26 décembre 2013

Un souffle réconfortant



Jésus après Marx et Freud
par Ernesto BALDUCCI

Je voudrais avant tout chercher à exprimer les sentiments que m'inspirent la lecture et l'écoute de Garaudy. Je me suis souvent demandé si l'enthousiasme avec lequel le monde chrétien accueille ses paroles n'a pas une raison plus sérieuse que celle, suspecte, de l'instinct apologétique.
Il existe une raison plus profonde, et je crois l'avoir comprise. Les réponses enthousiastes aux discours de Garaudy sont la conséquence de la crise radicale d'identité chrétienne que nous vivons : c'est le thème fondamental que je développerai. Le Concile, qui aurait dû nous donner une carte d'identité claire, nous les a toutes déchirées. Avant le Concile, il était facile de répondre à ceux qui nous demandaient pourquoi nous étions catholiques; depuis, un nombre important de chrétiens, dont j'ai le sentiment de faire partie, ne savent plus répondre avec clarté.
Une coutume de l'Eglise primitive me revient à l'esprit. Quand un chrétien quittait sa communauté, il emportait avec lui un fragment de poterie ; à son retour, il réunissait ce morceau à la partie restée aux mains de la communauté; il l'y ajustait, et donnait ainsi le signe de lui-même, son « symbole ».
Je pense que Garaudy nous rapporte un fragment semblable. Son expérience historique, vécue avec tant de souffrance et une telle profondeur de réflexion, rencontre, avec une opportunité providentielle, l'inquiétude du chrétien qui ne sait plus se reconnaître lui-même dans le monde catholique, tellement saturé de théologies aliénantes et si irrémédiablement attelé au char du capitalisme. Le témoignage de Garaudy donne une indication utile, pour une nouvelle identité historique, au chrétien qui s'est libéré des fausses identifications et qui, engagé dans le dépassement de ses aliénations, fait du choix révolutionnaire sa manière d'être dans l'histoire.
Le souffle réconfortant qui nous vient des paroles de Garaudy peut s'expliquer, au moins en ce qui me concerne, par l'intuition d'une nouvelle identité possible du chrétien comme sujet historique.

Ernesto Balducci
Premières lignes (pages 83-84) de sa contribution à l'ouvrage collectif Face à Jésus publié en 1974 aux Editions du CERF