TRIBUNE LIBRE
A PROPOS DES
« MYTHES », SUITE…
fondée sur des documents authentiques ; elle s’évapore littéralement ;
mieux : elle n’est plus que fraude et mystification. » (Régine
Pernoud, "Pour en finir avec le Moyen Âge", Éd. Points, 2014, p. 123)
Il faut aussi bien évidemment une totale et inconditionnelle et véritable
liberté pour l’histoire, car autrement elle cesse d’exister en tant que
science positive, et cette exigence inaliénable est rappelée par le titre
du livre dont est tirée la citation suivante :
« L’Histoire n’est ni une religion ni une morale ; elle ne doit pas être
l’esclave de l’actualité ni s’écrire sous la dictée de la mémoire ; la
politique de l’État n’est pas la politique de l’histoire. » (Pierre Nora et
Françoise Chandernagor, "Liberté pour l’Histoire", 2008)
Par ailleurs le travail de l’historien est dépeint à merveille en ces
termes :
« L’historien, comme le juge, occupe une position de tiers, et, de fait,
aspire à l’impartialité. Mais, il s’agit là d’une aspiration nécessairement
inassouvie, au sens où l’impartialité totale est impossible. L’historien ne
peut, ni ne veut, porter un jugement historique - et quand bien même il le
ferait, le jugement historique est par nature provisoire et sujet à
controverse. Dans le prolongement, de même qu’il est impossible d’accéder à
l’impartialité absolue, l’historien n’a pas les moyens d’écrire une
histoire globale, qui annulerait les différences entre points de vue, une
histoire unique qui embrasserait celle des exécutants, celles des victimes
et celles des témoins. (…) La controverse semble donc inévitable, et
l’histoire est vouée à un perpétuel révisionnisme. » (Pauline Seguin,
2012 ; la citation est ici : http://indomemoires.hypotheses.org/3261 ; il
s’agit du compte-rendu d’un livre de Paul Ricœur)
C’est exactement ce qu’a affirmé Garaudy dans son livre incriminé :
« L’histoire, pour échapper au terrorisme intellectuel des prédicateurs de
la haine, exige une perpétuelle révision. Elle est révisionniste ou bien
elle est une propagande déguisée. Revenons donc à l’histoire proprement
dite, critique, "révisionniste", c’est-à-dire fondée sur l’analyse des
textes, la vérification des témoignages, les expertises sur l’arme du
crime. » (Roger Garaudy, "Les Mythes fondateurs de la politique
israélienne", Éd. Samizdat Roger Garaudy, 1996, p. 58)
C’est là une lapalissade puisque l’histoire passe pour une science :
« En tant que science, l’histoire est révisionniste par nature, voire
négationniste. On a longtemps cru la Terre plate, on le nie maintenant.
S’ensuit que décréter l’arrêt des recherches sur un point quelconque du
champ scientifique, c’est nier la nature même de la science. (…) Dès lors
qu’on est sur le terrain scientifique, il est interdit d’interdire de
réviser ou de nier. Le faire, c’est sortir du champ scientifique. »
(Jacques Baynac, historien tout à fait orthodoxe, « Le débat sur les
chambres à gaz », dans le journal "Le Nouveau Quotidien" - de Lausanne -,
03 septembre 1996, p. 14)
Voilà un propos qui ne souffre aucune ambiguïté : l’histoire est par
essence nécessairement révisionniste ; on a là affaire à une notion devenue
trop infâmante parce que la vérité quand elle remet en cause certains
dogmes, et menace ainsi l’inique et abominable "ordre mondial" auquel ces
derniers servent de bouclier, ne semble pas intéresser beaucoup de
personnes dans les milieux universitaires et autres institutions
académiques ; voici un exposé limpide sur ce qu’est le révisionnisme :
« Le révisionnisme consiste tout simplement à reconsidérer en profondeur un
ou plusieurs éléments de ce qui jusqu’ici a été accepté comme vrai au sujet
d’un événement quelconque. Certains historiens présentent le révisionnisme
comme une infamie, de sorte qu’utiliser le mot "révisionniste" pour
qualifier une thèse revient ipso facto à la rejeter. Pourtant, le
révisionnisme n’a rien de répréhensible en soi. Les versions toutes faites
de nombre d’événements historiques se sont avérées inexactes. Et ce n’est
souvent qu’à travers le révisionnisme qu’on a pu se rapprocher de la
réalité de ce qui s’est effectivement passé. Bien sûr, il existe une sorte
de révisionnisme qui mérite sa mauvaise image. Certaines thèses
révisionnistes ne visent pas à revenir à la réalité, ce qui s’est
réellement passé, mais plutôt à redéfinir une réalité historique dans la
ligne de ce que l’on veut faire croire à l’opinion pour justifier un projet
à venir. (…) Le critère objectif de la véracité d’une thèse révisionniste
est qu’elle prend en compte tous les éléments de preuve significatifs dont
on dispose. Elle ne se contente pas de retenir les éléments à l’appui de
son propos en passant les autres sous silence. Autre signe de recherche de
la vérité, la thèse révisionniste honnête explique en quoi la version
précédente qu’elle vise à remplacer est erronée. Elle ne se contente pas de
la nier mais fournit des éléments qui prouvent qu’elle comporte des
erreurs, et démontre en quoi les éléments qui vont à l’encontre de la
version généralement admise étayent la version révisée qu’elle propose, en
y joignant éventuellement des éléments de preuve complémentaires. Une
partie non négligeable de la tâche consiste, bien sûr, à démontrer que les
preuves qu’on apporte sont crédibles. » (David R. Griffin, "11 Septembre.
Omissions et manipulations de la commission d’enquête", 2004)
Et c’est très volontiers que je cite à présent un auteur bien connu et
ancien ministre de la Culture de ce pays car je trouve que ce qu’il nous
dit abonde dans le sens de cet exposé :
« Confronter les sources et les points de vue, c’est précisément ce qui est
au cœur de l’écriture de l’histoire. » (Frédéric Mitterrand, dans le
journal "Le Monde", 03 novembre 2010, p. 15)
En effet voici à mes yeux le principal trait de caractère d’un vrai
démocrate :
« Le démocrate, après tout, est celui qui admet qu’un adversaire peut avoir
raison, qui le laisse donc s’exprimer et qui accepte de réfléchir à ses
arguments. » (Albert Camus, « Démocratie et modestie », dans le
journal "Combat", 30 avril 1947)
Pour caractériser l’antithèse du "vrai démocrate" citons l’incontournable
Voltaire :
« La rage du préjugé qui nous porte à croire coupables tous ceux qui ne
sont pas de notre avis, la rage de la superstition, de la persécution, de
l’inquisition, est une maladie épidémique qui a régné en divers temps,
comme la peste. » (Voltaire, "Politique et législation", 1819)
Et dans le même ordre d’idées :
« La réflexion ne profite qu’aux idées justes ; les idées fausses ne
supportent pas l’examen et ne peuvent vivre qu’autant qu’on ne les discute
pas. » (Alfred Naquet, "Le Divorce", Éd. E. Dentu, 1881, p. 3). L’autre -
ouvert à la discussion rationnelle et raisonnable - Naquet ! Je fais bien
sûr allusion à l’historien antirévisionniste Pierre Vidal-Naquet car c’est
lui qui avait lancé cette monstrueuse fatwa : on ne doit jamais discuter
avec ceux qui ne sont pas de notre avis ! D’où l’absence de débat véritable
sur la question qui nous occupe. D’où l’inexistence et même la proscription
à ce jour dans le monde dit "libre et démocratique" d’une controverse
scientifique publique digne de ce nom en la matière. Ce n’est point là une
attitude digne de prétendus amis de la vérité…