Après la mort, aujourd’hui du brillant
penseur Roger GARAUDY, auteur, entre autres ouvrages, de « Parole
d’Homme », « Comment l’Homme devint humain », «Appel aux vivants »,
je ne peux que saluer la mémoire d’un homme à la plume, aux idées et au
parcours prolifiques qui a embrassé l’Islam en 1980. Il est tombé sous
le coup d’une condamnation pour négationnisme avec son livre « Les
mythes fondateurs de la politique israélienne». A-t-il eu tort en y
affirmant des propos qui l’ont mis sous le coup de la loi ?
Certainement. Est-il un homme que l’on réduirait à cette seule
position ? Ce serait de l’injustice. Qui donc parmi les humains n’a pas
un jour commis une « faute » aux yeux de la loi ?
Il me vient cependant à l’idée de
revenir sur une loi que beaucoup d’historiens ne cessent de contester à
ce jour. J’emprunte pour étayer ce propos la parole d’un historien
Pierre Nora qui déclare au Nouvel Observateur du 14 août 2008, : « …Cela
commence avec la loi Gayssot sur le crime contre l’humanité et le
génocide des juifs. J’étais hostile à cette loi à l’époque, comme
d’autres historiens. C’est vrai qu’elle ne tranche pas un débat
académique. Elle s’appuie sur un fait et une qualification qu’aucun
historien sérieux n’a jamais contestés. Elle combat seulement des
militants de la contrevérité historique.
Cela étant, pour les meilleures
raisons du monde, nous risquions de mettre le doigt dans un engrenage
dont nous ne sortirions plus. C’est ce qui s’est passé. Nous
sommes effectivement le seul pays démocratique à développer cette
pratique de la vérité légale, d’ordinaire propre aux régimes
totalitaires. Cela prend corps sur un mouvement vaste et profond des
sociétés démocratiques contemporaines : la sanctification de la
victime. Nous n’avons plus de saints, de héros, de sages, bref, de
figures légendaires positives. La victime devient la seule incarnation
du Bien. ». Il finit par dire en réponse à la question « En quoi
ces lois sont-elles contestables. Beaucoup y voient, au contraire, un
progrès de la conscience », je cite : « Tout simplement parce que
ces lois font obstacle à la liberté de recherche historique. La
complexité du travail intellectuel et celle du métier d’historien sont
incompatibles avec la simplicité brutale de ces vérités d’Etat.….c’est
plus généralement la liberté de penser et de communiquer de tous les
citoyens qui est en question.
En réponse à la question du journaliste sur la pertinence d’une abrogation de la loi Gayssot, Pierre NORA répond : « Maintenant
qu’elles ont été votées, leur abrogation serait une offense faite aux
victimes et à leurs descendants. Il faut simplement toiletter ces lois
en les débarrassant de leurs sanctions pénales. Nous disposons d’un
arsenal répressif amplement suffisant pour le racisme. Restons-en là.
Nous avons souffert longtemps de mensonges d’Etat sur les tristes heures
de notre histoire, par exemple sur la guerre d’Algérie. Ne nous mettons
pas maintenant à subir le poids des vérités officielles. »
Il est vrai qu’il ne sert en rien la
vérité que de fermer la porte à la recherche académique, et que les
idées se combattent plus par les idées et la démonstration que par les
textes de loi…
Et pour ne pas réduire le penseur à ce
triste épisode de sa vie, ci-dessous un texte de Roger GARAUDY, - qu’Allah
accorde la paix à son âme - extrait de son livre « L’avenir, mode d’emploi, Editions Vent du large, 1998, pages 113 à 115 »:
Excellente en son principe, la
séparation de l’Eglise et de l’Etat fut aussitôt confondue, non pas avec
le respect de la foi ou de l’irréligion de chacun, mais avec
l’exclusion de ce qui est l’essence même de la foi : les questions sur
les fins dernières de la vie personnelle et sociale.
C’est ainsi que cette étrange religion républicaine ne contribua pas à créer le consensus mais au contraire la discorde, qu’il s’agisse de l’opposition de l’école libre (c’est à dire, en général, confessionnelle et, plus précisément, catholique) jusqu’aux querelles racistes du foulard de quelques jeunes filles musulmanes en laquelle le laïcisme (pas la laïcité) prétendait voir une offensive de propagande islamiste (et non islamique), alors qu’un tel tollé n’avait pas été soulevé contre le port ostensible des croix chrétiennes ou des kipas juives. Dans cette escarmouche grotesque contre quarante-deux jeunes filles (dont le foulard menaçait la République !) beaucoup d’enseignants naïfs — y compris les associations corporatives, se laissèrent entraîner comme un taureau devant la cape rouge, sans voir que le racisme prenait le masque de la défense de la laïcité.
C’est ainsi que cette étrange religion républicaine ne contribua pas à créer le consensus mais au contraire la discorde, qu’il s’agisse de l’opposition de l’école libre (c’est à dire, en général, confessionnelle et, plus précisément, catholique) jusqu’aux querelles racistes du foulard de quelques jeunes filles musulmanes en laquelle le laïcisme (pas la laïcité) prétendait voir une offensive de propagande islamiste (et non islamique), alors qu’un tel tollé n’avait pas été soulevé contre le port ostensible des croix chrétiennes ou des kipas juives. Dans cette escarmouche grotesque contre quarante-deux jeunes filles (dont le foulard menaçait la République !) beaucoup d’enseignants naïfs — y compris les associations corporatives, se laissèrent entraîner comme un taureau devant la cape rouge, sans voir que le racisme prenait le masque de la défense de la laïcité.
Plus durable et plus profonde la
querelle de l’école confessionnelle et de l’école laïque. L’on peut
comprendre les motivations des défenseurs de l’école confessionnelle
(dite école libre) devant la carence de l’école publique, excluant
l’essentiel de la formation d’un homme, c’est à dire la recherche du
sens de sa vie par l’exclusion de tous les textes posant ce problème
dans toutes les mystiques et toutes les sagesses, des prophètes d’Israël
aux Pères de l’Eglise, des soufis musulmans aux richi de l’Inde. Cette
école laisse les hommes sans repères, livrés à un scientisme
d’ordinanthrope croyant trouver dans une machine, merveilleuse
fournisseuse de moyens, un instrument de découverte des fins. Il était
assuré qu’une autre école allait exiger de combler ce gouffre dans un
monde fonctionnant non seulement sans Dieu mais sans homme. Un monde du
non-sens. L’intention de donner à l’enfant, perdu entre ce ciel vide et
cette terre en désordre, des repères et des fins, était évidemment
précieuse. Cela eut été possible si avait été maintenue l’orientation du
prophétique pape Jean XXIII et du concile de Vatican II proclamant que
l’Eglise, dans la voie ouverte par Jésus, n’avait pas pour tâche de
diriger le monde mais de le servir. Cette merveilleuse rencontre avec le
monde pouvait aider à en réduire la cassure
.…..
Tel est le fonds humain
(d’autres diront divin, mais je crois — au langage près, qu’il n’est pas
d’homme sans Dieu ni de Dieu sans l’homme …) du problème de la laïcité.
Problème mal posé et donc insoluble lorsque la laïcité est confondue
avec un athéisme d’Etat (comme il y eut des religions d’Etat), et que la
foi est confondue avec l’obéissance à l’Eglise (une Eglise que sa
hiérarchie considère comme la cité parfaite, le monde entier étant dès
lors condamné à lui obéir). Entre deux intégrismes symétriques aucun
dialogue n’est possible. Il n’aboutirait qu’à un compromis entre deux
idéaux pervertis. Le problème fondamental de l’éducation ne peut se
poser qu’au delà de ces fausses antithèses. ».
Hommage donc à ce grand homme, qui a,
toute sa vie, lutté contre la « tyrannie du non sens » et qu’une loi
unique en son genre a mis un jour dans le box des accusés.
Qu’Allah lui accorde Sa clémence et Sa miséricorde.