Le CLAS (Comité de Liaison pour l'Autogestion Socialiste) regroupe en 1973 plusieurs organisations parmi lesquelles les CIC (Comités d'Initiative Communiste) créés le 22 janvier 1971 dont les membres les plus connus sont Roger
Garaudy, Charles Tillon, Jean Pronteau, Maurice Kriegel-Valrimont,
Victor Leduc.
Voici les thèses publiées par le CLAS en octobre 1973:
Voici les thèses publiées par le CLAS en octobre 1973:
1.
Le capitalisme, sous sa forme nationale ou multinationale, s’est
aujourd’hui saisi, dans notre pays, de l’ensemble des activités humaines
et des conditions de l’existence quotidienne, du travail à la chaîne à
la télévision en passant par les cités parkings, les HLM, les marchés du
loisir et de la culture, etc. L’Etat et l’ensemble des pouvoirs, qu’ils
s’exercent à l’entreprise, sur la terre, sur la ville, sur
l’information, sur l’enseignement, etc., ont pour fonction d’imposer,
aussi bien par la répression que par une prétendue participation, un
mode de vie permettant un constant élargissement de la production de
plus-value. Le règne universel de la marchandise ébranle toutes les
institutions et toutes les valeurs établies, met la société tout entière
en état de crise permanente.
2.
Face à cette crise, le terme d’autogestion exprime le sens de la
solution révolutionnaire globale vers laquelle s’orientent les luttes
présentes qui s’étendent à tous les secteurs de la vie sociale. Ces
luttes remettent en cause l’organisation capitaliste du travail, le
principe d’autorité et l’ordre hiérarchique dans tous les domaines, une
école qui perpétue la séparation du travail manuel et du travail
intellectuel, la fonction de classe de l’armée, de la police, de la
justice, l’emprisonnement de la jeunesse dans les mécanismes de
reproduction du capital, l’inégalité et la subordination de la condition
féminine liées aux structures rétrogrades de l’institution familiale et
de la vie sexuelle, l’exploitation sauvage des travailleurs immigrés,
l’oppression économique et culturelle des minorités nationales de notre
propre pays. On constate aujourd’hui que la croissance capitaliste
aboutit à l‘irrationalité de la vie quotidienne, à la pollution, à la
destruction des cycles écologiques et cela dans le cadre d’une
surexploitation et d’une misère accrues imposées aux peuples du tiers
monde. C’est pourquoi la finalité de cette croissance est elle-même
largement remise en question.
3.
Dans l’action contre toutes les formes d’exploitation, d’oppression et
d’aliénation qu’engendre le capitalisme actuel, se constitue un nouveau
bloc de forces sociales, fondé non sur une alliance provisoire et
circonstancielle de classes ayant des intérêts divergents ou
contradictoires, mais sur l’aspiration commune à un changement
fondamental des structures des rapports entre les hommes et avec la
nature, des modes de vie et de civilisation, à une autodétermination
complète des peuples et des individus. Dans ce bloc, la classe ouvrière,
en fonction de sa situation de classe la plus exploitée, joue un rôle
central, mais les autres catégories de travailleurs et tous ceux,
jeunes, femmes, etc., qui prennent conscience dans la lutte de la
nécessité d’en finir de façon radicale avec le système capitaliste y ont
leur place.
4.
La révolution socialiste autogestionnaire trouve sa base objective dans
le fait que la convergence des forces anticapitalistes peut se réaliser
dans une période où sont réunies les conditions matérielles,
scientifiques et techniques dans lesquelles notre société peut organiser
rationnellement la production et la répartition en réduisant au minimum
les contraintes de l’accumulation, en mettant fin à tout système
autoritaire et hiérarchisé. Avec les moyens modernes d’information et de
formation, le problème des décisions peut être résolu de façon
rationnelle par les intéressés eux-mêmes à toutes les instances de la
vie économique, sociale et politique.
5.
Le socialisme autogestionnaire se fonde sur l’appropriation sociale des
moyens de production et sur leur gestion directe par les travailleurs,
déterminant eux-mêmes, dans le cadre d’un plan élaboré démocratiquement,
les finalités, les conditions et la rétribution de leur travail. Sur
cette base, il réalise le pouvoir des travailleurs à l’entreprise, dans
les services, dans toutes les institutions ainsi qu’aux niveaux
communal, régional, national. L’information et l’expression libres, la
liberté d’association, de propagande et d’action syndicale, politique,
culturelle permettent à tous les membres de la société d’assurer leur
autodétermination et leur donnent la possibilité d’un développement
collectif et d’un épanouissement personnel.
6.
Même s’il aspirait dès sa naissance à ce type de société, le mouvement
ouvrier n’a pu encore y accéder, tant en raison de l’absence de maturité
des conditions matérielles que par l’effet d’illusions sur les
possibilités d’y parvenir sans détruire le système capitaliste et son
Etat, ou parce que les forces révolutionnaires, là où elles ont
triomphé, ont mis en place des Etats à dominante bureaucratique fondée
sur la direction de l’économie et de l’ensemble de la société par un
seul parti hégémonique, lui-même organisé selon les principes du
monolithisme. Dans ces conditions, les travailleurs, privés des libertés
essentielles, restent également frustrés de la réalité des pouvoirs de
décision et de gestion à l’entreprise et dans tous les secteurs de la
vie sociale.
7.
Tel qu’il s’exprime dans le Programme commun de gouvernement, le projet
de société demeure tributaire de ces deux tares historiques. D’une part
il diffuse la croyance selon laquelle il est possible d’avancer vers le
socialisme dans le cadre même du système économique actuel et en
laissant subsister les formes institutionnelles de son appareil d’Etat.
D’autre part, il annonce l’installation progressive d’un capitalisme
d’Etat assorti d’une gestion dite démocratique, mais dans laquelle ce
sont les appareils des partis et de syndicats qui, dans le cadre de la
propriété étatique des moyens de production, assumeraient le rôle
dirigeant. Toute l’expérience du mouvement ouvrier montre que, dans un
tel système, c’est au parti de type monolithique que reviendrait tôt ou
tard l’hégémonie politique. La pire des illusions consisterait à croire
que les perspectives tracées par ce programme sont compatibles avec
l’autogestion socialiste.
8.
Le combat pour le socialisme autogestionnaire prend appui sur les
luttes actuelles contre l’exploitation et l’oppression, luttes qui, dans
leur forme (autodirection par les travailleurs et tout récemment par
les lycéens et par les étudiants) et dans leur contenu, posent de plus
en plus le problème de la transformation des rapports de production et
des rapports sociaux. Ces problèmes sont également posés dans les
actions qui se développent dans les domaines de l’école, du cadre de
vie, de la santé, de l’habitat, des transports, dans les actions que
mènent les jeunes, les femmes, les travailleurs immigrés, les minorités
nationales. Mais ces luttes ne peuvent déboucher spontanément sur
l’autogestion socialiste, pas plus que n’y peut conduire une politique
réformiste ou l’hégémonie de directions bureaucratiques sur le mouvement
ouvrier.
9.
La destruction de l’appareil d’Etat de la bourgeoisie et de tous les
pouvoirs sur lesquels il s’appuie, sur l’entreprise, sur l’éducation,
sur le cadre de vie et sur le mode de vie, est le préalable à
l’instauration du socialisme autogestionnaire. C’est donc un problème
politique qu’affronte nécessairement le gouvernement pour l’autogestion.
Celui-ci doit élaborer et appliquer une stratégie révolutionnaire
adaptée aux conditions actuelles de la lutte des classes, stratégie dans
laquelle les luttes pour le contrôle des travailleurs sur les
entreprises et les services et pour le contrôle populaire sur l’habitat
et le cadre de vie, l’éducation, la santé, etc., peuvent constituer des
objectifs intermédiaires préparant la crise révolutionnaire. Au cours de
cette crise, l’instauration d’un réseau de bases d’autogestion peut
être une arme essentielle dans la bataille pour abattre le pouvoir de la
bourgeoisie.
10.
Confronté à cette tâche historique, le mouvement révolutionnaire pour
l’autogestion ne peut se développer sans disposer d’une instance capable
d’élaboration politique et théorique, capable de regrouper des forces
sociales engagées ou susceptibles d’être engagées dans les luttes,
capable de dégager scientifiquement les perspectives générales et de les
proposer pour des luttes nouvelles. L’organisation révolutionnaire qui
assumera ce rôle doit rejeter les schémas dépassés d’une avant-garde qui
se rassemble sur la base d’un programme élaboré en vase clos et sur un
modèle pré-établi d’organisation et qui se tient pour l’incarnation de
la classe ouvrière et de la conscience révolutionnaire. La conscience et
les forces révolutionnaires se constituent dans un rapport constant
entre le mouvement autonome des masses, les luttes réelles et
l’organisation politique.
11.
Entre l’organisation politique et les organisations de masse, qu’elles
soient permanentes comme les syndicats ou temporaires comme les comités
de lutte, les comités de grève, etc., les liens doivent être multiples à
tous les échelons et contribuer, tant sur la base géographique que sur
celle des secteurs d’intervention, à l’élaboration de la ligne politique
et des décisions.
12.
Dans ses structures, l’organisation doit préfigurer les rapports
sociaux du socialisme d’autogestion. Elle doit être suffisamment
décentralisée pour permettre aux militants la plus grande autonomie dans
les luttes et la capacité d’élaboration et de décision à la base. La
libre circulation des idées, la confrontation des points de vue, la
reconnaissance explicite des courants et leur représentation briseront
toute possibilité de monolithisme et de captation bureaucratique de la
direction. Mais l’organisation doit garantir sa cohérence et sa capacité
d’action révolutionnaire par une définition suffisamment claire et
précise de ses orientations de base.
13.
Dans une telle organisation, l’engagement politique n’est pas le
renoncement sécurisant à prendre des initiatives et des responsabilités.
Chaque militant est au contraire appelé à développer dans l’élaboration
et dans l’action ses capacités de création, et tout l‘effort de
formation et d’information, la pratique politique et le langage lui-même
doivent tendre à lui permettre d’affirmer sa personnalité dans la lutte
collective pour la révolution et le socialisme autogestionnaire.
14.
La création de l’organisation révolutionnaire pour l’autogestion est
l’objectif commun des partis et groupements révolutionnaires qui
rejettent le passage par une phase de direction centraliste de
l’économie et de l’Etat et qui ont pris position sans équivoque pour
l’autogestion socialiste. Mais elle nécessitera la réunion de dizaines
de milliers de travailleurs et militants des organisations syndicales,
sociales, culturelles qui seront appelés dans des assemblées de base à
construire ensemble l’instrument politique indispensable à la
coordination et à la convergence de leurs luttes vers la révolution
socialiste autogestionnaire.