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Mais
c’est de l’homme qu’il s’agit ! Et de l’homme
lui-même quand donc sera-t-il question ? – Quelqu’un au
monde élèvera-t-il la voix ?
Car
c’est de l’homme qu’il s’agit, dans sa présence humaine; et
d’un agrandissement de l’œil aux plus hautes mers intérieures.
Saint-John
Perse
Changer
le monde ou changer de monde, demandions-nous. Nous n’avons pas pu
répondre à la question, car cette alternative n’existe pas.
Changer le monde débouche sur un changement de monde, et tout
changement de monde commence par un changement du monde. Ce sont les
deux faces du principe Transcendance. Si l’on ne cède ni au
nihilisme – il n’y a plus rien à dire, à faire, à inventer, et
au fond à espérer, ni au positivisme qui étouffe les «pourquoi»
de la philosophie sous les «comment» de la science, la réponse
est : les deux, car le monde à changer, si on le change,
débouchera sur un monde autre. Changer le monde, c’est à la fin
(si tant est qu’il y en ait une) changer de monde. Pour changer le
monde il faut avoir en vue un autre monde et le vouloir
effectivement. En même temps, et c’est la part immanente du
principe Transcendance, pour vouloir un autre monde il faut être
capable d’agir dans le monde où nous vivons, l’avoir compris
dans son principe et ses rouages.
Pour
Marx,
à partir de l’analyse des contradictions d’une société donnée,
il s’agit de découvrir
les
forces sociales porteuses du projet révolutionnaire nécessaire au
dépassement de ces contradictions, et les conditions permettant à
ces forces de mettre en œuvre ce projet. Et au centre de ce projet,
il y a l’homme. L’homme collectif, mais aussi l’homme
individuel, le sujet.
«Il
faut relire Marx, après le déluge. Dans ces Manuscrits
économico-philosophiques, rédigés en 1844 à Paris, publiés pour
la première fois à Leipzig, en 1932, sont dénoncés l’inhumanité
du capitalisme et l’infamie de ses thuriféraires ».
Ainsi s’exprime Jean Salem dans son édition des «Manuscrits»
(GF, 1996). Est esquissée dans ces fragments - ignorés pendant
longtemps des «marxistes» puis sous-estimés par des esprits aussi
aiguisés qu’Althusser - une sorte de théologie négative, une
ébauche de théorie générale du communisme, non pas aboutissement
mais début d’une histoire proprement humaine. Il est assez facile
de trouver dans ces textes place pour une conception enracinée dans
l’immanence de la transcendance: là où l’homme lui-même est à
construire, tous les dépassements sont possibles.
«La
propriété privée nous a rendus tellement sots et bornés,
écrit Marx, qu'un
objet est nôtre uniquement quand nous l'avons, quand il existe donc
pour nous comme capital ou quand il est immédiatement possédé,
mangé, bu, porté sur notre corps, habité par nous, etc., bref
quand il est utilisé par nous, bien que la propriété privée ne
saisisse à son tour toutes ces réalisations directes de la
possession elle-même que comme des moyens de subsistance…
À
la place de tous les sens physiques et intellectuels est donc apparue
la simple aliénation de tous ces sens, le sens de l'avoir. L'être
humain devait être réduit à cette pauvreté absolue pour pouvoir
engendrer sa richesse intérieure en partant de lui-même …
…Non
seulement la richesse, mais aussi la pauvreté de l'homme reçoivent
également — sous le socialisme — une signification humaine et
par conséquent sociale. La pauvreté est le lien passif qui fait
ressentir aux hommes le besoin de la richesse la plus grande :
l'autre homme…
Le
communisme [la suppression de la propriété privée] est la forme
nécessaire et le principe dynamique de l'avenir immédiat, mais le
communisme n'est en tant que tel ni le but du développement humain
ni la forme de la société humaine».
En
tant qu’inventeur d’une méthode
philosophique
et sociologique tombée, dans des circonstances historiques données
(réformisme, stalinisme) dans une forme d’économisme et de
déterminisme, Marx ne se suffit pas à lui-même. Laissons Bloch,
Teilhard, Garaudy, introduire dans le marxisme la flamme de la foi,
la foi qui ne se réduit pas à la religion.