invasion de Prague, vues par Roger Garaudy dans ses "Mémoires" 
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Le vieux lion de bronze de la place Denfert-Rochereau a
aujourd'hui une toison frémissante : des jeunes agrippés à sa
crinière.
Va-t-il rugir et se lever ?
Se retourner au moins pour voir Paris monter vers lui sur le
boulevard Raspail auquel il tourne superbement le dos ?
Je suis perché sur le socle, en dépit de la discipline : ma place
officielle serait là-bas, avec la direction du Parti, dans la manif.
Là où je suis, l'on me regarde peu, mais ce « peu » est fait de
soupçons : ce « vieux » n'est-il pas un flic en civil ? S'ils savaient
que je suis membre du bureau politique, on me délogerait
comme un pou découvert dans la fourrure du lion.
— Tu es là comme voyeur ou participant ?
Les aboiements des haut-parleurs de l'étage au-dessus, celui
de l'état-major de la crinière, m'ont dispensé de répondre.
En venant, ayant contourné les affluents de la manif, je n'ai
pas pu traverser l'esplanade des Invalides investie par une
concentration de cars de C.R.S.
La police va-t-elle provoquer l'affrontement ?
Peu probable en face de cette levée d'un million de gens.
Alors, qu'attendent-ils là-bas ?
De mon piédestal, le boulevard Raspail a l'air d'un fleuve
filmé au ralenti. Des têtes indistinctes de la foule émergent des
banderoles, des pancartes, et un peuple de portraits : Mao Tsêtung,
Che Guevara, Hô Chi Minh, Nasser, Lumumba... Pas un
visage européen. Comme si la levée de Paris se faisait à l'appel
d'un autre monde et cherchait à voir celui-ci avec d'autres
yeux.
Cette arche de Noé oscille sur la houle.
Les rives du fleuve sont dessinées : le service d'ordre, et sa
guirlande de macarons rouges de la C.G.T., encadre la
manifestation avec l  chaîne des mains nouées de ses militants,
sur des kilomètres, pour empêcher débordements et provocations.
En arrivant sur la place, le défilé se déploie en éventail, puis
en cercle autour du Lion, comme sur le cratère d'un volcan.
Pénètrent maintenant sur la place les dirigeants de l a C.G.T.
et du Parti communiste.
Dans leurs porte-voix, les responsables du service d'ordre
répètent sans cesse aux nouvelles vagues de manifestants :
— Dislocation ! Dispersez-vous ! A votre gauche, par Arago
ou boulevard Blanqui.
— Qu'est-ce que tu attends, Daniel ?
Le groupe de la crinière, là-haut, semble porter son chef et la
petite flamme rousse de ses cheveux.
Lorsque Cohn-Bendit se lève, une clameur embrase la place.
Puis un silence. Une attente. Une attente messianique.
Il s'adresse, au-delà de ses propres troupes, aux états-majors
traditionnels qui débouchent sur la place.
— Le temps des processions est fini...
Nouvelle flambée de cris.
— On veut vous renvoyer, comme à la fin de la messe.
Huées indistinctes...
Il enchaîne :
— Vous n'êtes pas venu un million pour un enterrement!...
La fête continue : descendez l'avenue du Maine... puis la Seine,
et retour au quartier Latin.
Délire sur la place.
Protestation puissante sur Raspail.
J'entends vaguement : « Provocateur... Les flics attendent piège...»
Je n'arrive pas à me dégager pour essayer de faire annoncer
plus loin, avant les Invalides, qu'on jette ces lycéens enthousiastes
dans la gueule des flics.