Si l'on rejette comme
opérations mercantiles subalternes les spéculations millénaristes sur le
« troisième millénaire », et si l'on examine l'histoire à vol d'aigle
non par numération des batailles et des dominations, mais par les grands moments
créateurs de l'avenir, il apparaît que nous sommes, si nous savons mener ce
combat, à l'aube d'une troisième ère de l'humanité .
Depuis la naissance de
l'homme et pour assurer matériellement sa survie se sont succédées deux formes
fondamentales de civilisation . Lorsque les hommes cessèrent de vivre comme les
autres animaux de ce que leur donnait spontanément la nature par la cueillette
la chasse ou la pêche, ces nomades devenaient sédentaires, d'abord là où les
grands fleuves donnaient à la terre les meilleures conditions de vie pour
l'agriculture et la pêche. Le berceau des premières civilisations ce fut les
grands fleuves.
La Mésopotamie (son nom
même l'indique), c'est « le pays d'entre les fleuves »: le Tigre et
l’Euphrate. La Chine a son berceau dans le delta du Fleuve Jaune; l'Inde de
Mohendjo Daro et d'Harappa, sur les rives de l’Indus, l'Égypte sur celle du
Nil.
Les grandes voies
fluviales permirent aussi des liaisons et des échanges avec les autres îlots de
culture, et, le long des mers, naquit, et se développa un deuxième âge de
l'homme : les civilisations de la mer dans les régions côtières, qu'il
s'agisse, en Occident, de l'Empire romain dans ce qu'ils appelaient
« notre mer »: la Méditerranée, ou de l’Empire chinois qui exerça son
influence sur toute l'Asie baignée par l’Océan. Il fallut des siècles pour
passer de « l'économie fluviale » à « l'économie côtière ».
Aujourd'hui subsiste une
terrible dualité entre la terre et la mer: à l'exception de l'Europe, 60% de la
population mondiale habite aujourd'hui dans les régions côtières considérées
comme développées et prospères alors qu'elles ne représentent que 19% de la
superficie du globe. C'est un facteur important de sa « cassure »
avec les grandes poches désertiques ou sous-peuplées et enclavées de l'Afrique,
l'Asie, et des forêts vierges de l'Amérique du Sud.
Longtemps les
spécialistes de la « géopolitique » spéculèrent sur les moyens de
domination de la terre ou de la mer
qu'il s'agisse de Mackinder au moment de l’hégémonie coloniale de l’Angleterre
et de sa maîtrise des mers, ou de Hausofer pour le rêve impérial allemand
d’hégémonie territoriale des grandes masses terrestres.
Ces projets de partage ou
de domination du monde subsistent encore en arrière fond du thème du
« choc des civilisations » d'Huntington sous le masque d'oppositions
religieuses entre la « civilisation judéo-chrétienne et les collusions
islamo-confucéennes ».
En face de ses
spéculations millénaires sur la « cassure » et les affrontements du
monde et de la rivalité de ses hégémonies, il s'agit aujourd'hui de passer à
une troisième ère de la civilisation du monde, par le développement solidaire
d'une humanité mettant fin à ses cassures millénaires. Les étapes du
« progrès » de l'humanité ne se comptent pas par millénaires, mais
par étapes de la crise de conscience de son développement et la mise en oeuvre
de son unité ainsi que par les créations décisives des hommes pour
l'orientation de leur destin.. Il s'agit aujourd’hui, après la faillite de la
« mondialisation », nom nouveau de la domination impériale du monde
par les grands monopoles de l'Amérique et de ses vassaux, d'un remodelage
global du monde par un « développement solidaire » de toutes ses
cultures.
Au moment où les
« millénaristes » intéressés tentent de nous forcer de croire – par
des prétextes dignes de Nostradamus ou de Paco Rabanne – qu'une ère nouvelle
allait naître, les maîtres criminels du statu quo (de Bill Gates à Soros et à
leurs marionnettes Clinton ou Chiraquo-jospiniennes) nous prédiraient ce que
serait – par simple extrapolation technologique des jours heureux du même
millénaire, je n'étais pas loin de partager l'opinion d’Egdar Morin définissant
le « changement véritable » par un acte humain; mais avec cette
différence: je crois que le troisième millénaire a commencé à Seattle – et sans
se faire d'illusion sur ses effets pratiques immédiats - un véritable
« événement » s'était produit: le projet des dirigeants américains et
de leurs vassaux étaient mis en échec par une mobilisation planétaire qui refusait
la conception impériale de la « mondialisation » permettant aux plus
riches de devenir de plus en plus riches et de moins en moins nombreux et aux
plus pauvres d'être de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux.
Il serait en bien des cas
difficiles aujourd’hui de classer automatiquement tel pays asiatique comme
capitaliste ou socialiste. Il est vrai que plusieurs d'entre eux, parmi les
moins importants, sont devenus des appendices subordonnés de grands pays
capitalistes d'Europe ou des Etats-Unis, mais pour ceux dont l'étendue
territoriale ou la puissance créatrice a permis d'avoir, malgré des années de
présence des colonialistes, une évolution relativement autonome, l'analyse doit
être plus prudente: en particulier pour la Chine, l'Iran, le Japon, l'Inde, la
Malaisie, et quelques-uns autres à une autre échelle de grandeur.
Ils ont certes, rassemblé
autour de leur entreprise de portée mondiale pour le sauvetage de l'avenir des
hommes et de leur terre, mais il subsiste encore parmi les plus grands, des
mutations incertaines des équilibres instables et dont il nous serait
difficile, dès maintenant, de définir le choix final. En dehors de l'immense
Russie dont personne aujourd'hui ne peut prédire avec certitude l'avenir, nous
esquisserons quelques hypothèses de travail sur quelques pays asiatiques qui
sont aujourd'hui en pleine mue. L’Occident qui s'était pendant des siècles
approprié la maîtrise de leur avenir, qu'il s'agisse de la guerre de l'opium
contre la Chine, du diktat du commodore Perry au Japon, ou de la colonisation
directe de la France dans la presqu'île indochinoise ou de la Hollande dans
l'archipel d'Indonésie et de la Malaisie, cherchent un avenir qui leur soit
propre, c’est-à-dire à la fois sur le prolongement de leur histoire et de leurs
cultures millénaires, et capables d'intégrer ce qui, dans les techniques de
l'Occident, peut aider à l'épanouissement de l'homme et non à sa destruction.
Un retour pur et simple
au passé, sous prétexte de maintenir intacte leur identité, est une entreprise
absurde de quelques intégristes qui refusent systématiquement tout ce qui, dans
les techniques de l'Occident a contribué à l’élargissement des possibilités de
l'homme: il ne peut s'agir de revenir de l'éclairage électrique à la torche de
résine, ou du camion à la charrette à bras. De même qu'est non seulement
absurde mais criminelle la tendance inverse à confondre modernisation avec
occidentalisation, et d'accepter les invasions du Coca-Cola ou des films de
violence d’Hollywood au détriment des jus de fruits tropicaux, ou les
gesticulations parfois sanglantes des Night Clubs, à la place des grandes
épopées du Ramayana, des danses liturgiques de Bali ou des films de Kurosawa ou
de Misoguchi.
D'immenses désillusions
ont traumatisé le continent, qu'il s'agisse de l'implosion de l'espérance
socialiste dans l'ancienne Union soviétique, ou de la faillite des aventures
financières globalisantes des petits pays colonisés par les purulences de
l'Occident américanisé.
Les hésitations actuelles
et les alternances de domination politique, au Japon et en Inde par exemple,
mais aussi en Malaisie, sont des crises d'orientation où se joue l'avenir du
monde: selon que la balance penchera sans retour vers l'imitation des maladies
de l'Occident américanisé ou que sera trouvé un point d'équilibre où les
«valeurs asiatiques» fondamentales, les traditions brahmaniques, les valeurs
chevaleresques du Japon ancien, ou la sagesse bouddhique sauront à la fois
intégrer et maîtriser les puissances nouvelles de la technique et les mettre au
service de tous.
La mise en question du
«modèle occidental» dans lequel le «marché» joue le seul rôle régulateur des
relations personnelles ou sociales est nécessaire: ce système, on l’a vu, fait
en Asie, par la famine ou la malnutrition, l'équivalent de morts d’un Hiroshima
tous les deux jours; le chômage et l'exclusion qui gagnent, en Europe même,
montrent que les catastrophes des «dragons» asiatiques, survenues à partir de
1997, ne sont pas seulement une «crise asiatique» mais une crise du capitalisme
mondial embrassant la planète entière, depuis l'Amérique où les accords de
servitude et de misère de l’ALENA lient, en un marché unique, le Mexique aux
Etats-Unis et au Canada, jusqu'à l'impossibilité de donner à l'Europe une unité
autre que celle d'un marché aux concurrences sauvages, maintenu sous la tutelle
du dollar grâce à son euro agonisant dans l'indifférence générale avant même sa
naissance (s'il naît jamais!).
Le Japon a connu, après
Hiroshima, la férule de Mac Arthur et la course à la croissance économique.
L'Inde a vécu deux siècles siècles de domination économique, politique et
militaire, avec ses famines et ses divisions entre musulmans et hindous
savamment entretenues par l'occupant afin de diviser pour régner. Le Viêt-Nam a
connu l'exportation éhontée du colonialisme français, puis le napalm américain,
double visage de l'Occident en Asie, et l'aide empoisonnée par les exigences de
deux alliés rivaux: l'URSS et la Chine.
L'exemple du Japon est
caractéristique : il a tenté de maintenir ses «trois trésors» : l'emploi à
vie, le salaire à l'ancienneté, et le syndicat d'entreprise, à travers 1e
développement broyeur du dogme libéral de la «flexibilité», c’est-à-dire
l'exigence de la «productivité» à l'américaine où l'ouvrier est un objet
jetable comme un Kleenex ou rachetable à des conditions toujours plus précaires
selon les aléas de l'entreprise.
Il est devenu de plus en
plus clair qu'il ne s'agissait pas, en 1997, d'une crise «asiatique», frappant
d'abord les implantations occidentales en Asie, et chavirant lorsque les
investissements faiblissaient. Jusque-là, le FMI et la Banque mondiale
pouvaient «boucher les trous», à coup de prêts provisoires gagés sur une
obéissance politique rigoureuse, à la manière dont on avait procédé au Mexique
lors de l'application stricte du «libre échange» entre partenaires inégaux,
afin que les plus gros requins puissent "librement" dévorer les
poissons plus faibles.
Les idéologies
occidentales de la fin d’un monde se dissipent aujourd’hui, même dans les pays
qui furent leur terreau mortel, comme les brumes des bas-fonds, se dissipent
lorsque les premiers rayons du soleil illuminent les cimes : celles d’où
l’on appelle l’homme, tous les hommes, à accomplir leur destin : celui de
l’unité divine du monde.
Une nouvelle « route de la
soie » et le pont « intercontinental »
De ce monde aujourd’hui
nous revient la lumière : la perspective d’un avenir à visage humain,
d’une véritable universalité riche de l’apport de toutes les civilisations.
Une nouvelle « route
de la soie » dans sa version la plus futuriste, conduisant de Shanghai à
Rotterdam, à 500 km à l’heure par un train à lévitation magnétique.
Du premier au quatorzième
siècle l’ancienne « route de la soie », véhicula, avec ses caravanes,
de l’Orient à l’Occident, non seulement les marchandises précieuses mais les
hommes, leurs cultures et leurs créations. Le 7 mai 1996, s'ouvrit une ère
nouvelle pour l'avenir de l'humanité : à Pékin, et sans exclusive aucune, fut
ouverte la perspective d'un système nouveau réalisant l'unité du monde avec la
participation de tous les peuples et de toutes les cultures .
L'implosion de l'Union
Soviétique, depuis 1989, a retardé pour longtemps le véritable
« remodelage » physique et spirituel du monde qui peut seul empêcher
un inévitable « suicide planétaire »,
mais si l'on peut fixer une date pour l'avènement d'une troisième ère de
civilisation, ce serait celle du 7 au 9
mai 1996 lorsqu'à Pékin ce Colloque International sur un développement
solidaire du monde réunit trente et un pays asiatiques pour recréer l'ancienne
« Route de la Soie » avec les moyens techniques gigantesques que nous
fournissent les sciences actuelles et dont l'une des réalisations les plus
symboliques, mais aussi les plus prometteuses d'avenir, sera un chemin de fer
reliant Shanghai à Rotterdam, l'Atlantique et le Pacifique avec des trains
roulant à 500 km à l'heure sur des coussins magnétiques.
Ainsi naîtra, sous des
formes radicalement nouvelles, le véritable «Pont eurasiatique» qui reliera les
deux rives de la Grande Ile eurasiatique et préparera le
« remodelage » d'un monde unifié avec ses ramifications sur l'Afrique
jusqu'à la Mauritanie, et, par un tunnel sous le Détroit de Behring, qui
rejoindra les réseaux commerciaux américains.
C'est l'alternative enfin
trouvée, par un développement « solidaire, à la « mondialisation
impériale meurtrière des hommes et des cultures. »
Un noyau constitué par
trente et un pays asiatiques proposait au monde, à partir du projet de
« Nouvelle route de la soie », devenu «Pont eurasiatique continental»,
la grande alternative à la « mondialisation » monarchique des
Etats-Unis.
Les investissements n'y
seraient plus consacrés aux diverses variantes de la spéculation mais au
développement des infrastructures et des économies de chaque peuple selon leurs
vœux, avec le seul dénominateur commun de l'intérêt prioritaire de la
communauté internationale dans sa totalité.
Le colloque définit une
stratégie gigantesque pour développer le continent eurasiatique par le système
intégré d'un réseau intercontinental de transports modernes pour l'énergie,
l'irrigation et les communications par voies ferrées, liant la côte Pacifique
de la Chine à la côte Atlantique de l'Europe .
Ce gigantesque
« remodelage » de la terre au profit de l'humanité entière est fondé
essentiellement sur un transfert radical des richesses financières et des
possibilités immenses des sources et des techniques actuelles de la zone de la
spéculation à celle de l'économie productive réelle.
En termes simples il
s'agit que l'argent ne serve plus à faire de l'argent, mais à construire la
cité des hommes par des investissements productifs de cultures et de biens, et
non plus de prêcher la productivité pour elle-même de telle sorte qu'une
production pléthorique crée le chômage chez les uns, et, sous prétexte de
« transfert de technologies », apporte les surplus à des pays déjà
appauvris auxquels ce genre de technique n'est pas adapté.
La Renaissance de l'Asie
ne se fait donc pas contre l'Europe et l'Occident en général, mais, au
contraire, dans un esprit de collaboration qui permette à l'Occident aussi de
sortir de ses ornières. La plupart des pays asiatiques se montrent disposés à
participer à cette oeuvre.
Des lignes continues ont
d'ores et déjà été prolongées pour partir traverser la Thaïlande de Chiang Mai
à Bangkok puis la Malaisie de Kuala Lumpur à Singapour. Des projets pour la réhabilitation de la ligne qui va de
Singapour jusqu'à Phnom Penh au Cambodge ont déjà été préparés. La construction
d'une nouvelle voie de chemin de fer qui va de Pnom Pen jusqu'à la ville de Hô
Chi Minh (l'ancienne Saïgon ) permettrait la connexion avec la ligne actuelle
au Nord-Ouest du Viêt-nam pour assurer une connexion directe via Danang et
Hanoï, et aller jusqu'à Nanning au sud de la Chine.
* * *
A la base de cet immense
programme il y a le problème de l’eau, à la fois pour l'électrification de
longs segments de la « nouvelle route de la soie », pour la création
d'un puissant réseau de canaux permettant une circulation fluviale de grande
ampleur sur une grande partie du parcours, et enfin l'irrigation de larges
zones aujourd'hui quasi désertiques de l'Asie centrale pour en désenclaver les
pays sous-développés de cette région.
La Chine a donc commencé
ce travail prométhéen par le « Barrage des trois gorges » du Yang Tsé-Kiang,
l'un des plus grands fleuves du monde. Le problème de la maîtrise des eaux est
un problème majeur tout au long de l'histoire chinoise. Le légendaire Empereur
Yu le Grand, est considéré, en Chine, comme un des héros de la civilisation:
comme Prométhée apportant aux hommes le feu,
on lui attribue d’avoir entrepris, il y a trois millénaires, la maîtrise des
eaux. Le fondateur de la première République chinoise, Sun Yat Sen, fut le
premier à envisager le barrage des Trois Gorges du Yang Tsé Kiang .
Voici, sous sa forme
moderne, comment les Chinois s'appliquent à la solution du problème. La mise en
chantier a commencé en décembre 1994 .
« Si le gouvernement chinois a
pris la décision de réaliser ce projet c'est pour maîtriser les crues. Si l'on
en croit les 2.000 ans de données hydrologiques en notre possession 200 grosses
inondations se sont produites , environ une tous les 10 ans. Celles-ci ont
provoqué d'énormes pertes dans les bas et moyens cours du Yang Tsé Kiang. Les
plus petites inondations provoquèrent plusieurs milliers de morts et les plus
grosses des dizaines de milliers, voire davantage. Le plus grand désastre de
l'histoire se produisit en 1870 avec la mort de 300.000 personnes.
En 1.870, 300.000 personnes sont
noyées, 145.000 disparaissent en 1931, 40.000 en l954, 30.000 en 1959 .
C'est donc pour contrôler les crues
que le gouvernement a décidé d'aller de l'avant avec la construction de ce
projet.
Lorsque le projet sera terminé la
contenance du réservoir sera de 39,3 milliards de mètres cubes, dont 22
milliards peuvent être utilisés pour retenir l'eau des crues, ce qui permettra
de les contrôler efficacement. Les chinois tireront de cette énorme quantité
d'eau un profit considérable en terme de production d'électricité. La capacité
totale du projet sera de 18.200 MW, répartie en 26 unités de 700 MW chacune. La
production annuelle d'électricité sera de 84,7 milliards de kilowatts Le
développement économique s'en trouvera fortement amélioré .
Outre la maîtrise des crues et la
production d'électricité, la navigation fluviale bénéficiera également de ce
projet. Une fois le barrage des Trois Gorges terminé, la capacité de transport
de fret passera des dix millions de tonnes actuelles à cinquante millions par
an. » (Quin Zong Yi)
Quelques données techniques :
Longueur du barrage 2.354
mètres.
Hauteur jusque 175 mètres par endroits.
Cela représente le
déplacement de cinquante-sept millions de mètres cubes de terre dont vingt-sept
millions de mètres cubes de béton, créant un lac de six cents kilomètres de
long et de quarante milliards de mètres cubes d'eau.
Calendrier. Durée de réalisation du projet:
dix-sept ans.
– décembre 1994; le gros -oeuvre -bétonnage- est entamé.
– les travaux de retenue d'eau seront terminés en 2009.
– en 2005 (onzième année de construction), est prévue
l’inauguration des structures de navigation et du premier groupe d'unités .
Coût total du projet (estimation en 1993) environ 50.000 milliards de yuans (soit
environ trente milliards de francs).
Les riverains. La zone vulnérable compte quinze millions d'habitants. Etant donné que le
réservoir du barrage inondera quelques 28.750 hectares, près d'un million de
personnes devront être déplacées des provinces de Sitchouan et de Houpei. La
plupart seront relogées dans des régions proches de leur lieu d'origine. Le
programme de mise en oeuvre du projet des Trois Gorges opte pour un relogement
orienté vers le développement plutôt que de payer des compensations comme cela
a pu être fait en d'autres occasions. En d'autres termes le transfert de
population devrait être combiné organiquement avec le développement de cette
zone .
Électricité : la station hydroélectrique des Trois Gorges aura une capacité de
production totale de 18.200 mégawatts et sera la plus grosse du monde.
Vingt-cinq générateurs seront placés de chaque côté du « déversoir »
du barrage : 84,7 milliards de kilowattheures seront produits (soit
l'équivalent de la combustion de cinquante millions de tonnes de charbon) .
Navigation : le projet comprend la construction d'une double voie navigable. Quand le
barrage sera en service, des bateaux de dix mille tonnes pourront ainsi
remonter le fleuve de Wouhan jusqu'à Tchongking.
Coopération internationale : de nombreuses entreprises de différents pays
sont impliquées dans le projet : Allemagne, France, Japon, Russie,
Etats-Unis et Canada.
* * *
Les crises permanentes du
système ne peuvent être résolues ni par la « croissance » qui se
nourrit de toutes les catastrophes, comme de toutes les avancées techniques qui
chassent les paysans de la terre et les ouvriers des usines.
La seule alternative à
cette course au suicide planétaire, ne peut donc être que mondiale. Dans la
perspective de l’économie de marché tout
projet est voué à l'échec tant que les deux tiers de la planète demeure insolvable
et meurt de misère et de faim, alors que des millions de travailleurs des pays
dits « riches » sont voués au chômage, et que l'on parle de
« surproduction » de viandes, de céréales ou de lait, en faisant abstraction de ces milliards
d'affamés à qui l'on conseille seulement (comme à la Conférence du Caire sur la
« démographie »), d'avoir moins d'enfants pour que les Etats-Unis et
l'Europe puissent continuer leurs gaspillages et leur création de gadgets: le
meurtre préventif est un ersatz des massacres périodiques des guerres qui sont les issues aux impasses engendrés
par les principes mêmes du système.
La seule alternative est
mondiale: celle d'un développement solidaire d'un monde où la
« prospérité » d'un petit nombre n'ait pas pour corollaire la misère
et la faim des multitudes .
Des tentatives ont
jusqu'ici été faites par ceux qui se situaient en dehors du règne mondial
régnant.
Par exemple, fut conçu,
en Union Soviétique, un projet qui eût permis dès cette époque, de changer
radicalement la géographie même de l'Asie centrale en désenclavant les régions
semi-désertes d'une grande partie de la Sibérie en inversant le cours des
fleuves qui, actuellement, vont se perdre inutilement dans la Mer Arctique, et
en les dirigant vers la mer d'Aral, en voie de dessèchement.
La première phase devrait
avoir détourné environ 27 kms cubes d'eau par an de l'Ob et de son grand
affluent, l’Irtysh, pour les acheminer
vers un canal navigable de 2.544 kms de long. En plus de sa capacité d'approvisionner
toute la région de l'Asie Centrale en grandes quantités supplémentaires d'eau,
ce canal vital offrait la possibilité d'une importante nouvelle voie de
navigation entre le nord et le sud. A l'ouverture du canal, de grandes stations
de pompage devaient être utilisées pour élever l'eau au-dessus de la division
entre l'ouest de la Sibérie et le bassin de la Mmer d'Aral. De là l'eau devrait
s'écouler par pesanteur jusqu'à l'extrémité sud du canal pour l’acheminer l'eau
vers un grand réservoir installé au nord de la mer d'Aral.
Le travail serait
accompli en quinze ans avec un coût d'investissement total de dix-huit millions
dollars. Ce projet de détournement de l'eau sibérienne vers la mer d’Aral a
fait l'objet de longs débats en Union soviétique au milieu des années 80. Il
fut approuvé en 1984, par le Comité central du parti communiste de l'Union
soviétique. Mais ce plan de développement à long terme, dont l'achèvement était
prévu pour le début du XXIe siècle, et qui eût augmenté le transfert total
d'eau de 27 à 60 kilomètres cubes par an grâce à l'accroissement de la capacité
des stations de pompage et du canal central, ne fut pas réalisé - non pour des
difficultés techniques – mais pour des raisons liées à l'organisation
politico-économique de l'État qui, ayant adopté le modèle de croissance à court
terme de l'Occident, était obsédé par la conception coloniale de la
concentration de la culture du coton en Asie Centrale.
C'est dans un tel
contexte que l'on peut le mieux comprendre en quoi le projet chinois de
« Pont Eurasiatique » (sous le nom romantique de « Nouvelle
route de la soie ») est la seule alternative possible de réalisation de
l'Unité symphonique du monde, contre la tentative de
« mondialisation », nom d'emprunt de la visée américaine de
domination impériale du monde, par une série de guerres et d'explosions
sociales, excluant toute possibilité d'épanouissement des cultures et des
hommes.
En janvier 1996, sept
nations, dont la Chine, le Kazakhstan, le Japon, et la Corée du Sud, ont conclu
un accord qui vise à augmenter le volume des marchandises transportées le long
du passage de Drujba-Alataou (à la frontière de l’Union soviétique) sur la base
de la coopération et de l'intérêt réciproque.
Le développement à long terme de l'économie en Eurasie ne dépend pas
uniquement de l'achèvement d'un réseau ferroviaire transcontinental en
coordination avec d'autres voies de transport optimales. La transformation de
ces voies (et d'autres nouvelles lignes) en « couloirs de développement
infrastructurel » est aussi essentielle pour ouvrir l'histoire de
l'humanité vers une nouvelle ère d'expansion universelle des investissements,
de l'urbanisation, et du développement agro-industriel.
Les régions de l’Asie
centrale souffrent de la rudesse du climat et des moyens de transport
archaïques. Pourtant, elles sont riches en sol fertile et en toutes sortes de
ressources naturelles qui leur offrent d'énormes perspectives de développement
et de prospérité, Ces régions sont aussi dotées d'immenses ressources
d'énergie. Elles peuvent même être considérées comme le foyer des ressources
d'énergie pour le monde entier. D'où la forte interdépendance et
complémentarité qui caractérise la région du nouveau Pont Terrestre
Eurasiatique et annonce les grandes possibilités de coopération d'avenir.
La population, directement
ou indirectement liée par les « Ponts eurasiatiques », compte plus de
cinq cents millions d'habitants en Europe, et plus de quatre milliards
d'habitants dans les nouveaux pays développés en Asie orientale et méridionale. Ce rêve est d'ores et déjà en cours de
réalisation. En 1990, la dernière section de la route ferrée rénovée de 14.131
km de long fut achevée. Le trafic ferroviaire pour conteneurs de transport de
marchandises de la Chine a été inauguré en 1992.
Pour les nations
nouvellement indépendantes du Kazakhstan et des républiques de l'Asie centrale,
du Turkménistan, ainsi que de l'Ouzbékistan, du Tadjikistan, et du Kirghistan,
la renaissance de la Route de la Soie est la source de l'espoir en l'avenir.
Étendue sur une superficie pratiquement deux fois plus grande que tous les pays
de l'Union européenne réunis, et occupant un emplacement stratégique situé
entre la Chine, la Russie et l'Europe, cette immense région jouit d'une
richesse culturelle et historique, d'une population multiethnique qui compte
environ cinquante-trois millions habitants, ainsi que des plus grands gisements
de pétrole et de gaz, de métaux stratégiques et d'autres ressources minérales
du monde. La productivité de l'investissement dans les régions arctiques en
Sibérie, aussi bien que dans les régions désertes en Asie centrale, dépend de
la facilité d'accès à leurs richesses (électricité, combustibles, eau, etc.) et
de leur ouverture sur le monde extérieur à travers la performance des réseaux
de transport et des moyens de communication.
En 1997, à Ankara, la
rencontre des représentants des plus grands Etats islamiques (Iran, Malaisie,
Nigeria, Pakistan et Turquie) annonça la création d'une nouvelle organisation
internationale, le « G 8 islamique ». Le premier ministre turc Erbakan
déclara que cet événement constituerait un « tournant dans l'histoire de
l'humanité » et que les Huit ne tarderaient pas à exercer une influence
décisive sur la politique mondiale. Ils constitueraient une « tentative de
remplir le vide laissé par la dissolution de fait » en 1989, du mouvement
des non-alignés de Bandung.
Nous avons déjà évoqué la
construction d'une ligne ferrée ultra-rapide, de Kuala Lampur jusqu’à
Singapour, avec une réduction de la durée de voyage, qui est actuellement de
sept heures, à une heure et demie.
Il est important que ces
nouvelles liaisons permettent le rapprochement entre l’Inde avec ses neuf cents
millions d'habitants et l'Iran, entre l'Asie Centrale et l'Ouest, et entre la
Chine, l'Asie du sud-est et l'Est.
Le développement de
grands centres urbains: comme l’avait dèjà rêvé Sun Yat Sen, le gouvernement
chinois envisage de construire au cours
des vingt ou trente prochaines années deux cents nouvelles villes qui devraient
compter un million d'habitants chacune, et viendront border le Pont terrestre.
Appréciation du projet et de son
opportunité politique
Une réflexion sur le
développement asiatique doit tenir compte de deux phénomènes internationaux.
D'une part, la république islamique d’Iran occupe une position centrale dans
l'économie globale et dans les relations politiques en Asie centrale et au
Caucase. L'Iran doit cet important rôle de rapprochement entre les diverses
nations dans cette région tant à son emplacement géographique qu'à sa politique
étrangère.
Toutes les républiques de
l'Asie centrale, hormis la Géorgie, sont des régions enclavées dépourvues de
tout accès à la mer. Elles sont donc obligées de passer par l'Iran pour nouer
des relations économiques, directes ou indirectes, avec les autres pays du
monde. Les pays qui veulent établir des relations économiques avec les
républiques de l’Asie centrale et le Caucase sont, eux aussi, obligés
d'emprunter les routes terrestres et aériennes en Iran, en Chine et en Russie.
L'Iran et la Chine sont
les seuls, parmi tous ces pays, à être dotés d'un emplacement géographique clé.
La Chine a une frontière commune avec l'Asie centrale au Kazakhstan, le
Kirghistan et le Tadjikistan. Elle a aussi plusieurs routes terrestres et
aériennes qui vont jusqu'à l'Asie centrale. L'Iran a, quant à lui, des
frontières communes avec l'Asie centrale et le Caucase. Ses routes terrestres
et maritimes sont reliées à l'Asie centrale, le Caucase et la Russie. Pour
cette raison, une étude internationale qui porte sur les routes reliant l'Iran
à l’Asie centrale est très constructive.
La liaison ferroviaire
eurasiatique a été menée à bonne fin. Pour mieux tirer profit de son
emplacement géographique qui lui confère le rôle clé d'un pont de liaison
régionale et continentale entre les pays de l'Asie centrale et la haute mer, la
république islamique d'Iran a relié son réseau ferroviaire à celui des
nouvelles républiques et de la Russie. Cette nouvelle connexion ferroviaire
facilitera le transport des marchandises et les échanges commerciaux entre
l'Asie Centrale et d'autres régions dans le monde entier. Elle contribuera
également à donner une meilleure image de la culture, de la religion, et de
l'histoire de ces nations. La construction de la voie de chemin de fer de
Mashhad-Sarakhs-Taja (300 km de long), qui vient compléter la voie ferroviaire
de Balk-Bandar Abbas (700 km de long), a pu être menée à son terme. Ce réseau
de chemins de fer fut inauguré le 14 mai 1996.
Ce grand projet du
siècle, appelé « la Route ferroviaire de la Soie » par la commission
sociale et économique pour l'Asie et le Pacifique aux Nations-Unies, a été
achevé avec la participation du Turkménistan sans aucune aide internationale.
Ainsi fut comblé le chaînon manquant dans le réseau ferroviaire eurasiatique.
Avec la mise en service
de cette voie ferroviaire, le port de Lianyungang, à l'est de la Chine, sera
relié à Bandar Abbas au golfe Persique en passant par les villes d'Urumqi,
Almaty (appelée dans le passé Alma-Ata), Tachkent, Sarakhs, Mashhad et Téhéran.
Ceci permettra d'une part, l'accès aux hautes mers pour les régions à
l'intérieur de l'Asie centrale, et d'autre part, la connexion de ce chemin de
fer à Rotterdam via Téhéran, Istamboul et l'Europe.
La participation de la
Chine à la construction de certaines sections de ce réseau ferroviaire, a
permis, en novembre 1995, le départ, pour la première fois, d'un train du port
de Lyianyungang jusqu'à Tachkent.
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*
*
Dans cet immense
continent eurasiatique, en dehors de ceux qui ont pris la « grande
initiative »: la Chine et l'Iran, qui ont exercé une influence
déterminante, un grand nombre de pays asiatiques après l’expérience récente des
mésaventures des « dragons » et leur crise financière au moment de
leur plein essor dans la voie mortelle de la « croissance » à l’occidentale,
sont actuellement en pleine mutation, hésitant à s’intégrer au système
d’hégémonie mondiale américaine (sous le nom de « mondialisation »),
mais hésitant aussi à s’engager dans la voie du renouveau à laquelle ils sont
conviés : il s’agit du Japon, de l’Inde, de la Russie ; celle-ci peut
être la charnière entre l’Asie et l’Europe dans le « nouveau pont
eurasiatique ».
Des « graines
d’espoir » sont en train de germer, à partir de principes radicalement
opposés à ceux du monothéisme du marché et de la spéculation, au profit d’une
économie productive et créant les infrastructures nécessaires à un véritable
développement humain et non financier, croissance de l’homme et non du seul
profit.
A la différence de
l’Europe, les peuples d’Asie continuent à puiser une force dans leurs
spiritualités traditionnelles (fort diverses d’ailleurs : du shintoïsme
japonais au confucianisme chinois, à l’Islam iranien, au brahmanisme hindou).
L’exemple le plus
éclatant de cette victoire du « sens sur la puissance », comme
l’écrivait Zaki Laidi en 1992, fut, au milieu du siècle, l’épopée spirituelle
de Gandhi face à l’empire britannique.
Au-delà des alliances
passagères, qui firent, par exemple, de l’URSS l’allié privilégié de l’Inde de
Nehru, ou du Pakistan l’allié des Etats-Unis, ou, au contraire des animosités
et des guerres passagères de la Chine et de l’Inde, en 1962 par exemple,
subsiste, dans ce continent asiatique où naquirent toutes les grandes
spiritualités du monde, du Tao et des Vedas aux prophètes d’Israël et à
« l’asiate Jésus » (comme
disait le cardinal Daniélou dans son Histoire
de l’Eglise) « le plus grand
potentiel de signification de la vie que le monde connaisse aujourd’hui en face
de la dégradation humaine du monothéisme du marché ».
Cet éveil de l’homme
contre une vie dépourvue de signification par le règne individualiste
impitoyable de l’argent, se manifeste aussi en d’autres continents, non comme
des nostalgies mais comme des espérances, dans les théologies de la libération
en Amérique du Sud et du Centre, dans le réveil islamique lorsqu’il n’est pas
parasité par l’intégrisme et qu’il retrouve son universalisme matinal, dans la
prise de conscience aussi des valeurs traditionnelles de l’Afrique longtemps
conduite à l’agonie par l’esclavage, le pillage colonial, la spéculation des
capitalismes extérieurs.
De tout cela, qui est l’humanité dans sa
plénitude et sa totalité, peut naître un monde nouveau qui n’a plus le choix
aujourd’hui qu’entre un suicide planétaire s’il obéit aux lois actuelles de la
domination américaine, ou qui peut connaître une authentique résurrection, si à
l’exemple de l’entreprise géante de la Chine et de l’Iran d’un pont eurasiatique, puis
transcontinental en y associant l’Amérique comme l’Afrique, nous décidons de
construire une unité symphonique du monde, respectueuse de la spécificité des
cultures et des spiritualités de chacun,
mais unis par une même foi pour construire un monde, un et solidaire par la
fécondation réciproque de chacun, par la connaissance et la reconnaissance de
la riche unité de la nature, de l’humain et du divin.
La civilisation des tropiques
Tout au long de
l’histoire humaine, depuis la découverte du feu, mais plus encore depuis ce que
l’on a appelé (depuis le XVIIIe siècle et jusqu’à nos jours) « la
révolution industrielle », l’utilisation de telle ou telle forme
d’énergie, a joué un rôle déterminant dans les rapports de l’homme avec la
nature et de l’homme avec l’homme, dans les structures économiques, politiques
entre les peuples et à l’intérieur même des nations, dans la spiritualité.
L’Occident, depuis sa
« révolution industrielle » a employé successivement le charbon, le
pétrole, l’électricité et le nucléaire qui, ne
pouvant se produire à partir de l’un d’eux, ne marquait pas une rupture
dans ce développement. Or si nous faisons abstraction du nucléaire, qui a
suscité les derniers engouements, et qui pose actuellement des problèmes
insolubles, notamment pour le stockage de ses déchets, nocifs pendant des
siècles (ce qui a déjà conduit un pays aussi industrialisé que l’Allemagne, à
arrêter la construction de centrales et à renoncer à cette forme d’énergie),
l’Occident a fondé sa puissance sur l’exploitation de ressources non
renouvelables : le charbon, et puis le pétrole. L’ascension, par exemple,
de l’Angleterre, puis de l’Allemagne eut pour moteur l’utilisation du charbon.
Ces choix ont engendré
des structures sociales radicalement nouvelles : d’abord la concentration
dans les centres producteurs, puis l’industrialisation mécanisée qui entraîna,
d’une part, la réduction de la paysannerie (l’exode rural) et la concentration
des populations dans des « mégalopoles » où la commercialisation des
produits industriels suscitait, à la fois, par la multiplication et la
centralisation des centres de distribution, et les services afférents, un
afflux de main-d’œuvre par les postes de travail qu'il créait, et une
fascination pour la jeunesse par les possibilités de consommation et de
divertissement qu'elle offrait. Ce n'était d'ailleurs qu'un leurre car les
concentrations urbaines les plus vastes, comme hier Chicago ou Detroit,
aujourd'hui Sao Paulo ou Mexico, sont les cités où règne, plus qu'ailleurs, la
misère, la violence, et la délinquance qui en découlent.
Le pétrole joua un rôle
plus déstructurant et plus meurtrier pour la planète entière: d'abord il en
consomma la cassure entre les conquérants, et les pays dont il accroissait la
dépendance et son corollaire ; le sous-développement. Il modifia d'abord les
relations internationales. L’exemple le plus évident en est la politique de
«mondialisation» des Etats-Unis, c’est-à-dire d'une hégémonie fondée sur la
maîtrise de tous les gisements de ce pétrole qui est devenu le moteur de la
«croissance» de type occidental, c'est à dire la croissance des profits. Toutes
les guerres des Etats-Unis et leur politique étrangère, génératrice de guerre,
sont inspirées par la volonté de s'emparer de toutes les sources possibles de pétrole. Pour nous en tenir à la
dernière période, ce fut la guerre du Golfe, qui permit de dominer la
production pétrolière de l'Irak, et, sous prétexte de «protéger l'Arabie
saoudite» d'en faire un état vassal.
Les pénuries alimentaires
de la Somalie (ni plus ni moins tragiques que celles du reste de l'Afrique) ne
les intéressèrent que lorsque les prospecteurs des grandes compagnies pétrolières
découvrirent des gisements off-shore
sur ses côtes.
Les «embargos» visent
essentiellement les pays producteurs de pétrole, tels que la Libye ou l'Iran.
Les interventions destructrices en Europe, de la Bosnie au Kosovo, qui par
eux-mêmes, ne constituent pas des proies pétrolières, n'ont d'autre but que
d'exercer un contrôle de plus en plus musclé sur l'Europe de l'Est, pour mettre
la main ultérieurement sur les pétroles de Bakou et de la Caspienne, avec des
bases aériennes de plus en plus rapprochées, et cette mise en tutelle, par leur
soutien inconditionnel d'Israël (leur porte-avion insubmersible au Moyen
Orient, leur permet de contrôler les sources de pétrole) depuis la chute de
leur gendarme favori, le shah d'Iran, leur coopération avec la junte militaire
de Turquie, et leurs larges subventions à l'Égypte (les plus fortes après
celles accordées à Israël) tendent à neutraliser le monde arabe.
Les pays pétroliers
résistant à cette invasion sont qualifiés d'« États voyous » et de
centres du terrorisme : la Libye et l'Iran en particulier .
Les effets seconds de ce
rapt des ressources énergétiques du monde est la cause principale de la
«cassure» de la planète. La vente du pétrole parce qu’elle se fait en dollars,
conduit à la ruine les pays du Tiers-monde. Ils sont contraints par le FMI,
bras séculier des États-Unis, de se ruiner pour payer leurs dettes en dollars
et pour tenter un illusoire «développement» à l'occidentale .
Ils sont obligés
d'adopter les structures politiques, militaires et policières d'une part, et
d'être mono-producteurs de matières premières, selon les besoins de la
«métropole». Depuis le colonialisme classique (celui de la pluralité des
colonialismes, de leurs rivalités et de leur présence militaire) le
colonialisme unifié des États-Unis atteint les mêmes objectifs, soit par la
formation de dictatures autochtones («École des Amériques» pour les dirigeants,
dans les années soixante-dix surtout, du Brésil, de l'Argentine, ou des autres
pays d'Amérique latine) soit par la corruption généralisée des dirigeants
politiques .
Il est remarquable qu'en
faisant ces choix énergétiques d'énergie non renouvelables les provisoires
maîtres du monde ont condamné eux-mêmes leur «domination» à être éphémère. Les
ressources pétrolières jusqu'ici «trouvées», ne peuvent assurer que trente ans
de survie à leur clientèle, et même si de nouveaux gisements exploitables sont
découverts, ils ne peuvent espérer fournir l'énergie nécessaire jusqu'à la fin
du XXIe siècle
(prévisions qui excluent, d'ailleurs, les deux tiers du monde de cette
consommation orgiaque, réservée au G7, les sept pays les plus industrialisés du
monde.)
C'est pourquoi, d'autres
«graines d'espoir» des pays non-occidentaux offrent aujourd'hui une alternative
à cette entropie mondiale, en montrant qu'il est possible, avec des énergies
renouvelables, de garantir à toute la terre (et pas seulement au
« milliard doré » sur six milliards) un développement durable et
solidaire.
Les pionniers dans cette
recherche (comme Gilberto Freyre dans son livre L'Homme, la culture et les tropiques ; Bautisto Vidal, dans
ses nombreux travaux, notamment sur le « défi amazonien à l'avenir »
par une « civilisation des tropiques »; Sergio de Salvo Brito, et de
nombreux savants du Brésil) ont montré la possibilité concrète d'assurer au
monde une autre forme de civilisation durable et solidaire (n'excluant aucun
peuple du monde) en fondant cette civilisation sur des énergies renouvelables.
Pour exposer, dans toute
son ampleur, cette formidable inversion qui permettrait, comme la
« nouvelle route de la soie » de la Chine, et en constituant la
complémentaire, d'atteindre notre objectif majeur: l'unité symphonique du
monde, contre la cassure imposée par l'Occident depuis cinq siècles, nous
laisserons essentiellement la parole aux pionniers de ce nouveau cycle de
civilisation .
Et d'abord Sergio de
Salvo Britodans son livre; L'Avenir de la
civilisation des Tropiques :
« Les maîtres de la civilisation occidentale qui, aujourd'hui sous des
formes diverses, dominent ou influencent fortement l'Économie, la Pensée,
l'Organisation sociale et le Mode de vie de la quasi totalité de la population
mondiale, se sont développés à partir des régions tempérées du Sud du continent
européen.
A partir du XVème siècle commence l'extension mondiale de ces peuples par
la commerce et par la conquête. Ce qu'il est convenu d'appeler la Renaissance
en Occident, c'est le développement du rationalisme instrumental de la culture
européenne et de la supériorité technique et agricole qui en découlent. La maîtrise
des sources fossiles d'énergie et la technique de ses transformations a
conduit, au XIXème et au XXème siècle, à une domination mondiale méprisant et
détruisant les autres civilisations.
Au cours de cette expansion les grandes sources de la puissance de la
civilisation occidentale (dans la perspective de ce rationalisme occidental
faisant abstraction des fins et recherchant seulement à multiplier la puissance
de ses moyens), la source essentielle d'énergie c'étaient les combustibles
fossiles (le charbon minéral d'abord - en Angleterre, en France, en Allemagne -
qui exigent des structures politiques centralisées, des Etats-nations. Le
développement de cette expansion occidentale a conduit à la décadence des
autres civilisations. Elle a entraîné les plus redoutables inégalités : entre
le Nord et le Sud, avec le rétablissement de l'esclavage et de toutes les
formes de dépendance ; et, à l'intérieur
même des pays occidentaux, une polarisation croissante de la richesse et du
pouvoir, et l'accroissement du nombre des exclus.
L'exportation des modes occidentaux de technique et de production produisit
de terribles dégâts, à la fois du point de vue du déséquilibre écologique et
de la misère des multitudes. Les exemples les plus typiques, de cette
destruction des équilibres naturels sont la destruction des forêts amazoniennes
et indonésiennes ou une exploitation de l'Afrique qui permet au désert saharien
d'avancer de plusieurs kilomètres par an[1]. »
Un seul pays, avec 6% de
la population totale de la planète, consomme 35% de la production mondiale
d'aliments, et il est inadmissible que 90% des êtres humains, qui souffrent de
faim dans le monde, vivent dans des zones rurales où la proportion ne cesse
d'augmenter. L’agriculture "industrialisée", qui a ses centres de
décision dans les pays riches, en est responsable. Ce sont les multinationales
de l'agro-alimentaire qui contrôlent 85% du cacao, 90% du café, 60% du sucre et
une poignée d'autres grandes entreprises, 90% du coton et 90% du bois.
L'agriculture industrialisée,
avec l'emploi intensif de capitaux, est une grande dévoratrice d'énergie. Elle
est, en outre, un aspect de la société de consommation, puisque le seul critère
qu'elle retient est le critère économique. Le néolibéralisme connaît seulement
les coûts économiques, sans s'intéresser au coût social ni environnemental. Son
moteur est toujours le plus grand profit.
La situation critique
existant dans plusieurs pays tropicaux, malgré leur potentialités à l'échelle
planétaire, est la conséquence du modèle servile imposé par les pays centraux,
depuis des siècles.
Darcy Ribeiro,
anthropologue de renommée mondiale, dénonçait en 1991 au Sénat brésilien cet
injuste statut quo international :
« Dans
notre pays une nouvelle mode est apparue. Il s'agit d’une soumission fanatique
au monde des riches. Une soumission non seulement économique, mais aussi
culturelle ...Ce qu'il faut faire dans notre pays ce n'est pas une
modernisation comme celles qu'on a connues, qui modernisent le système
productif pour le rendre plus efficace comme fournisseur de biens pour le
marché mondial. Il nous faut faire un saut qualitatif, établir une économie
autonome des grands centres décisionnels… Nous devons nous unir aux autres
peuples exploités, pour combattre et mettre un terme à l'ordre économique en
vigueur, qui fait que les plus pauvres paient la prospérité des pays riches,
par la voie d'un échange international inégal insupportable… Or nous avons tout
pour que fleurisse une civilisation belle et solidaire. Nous avons les plus
grandes, belles et riches régions de la planète... Serons-nous capables de
développer les potentialités contenues dans notre terre ? Ou est-il inéluctable
que nous continuions à enrichir les riches et à nous appauvrir ? Nous avons été
historiquement un prolétariat externe du marché international. Nous n'avons
jamais existé pour nous-même. Nous avons existé pour servir les pays
riches… »
Ainsi, le futur de
l'humanité n'est pas ce qui sera, mais ce que nous ferons. Cela dépend en grand
partie, de la construction d’une civilisation solidaire et autonome fondée sur
le creuset de vie des tropiques, cette région qui, pour paraphraser Hérodote,
est un don du soleil.
« Le Soleil, dit le professeur Vidal, est un gigantesque réacteur
à fusion nucléaire qui fond dans son sein des noyaux d'hydrogène, dégageant
ainsi des quantités formidables d'énergie, qui sont lancées à travers l'espace
sidéral jusqu'à atteindre la Terre, sous la forme d'ondes électromagnétiques
calorifiques, visibles, les ultraviolettes entre autres. C'est un réacteur qui,
situé à une distance prudente, ne provoque pas de dégâts. Il nous envoit des
rayonnements propres, dépurés d'ondes ultraviolettes, grâce au filtre constitué
par la couche d'ozone qui entoure la Terre. Cette couche protectrice est
néanmoins en train d'être détruite, par des substances lancées dans
l'atmosphère, comme résultat du type d'industrialisation, à la base de laquelle
se trouve la "rationalité" des théories économiques qui expriment les
intérêt économiques des pays hégémoniques.
Rien ne se crée,
rien ne se détruit, seulement cela se transforme. C'est le premier Principe de
la Thermodynamique. Aucune ‘loi’ du marché, ne peut altérer ce principe
inexorable. Il s'agit du principe qui régit le monde physique. Mais cette
énergie, peut être détériorée, réduite. C'est là la question fondamentale : la
confrontation et la suprématie de ces astucieuses pseudo lois du marché sur les
principes et les lois de la nature. Le travail, l'intelligence, la créativité
et la maîtrise technologique, sont des facteurs nécessaires, mais non
suffisants, pour créer et maintenir les civilisations. La base fondamentale de
leur existence et de leur évolution est liée obligatoirement au potentiel
énergétique, toujours issu du patrimoine naturel. On ne peut pas altérer cette
réalité physique, sans produire de graves conséquences, définies avec rigueur
par la science. »
Parmi les ressources
naturelles les plus méprisées et ignorées par les théories économiques imposées
par les pays riches, se trouve le soleil. Les forêts sont le résultat, grâce à
la photosynthèse, de cette gigantesque énergie envoyée par le soleil. C'est
elle qui rend possible le maintien des cycles naturels et qui garantit la vie.
La quantité d'énergie qui
tombe chaque jour sur les Tropiques humides est l'équivalent de six millions de
bombes nucléaires du modèle Hiroshima. Alors que la civilisation du pétrole est
la «civilisation d'un jour», nous avons là la base énergétique d'une autre
civilisation à condition d'en finir avec la dépendance de l'extérieur. Le
pétrole, et le charbon, eux aussi, ont comme origine le soleil. Leur formation
exige de deux à trois cents millions d'années, alors que le charbon végétal,
l'énergie éolienne, ou la biomasse se renouvellent de façon permanente. La
photosynthèse capte, par les plantes, cette énergie.
A l'échelle mondiale
furent détruites des cultures qui étaient mieux intégrées aux conditions du
milieu et aux formes d'organisation sociale correspondantes, pour imposer des
mono-productions soit agricoles comme le café, le sucre, les arachides etc. et,
du point de vue industriel, pour piller les matières premières, le pétrole
d'abord, mais aussi les richesses minérales. Ainsi furent détruits non
seulement les équilibres naturels, mais les formes d'organisation sociale qui depuis
des millénaires avaient maintenu les équilibres écologiques.
Le choix unilatéral des
sources d'énergies fossiles non renouvelables et la logique interne du système
(qui impliquait l'utilisation de quantités toujours croissantes de cette
énergie) ont conduit à la perspective actuelle d'épuisement de ces ressources,
si bien qu'aujourd'hui, au rythme actuel de leur utilisation, les ressources
présentes en pétrole dans le monde pourraient être totalement épuisées d'ici
une trentaine d'années et, même si des découvertes nouvelles de gisements
permettent de reculer ces limites, le moment d'un épuisement total est
inéluctable.
Ce mode d'utilisation des
énergies non renouvelables entraîne la destruction des grandes sources
millénaires d'énergies renouvelables. L'exemple le plus saisissant est le
saccage de la forêt amazonienne pour produire de l'énergie électrique selon les
méthodes employées en Occident, telles que les grands barrages hydrauliques qui
exigent au Brésil l'inondation et donc, d'abord, la destruction de milliers
d'hectares de forêts.
Une forêt de la zone
tempérée, bien exploitée, peut produire normalement deux à trois stères de bois
par hectare et par an tandis que la même exploitation, dans la forêt tropicale,
peut en fournir de quarante à soixante. Le Brésil, par exemple, possède environ
325 millions d'hectares de terres impropres à l'agriculture (soit 20% du
territoire national), mais la moitié de ces surfaces seraient susceptibles, par
une exploitation forestière appropriée, de produire de manière permanente
l'équivalent énergétique de six milliards de barils de pétrole par an,
c’est-à-dire à peu près la production totale des pays de l'OPEP. On peut
imaginer aisément que l'utilisation, même partielle, de ce potentiel
énergétique changerait profondément toute la structure actuelle du pouvoir
mondial.
Dans la zone tropicale
pourrait s'instaurer une nouvelle distribution du pouvoir, car cette mutation
historique de réhabilitation de l'homme tropical et de son milieu naturel,
permettrait, à partir de ressources énergétiques renouvelables, en particulier
celle de la biomasse, de créer des formes nouvelles de rapports sociaux et
politiques. Cela exige de mettre fin à l'exploitation de nos ressources
naturelles par les prédateurs de l'Occident et de ses vassaux, et de fonder un
modèle de développement sur l'exploitation rationnelle de ces ressources
renouvelables, avec toutes les conséquences politiques, stratégiques ou
écologiques qui en découlent.
Le rapport Projet énergétique et technologique adapté
au milieu ambiant , indique : «[…] La cause principale de la destruction de
la foret tropicale est le développement d'une structure économique fondée sur
des modèles technologiques importés qui conduisent à la dégradation de
l'environnement[2].»
Le cas de la biomasse est
emblématique, le problème majeur de son développement ne se trouve pas dans le
domaine technologique, mais dans le domaine géopolitique :
« La technologie relative à l'utilisation de la biomasse à des fins
énergétiques fut développée fondamentalement en Europe au XIXe siècle. Or,
elle disposait d'un très bas rendement, étant donné l'insuffisante insolation
des régions tempérées. Avec le développement industriel, ces ressources se sont
avérées insuffisantes et l'utilisation de l'énergie de la biomasse (bois) fut
abandonnée. Des habitudes liées au mimétisme culturel, encouragées par le
modèle de développement dépendant, firent que cette attitude des pays
industrialisés soit copiée par les nations de la périphérie, et l'alternative
réelle qu'offre la biomasse, fut présentée comme dépassée et sans perspective.
Mais ces conceptions contredisent la réalité et doivent être revues à la
lumière d'une compréhension plus profonde du potentiel de la biomasse
énergétique ».
L'énergie fixée dans la
biomasse par la photosynthèse, a une très grande valeur stratégique ; elle
offre aux pays périphériques des opportunités historiquement sans égal, du
point de vue énergétique, social et politique. La biomasse requiert un
investissement de capitaux relativement peu important, par rapport aux énergies
fossiles. En outre, elle peut se développer avec les moyens existants, au
niveau régional, voire local. Elle est plus qu'une alternative énergétique et
constitue la base d'un développement technologique et industriel viable, fondé
sur les données concrètes de la réalité qu'offrent les tropiques, avec
l'intégration de l'homme à une économie en harmonie avec son environnement
naturel.
La biomasse énergétique
disponible dans l'Amazonie, notamment le manioc, les huiles végétales, la
cellulose, la canne à sucre, le sorgho, etc., peut remplacer les dérivés du
pétrole en alimentant des moteurs Diesel et Otto (moteur à quatre temps),
chaudières, turbines, etc. La production d'électricité, est d'ailleurs l'une
des applications de ce potentiel de biomasse dont dispose le Brésil
(utilisation de la lignite, des huiles et du charbon végétal).
Le programme de
production d'alcool mené au Brésil -malgré les tentatives de l'arrêter par des
pressions étrangères- constitue un des atouts majeurs de ce pays, qui pourrait
ainsi envisager, dans le futur, le remplacement progressif du pétrole et à
terme, la fin de sa dépendance énergétique : avec plus de quatre cents usines
d'une capacité de production de l'ordre de 16 milliards de litres d'alcool éthylique,
ce programme est le plus important dans le domaine de la biotechnologie au
Brésil et l'un des plus importants au monde. En plus, si ces potentialités
s'étendaient à d'autres matières premières énergétiques et à d'autres
combustibles substitutifs du pétrole, ce projet pourrait atteindre une portée
mondiale. Dans le domaine de la biomasse, le Brésil se situe parmi ceux qui
disposent d'une technologie des plus adéquates, comme résultat de l'existence,
jusqu'en 1979, d'une structure institutionnelle, d'une coordination et d'une
volonté politique. Plus de mille trois cents ingénieurs et chercheurs
travaillaient dans ce programme, qui par la suite fut interrompu.
Cet immense potentiel
énergétique que représente la biomasse tropicale, constitue un facteur qui
pourrait faire changer la structure du pouvoir à l'échelle internationale. Pour
cette raison, l'utilisation et le développement des tropiques, situé
principalement en Amérique du Sud, en Afrique et dans le Sud-Est asiatique, est
systématiquement découragé par les pays centraux qui contrôlent, de leur côté,
les autres ressources d'énergie dans le monde.
Dispersée dans
l'Amazonie, elle peut avoir aussi un rôle décentralisateur, en contribuant à la
distribution plus uniforme de la population dans ce vaste territoire. Dans le
cas du Brésil, cela aiderait à la transformation de l'organisation économique,
sociale et politique du pays, en rompant l'organisation actuelle, dépendante de
la production centralisée de l'énergie, fondamentale, dit-on, pour couvrir les
grandes agglomérations urbaines.
L'alternative de
l'utilisation de l'énergie de la biomasse, implique une nouvelle forme
d'occupation du territoire et conduit à une nouvelle conception de la
civilisation.
Bien entendu, il ne
s'agit pas de procéder à la déprédation systématique de la forêt, dit J.B.
Vidal, mais à une exploitation rationnelle de celle-ci, ce qui implique la
préservation du patrimoine naturel des tropiques, par la voie de la
reforestation systématique des territoires L'utilisation d'huiles végétales,
offre des conditions excellentes pour la préparation de substituts à l'huile
Diesel. Si l'on prend comme exemple la productivité moyenne de quatre tonnes
annuelles par hectare et si nous prenons deux millions d'hectares à Bahia et
soixante-dix millions d'hectares dans l'Amazonie, on pourrait envisager une
production d'huile équivalent à six millions de barils d'huile Diesel par jour,
dix-huit fois la consommation actuelle du Brésil.
En ce qui concerne la
production d'éthanol, le Brésil pourrait atteindre avec la technologie
actuelle, une production moyenne annuelle de 6 000 litres à l’hectare, à partir
de l'exploitation de la canne à sucre et du manioc. Ainsi, une production de
cinquante milliards de litres par an (880.000 barils par jour d'alcool),
n'aurait besoin que de 8,5 millions d'hectares, à peine 1% de son territoire.
La production d'alcool
représente 180.000 barils de pétrole par jour, la création de presque un
million d'emplois directs, l'activation de l'industrie avec la construction de près
de six cents nouvelles usines, la production et la circulation de plus de deux
millions de voitures utilisant l'alcool comme combustible.
En extrapolant ces
chiffres et ces exemples à l'échelle internationale, les spécialistes affirment
qu'avec le développement des forêts et des cultures énergétiques tropicales, il
serait possible de combler tous les besoins mondiaux de combustibles solides,
liquides et gazeux aussi bien que les besoins d'électricité, pour une période
pratiquement illimitée.
Grâces à ses
potentialités économiques, à ses conséquences sociales et à son extension
quantitative, la biomasse, peut devenir, à moyen terme, le principal levier
pour le développement du monde tropical et, à plus longue échéance, un puissant
outil de transformation de la structure mondiale du pouvoir.
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Ces deux exemples, riches
d’une infinité de promesses, nous montrent que le Tiers Monde pourrait bien
être celui par qui le salut économique advient. Le salut pour le christianisme
pourrait bien y germer aussi, c’est ce que signifie l’immense espoir soulevé
par la théologie de la libération, malgré son rejet catégorique par l’Église
romaine, constantinienne et paulinienne, pour qui l’option préférentielle pour
les pauvres est un stigmate du communisme.
Roger Garaudy