16 février 2017

Le troisième héritage (6). Transcendance et communauté. Par Roger Garaudy



Transcendance et communauté n'est-ce pas la contribution que
l'Islam peut aujourd'hui apporter à l'invention d'un avenir à visage
humain, dans un monde où l'élimination du transcendant, la destruction
de la communauté par l'individualisme et un modèle démentiel de
croissance ont rendu le statu quo invivable, et impossibles les
révolutions de type occidental.
J.-J. Rousseau, dans son Contrat social, se fondait sur une
conception abstraite de l'individu et ne pouvait finalement imaginer
l'intégration sociale qu'à travers le mythe d'une « volonté générale »
dont les expressions historiques concrètes, à travers parlements et
partis, ont montré tout ce qu'elle comportait de délégation et
d'aliénation de pouvoir, pour donner une caricature de « démocratie »,
la participation du peuple au pouvoir devenant une fiction et
une mystification.
Il en fut de même pour la propriété : sa définition individualiste,
romaine et bourgeoise l'a conduit à la théorie du prétendu « intérêt
général », selon laquelle si chacun poursuit son intérêt personnel
l'intérêt général sera réalisé. Deux siècles de convulsions sociales
engendrées par ce « libéralisme économique », qui n'a pas fini de
mourir, ont dénoncé ce mensonge économique de « l'intérêt général
» de même que le mensonge politique de « la volonté générale ».
Les expériences dites « socialistes », substituant à ces mythes celui
d'un « parti » omniscient et providentiel qui incarnerait à son tour, au
nom d'une classe dite porteuse d'avenir mais jamais consultée, cette
« volonté générale » ou cet « intérêt général », ont conduit à d'autres
impasses.

Nous ne cherchons nullement à idéaliser toutes les réalisations
historiques des sociétés islamiques et pensons même que la prétention
de déduire d'un texte inspiré une législation valable pour tous les
temps et pour tous les peuples relève d'un intégrisme malfaisant.
N'est-il pas, dit dans le Coran : « Pour chaque communauté, il y a un
messager » (X,48) et, plus précisément encore : « Nous n'avons
jamais envoyé un messager sinon dans le langage de son peuple, afin
qu'il puisse rendre clair le message » (XIV,64).
Aujourd'hui, si l'Islam ne se fige pas dans son passé, mais sait
résoudre les problèmes de notre temps dans l'esprit de la Communauté
de Médine, en se souvenant, selon l'expression de Jaurès, que
rester fidèle c'est transmettre du foyer des ancêtre non la cendre
la flamme, et que c'est en allant vers la mer qu'un fleuve est fidèle à sa
source, alors peut s'ouvrir, non seulement pour les musulmans, mais
d'une manière universelle, la perspective d'un socialisme qui ne soit
plus paralysé par le scientisme positiviste et l'individualisme occidental,
mais qui soit fécondé par les valeurs fondamentales que fit déjà
renaître la Communauté de Médine en une flambée d'espérance :
transcendance et communauté.

Promesses de l'islam