17 septembre 2010

Introduction à la pensée de Teilhard de Chardin

Introduction à  la pensée de Pierre Teilhard de Chardin 

Avec la fin des repères traditionnels, la perte de toute transcendance et la victoire du matérialisme, l'humanité est menacée par la conviction de l'absurdité des choses et un repli dangereux sur l'égoïsme et l'intérêt à court terme.
Pour Teilhard de Chardin, l'Univers est cohérent, il a un sens, et sa prétendue absurdité ne peut recevoir aucune confirmation scientifique.
L'Evolution de l'Univers ne se poursuit pas au hasard. Elle laisse entrevoir une orientation dont la constance se manifeste au cours de milliers de siècles. Elle offre à l'Humanité de participer activement à une véritable Odyssée.



L'Evolution progresse toujours vers plus d'organisation, dans le sens d'une complexité croissante. Lorsqu'un assemblage de particules atteint un certain degré de complexité, on y constate l'émergence d'un phénomène que nous appelons "la Vie".
Chez les êtres vivants on constate l'émergence de ce que nous appelons "la Conscience".
Cette conscience s'accroît proportionnellement à la complexité des organismes. Dans cette perspective, l'Evolution atteint avec l'Homme un point culminant de complexité.

Au degré de complexité atteint par le cerveau de l'homme, on constate l'apparition de la "Conscience Réflexive". Elle est d'une importance décisive car elle permet à l'Homme de manier des idées comme des objets, de former des jugements et d'intervenir sur son environnement.
Avec la pensée réfléchie commence la liberté et avec elle la possibilité pour l'homme de prendre une part de plus en plus active et responsable au processus universel de l'Evolution.

Inséré lui-même dans le mouvement organisateur qui, depuis des siècles, travaille le monde, l'Homme, à l'instar de toutes les particules constituant l'Univers, tend à "s'organiser".
Il ne devient véritablement lui-même que dans la mesure où il s'associe volontairement avec ses semblables pour former des communautés. "L'union différencie".
Une super-humanité établie sur la base de relations et connexions de toute nature établies entre des hommes libres, cultivant leurs différences pour en tirer parti, mais liés entre eux par des relations d'ordre spirituel cherche à voir le jour: c'est la noosphère.

Cette unification de l'humanité ne peut s'opérer sous l'effet de la contrainte.
L'effacement de l'homme devant un tout considéré comme une "fin" en soi équivaudrait, pour chaque individu à une régression vers la mécanisation, et non à un progrès.
La "planétisation", pour constituer véritablement un progrès dans l'évolution, ne doit rien retirer aux individus, mais au contraire développer leurs personnalités et leurs différences.
Seule une association de personnes, réalisée librement par affinité mutuelle, et par attrait collectif pour l'unité d'un monde en croissance vers l'esprit, peut prolonger le processus de complexification.
C'est une mystique de l'ordre de l'amour sur un chemin long et semé d'embûches.

Parvenu au stade de la pensée réfléchie, l'homme devenu conscient de l'Evolution en devient responsable. Il a le pouvoir de la seconder ou de la combattre.
Comme l'homme a un besoin fondamental de sens, la cohérence de l'Evolution implique qu'il y découvre un horizon qui l'attire, l'espoir de plus grands accomplissements justifiant ses efforts et sa persévérance.
C'est pourquoi, en dépit des vicissitudes du court terme, Teilhard croît en l'Avenir.

Cet horizon, résultant de la convergence des lignes d'unification qui se sont déssinées dans le passé, se présente comme un champ d'attraction situé dans l'Avenir: Oméga.
Dés l'instant où la Pensée réfléchie et la Personnalisation sont des phénomènes apparus dans le monde à l'échelon humain, il est nécessaire que l'Energie universelle - sous peine de se révéler moins évoluée que les éléments qu'elle anime - soit elle-même une énergie pensante, et possède tous les attributs d'une personne.

Teilhard instaure, par sa vision du Monde, une véritable mystique de l'action.
L'action n'est, en aucune manière, un mode dégradé de relation au Divin. Elle fait de nous des co-créateurs de Celui que Teilhard appelle le "Dieu de l'En-Avant".


Jacques Masurel , Questions pour un monde en devenir, Aubin Editeur, pp 67 à 70