Interpellation
par Juan ARIAS et Sergio ZAVOLI
S'il
fut cloué sur la croix, n'est-ce pas parce qu'il était un homme libre?
Sa parole et ses gestes n'étaient ils pas paroles et gestes de l'Esprit
dans un monde où la liberté était le privilège de quelques -uns payé par
l'esclavage de tous les autres? Peut-il y avoir salut là où il n'y a
pas de liberté ? Tel est le respect jaloux que Jésus porte à l'homme:
libre de se sauver, libre de se perdre.
Après
des siècles d'anathèmes et de bénédictions, d'honneurs et de tortures,
pourquoi le cri de la liberté est-il, encore aujourd'hui, le plus fort?
Il est le plus fort là où la violence de quelques-uns s'acharne à
vouloir un monde que tous les autres refusent. Il est le plus fort là où
les idéologies, les systèmes et les croyances se situent au-dessus de
l'homme, en dehors de lui et contre lui, étouffant silencieusement sa
voix.
S'agissant
du salut il ne peut y avoir de frontière entre l'Orient et l'Occident.
C'est ensemble et partout à la fois que les hommes se sauveront.
Immense
est le péché qui dénie à l'homme le droit d'être lui-même: libre de se
sauver, libre de se perdre. S'il fut cloué sur la croix, n'est-ce pas
parce qu'il était un homme libre? Peut-il y avoir salut là où il n 'y a
pas de liberté?
LE POUVOIR
S'il
fut cloué sur la croix, n'est-ce pas parce qu'il contestait le pouvoir
de l'homme sur l'homme, en un temps où le pouvoir était le privilège de
quelques-uns payé par la souffrance de tous les autres?
S'il
a contesté d'abord les structures ecclésiastiques de son temps,
n'est-ce pas parce qu'elles prétendaient témoigner de la vérité divine
alors qu'elles opprimaient la liberté, cette liberté que l'homme tient
de Dieu?
S'il
a affirmé l'égalité de tous les hommes devant Dieu, peut-on tolérer,
vingt siècles après, des croyances, idéologies et utopies qui justifient
la souffrance d'un seul homme?
Un
même nom désigne tous les maux de notre temps. Ce nom c'est le pouvoir.
Le pouvoir peut-il être chrétien? S'il fut cloué sur la croix, n'est-ce
pas parce qu'il contestait le pouvoir de l'homme sur l'homme?
L'AMOUR
S’il fut cloué sur la croix, n'est-ce pas parce qu'il prêchait l'amour en un temps où la violence était la règle ?
L'amour:
ne rien faire qui lui soit contraire. Ne pas refuser à l'autre cette
liberté qui est première. Je ne peux pas te sauver contre ta volonté,
mais je peux t’aimer sans réserve.
L'homme
de l'ère technique aura-t-il envie de sourire devant une assertion si
vieillie, devant un mot tellement usé? L'homme si fier de découvrir la
Lune comprendra-t-il le sens profond, l'éternelle durée de cette parole?
Se
voir dans l'autre sans réserve, quel qu'il soit. Se rendre identique,
se reconnaître avec joie, s'indigner ensemble et vouloir ensemble, nous
aussi, renouveler toutes choses! La valeur sacrée que l' homme est en
train de redécouvrir n'est-elle pas l'homme lui-même ?
Qui nous appelle si avant?
S'il fut cloué sur la croix, n'est-ce pas parce que, dans l'amour, il proclamait nos droits?
Extrait de : J. ARIAS, E. BALDUCCI, E. CHIAVACCI , R. GARAUDY, M. LÉGAUT, O. DA SPINETOLI, S. ZAVOLI
FACE A JÉSUS.Traductions de l'italien par Jacqueline Touvier. LES ÉDITIONS DU CERF, Paris, 1974