23 décembre 2015

Jésus rend visible le « Dieu caché », par Roger Garaudy

Ne prétendant jamais être Dieu, mais messager des volontés de celui qu'il n'appelait ni Seigneur ni Maître, mais son Père, c'est à dire l'Amour sans limite. L'amour du tout de l'humanité et de la vie.
Il montre aux hommes ce qu'est la vie véritable: l'amour qui est d'abord l'amour du Tout, prévalant sur toutes nos ambitions ou nos désirs partiels.
Les Pères de l'Église, ne s'y sont pas trompés, rappelant le message unique de Jésus ; nous montrer ce qu’est une vie véritablement humaine, c’est à dire, divine : « Dieu c’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu. » Jésus n'a jamais prétendu édicter des lois, mais appeler à l'amour. Il n'a jamais prétendu exclure ou interdire. Il n'a jamais prétendu juger. Jésus disait : «Je suis venu appeler non pas les justes mais les pêcheurs.» (Mc II, 12). Il disait au criminel sur sa Croix : « Aujourd'hui tu seras au Paradis avec moi.» (Luc.23-41) et aux «gens du monde» : « publicains et prostituées vous précéderont dans le Royaume de Dieu ». IL ne s'est pas attribué de miracle, répétant à ceux qui lui en prêtaient le pouvoir magique. « C'est ta foi qui t'a sauvé » (Matth. IX, 22-30-34; McIV, 15; Luc, VIII, 24-VII 43-XVIII, 4243).
Au, lieu de se laisser appeler «seigneur » (le nom qu'à cette époque les esclaves donnaient à leur maître et les juifs à leur Dieu ), il ne se laisse appeler ni seigneur ni maître ni même bon: « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon sinon Dieu seul ! ». (Luc XVII, 19)
Car Jésus ne prétend jamais être Dieu mais seulement son messager. Lorsqu’il dit: « Le Père et moi nous sommes UN » (Jn XII, 45). IL précise aussitôt, qu'Il rend visible, par ses paroles et ses actions, le Dieu caché : « Qui me voit, voit celui qui m'a envoyé » (Jn XII, 45). « Je n'ai pas parlé de moi-même, mais le Père qui m'a envoyé, m'a prescrit ce que j'ai à dire. » (XII, 40)
Il s'identifie si peu au Père, qu'il dira sur sa Croix: « Père, si tu veux, écarte de MOI cette coupe... mais que ta volonté soit faite et non la mienne.» (Lc XXII, 42)
Il ne se réserve pas, pour Lui seul, le titre de «Fils de Dieu»: « Les pacifiques seront appelés Fils de Dieu ». (Mt, X, 9)
Le Coran a enseigné aussi cette vision dynamique du monde que Dieu «ne cesse de créer» (XXXV, 81), «un dieu qui ne connaît ni cesse ni repos.» (II, 255) «Il commence la création et il la recommence.» (X, 4). «Il est présent en chaque chose nouvelle. »
Ces révélations toniques sont plus actuelles que jamais: les périls qui nous menacent sont si grands qu'ils ne pourraient être conjurés par des mesures économiques ou politiques partielles, mais par un changement radical dans l'esprit et le cœur des multitudes, par une nouvelle levée de la foi. Les disciples demandaient déjà à Jésus: « Que faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » (Jn VI, 19)
Ce dieu de Jésus ou de Mahommet n'est ni un être ni un maître, mais au contraire un appel au combat pour réaliser ce Royaume. Rien ne nous est promis et personne ne nous attend.
Bonhoeffer voit la spécificité du christianisme, dans le fait que c'est la seule "religion" dans laquelle «Dieu est impuissant et faible dans le monde », «Dieu nous fait savoir qu'il nous faut vivre en tant qu'hommes qui parviennent à vivre sans Dieu»[1]. C'est ainsi que Jésus nous a rendus majeurs et responsables: finis les dieux bouche-trous de nos ignorances et de nos impuissances ! Ce n'est pas Dieu qui a à nous aider, c'est nous qui avons à aider le Dieu vivant dans sa lutte pour l'avènement du Royaume, à travers toutes les défaites de l'histoire. Jésus n'est pas venu nous « sauver », comme un pompier qui tire de l'eau un homme qui se noie. II est venu pour nous sauver de toutes les religions craintives et plaintives implorant à chaque difficulté, la "puissance" de Dieu pour nous décharger de notre propre impuissance. Jésus nous a enseigné à vivre debout, en hommes qui se savent pleinement responsables de la vie grande et nouvelle dont il nous a montré le chemin et donné l'exemple. Aucune Église ne peut nous prendre en charge comme des enfants ou des infirmes, nous pardonner nos fautes ou les punir, nous faire des promesses parolières qui nous dispenseraient du combat. L'iconoclasme de Bonhoeffer à l'égard de toutes les caricatures cléricales de la foi est le plus stimulant des efforts.
Il n'est pas le premier à s'engager dans cette voie; déjà l'abbé Joachim de Flore, au XIIe siècle, avait montré que les Églises ne sont pas le Royaume de Dieu, et que l'histoire des hommes continue sous la propre responsabilité de chacun d'eux habité par l'Esprit tout en tous.
Jésus nous a montré ce qu'est la plénitude de l'homme. Il demeure le pivot autour de qui flottaient mes voies changeantes, où, comme dit Leonardo Boff : «J'ai changé, non de bataille, mais de tranchée.»