23 juin 2013

En 1993, Roger Garaudy soutient les mineurs de Bischofferode en Allemagne

Une graine du futur: ne la laissons pas mourir

«La potasse allemande pour vaincre la faim dans le tiers-monde et garantir les emplois en Europe.» C'est là le mot d'ordre des mineurs de potasse de Bischofferode, en Thuringe, que les grands monopoles veulent fermer alors que le tiers-monde manque d'engrais potassiques pour son agriculture, c'est-à-dire sa survie.
Dès le 4 juillet, des femmes sont descendues dans la mine, à 580 mètres de profondeur, pour l'occuper en signe de protestation. En cette fin de juillet, quarante ouvriers font la grève de la faim pour empêcher la fermeture. Ce mouvement marque un tournant dans l'orientation de l'action syndicale pour toute l'Europe: pour la première fois est indiquée clairement la seule solution possible au chômage en Europe et à la faim dans le tiers-monde.
C'est la mise en cause de tout le système économique mondial actuel dirigé par les pays «riches» de l'Occident, qui appellent «marché» le seul marché solvable. La plupart des pays du tiers-monde en sont exclus parce qu'ils ne peuvent pas payer, d'où 25 millions de morts par la malnutrition ou la faim chaque année, alors que l'Europe compte 17 millions de chômeurs sous prétexte que le marché (solvable) est saturé.
Le cri de Bischofferode est le premier signal d'alerte contre cette gestion désastreuse de la planète.
- D'où vient le blocage?.
D'abord, du non-sens de l'«économie de marché» qui permet aux gros requins de manger les petits poissons. Le scandale de Bischofferode en est une illustration. La Treuhand, organisme chargé, en Allemagne, de la privatisation des entreprises d'Etat de l'Allemagne de l'Est, a chargé la banque Goldman Sachs, de Londres, d'élaborer le plan de privatisation pour l'industrie de la potasse. La banque Goldman Sachs a proposé un «regroupement» et des «fusions» au profit des grands monopoles, impliquant la fermeture de la mine. Le prétexte est la «saturation du marché». Là est le mensonge: les besoins en engrais des pays du Sud sont énormes, mais il leur manque l'argent pour les importer. Même s'ils ont cet argent, le FMI (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale leur interdisent d'utiliser les devises pour autre chose que le paiement de la dette extérieure.
Le problème des ouvriers est le même que celui des paysans européens: les Etats-Unis, afin de se réserver la part du lion pour leurs céréales sur le marché européen, imposent, par exemple, à la France (avec la complicité de la CEE) de mettre 15% de ses terres en friche alors que l'autre moitié du monde souffre de la faim.
Au deuxième congrès international de la potasse, à Hambourg, en mai 1991, le docteur Otto Walterspiel, alors président d'une grande firme, disait dans son rapport: «Seule une industrie de potasse saine peut garantir la nourriture d'une population mondiale en croissance (...). Le manque de pouvoir d'achat (...) fait que la consommation d'engrais en Amérique latine, en Afrique et, aussi, en Asie ne s'accroît pas suffisamment pour permettre de nourrir la population.» Il proposait une augmentation de l'aide au développement, notamment pour l'importation de potasse et d'engrais.
Fait significatif, le 24 juin 1993, l'évêque Wanke, de l'Eglise catholique, et l'évêque Demke, de l'Eglise luthérienne, ont publié une «lettre ouverte» au ministre des Finances Waigel lui disant leur crainte qu'une entreprise ouest-allemande soit «assainie» aux dépens des emplois à l'Est et que se constitue en Allemagne un monopole de la potasse.
Des comités d'entreprise de nombreuses firmes allemandes, notamment le personnel des usines Krupp, sont venus témoigner leur solidarité. Avec cette première prise de conscience que les intérêts et l'avenir des travailleurs d'Europe et des peuples du tiers-monde sont intimement liés, une graine du futur est en train de germer. Ne la laissons pas mourir. Il est urgent d'organiser un soutien international pour les mineurs de Bischofferode. Paysans et travailleurs d'Europe, comme peuples du tiers-monde, se doivent d'aider ceux qui, les premiers, ont montré que leurs destins sont solidaires.
Les messages de solidarité et les fonds collectés doivent abonder. Voici l'adresse: Kaliwerke Thomas-Münzer, Betriebsrat (comité d'entreprise). Téléphone/fax: 49.36.07.79.94.70.
Pour que vivent et vainquent les pionniers de l'espérance.


Roger Garaudy

l'Humanité du 27 juillet 1993