Démocratie, émancipation, leur redonner
du sens !
« S’émanciper individuellement car personne (homme/femme
providentiel/le, argent, dieu ou autre) ne nous émancipera à notre place. Et
collectivement, car aucun être humain ne peut s’épanouir seul dans son « coin »
tout en travaillant nos inévitables et nécessaires
contradictions. »
C'est ce à
quoi nous invite Claude Ramin !
Après,
interrogeons-nous, il y a certainement beaucoup de questionnements pour inciter
à la réflexion sinon à l'action...
Michel
Peyret
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Existe-t-il
des alternatives démocratiques à la délégation de pouvoir ?
La première
interrogation qui me vient, n’est-ce pas un mot valise ? Ce serait
opposer alternative à alternance ? N’est-ce pas la succession de deux positions
dont une seule est vraie ? Et revendiquer une autre alternative ne revient qu’à
remplacer la précédente, sans compter que rester dans le contre n’est jamais que
l’autre face de la même pièce. On ne change pas de logiciel et à force de
pédaler le nez dans le guidon on ne se pose même plus la question du pourquoi on
pédale.
La deuxième
interrogation c’est que l’alternative qui peut
advenir n’est peut-être pas celle à laquelle nous pensons implicitement, et
qu’inconsciemment nous projetons dans nos discours imprégné(e)s, que nous sommes
par une culture de gauche. L’histoire aurait un sens, tout retour en arrière
serait impossible, effet cliquet, et nous irions à marche forcée vers un avenir
radieux porté par le progrès infini dans une société harmonieuse ? Or la fin ne
justifiera jamais les moyens.
Aujourd’hui,
comme hier, dans l’hexagone comme au niveau européen au moins, démocratiquement,
si nous accordons encore un tel qualificatif au régime institutionnel en
vigueur, l’alternative risque de virer au brun tant les idées de compétition et
de haine de l’Autre se sont banalisées. Ces dernières années nous assistons à la
victoire idéologique de ces idées funestes via l’alternance autour de TINA des
années Reagan/Thatcher et la porosité des camps en présence dans une société
éclatée.
La troisième
interrogation porte sur les alternatives et
leurs convergences à priori selon l’idée que « l’union fait la force »,
complétée implicitement là encore par « l’union est un combat ». Derrière quelle
chapelle ? Selon quel schéma porteur d’une seule voie/voix ? L’union ne
conduit-elle pas à l’uniformité/uniformisation de la pensée tout en restant dans
une logique concurrentielle ? L’uniformisation de gauche répondrait ainsi à
celle de la globalisation capitaliste ?
Faut-il à
priori converger ?
Le premier
pas n’est-il pas de (re) faire société à travers une démarche ascendante,
horizontale et non violente. Le (re) étant pris dans le sens d’aller à la racine
des choses parce que nous voulons changer de société, et non pas changer la
société.
(Re) tisser
les liens, à partir de ce qui affecte les gens au quotidien et aller à la
rencontre de l’Autre, pas à pas, sur la durée et faire vivre nos
paroles.
Retrouver nos
racines, les questionner, et sortir ainsi de l’ethnocentrisme occidental, parce
que chaque être humain est égal à l’Autre, chaque culture est égale à l’autre.
Chaque être humain et chaque culture apportent leurs richesses en partage pour
faire vivre le métissage à travers leurs entrelacements, tels ces rhizomes qui
font éclater la roche. Pour se fédérer ensuite en restant à la fois attaché(e) à
notre propre singularité et ouvert à l’Autre, pour croître en humanité chemin
faisant.
Remettre en
question nos modes de vie et notamment « le bien-être occidental » par
une désaccoutumance à la consommation et à la croissance pour vivre une
sobriété joyeuse et partagée en harmonie avec nos écosystèmes sur une planète
aux ressources finies et en prenant soin du devenir des générations futures.
Seuls les
liens libèrent les êtres humains alors que les biens
aliènent.
Alternatives
démocratiques à la délégation de pouvoir :
N’est-ce pas
penser dans le cadre existant, sans se pauser pour prendre le temps du
nécessaire questionnement ?
Vivons-nous
aujourd’hui ici dans un régime démocratique, et là-bas
?
La démocratie
se réduit-elle aux élections dont découle la délégation de pouvoir ? La
démocratie est-elle seulement séquentielle ? Consiste-t-elle à mettre ou
ne pas mettre un bulletin dans l’urne tous les 5/6 ans ? Les majorités sont
calculées en rapportant les suffrages obtenus par l’élu(e) aux suffrages
exprimés, or si nous les rapportons aux inscrits nous nous situons autour de 25
à 30%, hors scrutin présidentiel.
Quelles sont
les différentes légitimités à prendre en compte ? Nous soutenons que les
gens classés sous les vocables «abstentions », «blancs et nuls» ; mais
aussi les gens qui refusent de se prêter à ces joutes électorales, comme celles
et ceux qui ne se réinscrivent plus sur les listes électorales suite à un
changement de lieu de résidence, comme celles et ceux qui sont toujours privés
du droit de vote malgré d’anciennes, et toutes nouvelles, promesses électorales
sont aussi porteurs d’autres expressions, tout aussi légitimes.
Nous refusons
d’être catalogué(e)s comme de doux rêveurs, voire plus souvent comme des
inconscients ou des « je-m’en-foutistes ». Refuser aujourd’hui de se prêter
à ce jeu de dupes est un geste éminemment politique car, en creux, il appelle à
(re) construire, à partir de notre intelligence collective, d’autres formes
d’organisations, d’autres règles pour (re)faire
société.
Les
représentant(e)s issues de ces élections se soucient-ils/elles de leurs mandants
une fois élu(e) ou gèrent-ils/elles leur carrière professionnelle ? Cette
professionnalisation de la vie politique, où la communication prend le pas sur
les idées, est-elle compatible avec l’exercice de la démocratie ? Ne
conduit-elle pas à un « entre gens » et au clientélisme par le cumul des mandats
dans le temps et la fonction ? Fonction, augmentée, si on ose dire, par les
différentes attributions octroyées de droit aux édiles dans différents
organismes (exemple du maire qui est aussi président ou membre du conseil
d’administration de l’hôpital). L’expérience des sortant(e)s devient un argument
de la campagne électorale suivante et les médias dominants organisent la
présélection des supposés prétendant(e)s crédibles via sondages et autres débats
médiatiques.
Sans remonter
aux calendes grecques, arrêtons-nous un instant à 2005 dans l’hexagone. Au cours
de cette année là et avant le référendum portant sur le TCE (traité
Constitutionnel Européen) la représentation nationale a voté une modification de
la constitution la rendant conforme à ce traité. Pour la représentation
nationale, et avec l’appui des médias dominants, il ne faisait aucun doute que
ce traité serait adopté par le peuple, on connaît la suite. Précisons encore une
chose à propos de ce référendum, celui-ci n’a été rendu possible que par le fait
du président de la république d’alors, c’est-à-dire le fait du prince en quelque
sorte !
Cependant ce
que le peuple a chassé par la porte le 29 mai 2005, la représentation nationale
réunie en congrès par un autre président a bafoué la décision populaire en
faisant rentrer par la fenêtre le frère jumeau du TCE sous le nom de traité de
Lisbonne.
Quel sens
politique donner à cette représentation ? Si délégation de pouvoir avait un
sens, et au-delà des positions défendues par les représentant(e)s politiques
lors de la campagne électorale sur le TCE, la dite représentation se serait
grandie en refusant le frère jumeau par simple respect du verdict populaire
d’alors.
Combien de
fois la constitution de la cinquième république a été modifiée via le congrès
pour la rendre compatible avec les directives de l’Union Européenne ? Et dans le
même temps les mêmes nous rabattent les oreilles sur le fait que la dite
constitution est la table de la loi.
En Europe
combien de fois des peuples ont été obligés de revoter jusqu’à ce que le verdict
soit conforme aux vœux de la gouvernance globalisée ? Combien d’autres
peuples ont été privés d’expression, les décisions étant prises par leurs
représentant(e)s respectifs ?
Le prix Nobel
de la paix attribué à l’UE et la cérémonie de remise du prix à l’aréopage qui se
trouve en charge de la gouvernance est un pas supplémentaire dans le fait de
mépriser les gens de peu d’ici et de là-bas, car l’UE c’est ce que l’on connaît
en Europe et c’est aussi Ceuta et Melilla et la chasse sous nos fenêtres de
différentes populations. Ce prix n’est pas le nôtre, c’est le prix de
l’INDECENCE.
Pouvoir
politique et son organisation ?
Ou plus
sûrement pouvoir des milieux financiers et/ou économiques via les lobbies des
transnationales qui ont bien plus de poids auprès des « responsables politiques
» que l’expression des peuples. Qui a permis cette domination sans entrave de
l’argent aux dépens du devenir des humains et de nos écosystèmes ? Qui a mis en
place de telles super structures comme l’UE, le FMI, la BM, l’OMC,… via de
lointaines délégations de pouvoir ? Que font aujourd’hui les pouvoirs
politiques, mis à part s’autoproclamer décideurs pour masquer leur dépendance
vis-à-vis de ce pouvoir occulte qu’ils ont mis en place, si ce n’est de faire
appliquer la logique dictée par d’infimes minorités pour toujours accumuler
plus, de rassurer les marchés et d’obéir aux notes d’officines privées.
D’ailleurs on
ne parle plus de démocratie mais de gouvernance dans cette globalisation
capitaliste.
Et comme cela
ne va pas de soi pour les peuples, le pouvoir politique complète son œuvre, si
on ose dire, par la mise en place de la répression, de la surveillance, par la
violence.
Pour prendre
un exemple actuel le président du changement et son premier ministre, ex-maire
de Nantes, initiateur obstiné de l’aéroport de Notre-Dame des Landes, lancent
les forces de l’ordre, comme ils disent, pour déloger, y compris en grimpant aux
arbres, des gens qui non seulement s’opposent à ce projet irrationnel et coûteux
mais défendent aussi un écosystème fragile et des terres agricoles. Non
seulement on casse les habitations 48 heures avant que la loi interdise les
expulsions et on saccage aussi les potagers. Quel mépris ! Quelle misère morale
de la richesse et de leurs suppôts !
Violence
encore lorsque des Etats s’octroient le droit d’exporter la démocratie à coups
de B52 et autres drones ou « rafales »…
Autorisons-nous aujourd’hui à questionner le rôle des partis
politiques dans l’organisation du pouvoir
politique.
N’est-ce pas
autour d’eux que s’organise la vie institutionnelle politique ? Leur
fonctionnement n’est-il pas de type pyramidal ? Toute structure/organisation
n’a-t-elle pas sa propre logique interne qui est de croître ? Cette logique ne
prend-elle pas rapidement le pas sur l’intérêt général dans cette vie politique
professionnalisée ? Combien de militant(e)s participent réellement à la vie de
leur organisation ? Quelle est la représentativité des partis politiques par
rapport à l’ensemble des contemporains qui, bons enfants, participent à leur
fonctionnement via les subventions distribuées par l’Etat au prorata du nombre
de suffrages obtenus lors d’élections ?
En externe ce
type de fonctionnement ne se traduit-il pas par une démarche descendante selon
un schéma pré établi que les militant(e)s vont décliner pour apporter la « bonne
parole » et convaincre celles/ceux qui sont supposés ne pas savoir ? Et cela, en
dehors des qualités humaines des militant(e)s. Et en dehors du « tous
pourris » ou autre complot.
Et en même
temps interrogeons-nous sur l’autre versant, celui des gens de peu, qui laissent
faire, n’est-ce pas alors s’en remettre à l’homme/femme providentiel/le, et/ou
au représentant(e) ?
Cette
organisation pyramidale s’étend aussi à d’autres structures syndicales, voire
associatives. Chaque organisation, au nom de l’expertise dans son domaine,
participe à reproduire le modèle de cette a-société où l’on vit séparé et non
ensemble.
Autorisons-nous à questionner le mode de financement de différentes
associations notamment via les subventions octroyées par les collectivités
territoriales ?
Qu’en est-il
du lien de dépendance qui peut se créer, même inconsciemment (don et contre
don), lors de l’attribution de telles subventions ? Quel est l’impact sur la
pérennité de la structure ? Sur leurs objectifs ? Et pour le donateur quel
bénéfice peut-il en tirer ? Cela ne participe-t-il pas aussi du clientélisme ?
Ne
pourrions-nous pas porter le débat sur la place publique en d’autres termes :
D’où vient l’argent permettant l’octroi des subventions ? Cet argent n’est-il
pas notre bien commun et nulle oligarchie même locale ne peut le confisquer et
l’attribuer en fonction du degré de soumission de la
structure.
Autorisons-nous encore à questionner le fonctionnement des
coopératives actuelles ? Combien de coopérateurs participent réellement aux
décisions quant à leur fonctionnement, et/ou aux décisions concernant les
investissements ?
Aujourd’hui
le mot démocratie se confond avec ce seul modèle qui s’est/a été imposé aux
peuples de la planète. Ce modèle n’est même plus discuté/disputé. Or d’autres
modes d’organisation de la vie politique ont existé, notamment le tirage au sort
pour le dire vite.
Au nom de
quoi ne serions-nous pas capables d’inventer, de créer et de soumettre à
expérimentation ?
Prenons le
mouvement des peuples qui ont fait le printemps arabe, avons-nous suffisamment
mesuré à travers nos standards du monde occidental le courage de ces gens de peu
qui ont vaincus leurs peurs et ont osé affronter le tyran en Tunisie et en
Egypte notamment ? Et combien ce mouvement porté par les gens ordinaires pour
regagner leur dignité a été confisqué/détourné via les élections organisées par
d’autres qu’eux.
A tel point,
que restant à la surface des choses, certain(e)s commentateurs parlent
aujourd’hui d’automne voire d’hiver, pour eux la révolution a échoué, la page
est déjà tournée et on passe à autre chose.
Comme s’il
suffisait de tourner dans l’instant une page en suivant les canons de ce monde
occidental et/ou abattre un mur pour reprendre l’autre schéma relatif au grand
soir.
Et si la page
ouverte par les gens de peu notamment en Tunisie, en Egypte, et ailleurs,
restait à écrire au jour le jour, débarrassée de l’instantanéité qui sied si
bien à cette modernité et/ou aux promesses des lendemains radieux dans l’autre
version ? La dignité retrouvée, la peur vaincue, et même s’ils ne peuvent pas
suivre le calendrier fixé par d’autres qu’eux, le mouvement ne s’arrêtera pas,
avec des avancées et des reculs, des erreurs aussi, dont nous apprendrons tous,
là-bas et ici. Entendons à nouveau la pensée de G.Deleuze : « c’est aux devenirs
révolutionnaires qu’il faudrait croire plutôt qu’à l’avenir des révolutions
».
Ce mouvement
de mouvements dont la philosophie est partagée par le mouvement « Democratia
Real Ya » du 15 mai (15M) en Espagne, dans les mobilisations en Grèce, Portugal
et ailleurs en dehors des « sunlights », en passant par « Occupy Wall Street »,
lie/relie les gens de peu. Où partout dans le monde les peuples tentent de se
frayer un chemin au quotidien pour (re) donner sens au mot démocratie car elle
est/reste partout en danger.
Cela
prend/prendra du temps, voilà un facteur essentiel pour le plein exercice de
notre puissance d’agir.
Autorisons-nous à mettre en tension « pouvoir : qui n’est que
faire faire » et « puissance d’agir qui est : penser/faire par
nous-mêmes » Certain(e)s se sentent obligé(e)s d’ajouter « réelle et
maintenant » au mot démocratie tant elle a été, et est, bafouée, ici et
là-bas.
Etablir une
nouvelle constitution ? Et quid du
pouvoir ?
Constitution
établie par qui ? Par une constituante élue selon les mêmes critères
qu’actuellement ? Par tirage au sort ? Pour partie ? En totalité ? Ratifiée
ensuite par le peuple ?
En Islande
une constitution a été rédigée par une assemblée tirée au sort au sein de la
population parmi des gens volontaires, cela a pris plus de deux ans. Six
propositions ont été extraites de ce projet par le gouvernement, puis soumises à
référendum. Elles ont été adoptées par les deux tiers de la moitié des électeurs
avec cependant une moindre participation à ce vote par rapport aux référendums
précédents lorsque les citoyens avaient refusé d’avaliser les
indemnisations négociées par leur gouvernement en faveur des créanciers
étrangers.
Or cette
décision populaire reste encore subordonnée à l’appréciation du parlement
pourtant désavoués à deux reprises lors des négociations avec le FMI et
l’UE ?
Au Venezuela
où figure pourtant dans la constitution un début de démarche ascendante, via la
mise en place de conseils communaux qui vient « côtoyer » la démarche
descendante classique, ne va pas de soi. Parce que d’une part cette démarche
reste soumise au bon vouloir du président, via ses représentant(e)s, président
certes élu démocratiquement selon les standards en vigueur. Et d’autre part on
assiste à un manque de participation des gens de peu aux assemblées et ainsi le
processus semble s’étioler sur la durée, du moins jusque là.
Cette
démarche de mise en tension de deux légitimités est pourtant porteuse de sens,
elle doit nous interroger quant à la difficulté à mettre en mouvement les gens
ordinaires à travers une démarche qui porte pourtant sur l’organisation de leur
quotidien. Difficultés que nous constatons tout autant
ici.
Ainsi, ici
aussi, interrogeons-nous sur le fait qu’aussi belle soit-elle la nouvelle
constitution promise, comme les différents textes qui définissent les libertés
fondamentales et les droits fondamentaux sur le papier, changera-t-elle,
changeront-ils, réellement l’exercice du pouvoir et l’effectivité des droits ?
Le pouvoir
est-il resté longtemps aux mains des soviets ? Quatre ans après (1921) la
révolte des marins de Cronstadt a été écrasée dans le
sang.
Aujourd’hui
encore certain(e)s misent sur le rôle des minorités agissantes, des masses
critiques; ne se referment-elles pas dans une nasse critique
?
En d’autres
termes, et en dehors des qualités et de la sincérité des personnes,
« prenons-nous le pouvoir ou est-ce le pouvoir qui nous prend ? »
Travaillons à
sortir de ce « nous » et « eux », sortir de ce « nous » et « vous » pour
(re)construire le nous, où chacun(e) a sa place et apporte selon ses
possibilités. Et où, bien que différents, nous sommes en même temps égaux.
Et si, plus
sûrement, rien n’était durablement inscrit/acquis ? Et si sans irruption des
gens de peu au quotidien toute prise de pouvoir était illusoire et dangereuse ?
Et s’il
fallait sortir de la centralité du travail, autre asservissement au/du pouvoir,
pour retrouver le sens de l’œuvre ?
Explorer
ainsi la piste du Revenu
Inconditionnel d’Existence pour libérer du temps, et prendre le temps de la délibération
collective pour (re) donner sens à nos existences, singulières et collectives ?
Entendons
Jacques Rancière à propos de la démocratie : Elle n’est fondée dans aucune
nature des choses et garantie par aucune forme institutionnelle. Elle n’est
portée par aucune nécessité historique et n’en porte aucune. Elle n’est confiée
qu’à la constance de ses propres actes. La chose à de quoi susciter la peur donc
de la haine, chez ceux qui sont habitués à exercer le magistère de la pensée.
Mais chez ceux qui savent partager avec n’importe qui le pouvoir égal de
l’intelligence, elle peut susciter à l’inverse du courage, donc de la joie.
(Dans « La haine de la démocratie »,
p.106).
Lorsque la loi
devient trop injuste, et est source de violences, devons-nous participer
davantage à notre propre asservissement ?
Pour retrouver notre dignité ne devons-nous pas
sortir des cases que d’autres nous ont assignées ? Et nous infiltrer de façon
non violente dans chaque espace de liberté qui nous reste.
Face à la
brutalité et au langage guerrier employé depuis des lustres par chaque camp,
nous refusons la violence, celle exercée par le marché, comme celle de la
majorité, versus la dictature du
prolétariat. On ne change
pas de société en empruntant les méthodes de celle qui ne veut pas mourir, et
parce que la violence appelle la
violence. Entendons
Albert Einstein : « Un problème créé ne peut être résolu en
réfléchissant de la même manière qu'il a été créé ».
Aujourd’hui
nous voulons (re) chercher, chacun(e) et ensemble, notre part de féminité, de
sensibilité, et de doutes.
Ne
devons-nous pas vaincre nos peurs, ici aussi, reprendre confiance en nos
capacités et libérer ainsi nos potentialités individuellement et collectivement,
(re) faire l’école et l’école buissonnière et retrouver notre esprit
critique.
C’est-à-dire,
faire dès maintenant un pas sur le côté pour faire « autre chose et autrement »
et ne plus faire à l’identique, ni contre. Et faire des allers/retours entre
cette société éclatée, violente et triste et «les en
dehors».
Travailler au
quotidien ces «en dehors», sur la durée, pour (re) donner sens à nos existences
et (re) construire une société décente.
Entendons le
manifeste des neufs intellectuels antillais (dont l’un d’entre eux nous a quitté
depuis) publié en février 2009, au moment des mouvements des peuples aux
Antilles : « Dès lors, derrière le prosaïque du "pouvoir d'achat" ou du "panier
de la ménagère", se profile l'essentiel qui nous manque et qui donne du sens à
l'existence, à savoir : le poétique ».
C’est faire/penser de façon horizontale, sans chef,
ni porte parole et nous débarrasser de tous les oripeaux liés au pouvoir parce
que le pouvoir n’est jamais que la dictature d’une minorité sur d’autres
minorités.
C’est établir
de nouvelles règles pour nous organiser. Nous disons
«auto
organisation» et non pas
«auto
gestion» car dans
cette dernière expression c’est une fois de plus l’économique qui prime alors
que nous voulons selon la formule de (K.Polanyi), ré encastrer l’économie dans
le Politique.
Il n’y a pas
un seul type d’organisation (pyramidal) mais probablement autant de façon de
s’organiser que d’actions à construire avec les gens de peu, c’est-à-dire nous
(« sans guillemets »).
Lorsque nous
nous associons et/ou lorsque nous créons une coopérative d’entraide par exemple,
nul besoin de faire des copié/collé de statuts qui vont institutionnaliser la
structure et pervertir ce pour quoi elle a été construite.
Notre contrat
sera fondé sur la confiance que nous avons les uns envers les autres, entre nous
et autour de nous, parce que notre façon de nous organiser montre le chemin que
nous voulons explorer, expérimenter et de nos erreurs nous apprendrons ici,
comme des façons de faire de là-bas. Entendons Gandhi « la fin est dans les
moyens comme l’arbre est dans la graine ».
C’est faire
par nous-mêmes, en réinterrogeant nos «savoir faire» et nos «savoir être» et
parce que nous ne pouvons pas tout savoir nous ferons appel à des experts, que
nous choisirons, capables d’exprimer des points de vues différents/divergents,
pour les mettre en tension, et nous soumettrons nos prises de décisions à
expérimentation.
C’est se (re)
mettre en marche de « communes » en « communes », parce que nous voulons mettre
en partage nos expérimentations et nous enrichir des expériences des Autres ; et
non pas nous replier sur nous-mêmes, ni vivre en autarcie.
A
l’objection, justifiée, en partie, qui est celle de «l’échelle», en quoi
aujourd’hui la prétendue représentation élective apporte-t-elle un levier pour
travailler la démocratie ?
C’est aussi tout autant se réapproprier le temps, et
prendre le temps, c’est faire l’éloge de la
lenteur parce que nous voulons ré enchanter nos
vies. Parce que nous aimons la vie, nous
voulons rêver, créer.
C’est (ré)
apprendre à mettre en tension, et non dépasser systématiquement, deux positions
contradictoires à partir d’un principe d’égalité où « ce n’est pas ma solution,
ce n’est peut-être pas davantage la tienne ». Nous pouvons parfois dépasser les
contradictions et parfois nous continuerons dans ce que P-J Proudhon appelle
l’équilibration des contraires dans une dynamique infinie des contradictions
sans prétendre abolir les contradictions dans une société meilleure.
Ainsi
n’est-ce pas redonner sens au mot démocratie, et à celui
d’émancipation ?
S’émanciper,
entendons encore Gandhi : « Sois le changement que tu voudrais voir
advenir », et non
émanciper.
S’émanciper
individuellement car personne (homme/femme providentiel/le, argent, dieu ou
autre) ne nous émancipera à notre place. Et collectivement, car aucun être
humain ne peut s’épanouir seul dans son « coin » tout en travaillant nos
inévitables et nécessaires contradictions.
Claude Ramin
Claude Ramin