L'art
est sacré lorsqu'il ne me laisse pas intact, lorsqu'il me fait participer à une
vie plus grande : l’église d'Auvers existe encore,
et nous passons aujourd'hui devant elle comme devant n'importe quel édifice
banal. Mais lorsque Van Gogh la transfigure, elle nous fait revivre une agonie,
une résurrection. Les murs de pierre grise et les toits de brique sont devenus
chair et sang, sous la poussée d'un ciel bleu torride et noirci de serpents de
couleurs. Mes muscles se tendent pour résister à cet écrasement, ils sont
parcourus par toutes les courbes de ces murs gémissants, de ces tuiles
sanglantes, arc-bouté au sol pour résister à la tenaille des chemins reptiles
qui l'enserrent déjà, et à la pesée du ciel. Je participe tout entier à cet
effort vers une impossible victoire.
Roger
Garaudy
«Le sacré dans l’art », article dans «Boréales » , n°58-61, pages 1 à 5, extrait page 2
«Le sacré dans l’art », article dans «Boréales » , n°58-61, pages 1 à 5, extrait page 2