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http://www.causeur.fr/taubira-demission-gauche-fn-36438.html:
C’était le meilleur des scénarios possibles. Pour quelques raisons
simples. D’abord, la droite dure va être toute désorientée. Une seule
tête de Guyanaise vous manque et tout est dépeuplé, et il n’y a rien de
plus corrosif que la haine et le mépris sans emploi. Ca brûle
l’intérieur. Il leur reste bien Najat, mais bon, ça ne va pas avoir le
même goût.
Taubira, c’était du lourd : la dernière à défendre une conception
préventive de la justice à l’époque du tout sécuritaire tout en ne
sombrant pas dans le laxisme, contrairement aux idées toutes faites, ce
qu’ont pu montrer un certain nombre de chiffres.
Et puis le mariage pour tous. Qu’elle ait été, à l’insu de son plein
gré, instrumentalisée pour transformer ce banal épisode sociétal (les
conservateurs anglais l’avaient voté en une nuit) en la mère de toutes
les batailles pour des socialistes en panne de projet social, c’est sans
doute vrai. Mais elle a eu ce qu’on appelle en chimie le rôle de
révélateur. Et ce qu’elle a révélé, c’est l’existence d’une France qui
n’avait toujours pas, au bout du compte, digéré la Révolution Française,
le Front Populaire, l’émancipation de la femme après-guerre.
C’était finalement très utile. On croyait cette espèce disparue, elle
était en pleine forme et il faut que la vraie gauche, par pragmatisme,
tienne compte de ce nouvel adversaire qui s’apparente davantage au Tea
party de Sarah Palin version bocage qu’au FN version banlieue.
La deuxième chose heureuse qui advient avec cette démission résumée dans un tweet gaullien, «
Parfois, résister, c’est partir », et le remplacement par Urvoas, un vallsien de stricte observance qui dans un livre paru en 2011 et intitulé
11 propositions chocs pour rétablir la sécurité
voulait la fusion des ministères de l’Intérieur et de la Justice, c’est
que ce gouvernement a perdu son dernier alibi de gauche et apparaît
désormais en pleine lumière pour ce qu’il est : une camarilla libérale
autoritaire, prête à reprendre les idées de l’extrême droite sur la
déchéance de la nationalité pour grappiller des voix à droite, et tout
aussi prête à démanteler le Code du Travail (ah le referendum
d’entreprise qui prime sur l’accord avec les syndicats !) à l’abri d’un
état d’urgence constitutionnalisé pour mieux mater le mouvement social.
Alors quel destin pour Taubira ?
De très bons amis me disaient que je me faisais des illusions quand
je la voyais en championne de la gauche de gauche, actuellement atomisée
par des querelles d’ego et des rivalités de chapelle. On me disait
qu’elle resterait à son ministère, qu’elle aimait trop ça. Raté.
On me disait qu’elle prendrait un strapontin à la culture. Encore raté.
On me dit maintenant qu’on lui a promis la présidence du Conseil
Constitutionnel en février, en remplacement de Jean Louis Debré. On
verra. S’ils ont raison, je ferai mon mea culpa auprès d’eux.
Mais pour l’instant, cette démission est encourageante. On se prend à
rêver de la voir inverser le rapport à gauche dans un premier tour en
2017, façon Tsipras, et affronter Marine Le Pen. Avec un peu de chance,
on se retrouverait avec une femme noire, de gauche et présidente de la
République. Impossible, vu la droitisation du pays ? Il faut dans ce cas
se souvenir de Guy Debord dans
In girum : « Alors que l’on
voyait notre défense submergée, et déjà quelques courages faiblir, nous
fûmes quelques uns à penser qu’il faudrait sans doute continuer en nous
plaçant dans la perspective de l’offensive. »
Jerôme Leroy
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