par Maria Magassa-Konaté | Mercredi 20 Juin 2012
Roger Garaudy est décédé mercredi 13 juin. A 98 ans, l’homme politique et intellectuel, longtemps reconnu et admiré, a été honni par la scène médiatique après la sortie de son livre « Les Mythes fondateurs de la politique israélienne », en 1996, dont les propos avaient été jugés négationnistes. Pourtant, dans la communauté musulmane, beaucoup ne lui ont pas tenu rigueur de cette incartade et se sont reconnus dans la pensée multiforme de ce philosophe converti à l’islam. C’est le cas du professeur de religion islamique Yacob Mahi, qui connaissait bien l’homme décrié. A l’occasion de l’hommage funéraire rendu à Roger Garaudy, lundi 18 juin, il nous parle de celui qu’il considère comme étant un « maître spirituel ».
Pour Yacob Mahi, Roger Garaudy « a contribué énormément à l’essor de la pensée islamique sur le plan mondial ».
Saphirnews : Que représentait pour vous Roger Garaudy ?
Yacob Mahi : Le professeur Roger Garaudy
était une personnalité centrale de ma vie. Je l’ai rencontré pour la
première fois en 1989. J’avais lu plusieurs de ses livres quand j’étais
jeune. Son ouvrage Appel aux vivants
est le premier contact que j’ai eu avec Roger Garaudy. Ce livre m’a
impressionné et m’a remis en question. J’ai donc cherché à rencontrer
cette personnalité et j’ai pu le rencontrer. Nous avons partagé des
moments d’apprentissage et d’éducation. C’était un philosophe, un
penseur, un maître de sagesse. C’était l’un de mes maîtres spirituels.
Doit-il devenir une figure importante pour les musulmans ?
Y. M. : Oui, et même pour l’ensemble de l’humanité. Mais
pour les musulmans en particulier, car il partageait la foi musulmane.
Il doit rester éternel dans les pensées des musulmans et dans nos
prières quand on connaît le poids des lobbies de la pensée unique qui
voulaient faire taire sa voix et sa résistance par le biais d'un
laïcisme exacerbé, un sionisme israélien ou les lobbies internationaux.
On doit résister, « tisser des réseaux de résistance face à la culture de non-sens », comme disait M. Garaudy.
Sa pensée n’était plus relayée ces dernières années…
Y. M. : On ne l’entendait plus car les médias ne se
faisaient pas l'écho de ce qu’il produisait. Les médias l’ont dénigré :
on l’a diabolisé en le présentant comme étant négationniste alors qu’il
n’a jamais nié les événements de l’Histoire tragique. Mais il était
révisionniste : il se donnait le droit d’interroger l’Histoire et
d’avoir une nouvelle grille de lecture. Il se posait des questions, ce
qui est légitime. C’est le produit d’un esprit critique, fondamental
dans nos sociétés démocratiques.
Comment a-t-il contribué au rayonnement de l’islam ?
Y. M. : Il a crée la fondation Garaudy à Cordoue, en
Espagne, dans la Tour de la Calahorra. C’est un musée qui retrace la
présence musulmane en Europe mais aussi le dialogue des musulmans avec
les non-musulmans.
Le professeur Roger Garaudy a également écrit plusieurs livres sur l’islam comme Mosquée, miroir de l’islam (Japress Publications, 1993), Promesses de l’islam (Ed. du Seuil, 1981), L’islam habite notre avenir (Desclée De Brouwer, 1981), L’Islam vivant (Alger : La maison des livres, 1986), Grandeurs et décadences de l’islam (Alphabeta & chama, 1996).
Avant cela, dans les années 1940, il a écrit Contribution historique de la civilisation arabe (Ed. Liberté, 1946). A 98 ans, il est resté fidèle à ses rêves de 20 ans, à l’enseignement islamique.
Le professeur Roger Garaudy a également écrit plusieurs livres sur l’islam comme Mosquée, miroir de l’islam (Japress Publications, 1993), Promesses de l’islam (Ed. du Seuil, 1981), L’islam habite notre avenir (Desclée De Brouwer, 1981), L’Islam vivant (Alger : La maison des livres, 1986), Grandeurs et décadences de l’islam (Alphabeta & chama, 1996).
Avant cela, dans les années 1940, il a écrit Contribution historique de la civilisation arabe (Ed. Liberté, 1946). A 98 ans, il est resté fidèle à ses rêves de 20 ans, à l’enseignement islamique.
Pouvez-vous nous parler de son cheminement vers l’islam ?
Y. M. : Son cheminement n’était pas une distanciation. Il a
eu une vie faite de ruptures mais qui s’emboîtait. A chaque fois, il
trouvait un enseignement qui venait compléter son enseignement
précédent. Il estimait que l’islam chevauchait ses enseignements sur la
sagesse. Sa conversion est la suite, la continuité logique de sa
traversée.
« Je suis entré dans l’islam avec "Le Capital" de Marx sous un bras et la Bible sous un autre », disait-il. La méthode marxiste lui a apporté la dialectique ; et Jésus, la sagesse, l’humilité, la persévérance et la résistance. L’islam n’a fait qu’accroître sa pensée, son développement et sa personnalité. Il est resté fidèle au cycle prophétique jusqu’au bout.
« Je suis entré dans l’islam avec "Le Capital" de Marx sous un bras et la Bible sous un autre », disait-il. La méthode marxiste lui a apporté la dialectique ; et Jésus, la sagesse, l’humilité, la persévérance et la résistance. L’islam n’a fait qu’accroître sa pensée, son développement et sa personnalité. Il est resté fidèle au cycle prophétique jusqu’au bout.
Etait-il toujours musulman à la fin de sa vie ?
Y. M. : Oui, il n’a jamais renié son adhésion à l’islam. On
peut critiquer Roger Garaudy sur certaines idées de l’islam qu’il
pouvait avoir, mais il restait un philosophe, un penseur. Ce n’était pas
un mufti ni un cheikh. Et il a contribué énormément à l’essor de la
pensée islamique sur le plan mondial. Notre devoir est d’entretenir sa
mémoire, en diffusant son enseignement aux générations montantes. Il ne
faut pas tomber dans les pièges des lobbies.
Comment réagissez-vous au fait que Roger Garaudy ait été incinéré alors que c’est contraire à l’islam ?
Y. M. : C’est le choix de sa famille. Cela me déstabilise
quelque part mais je respecte le choix de la famille. J’en ai parlé avec
la famille que je connais bien et après discussions d’autres personnes
sont intervenues. Mais il faut comprendre que le parcours de Roger
Garaudy est fait de frictions et de déboires avec les institutions, la
pensée unique, le laïcisme et le sionisme ; ce sont des éléments à
prendre en considération. Quelque part, je comprends la famille, même si
je n’aurais pas opté pour ce choix-là.
Que vont devenir les œuvres et la fondation Roger Garaudy ?
Y. M. : Je ne peux pas me prononcer au nom de la famille,
mais je pense qu’elle œuvre au maintien de la fondation et fait en sorte
que ses œuvres puissent nourrir les jeunes générations. Aujourd’hui,
rééditer les livres de Roger Garaudy est très difficile car les grandes
maisons d’édition le boycottent et même celles qui voudraient ne peuvent
pas à cause des lobbies de la pensée unique, très puissants en France
et en Europe. J’espère que les générations montantes pourront dépasser
cela et mettre sur pied de nouvelles maisons d’édition pour rééditer la
pensée de Roger Garaudy.
Quels ouvrages conseilleriez-vous aux jeunes générations qui ne connaissent pas la pensée de Roger Garaudy mais souhaiteraient la découvrir ?
Y. M. : Le premier livre que j’ai lu de lui, Appel aux vivants, publié en 1979, je le recommande à tout le monde. Avons-nous besoin de Dieu (Desclée De Brouwer, 1993) est aussi intéressant et fondamental, comme Grandeurs et décadences de l’islam (Alphabeta & chama, 1996), qui est une mise en garde contre les extrêmes. Le XXIe siècle : suicide planétaire ou résurrection (L’Harmattan, 2000) est aussi un ouvrage central. Et je recommande aussi son dernier ouvrage Le Terrorisme occidental (Al-Qalam, 2004), qui prend la forme d’un testament.