Tunisie, des universitaires analysent la pensée de Roger Garaudy |
Publié le Vendredi 20 Juillet 2012 à 13:45 |
Une conférence
s’est tenue à Tunis sur le défunt penseur et philosophe, Roger Garaudy,
sur le thème "Roger Garaudy : la science de l’histoire et la recherche
de la vérité". Des chercheurs, historiens et activistes des droits de
l’Homme ont livré des réflexions sur la vie de ce philosophe français
musulman, ses idées et sa relation avec l’Islam, l’Occident et les
Arabes. Cette conférence visait à faire connaître la vie et la pensée de celui qui a servi l’Islam, la nation arabe et la cause palestinienne à travers ses livres, plus d’une cinquantaine. Hédi Taïmoumi, professeur de civilisation arabe à l’université tunisienne, a évoqué "la rationalité de Roger Garaudy qui a critiqué la pensée occidentale selon une approche cartésienne, et a mis à nu le sionisme d’une manière scientifique, avant de se tourner vers l’Islam auquel il s’est converti et en a présenté une lecture progressiste". Les Arabes et les musulmans ont perdu un grand esprit qui a soutenu leurs causes et leur religion, en présentant une lecture critique de l’Islam qui lui ôte certaines interprétations erronées qui lui ont été imputées, a-t-il dit en substance. "Garaudy avait appelé les musulmans à accepter l’Etat civil et à revoir certaines pratiques prétendument inspirées de l’Islam. Chose qui lui a attiré les critiques de ceux-là mêmes qui ont applaudi sa conversion à l’Islam et ses positions hostiles à l’occident. Certaines parties ont même appelé à sa circoncision alors qu’il avait 80 ans", a déploré l’universitaire tunisien. "Notre refus des idées de Garaudy sur l’Islam progressiste et sa lecture moderne de l’Islam l’a poussé à se recroqueviller sur lui-même, jusqu’à qu’il soit mort en étant abandonné par tous, de l’orient à l’occident, car, il a fait valoir son esprit libre". Selon Mohsen Mili, professeur de philosophie et spécialiste de la pensée de Garaudy, "Roger Garaudy incarnait la pensée du 20ème siècle dans son ensemble, avec ses évolutions, ses remises en cause, ses échecs, ses victoires et ses tournants, son attachement à la raison lui a beaucoup coûté, au point que la France n’a trouvé un autre qualificatif pour annoncer son décès que de dire que "le dernier des négationnistes est mort". La bataille de Garaudy avec le sionisme a commencé avant qu’il ne publie aucun livre là-dessus, à l’issue d'un article qu’il a publié dans la presse française et qui l’a conduit en justice. S’il avait gagné l’affaire, Garaudy est entré dans une bataille rude avec les institutions françaises, c’est qu’il a été boycotté par toutes les maisons d’édition, ce qui l’a incité à éditer ses livres à ses propres frais ou à se diriger vers les maisons d’édition libanaises, a dit de lui Ali Manjour, activiste des droits de l’Homme et écrivain. Manjour a lié les positions de Garaudy au carnage de Sabra et Chatila, et à la sauvagerie du sionisme, avec un soutien européen indéfectible. A ses yeux, l’écriture sur le sionisme a connu deux périodes : l’avant et l’après écrits de Garaudy. "Roger Garaudy a constitué un tournant important dans l’histoire du sionisme et sa lecture, car il fait ressurgir les fondements du sionisme, celui-ci n’a pas commencé avec Theodor Herzl, mais a connu ses débuts embryonnaires bien avant, c’est ce qu’a dévoilé Garaudy, en faisant ainsi exploser une bombe intellectuelle". Garaudy n’était pas un philosophe isolé, mais il tournait en dérision l’image du philosophe classique, car la philosophie n’est pas venue d’après lui pour comprendre la réalité selon la vision de Hegel, mais pour changer la réalité, de nature changeante, comme le dit Mohsem Mili. Ali Manjour a évoqué le courage de l’homme qui a critique le sionisme, en considérant la loi criminalisant le négationnisme comme la plus grande faute de la France. "Garaudy était parmi les premiers penseurs qui ont révélé les mythes fondateurs de l’Etat d’Israël, celui qui a refusé la notion du peuple élu, des sujets considérés comme des lignes rouges pour la pensée occidentale. Le philosophe français s’est mis dans la gueule du loup et sa vie était des plus menacées dans le monde." Les conférenciers tunisiens ont été unanimes à dire que la philosophie de Garaudy est "actuelle et moderne". "Sa contemporanéité réside dans le fait que c’est une philosophie qui incite à l’action, un aspect sui generis à l’esprit libre. Garaudy était le modèle du philosophe engagé, responsable, cultivé qui veut changer et ne se limite pas à comprendre". Les participants ont mis l’accent sur la valeur de la critique dans la pensée du philosophe français, c’est qu’il a commencé par l’autocritique, pour aboutir à la critique de la religion à laquelle il s’est converti, en passant par la critique de la pensée occidentale et de la religion chrétienne. "C’est son esprit libre qui l’a poussé à rompre avec le parti communiste français. S’il avait décrit cette rupture douloureuse l’ayant incité à tenter de se suicider, il a fini par choisir d’une manière irréversible le chemin de la raison". Le fait que les révolutionnaires algériens n’aient pas tiré sur lui un jour, car c’était un homme désarmé, l’avait beaucoup influencé et a libéré son esprit de toute idéologie dogmatique. Il a échappé au joug de l’appartenance ethnique, religieuse et intellectuelle pour être tout au long de sa vie, un partisan de l’homme où qu’il soit, l’épisode de sa vie dédié aux arabes et musulmans reste le point le plus lumineux de son expérience. |