01 juillet 2012

Dans un silence gêné...

Trois morts célèbres [...] : un journaliste sportif, un philosophe qui fut pendant des lustres une tête pensante du PCF, et un peintre que le monde entier nous avait envié. On ne nous a parlé que du premier.

Thierry Roland par ci, Thierry Roland par là, en long, en large et en travers. En vidéo et en rediffusion. Jeux de mots et coups de gueule du bonhomme. Hommage appuyé de la profession – même ceux qui le traitaient de “beauf” absolu –, des supporters – ça se comprend –, et des politiques. Jusqu’au premier d’entre eux qui a salué ce grand homme, a fait part de sa profonde « tristesse », a tenu à « s’associer à la douleur de sa famille et lui présente(r) toutes (s)es condoléances ». Tout juste s’il n’a pas reçu le Nobel du foot à titre posthume.
Il paraît que François Hollande est un accro du ballon rond. Il est sans doute moins accro à la philosophie et la peinture.
Rien, en effet, sur Roger Garaudy, cet illustre « chef de file des intellectuels communistes » parti vers sa dernière demeure dans un silence gêné. Tout juste a-t-on signalé sur la télé d’État « la mort d’un grand intellectuel communiste devenu négationniste ». Courte et partiale oraison funèbre pour cet agrégé de philo, docteur ès lettres, qui fut réellement “LE” penseur du PC jusqu’à ce que, s’étant converti à l’islam, il ne commence à s’intéresser d’un peu trop près à l’État d’Israël et à la cause palestinienne. Horresco referens… comme disaient les anciens. Son brevet en communisme n’ayant pas été suffisant pour effacer l’outrage, son ouvrage sur « Les mythes fondateurs de la politique israélienne », paru en 1996, lui valut neuf mois d’emprisonnement avec sursis et 25 000 euros d’amende. Exit donc Roger Garaudy, jeté aux oubliettes de l’histoire.
 Roger Garaudy et Georges Mathieu (Dessin sur le site "Fils de France")

Georges Mathieu était une autre figure. Peut-être plus insupportable encore à notre temps. Un être foncièrement libre, “solaire” s’il en est, plaçant plus haut que tout le Grand siècle : Louis XIV, sa pompe et ses œuvres. Monarchiste et dandy flamboyant, pétri de classicisme et foncièrement moderne, inventeur du “happening” – il s’est lancé dans des performances spectaculaires, peignant en public des toiles immenses – Malraux l’avait qualifié de « calligraphe occidental ».
Le théoricien de l’Abstraction lyrique est pourtant plus connu, aujourd’hui, hors de nos frontières que sur le territoire français. Jugé trop présent, sans doute, jusqu’à la fin de la décennie 70, il était devenu l’emblème du “peintre officiel”. Rançon de la gloire pour cet artiste qui, à partir de 1966, avait décidé de se consacrer aux Arts décoratifs. Il réalise alors des cartons de tapisserie pour la manufacture des Gobelins, des assiettes de Sèvres, une pièce de dix francs en 1974, le logo d’Antenne 2, des timbres et des affiches pour Air France… et même une usine à Fontenay-le-Comte. L’arrivée des socialistes au pouvoir, en 1981, signera son arrêt de mort artistique. Mathieu est décroché des cimaises, rangé dans les caves des musées. Effacé au profit des rayures de Buren et des pots de fleurs de Raynaud.
Sorti doucement de son purgatoire sous la mandature Villepin, on aura enfin une rétrospective au Jeu de Paume en 2002.
Pauvre Georges Mathieu qui aura vu, juste avant de mourir, son cher Versailles hanté par des homards (Jeff Koons) et autres figures de mangas (Takashi Murakami).
MARGUERITE