29 juillet 2012

Retour sur la "loi Gayssot" et l'oeuvre de Roger Garaudy


Après la mort, aujourd’hui du brillant penseur Roger GARAUDY, auteur, entre autres ouvrages, de « Parole d’Homme », « Comment l’Homme devint humain », «Appel aux vivants », je ne peux que saluer la mémoire d’un homme à la plume, aux idées et au parcours prolifiques qui a embrassé l’Islam en 1980. Il est tombé sous le coup d’une condamnation pour négationnisme avec son livre « Les mythes fondateurs de la politique israélienne». A-t-il eu tort en y affirmant des  propos qui l’ont mis sous le coup de la loi ? Certainement. Est-il un homme que l’on réduirait à cette seule position ? Ce serait de l’injustice. Qui donc parmi les humains n’a pas un jour commis une « faute » aux yeux de la loi ?
Il me vient cependant à l’idée de revenir sur une loi que beaucoup d’historiens ne cessent de contester à ce jour. J’emprunte pour étayer ce propos la parole d’un historien Pierre Nora qui déclare au Nouvel Observateur du 14 août 2008, : « …Cela commence avec la loi Gayssot sur le crime contre l’humanité et le génocide des juifs. J’étais hostile à cette loi à l’époque, comme d’autres historiens. C’est vrai qu’elle ne tranche pas un débat académique. Elle s’appuie sur un fait et une qualification qu’aucun historien sérieux n’a jamais contestés. Elle combat seulement des militants de la contrevérité historique.
Cela étant, pour les meilleures raisons du monde, nous risquions de mettre le doigt dans un engrenage dont nous ne sortirions plus. C’est ce qui s’est passé. Nous sommes effectivement le seul pays démocratique à développer cette pratique de la vérité légale, d’ordinaire propre aux régimes totalitaires. Cela prend corps sur un mouvement vaste et profond des sociétés démocratiques contemporaines : la sanctification de la victime. Nous n’avons plus de saints, de héros, de sages, bref, de figures légendaires positives. La victime devient la seule incarnation du Bien. ». Il finit par dire  en réponse à la question « En quoi ces lois sont-elles contestables. Beaucoup y voient, au contraire, un progrès de la conscience », je cite : «  Tout simplement parce que ces lois font obstacle à la liberté de recherche historique. La complexité du travail intellectuel et celle du métier d’historien sont incompatibles avec la simplicité brutale de ces vérités d’Etat.….c’est plus généralement la liberté de penser et de communiquer de tous les citoyens qui est en question.
En réponse à la question du journaliste sur la pertinence d’une abrogation de la loi Gayssot, Pierre NORA répond : « Maintenant qu’elles ont été votées, leur abrogation serait une offense faite aux victimes et à leurs descendants. Il faut simplement toiletter ces lois en les débarrassant de leurs sanctions pénales. Nous disposons d’un arsenal répressif amplement suffisant pour le racisme. Restons-en là. Nous avons souffert longtemps de mensonges d’Etat sur les tristes heures de notre histoire, par exemple sur la guerre d’Algérie. Ne nous mettons pas maintenant à subir le poids des vérités officielles. »
Il est vrai qu’il ne sert en rien la vérité que de fermer la porte à la recherche académique, et que les idées se combattent plus par les idées et la démonstration que par les textes de loi…
Et pour ne pas réduire le penseur à ce triste épisode de sa vie, ci-dessous un texte de Roger GARAUDY, - qu’Allah accorde la paix à son âme - extrait de son livre « L’avenir, mode d’emploi, Editions Vent du large, 1998, pages 113 à 115 »:

Excellente en son principe, la séparation de l’Eglise et de l’Etat fut aussitôt confondue, non pas avec le respect de la foi ou de l’irréligion de chacun, mais avec l’exclusion de ce qui est l’essence même de la foi : les questions sur les fins dernières de la vie personnelle et sociale.
C’est ainsi que cette étrange religion républicaine ne contribua pas à créer le consensus mais au contraire la discorde, qu’il s’agisse de l’opposition de l’école libre (c’est à dire, en général, confessionnelle et, plus précisément, catholique) jusqu’aux querelles racistes du foulard de quelques jeunes filles musulmanes en laquelle le laïcisme (pas la laïcité) prétendait voir une offensive de propagande islamiste (et non islamique), alors qu’un tel tollé n’avait pas été soulevé contre le port ostensible des croix chrétiennes ou des kipas juives. Dans cette escarmouche grotesque contre quarante-deux jeunes filles (dont le foulard menaçait la République !) beaucoup d’enseignants naïfs — y compris les associations corporatives, se laissèrent entraîner comme un taureau devant la cape rouge, sans voir que le racisme prenait le masque de la défense de la laïcité.
Plus durable et plus profonde la querelle de l’école confessionnelle et de l’école laïque. L’on peut comprendre les motivations des défenseurs de l’école confessionnelle (dite école libre) devant la carence de l’école publique, excluant l’essentiel de la formation d’un homme, c’est à dire la recherche du sens de sa vie par l’exclusion de tous les textes posant ce problème dans toutes les mystiques et toutes les sagesses, des prophètes d’Israël aux Pères de l’Eglise, des soufis musulmans aux richi de l’Inde. Cette école laisse les hommes sans repères, livrés à un scientisme d’ordinanthrope croyant trouver dans une machine, merveilleuse fournisseuse de moyens, un instrument de découverte des fins. Il était assuré qu’une autre école allait exiger de combler ce gouffre dans un monde fonctionnant non seulement sans Dieu mais sans homme. Un monde du non-sens. L’intention de donner à l’enfant, perdu entre ce ciel vide et cette terre en désordre, des repères et des fins, était évidemment précieuse. Cela eut été possible si avait été maintenue l’orientation du prophétique pape Jean XXIII et du concile de Vatican II proclamant que l’Eglise, dans la voie ouverte par Jésus, n’avait pas pour tâche de diriger le monde mais de le servir. Cette merveilleuse rencontre avec le monde pouvait aider à en réduire la cassure
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Tel est le fonds humain (d’autres diront divin, mais je crois — au langage près, qu’il n’est pas d’homme sans Dieu ni de Dieu sans l’homme …) du problème de la laïcité. Problème mal posé et donc insoluble lorsque la laïcité est confondue avec un athéisme d’Etat (comme il y eut des religions d’Etat), et que la foi est confondue avec l’obéissance à l’Eglise (une Eglise que sa hiérarchie considère comme la cité parfaite, le monde entier étant dès lors condamné à lui obéir). Entre deux intégrismes symétriques aucun dialogue n’est possible. Il n’aboutirait qu’à un compromis entre deux idéaux pervertis. Le problème fondamental de l’éducation ne peut se poser qu’au delà de ces fausses antithèses. ».
Hommage donc à ce grand homme, qui a, toute sa vie, lutté contre la « tyrannie du non sens » et qu’une loi unique en son genre a mis un jour dans le box des accusés.
Qu’Allah lui accorde Sa clémence et Sa miséricorde.