Roger Parmentier : une grande voix s’est éteinte
Le pasteur Roger Parmentier s’est endormi à jamais 
dans sa maison des Pyrénées, à 94 ans. Loin d’être un vieillard résigné,
 Roger n’a cessé d’écrire, de prêcher et d’appeler au réveil des 
consciences chrétiennes. Il fut, bien avant tous, un indigné.
Roger est né dans la région parisienne mais, en 1937,
 il part avec sa famille s’installer à Constantine où, tout de suite, 
Roger s’intéresse au judaïsme. Lecteur de la Bible, il considère les 
Juifs comme de sa famille et est scandalisé par le nazisme. En 1941, il 
est démobilisé et choisit de s’installer à Paris pour faire des études 
de théologie à la Faculté protestante du boulevard Arago. Il suit le 
prêches du pasteur Pierre Maury, insufflant l’esprit de résistance au 
nazisme. Il participe à un groupe clandestin d’étudiants et, à la 
demande de la Cimade, avec un camarade, il parvint à sauver un petit 
garçon juif qu’on emmenait à Drancy. « Nous étions des pro-Juifs inconditionnels », écrit-il1.
Après la Libération, il participe à la création des 
Rencontres entre Juifs et Chrétiens qui ouvrent le chemin à l’Amitié 
Judéo-chrétienne. Il connaît le pasteur Lovsky, Jules Isaac, le poète 
juif Edmond Fleg et dévore les ouvrages théologiques concernant les 
Juifs. Il se marie à Annette Monod qui lui donna six fils en quelques 
années.
Pasteur à Sétif
Jeune pasteur et père de famille, il part s’installer
 à Sétif, peu de temps après les massacres de mai 1945. Là-bas, un vieux
 prêtre l’interpella : « Mon petit pasteur, vos paroissiens et les miens sont des assassins ! »
 Dès le printemps 1954, Roger apprend par des policiers et soldats 
protestants que des tortures sont infligées à des suspects de 
nationalisme et que des villages sont bombardés. Aussitôt, il écrivit au
 pasteur Marc Boegner, président de la Fédération protestante, qui 
n’hésita pas à venir sur place et à être reçu par des officiers 
supérieurs qu’il prévint : il allait demander audience au Président de 
la République et au Président du Conseil. Il ne s’étonna pas, quelque 
temps plus tard, de recevoir la visite de deux officiers lui annonçant 
qu’il devait regagner la métropole car la vie de sa famille était en 
danger. Sa femme Annette et ses enfants quittent l’Algérie mais lui-même
 reste à Philippeville ; sa situation devient de plus en plus 
difficile : certain pasteurs le qualifiant de « pasteur fellagha ».
 Roger était devenu un témoin gênant de la répression et, à l’automne 
1955, il dut se résigner à son tour à abandonner l’Algérie.
Rodez : un pasteur contre la guerre
Nommé à Rodez, Roger s’empressa de faire connaître, en multipliant les réunions, la situation réelle de l’Algérie. Il écrit : « Je rencontrai assez souvent une franche hostilité » et il ajoute : « Dès
 ce temps de Rodez bien des protestants ont cru bon de se transformer à 
mon égard en ennemis ; mais moi, je n’ai pas d’ennemis, tout au plus des
 adversaire avec qui il convient de dialoguer et d’échanger informations
 et arguments. » Telle a été toute sa vie la méthode de Roger 
Parmentier : il interpelle, argumente, force à réfléchir mais sans 
agressivité. Il diffuse les journaux clandestins contre la guerre 
d’Algérie, signe le Manifeste des 121 et adhère au Parti socialiste 
unifié (PSU), alors en formation.
C’est alors qu’il a l’idée d’inventer un fait divers 
pour les journaux régionaux : un bon Français accidenté est sauvé par un
 Algérien échappé du camp de détention du Larzac. Les réactions, 
négatives autant que positives, ne se font pas attendre et il renvoie 
chacun à la parabole du bon samaritain. Roger Parmentier venait ainsi de
 commencer ce qu’il ne cessa plus : réactualiser la Bible. Pour lui, le 
langage habituel des Églises ne passait plus ; il fallait donc redonner 
force à l’authentique message de Jésus.
A Montreuil et la cause palestinienne
En 1964, Parmentier accepte d’être nommé pasteur à 
Montreuil. Il a posé une condition : partager son temps entre les 
protestants et tous ceux qui ne l’étaient pas. Il multiplie les 
activités et, lui qui s’était réjoui de la création de l’État d’Israël 
et qui a tant d’amis juifs, est bouleversé par la transformation des 
victimes en bourreaux. Maxime Rodinson qui dirigeait la commission pour 
la Paix au Proche-Orient lui a ouvert les yeux, dit-il, en publiant dans
 un gros numéro des Temps modernes, en 1967, un article intitulé « Israël, fait colonial ? »2
 Roger Parmentier entre au Comité France-Palestine et, en 1970, il 
participe au congrès de Beyrouth des Chrétiens pour la Palestine 
organisé par Georges Montaron. On n’allait pas tarder à l’appeler « le pasteur palestinien ».
 En 1996, Parmentier, à la demande de Roger Garaudy, témoigna, tout 
comme l’abbé Pierre, au procès intenté au philosophe pour son livre Les mythes fondateurs de la politique israélienne ;
 livre considéré comme « négationniste », ce que notre pasteur nie 
farouchement. Ce témoignage en faveur de Garaudy lui valut, on s’en 
doute, bien des ennuis… et d’être traité d’antisémite, malgré tout son 
passé !
Les actualisations de la Bible
Au milieu de toutes ses activités, Roger trouva le temps d’écrire. Ce fut d’abord L’Évangile autrement,
 publié aux éditions du Centurion, qui réactualise l’évangile selon 
Matthieu. Beaucoup d’autres ouvrages suivirent : les prophètes Amos et 
Osée, le prophète Jonas et le Cantique des Cantiques, l’évangile selon 
Jean, l’épître de Jacques, etc. Tous ces livres furent édités puis 
réédités par L’Harmattan. Il fonde avec des amis l’Association 
oecuménique ACTUEL. Il élabora même de nouvelles paroles pour les vieux 
cantiques protestants ! Qu’on imagine pas un fantaisiste : il faut être 
rentré dans sa maison remplie de livres de théologie, de la cuisine aux 
chambres, pour prendre un peu la mesure de sa culture.
Quand il se retira dans sa maison des Pyrénées, il 
poursuivit son travail et n’hésitait pas à se déplacer en voiture à 
Montpellier, à venir en train à Paris pour tenter de secouer ses 
confrères pasteurs. Pourtant, il n’avait pas été épargné par les 
épreuves : décès de sa femme mais aussi de deux de ses fils. Ces 
dernières années, il publia successivement deux petits livres, le 
premier s’adressait aux Juifs pour rappeler son « long chemin d’amitié avec les Juifs et le Judaïsme », sa « sympathie déçue » et le « mythe du peuple élu » qui a légitimé ségrégations, spoliations et massacres ; dans le deuxième, paru en 2011, il affirmait dès le titre « Musulmans, nous vous respectons et nous vous aimons. »
 Il reproduisait dans cet ouvrage le discours d’Obama au Caire, en 2009 :
 il espérait que le président étatsunien inaugurait ainsi une nouvelle 
attitude de l’Occident à l’égard du monde musulman…
Au début du mois d’août dernier, il animait encore, à
 94 ans, comme chaque année, une session sur la Bible. Quand je le 
rencontrais pour la dernière fois, en avril dernier3,
 je le vis toujours plein de projets, l’un d’eux m’inquiéta : il voulait
 partir en voyage de groupe en Algérie, en septembre, mais dut y 
renoncer. C’est chez lui qu’il mourut en septembre. Quinze jours 
auparavant, au téléphone, tout allait bien. Roger, je ne t’oublierai 
pas.
1 Je puise la plupart de ces informations des pages autobiographiques de Roger Parmentier dans son petit livre, Un long chemin d’amitié avec les juifs et le Judaïsme, l’Harmattan, 2008, p. 7 à 61.
2 Cet
 article de Maxime Rodinson était d’autant plus remarquable qu’il avait 
été écrit avant la guerre des Six-Jours et les conquêtes israéliennes.
