03 juillet 2016

Frexit: le courage par procuration de 20 intellectuels français

« Brexit : vingt intellectuels* eurocritiques lancent un appel pour un nouveau traité », tel est le titre d’une tribune publiée par « Le Figaro » du 30 juin. Ce texte signé par Jacques Sapir, Michel Onfray et Jean-Pierre Chevènement rend un hommage appuyé au « peuple britannique » qui a « exprimé souverainement sa volonté de rester maître des décisions qui le concernent. » Car « ce vote courageux et massif » est « une claque pour la dérive technocratique dans laquelle l’Union européenne actuelle s’est laissé enfermer ». Et « tout montre que dans la plupart des pays européens, les citoyens n’acceptent plus d’être gouvernés par des instances non élues, fonctionnant en toute opacité ».
Fort bien, mais lisons plutôt la suite. « Le vote britannique peut être une chance : il doit être l’occasion de réorienter la construction européenne, en articulant la démocratie qui vit dans les nations avec une démocratie européenne qui reste à construire ».
Et nos intellectuels, pour finir, demandent la réunion d’une conférence  qui aurait pour objet « la renégociation des traités sur les trois questions cruciales dont la méconnaissance a conduit à l’affaissement de l’actuelle construction européenne : la souveraineté, c’est-à-dire la démocratie et l’indépendance stratégique. »
En somme, les signataires saluent ostensiblement le courage du peuple britannique, mais ils ne manifestent nullement l’intention de suivre son exemple. Ils tressent des couronnes au « Brexit », mais ils suggèrent à nos dirigeants l’artifice permettant de faire l’économie d’un « Frexit ». Au lieu d’inviter les Français à la même intrépidité, ces héros par procuration laissent aux Britanniques le privilège d’avoir ouvert une brèche qu’ils rêvent de refermer. Coïncidence troublante, cette tribune est parue le jour même où Alain Juppé déclare sur Bfm/Tv : « On peut craindre un Frexit, et c’est pourquoi je suis hostile à un référendum ».
Il faut croire que « Frexit » et « référendum » sont des termes d’une parfaite obscénité, car ils ne figurent pas dans la tribune précitée de nos « intellectuels eurocritiques ». Prolixe en projets de « réorganisation », « refondation » ou « réorientation » de l’Europe, ce texte oublie l’essentiel : qui décide de l’appartenance à l’UE ? Alors qu’on devrait demander au peuple français s’il veut y rester avant d’envisager de la réformer, on préfère mettre la charrue avant les bœufs. Ce faisant, on exclut le peuple du processus, on fait comme s’il n’existait pas. Au lieu d’organiser sans délai l’exercice de la souveraineté, on la court-circuite.
Une conférence des chefs de gouvernement de l’UE jouit-elle d’une légitimité supérieure à celle du peuple français ? Nos intellectuels le pensent, puisqu’ils omettent de poser la question principielle de la volonté populaire. « Il faut rendre à la souveraineté populaire et à la démocratie leurs droits dans une Europe confédérale qui serait faite de l’entente et de la coopération entre les nations », disent-ils. Mais l’acte fondateur de cette souveraineté ayant été passé par pertes et profits, que vaudra cette restitution des « droits de la démocratie » dans « une Europe confédérale » qui n’a jamais existé ? Et puis, est-on sûr que le peuple en veuille vraiment, si l’on s’obstine à ne pas lui poser la question ?

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