18 avril 2011

Perspectives de l'homme

Aux frontières du Marxisme.

En 1864 le Syllabus groupait dans une même condamnation le communisme et le libéralisme ; de nos jours l'Eglise catholique invoque souvent la liberté humaine pour rejeter le « totalitarisme marxiste ». Mais parallèlement à cette évolution politique, le jugement porté sur le communisme s'est fortifié et approfondi. Le mérite d'un petit livre du P. Chambre est de souligner avec force les différents aspects de l'opposition doctrinale sur laquelle se fonde l'affrontement quotidien des chrétiens et des marxistes. D'un ouvrage de vulgarisation destiné à un large public, on ne pouvait attendre, sur un problème aussi vaste, des vues très neuves, mais une information solide et un exposé attrayant : dans ces limites, le livre atteint parfaitement son but. On regrettera toutefois un certain flottement de vocabulaire — Christianisme ou Catholicisme ? Communisme ou Marxisme ? — qui trahit quelque incertitude dans la délimitation du sujet. Le sociologue qu'est H. Chambre, spécialiste du monde soviétique, n'a pu s'effacer complètement ici ; le marxisme n'est pas seulement rejeté au nom de la doctrine chrétienne, mais au nom de la sociologie et de l'économie politique, pour ses insuffisances proprement scientifiques : c'était vouloir dire beaucoup en un espace aussi restreint. De là des vues critiques suggestives, mais aussi des affirmations sommaires (cf. p. 108, le thème d'un prétendu fatalisme marxiste) qui donnent un caractère inutilement polémique à une étude par ailleurs nuancée et comprehensive.
Le double effort d'approfondissement doctrinal — sur le plan de la religion et de la pensée scientifique — auquel la conclusion du P. Chambre invite les chrétiens que tenterait la « séduction communiste », aura-t-il son pendant de l'autre côté ? A cet égard le dernier livre de R. Garaudy rend un son tout neuf. Passé le temps des condamnations dogmatiques, voici celui du dialogue où l'interlocuteur marxiste s'efforce de saisir de l'intérieur la pensée de ses partenaires. Pour écrire ce panorama de la philosophie contemporaine, R. Garaudy a voulu s'entourer de garanties : sollicitant l'avis des intéressés sur son analyse de leur doctrine, il joint à son exposé les réponses de quelques-uns d'entre eux. Initiative louable qui prouve le sérieux de l'entreprise et contribue beaucoup à l'intérêt d'un ouvrage déjà très enrichissant en lui-même, par l'ampleur de son sujet comme par la pénétration de beaucoup de ses pages. On retiendra particulièrement celles que l'auteur consacre à la pensée du P. Teilhard de Chardin : bon exemple de sympathie critique, ferme dans sa démarche, nuancée dans ses conclusions que complètent, plus qu'ils ne les contredisent, les témoignages de deux « interprètes qualifiés » du Père, Claude Cuénot et Claude Tresmontant. Nous sommes bien près, ici, de ce « dialogue authentique » dont la réponse de Jean Lacroix à Roger Garaudy définit les conditions complémentaires : « lucidité » et « participation ».

1. H. Chambre, S. J., Christianisme et Communisme, Collection «Je sais, Je crois», vol. 95, Paris, Fayard, 1960 117 p.
2. R. Garaudy, Perspectives de L'homme : Existentialisme, Pensée catholique, Marxisme, seconde édition revue et corrigée, Bibliothèque de Philosophie contemporaine Paris, P.U.F., 1960, 356 p.
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Ehrard Jean.
  Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1961, vol. 16, n° 4, pp. 820-821.
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