Article source: Roger Garaudy et son « Appel aux vivants » : un refus marxiste de l’homme non transcendantal
Né le 17 juillet
1913 à Marseille, décédé en 2012, résistant, communiste, enseignant, député,
sénateur, écrivain et philosophe, humanisme et marxisme, membre du parti
communiste dès 1933... après la Libération, Roger Garaudy entre au comité
central du PCF :
« Chacun porte en lui une part
de son ennemi, et il est impossible de mener jusqu’au bout et
victorieusement la lutte de libération sans se libérer d’une partie de
soi-même »
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« J’ai connu l’apparente
plénitude du dogmatisme, le doute, puis la traversée du désert. Je ne serais
pas ce que je suis si je n’avais pas été ce que je fus ; je n’aurais
jamais su ce qu’est la foi qui n’est pas le contraire de la raison ; la
foi c’est le moment critique de la raison. »
Un de
nos plus brillants intellectuels, bannis dès les années 90 de tous les
cercles qu’ils soient universitaires ou médiatiques, une des premières victimes
d’un nouveau maccarthysme - celui qui touche à la
question israélienne, la création de cet état, sa politique raciste et
colonialiste, ses relais et ses officines ici en France -, son ouvrage publié en 1995 qui a pour titre "Les mythes fondateurs de la politique israélienne" : (vidéo-conférence ICI) - à ce jour sans doute l'étude la
plus poussée sur les tenants et aboutissants de la création de l'Etat d'Israël,
et le dessous des cartes de la politique de cet Etat - fera de Roger Garaudy la victime d’un long acharnement jusqu’à sa « chute » et son bannissement professionnel, universitaire et médiatique.
Il
décédera dans l'indifférence quasi générale.
***
Marxisme
et foi chrétienne - « les temps sont venus où catholiquen’est pas synonyme de romain, et oùle
socialisme ne se
réduit pas au marxisme-léninisme -, dialogue des civilisations, avec l’ouvrage
« Appel aux vivants » écrit en 1979, Roger Garaudy nous invite à renouer
avec des cultures non-occidentales pour la création d’un avenir à visage humain
car à ses yeux «l’autre homme c’est ce qui me manque pour être pleinement humain ».
A
partir des années 70, Roger Garaudy, chez les marxistes, incarnera le refus de
l’homme non transcendantal.
Toute institution doit être
confrontée à ses fins. De la technocratie (le comment sans le pourquoi) au
prophétisme ( projet et fins), Garaudy dénoncera un rationalisme
dogmatique infirme et nous proposera de ne plus procéder de cause en cause mais
de projet en projet, non de « comment » en « comment » mais
de « pourquoi » en « pourquoi » car l’auteur n’a de cesse de
poser la question suivante : la science et la technique peuvent-elles nous
faire sortir de l’impasse en nous proposant des fins ?
Le
concept, la logique et la loi sont les trois piliers du
« positivisme » et du « scientisme » occidental. Pour une
telle pensée, l’avenir ne peut être que le prolongement du passé et du présent
d’Auguste Comte à Durkheim, de Pavlov à Jacques Monot, de Hegel à Staline…
« Scientisme,
raison réduite à n’être qu’instrumentale »… l'auteur fait le constat
suivant : ce que nous appelons « la science » ( science
occidentale) est dépourvue de la réflexion sur les fins. De cette
séparation est né ce « rationalisme infirme », fondement de
l’abêtissement scientiste et technocratique, qui, faute de reconnaître une
conception globale de l’homme et de ses fins, est devenue à elle-même sa propre
fin.
Garaudy
nous rappelle que… « même l’Eglise a cherché ses preuves dans l’arsenal de
ce rationalisme qui est le père du théisme et de l’athéisme ; un Dieu roi
tout -puissant, un législateur moral ou un concept. Une démarche qui se pose
toujours la question du « comment » et jamais celle du
« pourquoi » ; toujours la question des moyens et jamais celle
des fins ; démarche qui ne peut qu’aboutir à un système autoritaire et conservateur
au service des puissants : domination, despotisme et fermeture.
«La véritable démocratie ne peut se définir que d’une manière
organique, comme le fuit de la longue germination de l’histoire
spécifique d’un peuple et d’une culture »
Aux yeux de Garaudy, l’histoire
scientifique est l’histoire de l’homme aliéné : « les sciences
humaines nous apprennent beaucoup de choses sur l’homme aliéné sauf ce qu’est
l’homme lorsqu’il ne l’est pas » ; sans omettre de préciser
ceci : « ni la foi ni le marxisme ne sont des idéologies. La
foi n’est pas une conception du monde mais une manière d’agir dans le monde. Le
marxisme n’est pas une conception du monde mais une méthodologie de
l’initiative historique car l’avenir n’est pas ce qui va arriver mais ce
que l’on fera advenir. »
Marxisme et foi religieuse,
dialogue des civilisations, c'est entendu : page après page, Roger Garaudy
parcourt l’Egypte, l’Afrique… mère de l’humanité, la Perse avec Zarathoustra,
ce prophète révolutionnaire, puis l’Inde -hindouisme et bouddhisme… pensée et
sagesse privées d’égo, Zen, Taoisme et les 3 monothéismes opposant, entre
autres, le christianisme (l’amour du Christ) à la chrétienté (pouvoir et
oppression).
L’auteur
dessine alors un nouveau projet de société ; une nouvelle
croissance - une croissance qui ne serait plus d’une nature entropique
(épuisement des ressources et des êtres humains) ; une croissance qui ne
serait plus une excroissance, cancer de toute l’humanité du Nord au Sud -,
et lance un appel à s’opposer à une croissance qui a pour nom de guerre
« progrès » pour le plus grand profit d’un projet basé
sur le dialogue des civilisations : sagesse et prophétisme car…
« ... la culture
n’est pas un musée des arts mais bien plutôt l’ensemble des réponses d’une
communauté humaine aux questions qui sont posées par la nature, les autres
hommes et lui-même. »
De là,
la recherche d’un socialisme (de Marx) pas seulement d’essence occidentale mais
multi-civilisationnelle ; un socialisme fondé sur l’homme, la nature et
Dieu : chinois, hindou, africain, islamique (Garaudy fournit une très
bonne analyse de la révolution iranienne), latino-américain… car l’Etat-nation
est une catégorie historique du capitalisme libéral nous précise
l’auteur : « Dans le reste du monde, le nationalisme et l’idée même
de nation est un produit d’exportation européen au même titre que la conception
capitaliste de la propriété et du marché. »
Comme
un fait exprès, le capitalisme des empires industrielles des multinationales au
moment de la rédaction de l’ouvrage (1979), avait déjà, en grande partie, rayé
de la carte les Etats-nations.
Levain ou bien opium, les
religions ? Néanmoins Roger Garaudy dans son refus de l'homme non
transcendantal, se trompera lourdement en affirmant en toute
naïveté : « Loin de conduire au fatalisme l’acte de s’en rendre à
Dieu est la forme la plus haute de la liberté, car il délivre l’homme de son
intérêt égoïste et de ses ambitions bornées. Il exige des hommes que ni la
concurrence, ni le profit, ni aucun des objectifs de la croissance aveugle ne
le détournent de se souvenir de sa source première et de sa fin
dernière. »
Les
républiques islamiques et le Sionisme (bras armé du Judaïsme) de ces 50
dernières années prouvent qu’aucune religion n’est capable d’intégrer l’autre
quand il est tout autre ; l’une ne peut que le brimer « l’énergie et
l’acte créateurs de la liberté », l’autre le spolier dans le meilleur des
cas ; dans le pire, l’une le priver de tout droit à l’existence, l’autre
en faire un sous-homme même si l’on doit pouvoir valider le constat
suivant : un socialisme sans transcendance est voué à l’échec car il est
historiquement faux qu’il existe un lien constant et organique entre
matérialisme, scientisme et révolution.
Et à ce
sujet, l’auteur nous rappelle à toutes fins utiles ceci ignoré par tous :
« Le point de départ de l’idée révolutionnaire en Europe est l’ouvrage
théologique d’un moine du XIIè siècle, Joachim de Flore… ». D’autres
ecclésiastiques suivront : Jan Hus, Thomas Münzer, Thomas Campenalla,
Thomas More…
....
avant de conclure : « Ce qui est en cause c’est le
pourrissement, en sa source même, du pouvoir de chaque homme de s’exprimer, de communiquer,
de décider, en face de tous les conditionnements qui nous sont imposés par des
groupes de pression privés qui le dominent, et la possibilité de libérer en
l’homme ce qu’il a de spécifiquement humain :
l’autodétermination de ses fins et l’autogestion de ses moyens. »
SERGE ULESKI sur son blog