12 juillet 2023

Tribune libre. Cri du cœur pour Garaudy

 Un courrier reçu de l'ami du blog A.D.

Cri du cœur pour Garaudy


« Nous ne voulons blesser aucune conscience, mais nous voulons allumer tous les flambeaux ; tant pis pour qui se plaît à la nuit et au sommeil ! Le temps des dogmes et des infaillibilités est passé ; il n’y a plus aujourd’hui que des faits scientifiques et des opinions. (…) L’unité des esprits doit naître désormais d’un libre, universel et incessant examen, et (…) toutes les ténèbres hypocritement accumulées tomberont. » (Pierre Larousse, Préface au Grand dictionnaire universel du XIX e siècle, 1865 ; ce texte est disponible gratuitement sur Internet).

10 juillet 2023

Rencontres philosophiques clermontoises (2). Matérialisme et idéalisme chez Marx

 

De Marx à Teilhard de Chardin... et retour

Matérialisme et idéalisme chez Marx

Intervenant: Alain Raynaud

Mardi 21 Février 2023

 


Cette conférence est la suite de celle donnée le 17 janvier

 (voir sur le blog sous le titre "Rencontres philosophiques 

clermontoises (1)"

 

Marx est considéré souvent comme un pur matérialiste.

Se proclamer tel était alors la manière la plus radicale de

s’opposer à des églises hostiles. Mais son matérialisme 

prend pourtant pleinement en compte l’activité 

spirituelle de l’homme et se retrouve ainsi, par la 

"praxis", au cœur non d’une opposition 

mais d’une « dialectique » idéalisme-matérialisme. 

Les menaces qui sont devant nous n'imposent-elles pas un 

nouvel humanisme (presque un nouveau "spiritualisme" ?) 

dont l’athée Marx et le chrétien Teilhard de Chardin pourraient

être parmi les inspirateurs (comme Simone Weil ou Costanzo 

Preve  par exemple) ?


Voir la video ici : 

 De Marx à Teilhard de Chardin...  

et retour (philo63.org)


Détail de la série de tapisseries de Jean Lurçat "Le chant du monde"

Le principe Transcendance (suite). 8/ Dans l'espace-temps

Tous droits réservés. Reproduction interdite sauf autorisation de l'auteur.

Pierre Masset résume ainsi les deux aspects de la matière chez Ernst Bloch : «Chez lui la matière a deux aspects : elle est certes l’étant d’après la possibilité… c’est-à-dire l’ensemble des conditions données qui limitent à tel ou tel moment l’expression de la forme ; mais elle est aussi l’étant en possibilité… c’est-à-dire le sein fécond, le giron inépuisé d’où sortent toutes les figures du monde ; c’est la face lumineuse, la face d’espérance, du possible réel de la matière… Toutefois le processus peut déboucher aussi bien sur le Rien que sur le Tout ». Le processus d’identité «homme-nature» peut être réussi ou manqué. «Le possible en effet, s’il est bien du réel, n’est pas encore réalisé. Le marxiste doit donc à la fois étudier au plus près les conditions de possibilité du réel à tout moment de la réalisation (c’est ce que Bloch appelle le courant froid du marxisme) et s’ouvrir courageusement à l’avenir (c’est le courant chaud du marxisme). L’espérance marxiste, comprise comme espérance matérialiste, n’autorise ni l’optimisme plat de la foi automatique dans le progrès, ni le pessimisme absolu ; s’appuyant sur le sujet comme sur l’objet, l’un et l’autre pris dans le processus de la dialectique de la matière, elle fonde l’optimisme militant au front du processus du monde, c’est-à-dire dans la partie la plus avancée de l’être de la matière en mouvement et ouverte par l’utopie»  

Nous savons qu’il n’y a pas de dialectique de la matière. Seule la décomposition de la matière opérée par Bloch, en étant et pouvant être, rend efficient ce concept, le «pouvant-être» n’étant pas de la matière mais une idée contenue dans la matière. Ernst Bloch pousse cependant le plus loin possible la position philosophique sur laquelle se rejoignent pour une fois Camus et Garaudy, selon laquelle «l’avenir est la seule transcendance des hommes sans Dieu». Il serait simpliste de prétendre que «les lendemains qui chantent» sont au bout du chemin, d’abord parce que l’avenir est un horizon sans limite, mais aussi parce que cette idée laisse de côté les luttes à mener pour tendre à la réalisation de l’avenir, de l’utopie contenue dans le réel mais pour l’instant inconsistante.   Ces luttes se déroulent d’abord au sein de l’individu pour faire advenir en lui le sujet, tourné vers l’extérieur, vers l’altérité : «Le sujet n’appartient pas au monde, il est une frontière du monde», dit Wittgenstein [«Tractatus logico-philosophicus»].  Ces luttes tendent vers un point-avenir du Monde, celui de Teilhard de Chardin ou celui des marxistes. Ce point peut être Dieu, et c’est Sainte Thérèse de Lisieux, la «petite» Thérèse, qui, le cherchant, contre les indifférents et les méchants, se répète à elle-même un lancinant : «Lutter ! Lutter jusqu’au bout ! Même sans espoir de vaincre ! Même en pleine défaite ! Jusqu’à la mort !». Jeanne d’Arc et Don Quichotte. Bloch réussit à rapprocher Marx et Teilhard en élargissant le marxisme jusqu’à en faire ce qu’il appelle, dans «Le principe Espérance», «une science médiatisée de l’avenir», ce que Garaudy nomme en termes voisins «méthodologie de l’initiative historique».

Pour Bloch, l’homme est une tension vers l’avant, vers ce qui n’est pas, vers ce qui pourrait être ; l’homme n’est pas un être mais un chemin, un chemin franchissant les frontières de notre monde circulaire vers d’autres mondes, le chemin du principe Transcendance. Jean Marie Vincent, dans le «Dictionnaire des Utopies» de Larousse dit de la philosophie de Bloch qu’elle est «une ontologie du non-encore être».