|  | 
| Daumier. La République. Esquisse. 1848 | 
Au 19e  siècle s'affrontaient encore, comme des séquelles
 de la Révolution française, des conservateurs partisans plus ou moins 
avoués d'un retour à l'Ancien Régime monarchique, avec ses hiérarchies 
traditionnelles et sa sacralisation par une théologie de la domination, 
et, en face, les héritiers d'un messianisme du « progrès » par l'essor 
des sciences et des techniques nécessaires à l'expansion de l'économie 
nouvelle, contre les survivances féodales et cléricales.
L'enjeu
 principal était donc la conquête de l'Etat, c'est-à-dire, alors, du 
Parlement, avec la géographie de son amphithéâtre (la droite et la 
gauche), dominant le paysage politique du pays tout entier. La liturgie 
électorale culminait dans la grand-messe devant l'urne : l'acte de 
déposer son bulletin était l'expression de la souveraineté du citoyen, 
comme autrefois le sacre celle de la souveraineté du roi.
[…]Tous les acteurs, tous les moteurs, et toutes les significations de la politique du 19e  siècle ont disparu de la scène, et des histrions battent le rappel des badauds devant les décors du théâtre vide, comme si rien n'avait changé.
Les
 « conservateurs » de la droite séculaire ont été refoulés du côté 
jardin ; du côté cour, les « pères fondateurs » de la gauche et du « 
progrès » ont été « progressivement » métamorphosés en chiens de garde 
de l'économie de marché, devenue l'héritière du « droit divin ».
Désormais, le drame véritable, c'est-à-dire notre vie et notre avenir, se joue dans les coulisses des montreurs de marionnettes.
Là,
 sous la garde vigilante d'une monarchie élective, se trouve toute la 
réalité du pouvoir. Il s'exerce à tous les niveaux, sans intervention de
 ceux qu'on appelle encore des « citoyens », bien qu'ils n'aient plus 
aucun contrôle sur la gestion de la cité.
Les
 uns se réclament d'une droite brandissant l'étendard du « libéralisme »
 (celui de Reagan et de Thatcher, comme de Bush), les autres d'une 
gauche baptisant « progrès » ce que l'un de leurs maîtres, Léon Blum, 
appelait déjà, i l y a un demi-siècle, une politique de « gérants loyaux
 du capitalisme ». Les « énarques » des deux bords règnent depuis les 
cabinets ministériels jusqu'aux directions des préfectures, assurant 
avec continuité le fonctionnement de la grande machine d'État.
Les
 grandes décisions […] sont prises dans les comités, inconnus du public 
et irresponsables devant le peuple, où de hauts fonctionnaires de l'État
 rencontrent de grands « managers » du privé. Les uns et les autres 
ayant la même formation et la même religion : le monothéisme du marché, 
et le même avenir de retraite et de « pantouflage » dans les Conseils 
d'administration des multinationales, s'ils ont été dociles à leurs lobbies et à leur pression.
 « L'État », dans ses manifestations extérieures (sa police et sa 
justice, ses administrations, ses réglementations et ses prisons), n'est
 plus seulement le « veilleur de nuit » dont rêvaient les « libéraux » 
du siècle dernier, mais l'appareil de répression de tout ce qui pourrait
 entraver le libre jeu de l'économie de marché telle qu'on l'enseigne à 
la Business School de Harvard, ou qu'on l'impulse à travers le monde au Council of Foreign relations de New York, sous le nom de « nouvel ordre international ».
|  | 
| Roger Garaudy | 
Ce
 système ressemble de plus en plus à celui des États-Unis : la société 
est assimilée à une entreprise commerciale où la culture et la réflexion
 sur les fins ne jouent aucun rôle. 
Telle est la « science » qu'on enseigne à Sciences-Po ou à l'ENA. 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
