En Hommage au philosophe Roger Garaudy
Le militant et philosophe Roger Garaudy, vient de mourir a l’âge de 98 ans dans à son domicile de Chènnevières dans la région parisienne, ce domicile ou il nous reçût Ezzeina Mint Elhachem et moi-même durant tout un après midi du mois de Juillet 2001.
Tout au long de cet entretien, j’avais l’impression de voir défiler sous mes yeux le siècle finissant. De la guerre d’Espagne a la Résistance, de L’Algérie a l’Indochine, puis plus tard Cuba, le Congo, le Viêtnam , l’Iran, partout le même engagement en faveur des causes justes .Sur ses photos souvenirs on le voyait aux côtés de tous ceux qui façonnèrent ce vingtième siècle. Blondel, Staline, Mao Tsé-toung, Thorez, Marchais, Nehru, Ho Chi Min, Le General Giap, Nasser, Ben Bella, le Che, Lumumba, Senghor, Kouame N’Nkrumah, Khomeiny, Arafat , El dom Camara, Picasso, Maurice Béjart, Sartre, Paulhan, Breton ,l’Abbé Pierre.
En hommage a la mémoire de ce frère des hommes, je me fais le plaisir de partager avec tous les amis, la partie intellectuelle de cette écoute. (Cet entretien fut publié en 2002 par le Journal Le Calame).
Un après midi avec Roger Garaudy
Cette rencontre avec Garaudy fut avant tout une délectation intellectuelle. Pendant cet après-midi de Chènnevières, j’avais l’impression de voir défiler sous les yeux tout le siècle, avec ses convulsions, ses espoirs et ses personnages. Pour avoir pris une part active à pas mal de ces évènements, Garaudy reste un acteur et témoin exceptionnel.
- S.M.Khattry: Rien de ce qui est fini, comme par exemple le pouvoir, la fortune, le savoir ou le plaisir ne peut étancher cette soif de bonheur que tout homme expérimente en lui. Seul ce qui est sans rivage, sans contours, bref l’infini est à même de m’assouvir. Autrement dit ne rien vouloir qui ne soit l’infini, offre un sens à notre quête, à notre vie, or jusqu’ici je demeure dans une perspective mystique. Ma question : Doit-on en rester là ? Plus précisément, comment actualiser cette irruption de la foi dans le cœur de chacun de nous ?
- R.Garaudy: Il y’a un moment ou après avoir épuisé tous les plaisirs, de puissance et autres l’homme ouvre ses bras au libérateur, c’est à dire à la vie mystique. Mais moi, je ne crois pas que l’aboutissement de la vie soit la mystique. Si vous voulez, pour moi le plus grand homme du 19 eme siècle est sans aucun doute l’Emir Abdel Kader. C’était un grand mystique; il était disciple par voie initiatique d’In Arabi, et c’était aussi un grand homme d’action. Et comme il était très hospitalier, il lui arrivait d’inviter certains de ses prisonniers français. Ces officiers étaient tous étonnés de le voir prier toute la nuit et le lendemain se révéler un véritable General. C’est à dire que la mystique n’exclut pas l’action. A mon avis la mystique débouche sur l’action. A mon avis une mystique sans action s’évanouit en pur culte personnel et une action sans mystique est une action bestiale. Et le but de ma vie était justement de réunir la mystique et l’action.
Et c’est pour ça que la lacune dernière de mon grand maître Blondel est d’avoir uniquement terminé sur la contemplation, en tant qu’ouverture des bras au libérateur. C’est très bien, mais que va - t- on faire de cette liberté ? .
- S.M.Khattry : Mais cette mystique là, où s’enracine-t-elle pour vous? Dans l’immanence ou la transcendance ?
- R.Garaudy : Vous savez l’immanence et la transcendance ne veulent rien dire. Ce sont des termes qui ont été inventés par les occidentaux. Immanence est un mot qui donne l’impression que Dieu est un locataire de larmes. et ce n’est pas du tout ce que nous voulons dire. De même il n’y a pas de transcendance comme extériorité c’est à dire quelqu’un qui est en haut et qui tire les fils et qui mène notre vie et celle des empires. Non, ça c’est du Bossuet. A mon avis il faut finir avec ces mots. Transcendance, je l’emploie aussi mais dans le sens de rupture : Marie- Madeleine était une prostituée et elle est devenue une sainte.. Elle lavait les pieds de Jésus avec ses parfums. C’est cela la transcendance. Une rupture.
- S.M.Khattry : Ce que je pense n’est pas Dieu. Ce que je dis non plus. Alors que nous reste – t- il pour en témoigner ? Le pari sur la foi et l’action qui en découle ?
- R.Garaudy : Dieu n’est pas un être. Ce téléphone, ce masque sont des êtres. Mais Dieu ne l’est pas. Dieu est un acte. L’acte qui fait être et qui est en moi et en toute chose. La foi est un postulat. Et c’est vrai, je peux être athée ou ne pas l’être. Personne ne m’oblige. Il n’y a pas de preuve de l’existence de Dieu. Ça c’est une idée des grecs. S’il y’avait une preuve, il n’y a pas alors besoin de foi. En réalité Dieu est un choix. Mais dire que c’est un postulat ne veut pas dire que c’est arbitraire. Par exemple, le postulat d’Euclide: si je veux faire une chaise qui tienne droite ou une maison qui ne me tombe pas dessus, je fais comme si le postulat d’Euclide était vrai, or Enstein a montre que cette application est un cas particulier lorsqu’on fait abstraction de la vitesse de la lumière. De même que Dieu: Je peux dire comme Albert Camus que la vie est absurde, là est l’athéisme complet. Or si la vie est absurde, je peux faire n’importe quoi. Je peux voler, tuer, vous prendre votre femme. Il n’y a pas de règle. Ou alors je dis Dieu: Ce n’est pas un mot. C’est une manière de vivre, c’est une charria. C’est une règle. Donc Dieu n’est pas un être, Dieu est un acte. Si vous remarquez, j’ai su ça dans le Coran. Je l’ai su aussi en méditant sur la vie de Jésus: Jésus ne donne pas de leçon comme Moise qui ordonne de faire cela et de ne pas faire cela. Je dis il n’existe pas une loi du Christ, il existe une poétique du Christ. Jésus n’est jamais là où on l’attend. D’habitude quand vous faites quelque chose et bien sûr si je vous connais bien, je peux dire il a l’habitude de faire ceci ou cela. Avec Jésus c’est impossible, toujours vous le trouvez au détour d’une solution ou d’un chemin qui n’existe pas avant.
- S.M.Khattry : Collé à l’acte de création neuf et perpétuel
- R.Garaudy : La femme qu’on allait dilapider pour adultère: Tout le monde s’attend à ce que Jésus dise qu’elle est coupable ou pas coupable. Or qu’est ce qu’il dit ? Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre.
- S.M.Khattry : Cet acte toujours neuf le Coran l’exprime dans le verset « Chaque jour un nouvel ouvrage l’occupe»..
- R.Garaudy : Il n’y a rien qui est déjà expliqué et fini totalement.
- S.M.Khattry : s’agissant de la création, vous dites il n’y a pas d’avant ni d’après. ..
- R.Garaudy : l’idée de création est déjà une idée absurde. C’est un peu comme si j’allais dans une maison vide et je dis : est – ce qu’il y’a quelqu’un? Il y’a déjà quelqu’un puisque je suis déjà là. Par conséquent je pose une question qui n’a pas de sens, en posant la question de la création. Ibn Khaldoun dit que parler de la transcendance, c’est nier l’idée de création. et je pense qu’il a parfaitement raison. Si non il y’a un avant et après, un moment ou Dieu était tout seul. Il s’ennuyait puis il créa le monde pour se divertir. Il s’agit là d’une idée tout à fait anthropomorphique. Il ne faut pas prêter à Dieu des sentiments de ce genre.
- S.M. Khattry: Dans votre biographie du XX siècle, vous parlez de tous les philosophes contemporains sauf Bergson; Expliquez-nous?
- R.Garaudy : Bergson avait l’avantage d’écrire magnifiquement, alors que souvent les philosophes écrivent du charabia. Mais à mon avis il n’a pas apporté quelque chose de radicalement nouveau malgré l’enthousiasme de Mohamed Iqbal pour lui. C’est vrai qu’il a fini avec une certaine conception immobiliste des choses, et qu’il a vu le monde dans son mouvement. Mais c’est là une idée très musulmane, alors que dans la Bible il est dit » Dieu créa le monde en 6 jour et le 7 eme il s’arrête en disant cela est bien « . Bien, je le veux mais on a vu Hitler, Hiroshima. Tandis que dans le Coran il est dit Dieu a crée le monde et le recrée à chaque instant et Il est présent dans toutes les choses nouvelles. Ca c’est dans le Coran et ça me parait contradictoire avec les gens qui me disaient qu’il faut appliquer ce qu’ils appellent la Charria et qui n’a rien à voir avec la Charria c’est à dire la législation – Alors Dieu créerait tous les jours des choses et on laisserait passer le train comme ça! – C’est absurde. Si Dieu crée du nouveau chaque jour nous devons participer à cette création, nous devons servir cette création. Par conséquent nous devons changer.
- S.M. Khattry : Pour revenir à Bergson, il opte pour un mouvement qui dilue l’homme. ..
- R.Garaudy : Chez Bergson il y a seulement cette idée de mouvement. Mais on ne lui voit pas de terme. On ne sait pas où il va, où il mène. Il n’y a pas de moment ou on peut dire cela est bien, cela est mal. Or cela ne me suffit pas de voir le monde qui s’écoule comme un ruisseau.
- S.M.Khattry : Vous Voulez l’homme, inventeur de son destin, acteur de son histoire. ..
- R.Garaudy : A mon avis oui. Moi l’homme que j’admire c’est Nietzsche qui dit que si Dieu est mort c’est que nous n’avons pas su le soutenir dans son combat. S’il y’a eu Hiroshima, s’il y’a eu la violence, c’est que Dieu t’a fait et t’a accordé la liberté que tu as utilisée à mauvais escient. Notre vie n’est pas un logiciel. Dieu nous a fait libre et responsable.
- S.M.Khattry : Et le couple transcendance et communauté au cœur de chacun de nous, en tant que trame de notre individualité? ..
- R.Garaudy : Disons plutôt individu contre communauté, en tout cas en Occident. L’exemple typique de cette scission est la déclaration d’indépendance des USA » tous les hommes sont libres et égaux en tant que citoyens. » Mais de quel homme s’agit-il, du blanc bien sûr. La Révolution française : « tous les hommes naissent libres et égaux » seulement c’est la préface d’une constitution ou les trois quarts des Français sont exclus du droit de vote. L’homme, cet homme là c’est quoi,? C’est le riche, c’est le pauvre? Non je ne crois pas du tout qu’il existe un homme. Ils existent des hommes. On dit les morts, on ne dit pas le mort. et il y ‘a des morts dont nous sommes responsables
- S.M.Khattry : Louis Dumont dans ses hommo-économicus et Homo-Hierarchicus, met face à face l’individualité communautaire des sociétés holistes traditionnelles et l’individualité en compétition avec toutes les autres, laquelle apparaît en Occident avec la philosophie des lumière et la révolution industrielle. .. En quelque sorte convivialité contre concurrence.
- R.Garaudy : Ce qu’on appelle la renaissance de l’Occident constitue une catastrophe, l’individu ici en question n’est pas celui d’une classe ou d’une autre catégorie sociale quelconque. C’est l’occidental en tant que peuple élu face aux autres qui sont les barbares et les primitifs. C’est toujours la même idée du peuple élu qui revient : les hébreux, l’église, puis l’Occident.
- S.M.Khattry : A côte de la catégorie individu, les lumières ont produit trois autres piliers majeurs de la modernité: le positivisme, l’utilitarisme économique et le rationalisme. ..
- R.Garaudy : le positivisme avant qu’il ne sombre en scientisme a tout au début constitué une rupture avec les dynasties du sang au profit du suffrage universel. On était un seigneur parce qu’on était fils d’un seigneur. et ce dépassement était bien. Seulement aujourd’hui on constate qu’on est riche parce que fils de riche et qu’on est ouvrier parce que fils d’ouvrier. L’économie s’est substitué au sang, quant au rationalisme, il s’agit d’un intégrisme. Le mystère existe. Il s’agit d’une chose qu’on ne comprend pas. et il existe un moment ou la raison s’arrête et reconnaît avec humilité son impuissance à aller au-delà. Par exemple au sujet de la création, il n’y a pas de réponse à cette question que la raison puisse valablement et définitivement fournir.
- S.M.Khattry : Si vous le voulez bien, faisons maintenant un petit détour par votre itinéraire personnel. Comment expliquez-vous la conspiration du silence et l’anathème dont vous êtes victime aujourd’hui après avoir été l’une des personnalités intellectuelles les plus médiatisées de France? ..
- R.Garaudy : Vous savez c’est simple. Les journaux et les médias de manière générale aiment bien les scoops. A l’époque, ma rupture avec le parti communiste (PCF) était une grosse affaire. J’étais le 4 eme personnage du parti, le directeur de la revue Les cahiers du communisme et le fondateur du centre d’études marxistes. Je dirigeais par ailleurs le dialogue entre chrétiens et communistes au Canada, aux Etats- Unis, au Brésil, en France en Italie. Bref j’étais une personnalité internationale. Et pour une telle personnalité dire à l’époque et en pleine réunion du comité central du parti que l’URSS n’était pas un pays socialiste, et dire plus tard à George Marchais qu’il serait le fossoyeur du parti communiste français tout cela faisait trop. Puis survint mon exclusion du parti après 39 ans de combat. Tous ces avènements furent énormément suivis et commentés. La une du Monde et des principaux journaux Français et étrangers. Il faut dire qu’à l’époque, mon avis intéressait beaucoup les intellectuels européens et américains. La seconde foi, je fus victime d’une croisade sioniste à l’occasion de la sortie de mon livre « les mythes fondateurs de l’état d’Israël ». Ce livre fut un événement mondial. Il a été traduit en 35 langues. Tous les médias étaient obligés de réagir à commencer par les Américains eux -même . Pendant cette bataille médiatico -juridique rien ne me fut épargné. Par exemple quand il m’arrivait de citer tel ou tel propos d’une personnalité juive pour corroborer tel ou tel fait la citation était tournée contre moi. Vous savez mon maître c’est Don Quichotte. Depuis l’âge de 20 ans. Don Quichotte pour qui l’idéal est plus vrai que le réel. Celui qu’aucune tempête ne peut faire plier. Je dis souvent qu’il faut être disponible pour l’action quel qu’en soit le prix, et surtout disponible pour le neuf qu’apporte chaque acte de création nouveau. et dans ce registre il n’y a pas de place pour le découragement ni même pour la contemplation.
- S.M.Khattry : L’homme d’action par excellence...
- R.Garaudy : C’est l’essence de l’imbrication de la foi et de la l’action.
- S.M.Khattry : Monsieur Garaudy! La mondialisation ? .
- R.Garaudy : Cest le nouveau visage du colonialisme. Un colonialisme à l’échelle planétaire qui touche l’Europe même. C’est l’américanisation du monde.
- S.M.Khattry : Déchiffrez-vous quelque part une raison d’espérer. Autrement dit quelle alternative à ce rouleau compresseur américain? .
- R.Garaudy : Pour moi le plus grand péché du monde c’est le désespoir. Avoir la foi c’est croire que malgré l’orage, l’aube sera au rendez-vous. Mais j’avoue qu’en ce moment tout nous donne tort. Mais il faut continuer à combattre. et si je ne trouve que quelques dizaines d’hommes de qualité, cela me console de centaines de milliers de cons (excusez moi le terme).
- S.M.Khattry : Islam et démocratie. Que vous inspire ce couple? ..
- R.Garaudy : Démocratie est un mot inventé par les Grecs. C’est un mensonge. On oublie par exemple que la mère des démocraties était Athènes au temps de Périclès. Périclès était le pire des dictateurs à l’époque où Athènes comptait 110.000 esclaves et 20.000 citoyens libre. Cela ne s’appelle pas une démocratie. Il s’agit d’une oligarchie esclavagiste. et c’est cette situation qui existe encore aujourd’hui aux USA, c’est le régime du parti unique par excellence. Il n’existe quasiment aucune différence entre Républicains et Démocrates. En France, quelle différence y’a-t-il entre la politique de monsieur Jospin et celle de monsieur Chirac? Aucune.
- S.M.Khattry : Dans nos sociétés musulmanes, nous connaissons beaucoup plus de violence, d’injustice et d’hypocrisie .
- R.Garaudy : C’est vrai. Il n’existe aucun pays musulman démocratique. L’islam est en pleine décadence, contrairement à ce qu’on dit sur sa montée. En Iran je vais souvent. et je crois déceler en Mohamed Khatemi un grand espoir et un homme de grande valeur, et je pense qu’il pourrait mettre sur pied un état qui tienne. Mais il n’y a personne de l’envergure de Khomeyni auquel j’avais applaudi des deux mains en 1980.
- S.M.Khattry : Quel conseil pour la jeunesse d’aujourd’hui ?
- R.Garaudy : Ne pas baisser les bras. ..
- S.M.Khattry : Quittons maintenant la philosophie et la politique. Vous vous êtes aussi intéressé à l’art. Vous êtes l’auteur d’œuvres majeures dans le domaine: Aragon, Saint John Perse, Flaubert. ..
- R.Garaudy : J’enseignais l’esthétique parce que l’art est le plus proche de la religion. Car il n’y a d’art que sacré. Par exemple quand vous vous arrêtez simultanément dans la mosquée de Cordoue et dans l’église de Chartre vous avez là un espace musulman et un espace chrétien. Tout cela je l’ai exposé dans mon livre: les mosquées miroirs de l’Islam. Tout cela est difficile à expliquer. Mais vous le sentez. Tout comme l’amour. Il en est de même de toute œuvre d’art. Il y ‘a de l’indicible comme dans la foi et dans l’amour. et il faut choisir.
- S.M.Khattry : C’est pour cette raison que l’art va bien au-delà de la philosophie.
- R.Garaudy : Ah oui. Je crois. J’ai toujours dis que le philosophe est un pique-assiette. Tandis que l’art est de l’ordre de la création, c’est pourquoi l’art est le plus proche de la foi et c’est pourquoi il n’y a d’art que sacré.
- S.M.Khattry : Ma dernière question: que répondrait monsieur Garaudy à l’ami athée qui exprime devant lui son angoisse existentielle ?
- R.Garaudy : Pour moi l’athée est l’homme qui ne se pose pas de questions. L’athée est dans sa routine et dans sa suffisance . Si déjà il se posait des questions, pour moi il n’est pas athée, et si en plus cet homme est capable d’amour et de don, je peux dire qu’il se dirige à bon port.
- S.M.khattry : Je vous remercie.
Le militant et philosophe Roger Garaudy, vient de mourir a l’âge de 98 ans dans à son domicile de Chènnevières dans la région parisienne, ce domicile ou il nous reçût Ezzeina Mint Elhachem et moi-même durant tout un après midi du mois de Juillet 2001.
Tout au long de cet entretien, j’avais l’impression de voir défiler sous mes yeux le siècle finissant. De la guerre d’Espagne a la Résistance, de L’Algérie a l’Indochine, puis plus tard Cuba, le Congo, le Viêtnam , l’Iran, partout le même engagement en faveur des causes justes .Sur ses photos souvenirs on le voyait aux côtés de tous ceux qui façonnèrent ce vingtième siècle. Blondel, Staline, Mao Tsé-toung, Thorez, Marchais, Nehru, Ho Chi Min, Le General Giap, Nasser, Ben Bella, le Che, Lumumba, Senghor, Kouame N’Nkrumah, Khomeiny, Arafat , El dom Camara, Picasso, Maurice Béjart, Sartre, Paulhan, Breton ,l’Abbé Pierre.
En hommage a la mémoire de ce frère des hommes, je me fais le plaisir de partager avec tous les amis, la partie intellectuelle de cette écoute. (Cet entretien fut publié en 2002 par le Journal Le Calame).
Un après midi avec Roger Garaudy
Cette rencontre avec Garaudy fut avant tout une délectation intellectuelle. Pendant cet après-midi de Chènnevières, j’avais l’impression de voir défiler sous les yeux tout le siècle, avec ses convulsions, ses espoirs et ses personnages. Pour avoir pris une part active à pas mal de ces évènements, Garaudy reste un acteur et témoin exceptionnel.
- S.M.Khattry: Rien de ce qui est fini, comme par exemple le pouvoir, la fortune, le savoir ou le plaisir ne peut étancher cette soif de bonheur que tout homme expérimente en lui. Seul ce qui est sans rivage, sans contours, bref l’infini est à même de m’assouvir. Autrement dit ne rien vouloir qui ne soit l’infini, offre un sens à notre quête, à notre vie, or jusqu’ici je demeure dans une perspective mystique. Ma question : Doit-on en rester là ? Plus précisément, comment actualiser cette irruption de la foi dans le cœur de chacun de nous ?
- R.Garaudy: Il y’a un moment ou après avoir épuisé tous les plaisirs, de puissance et autres l’homme ouvre ses bras au libérateur, c’est à dire à la vie mystique. Mais moi, je ne crois pas que l’aboutissement de la vie soit la mystique. Si vous voulez, pour moi le plus grand homme du 19 eme siècle est sans aucun doute l’Emir Abdel Kader. C’était un grand mystique; il était disciple par voie initiatique d’In Arabi, et c’était aussi un grand homme d’action. Et comme il était très hospitalier, il lui arrivait d’inviter certains de ses prisonniers français. Ces officiers étaient tous étonnés de le voir prier toute la nuit et le lendemain se révéler un véritable General. C’est à dire que la mystique n’exclut pas l’action. A mon avis la mystique débouche sur l’action. A mon avis une mystique sans action s’évanouit en pur culte personnel et une action sans mystique est une action bestiale. Et le but de ma vie était justement de réunir la mystique et l’action.
Et c’est pour ça que la lacune dernière de mon grand maître Blondel est d’avoir uniquement terminé sur la contemplation, en tant qu’ouverture des bras au libérateur. C’est très bien, mais que va - t- on faire de cette liberté ? .
- S.M.Khattry : Mais cette mystique là, où s’enracine-t-elle pour vous? Dans l’immanence ou la transcendance ?
- R.Garaudy : Vous savez l’immanence et la transcendance ne veulent rien dire. Ce sont des termes qui ont été inventés par les occidentaux. Immanence est un mot qui donne l’impression que Dieu est un locataire de larmes. et ce n’est pas du tout ce que nous voulons dire. De même il n’y a pas de transcendance comme extériorité c’est à dire quelqu’un qui est en haut et qui tire les fils et qui mène notre vie et celle des empires. Non, ça c’est du Bossuet. A mon avis il faut finir avec ces mots. Transcendance, je l’emploie aussi mais dans le sens de rupture : Marie- Madeleine était une prostituée et elle est devenue une sainte.. Elle lavait les pieds de Jésus avec ses parfums. C’est cela la transcendance. Une rupture.
- S.M.Khattry : Ce que je pense n’est pas Dieu. Ce que je dis non plus. Alors que nous reste – t- il pour en témoigner ? Le pari sur la foi et l’action qui en découle ?
- R.Garaudy : Dieu n’est pas un être. Ce téléphone, ce masque sont des êtres. Mais Dieu ne l’est pas. Dieu est un acte. L’acte qui fait être et qui est en moi et en toute chose. La foi est un postulat. Et c’est vrai, je peux être athée ou ne pas l’être. Personne ne m’oblige. Il n’y a pas de preuve de l’existence de Dieu. Ça c’est une idée des grecs. S’il y’avait une preuve, il n’y a pas alors besoin de foi. En réalité Dieu est un choix. Mais dire que c’est un postulat ne veut pas dire que c’est arbitraire. Par exemple, le postulat d’Euclide: si je veux faire une chaise qui tienne droite ou une maison qui ne me tombe pas dessus, je fais comme si le postulat d’Euclide était vrai, or Enstein a montre que cette application est un cas particulier lorsqu’on fait abstraction de la vitesse de la lumière. De même que Dieu: Je peux dire comme Albert Camus que la vie est absurde, là est l’athéisme complet. Or si la vie est absurde, je peux faire n’importe quoi. Je peux voler, tuer, vous prendre votre femme. Il n’y a pas de règle. Ou alors je dis Dieu: Ce n’est pas un mot. C’est une manière de vivre, c’est une charria. C’est une règle. Donc Dieu n’est pas un être, Dieu est un acte. Si vous remarquez, j’ai su ça dans le Coran. Je l’ai su aussi en méditant sur la vie de Jésus: Jésus ne donne pas de leçon comme Moise qui ordonne de faire cela et de ne pas faire cela. Je dis il n’existe pas une loi du Christ, il existe une poétique du Christ. Jésus n’est jamais là où on l’attend. D’habitude quand vous faites quelque chose et bien sûr si je vous connais bien, je peux dire il a l’habitude de faire ceci ou cela. Avec Jésus c’est impossible, toujours vous le trouvez au détour d’une solution ou d’un chemin qui n’existe pas avant.
- S.M.Khattry : Collé à l’acte de création neuf et perpétuel
- R.Garaudy : La femme qu’on allait dilapider pour adultère: Tout le monde s’attend à ce que Jésus dise qu’elle est coupable ou pas coupable. Or qu’est ce qu’il dit ? Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre.
- S.M.Khattry : Cet acte toujours neuf le Coran l’exprime dans le verset « Chaque jour un nouvel ouvrage l’occupe»..
- R.Garaudy : Il n’y a rien qui est déjà expliqué et fini totalement.
- S.M.Khattry : s’agissant de la création, vous dites il n’y a pas d’avant ni d’après. ..
- R.Garaudy : l’idée de création est déjà une idée absurde. C’est un peu comme si j’allais dans une maison vide et je dis : est – ce qu’il y’a quelqu’un? Il y’a déjà quelqu’un puisque je suis déjà là. Par conséquent je pose une question qui n’a pas de sens, en posant la question de la création. Ibn Khaldoun dit que parler de la transcendance, c’est nier l’idée de création. et je pense qu’il a parfaitement raison. Si non il y’a un avant et après, un moment ou Dieu était tout seul. Il s’ennuyait puis il créa le monde pour se divertir. Il s’agit là d’une idée tout à fait anthropomorphique. Il ne faut pas prêter à Dieu des sentiments de ce genre.
- S.M. Khattry: Dans votre biographie du XX siècle, vous parlez de tous les philosophes contemporains sauf Bergson; Expliquez-nous?
- R.Garaudy : Bergson avait l’avantage d’écrire magnifiquement, alors que souvent les philosophes écrivent du charabia. Mais à mon avis il n’a pas apporté quelque chose de radicalement nouveau malgré l’enthousiasme de Mohamed Iqbal pour lui. C’est vrai qu’il a fini avec une certaine conception immobiliste des choses, et qu’il a vu le monde dans son mouvement. Mais c’est là une idée très musulmane, alors que dans la Bible il est dit » Dieu créa le monde en 6 jour et le 7 eme il s’arrête en disant cela est bien « . Bien, je le veux mais on a vu Hitler, Hiroshima. Tandis que dans le Coran il est dit Dieu a crée le monde et le recrée à chaque instant et Il est présent dans toutes les choses nouvelles. Ca c’est dans le Coran et ça me parait contradictoire avec les gens qui me disaient qu’il faut appliquer ce qu’ils appellent la Charria et qui n’a rien à voir avec la Charria c’est à dire la législation – Alors Dieu créerait tous les jours des choses et on laisserait passer le train comme ça! – C’est absurde. Si Dieu crée du nouveau chaque jour nous devons participer à cette création, nous devons servir cette création. Par conséquent nous devons changer.
- S.M. Khattry : Pour revenir à Bergson, il opte pour un mouvement qui dilue l’homme. ..
- R.Garaudy : Chez Bergson il y a seulement cette idée de mouvement. Mais on ne lui voit pas de terme. On ne sait pas où il va, où il mène. Il n’y a pas de moment ou on peut dire cela est bien, cela est mal. Or cela ne me suffit pas de voir le monde qui s’écoule comme un ruisseau.
- S.M.Khattry : Vous Voulez l’homme, inventeur de son destin, acteur de son histoire. ..
- R.Garaudy : A mon avis oui. Moi l’homme que j’admire c’est Nietzsche qui dit que si Dieu est mort c’est que nous n’avons pas su le soutenir dans son combat. S’il y’a eu Hiroshima, s’il y’a eu la violence, c’est que Dieu t’a fait et t’a accordé la liberté que tu as utilisée à mauvais escient. Notre vie n’est pas un logiciel. Dieu nous a fait libre et responsable.
- S.M.Khattry : Et le couple transcendance et communauté au cœur de chacun de nous, en tant que trame de notre individualité? ..
- R.Garaudy : Disons plutôt individu contre communauté, en tout cas en Occident. L’exemple typique de cette scission est la déclaration d’indépendance des USA » tous les hommes sont libres et égaux en tant que citoyens. » Mais de quel homme s’agit-il, du blanc bien sûr. La Révolution française : « tous les hommes naissent libres et égaux » seulement c’est la préface d’une constitution ou les trois quarts des Français sont exclus du droit de vote. L’homme, cet homme là c’est quoi,? C’est le riche, c’est le pauvre? Non je ne crois pas du tout qu’il existe un homme. Ils existent des hommes. On dit les morts, on ne dit pas le mort. et il y ‘a des morts dont nous sommes responsables
- S.M.Khattry : Louis Dumont dans ses hommo-économicus et Homo-Hierarchicus, met face à face l’individualité communautaire des sociétés holistes traditionnelles et l’individualité en compétition avec toutes les autres, laquelle apparaît en Occident avec la philosophie des lumière et la révolution industrielle. .. En quelque sorte convivialité contre concurrence.
- R.Garaudy : Ce qu’on appelle la renaissance de l’Occident constitue une catastrophe, l’individu ici en question n’est pas celui d’une classe ou d’une autre catégorie sociale quelconque. C’est l’occidental en tant que peuple élu face aux autres qui sont les barbares et les primitifs. C’est toujours la même idée du peuple élu qui revient : les hébreux, l’église, puis l’Occident.
- S.M.Khattry : A côte de la catégorie individu, les lumières ont produit trois autres piliers majeurs de la modernité: le positivisme, l’utilitarisme économique et le rationalisme. ..
- R.Garaudy : le positivisme avant qu’il ne sombre en scientisme a tout au début constitué une rupture avec les dynasties du sang au profit du suffrage universel. On était un seigneur parce qu’on était fils d’un seigneur. et ce dépassement était bien. Seulement aujourd’hui on constate qu’on est riche parce que fils de riche et qu’on est ouvrier parce que fils d’ouvrier. L’économie s’est substitué au sang, quant au rationalisme, il s’agit d’un intégrisme. Le mystère existe. Il s’agit d’une chose qu’on ne comprend pas. et il existe un moment ou la raison s’arrête et reconnaît avec humilité son impuissance à aller au-delà. Par exemple au sujet de la création, il n’y a pas de réponse à cette question que la raison puisse valablement et définitivement fournir.
- S.M.Khattry : Si vous le voulez bien, faisons maintenant un petit détour par votre itinéraire personnel. Comment expliquez-vous la conspiration du silence et l’anathème dont vous êtes victime aujourd’hui après avoir été l’une des personnalités intellectuelles les plus médiatisées de France? ..
- R.Garaudy : Vous savez c’est simple. Les journaux et les médias de manière générale aiment bien les scoops. A l’époque, ma rupture avec le parti communiste (PCF) était une grosse affaire. J’étais le 4 eme personnage du parti, le directeur de la revue Les cahiers du communisme et le fondateur du centre d’études marxistes. Je dirigeais par ailleurs le dialogue entre chrétiens et communistes au Canada, aux Etats- Unis, au Brésil, en France en Italie. Bref j’étais une personnalité internationale. Et pour une telle personnalité dire à l’époque et en pleine réunion du comité central du parti que l’URSS n’était pas un pays socialiste, et dire plus tard à George Marchais qu’il serait le fossoyeur du parti communiste français tout cela faisait trop. Puis survint mon exclusion du parti après 39 ans de combat. Tous ces avènements furent énormément suivis et commentés. La une du Monde et des principaux journaux Français et étrangers. Il faut dire qu’à l’époque, mon avis intéressait beaucoup les intellectuels européens et américains. La seconde foi, je fus victime d’une croisade sioniste à l’occasion de la sortie de mon livre « les mythes fondateurs de l’état d’Israël ». Ce livre fut un événement mondial. Il a été traduit en 35 langues. Tous les médias étaient obligés de réagir à commencer par les Américains eux -même . Pendant cette bataille médiatico -juridique rien ne me fut épargné. Par exemple quand il m’arrivait de citer tel ou tel propos d’une personnalité juive pour corroborer tel ou tel fait la citation était tournée contre moi. Vous savez mon maître c’est Don Quichotte. Depuis l’âge de 20 ans. Don Quichotte pour qui l’idéal est plus vrai que le réel. Celui qu’aucune tempête ne peut faire plier. Je dis souvent qu’il faut être disponible pour l’action quel qu’en soit le prix, et surtout disponible pour le neuf qu’apporte chaque acte de création nouveau. et dans ce registre il n’y a pas de place pour le découragement ni même pour la contemplation.
- S.M.Khattry : L’homme d’action par excellence...
- R.Garaudy : C’est l’essence de l’imbrication de la foi et de la l’action.
- S.M.Khattry : Monsieur Garaudy! La mondialisation ? .
- R.Garaudy : Cest le nouveau visage du colonialisme. Un colonialisme à l’échelle planétaire qui touche l’Europe même. C’est l’américanisation du monde.
- S.M.Khattry : Déchiffrez-vous quelque part une raison d’espérer. Autrement dit quelle alternative à ce rouleau compresseur américain? .
- R.Garaudy : Pour moi le plus grand péché du monde c’est le désespoir. Avoir la foi c’est croire que malgré l’orage, l’aube sera au rendez-vous. Mais j’avoue qu’en ce moment tout nous donne tort. Mais il faut continuer à combattre. et si je ne trouve que quelques dizaines d’hommes de qualité, cela me console de centaines de milliers de cons (excusez moi le terme).
- S.M.Khattry : Islam et démocratie. Que vous inspire ce couple? ..
- R.Garaudy : Démocratie est un mot inventé par les Grecs. C’est un mensonge. On oublie par exemple que la mère des démocraties était Athènes au temps de Périclès. Périclès était le pire des dictateurs à l’époque où Athènes comptait 110.000 esclaves et 20.000 citoyens libre. Cela ne s’appelle pas une démocratie. Il s’agit d’une oligarchie esclavagiste. et c’est cette situation qui existe encore aujourd’hui aux USA, c’est le régime du parti unique par excellence. Il n’existe quasiment aucune différence entre Républicains et Démocrates. En France, quelle différence y’a-t-il entre la politique de monsieur Jospin et celle de monsieur Chirac? Aucune.
- S.M.Khattry : Dans nos sociétés musulmanes, nous connaissons beaucoup plus de violence, d’injustice et d’hypocrisie .
- R.Garaudy : C’est vrai. Il n’existe aucun pays musulman démocratique. L’islam est en pleine décadence, contrairement à ce qu’on dit sur sa montée. En Iran je vais souvent. et je crois déceler en Mohamed Khatemi un grand espoir et un homme de grande valeur, et je pense qu’il pourrait mettre sur pied un état qui tienne. Mais il n’y a personne de l’envergure de Khomeyni auquel j’avais applaudi des deux mains en 1980.
- S.M.Khattry : Quel conseil pour la jeunesse d’aujourd’hui ?
- R.Garaudy : Ne pas baisser les bras. ..
- S.M.Khattry : Quittons maintenant la philosophie et la politique. Vous vous êtes aussi intéressé à l’art. Vous êtes l’auteur d’œuvres majeures dans le domaine: Aragon, Saint John Perse, Flaubert. ..
- R.Garaudy : J’enseignais l’esthétique parce que l’art est le plus proche de la religion. Car il n’y a d’art que sacré. Par exemple quand vous vous arrêtez simultanément dans la mosquée de Cordoue et dans l’église de Chartre vous avez là un espace musulman et un espace chrétien. Tout cela je l’ai exposé dans mon livre: les mosquées miroirs de l’Islam. Tout cela est difficile à expliquer. Mais vous le sentez. Tout comme l’amour. Il en est de même de toute œuvre d’art. Il y ‘a de l’indicible comme dans la foi et dans l’amour. et il faut choisir.
- S.M.Khattry : C’est pour cette raison que l’art va bien au-delà de la philosophie.
- R.Garaudy : Ah oui. Je crois. J’ai toujours dis que le philosophe est un pique-assiette. Tandis que l’art est de l’ordre de la création, c’est pourquoi l’art est le plus proche de la foi et c’est pourquoi il n’y a d’art que sacré.
- S.M.Khattry : Ma dernière question: que répondrait monsieur Garaudy à l’ami athée qui exprime devant lui son angoisse existentielle ?
- R.Garaudy : Pour moi l’athée est l’homme qui ne se pose pas de questions. L’athée est dans sa routine et dans sa suffisance . Si déjà il se posait des questions, pour moi il n’est pas athée, et si en plus cet homme est capable d’amour et de don, je peux dire qu’il se dirige à bon port.
- S.M.khattry : Je vous remercie.