23 décembre 2016

Hugues Félicité Robert de Lamennais (1782-1854)

L’importance de Lamennais pour l’histoire théologique est discutable : il s’est toujours situé en marge ou plutôt au centre des tensions causées par la piété romantique, la bourgeoisie montante, l’affairisme ambiant et la politique nationale d’une France post-révolutionnaire et post-napoléonienne cherchant sa voie. Il était condamné à échouer dans ses attaques du gallicanisme, dans son adhésion à un ultramontanisme idéal, dans sa volonté d’en finir avec l’union à bénéfices réciproques de l’État et de l’Église, tout en ne cessant pas d’être fidèle au concept le plus large de liberté et en réclamant la justice sociale. Une impossible quadrature du cercle. Pour Lamennais, il fallait opposer à l’indifférence en matière de religion de ses contemporains, un libéralisme religieux qui ne serait en rien un affaiblissement du dogme mais la base de sa théorie d’une Église nouvelle renouant avec ses valeurs christiques et formant un point d’ancrage solide dans un monde s’appauvrissant sur le plan éthique. Il annonce à la fois ce qu’on appelle depuis Vatican II l’œcuménisme, l’Église des pauvres voire la théologie de la libération d’un Helder Camara rapportée au prolétariat de la révolution industrielle.
En 1794, mourrait sur l’échafaud Anacharsis Cloots, l’Orateur de Genre Humain, l’annonciateur de la République universelle qui, quoiqu’athée, professait des idées qui n’étaient pas si éloignées de la pensée de Féli. Avant de quitter sa cellule, Anacharsis avait écrit dans une de ses dernières lettres : « Je ne suis pas de mon siècle ». Une parole qui correspond aussi parfaitement à Lamennais vite oublié après sa mort et aujourd’hui étonnamment un peu délaissé. Il est vrai que son écriture n’a ni le charme ni le délié de celle d’un Chateaubriand ou d’un Renan, même si ses Paroles d’un croyant rédigées en versets touchent parfois à la haute poésie et ont fait le charme de plusieurs générations de jeunes gens. Ces deux écrivains étaient comme lui « plantés » dans leur siècle, mais ils étaient aussi des hommes de lettres soignant leur style. Lamennais, impatient et fougueux voulait aller à l’utile, directement, convaincre sans détour et sans arrière-pensée esthétique… Pourtant, Lanson le considérait comme « un grand poète » et le définissait comme « un étonnant visionnaire, un grandiose créateur de symboles, de formes tantôt pathétiques et tantôt fantastiques qui donnent une force incroyable de pénétration à l’idée abstraite qu’elles revêtent ».

Conclusion de l'article "Le doux Féli" de François Labbé, A LIRE EN ENTIER ICI