Il
doit être possible de parler de la peinture abstraite en des termes
qui ne soient ni ceux du réquisitoire, ni ceux de l'apologie.
On
entend trop souvent parler de la peinture abstraite comme si
elle était le dernier mot et l'aboutissement de toutes les formes d'art,
et comme s'il ne devait désormais plus y avoir de peinture
que celle-là. L'on entend trop souvent aussi parler de
la même peinture abstraite comme si elle exprimait la
forme
dernière et la plus monstrueuse de la décadence de la peinture,
de la décadence tout court, et comme si elle devait être
radicalement bannie.
Peut-être
serait-il plus utile de chercher d'abord, tout simplement, à
comprendre sa signification historique à travers l'histoire générale
des arts, à comprendre aussi sa signification actuelle
et ce qui en permet la lecture.
Peut-être alors verrions nous dans l'abstraction un moment
nécessaire de toute peinture, même réaliste, et présent à toutes
les époques de l'histoire de l'art ; peut-être aussi verrions-nous
dans les formes de la peinture abstraite au début du XX* siècle
et à l'heure actuelle encore un moment du développement de la
peinture moderne, un moment qui, comme tout moment de
l'histoire des arts, n'est certainement pas dernier mais au contraire
dépassable, mais par lequel il était légitime, et peut-être nécessaire, de
Peut-être alors verrions nous dans l'abstraction un moment
nécessaire de toute peinture, même réaliste, et présent à toutes
les époques de l'histoire de l'art ; peut-être aussi verrions-nous
dans les formes de la peinture abstraite au début du XX* siècle
et à l'heure actuelle encore un moment du développement de la
peinture moderne, un moment qui, comme tout moment de
l'histoire des arts, n'est certainement pas dernier mais au contraire
dépassable, mais par lequel il était légitime, et peut-être nécessaire, de
passer.
L'incandescence, 1956 |
C'est
dans cet esprit et dans cette perspective que nous voudrions
présenter
quelques réflexions sur la peinture abstraite en
général, et sur l'oeuvre de James Pichette en particulier.
La
tâche de l'art n'a jamais été une imitation ou une reproduction pure
et simple de la nature. Même aux époques où
cette
imitation et cette reproduction ont paru passer au premier plan
des préoccupations de l'artiste et de la société dans laquelle il vivait, pour laquelle il travaillait, il y a
toujours eu, dans
l'art
aussi bien du point de vue de l'artiste créateur que de celui
qui en apprécie la beauté, un moment essentiel que nous
pourrions
appeler le détour de l’humain.
Entre l'objet ou la figure,
tels qu'ils existent en dehors de nous et
sans nous, et l'image qui en est reconstruite par l'artiste, s'intercale un
sans nous, et l'image qui en est reconstruite par l'artiste, s'intercale un
moment
de choix, de simplification, de généralisation ou
d'idéalisation,
disons d'un mot, d'ailleurs équivoque, de déformation
par
lequel s'affirme la présence de l'homme, sa manière
de
se situer par rapport au monde, d'évaluer ce monde, de dire
devant
lui son angoisse, son désir, ses espérances. Il n'est point
d'art
qui n'implique ce détour de l'humain.
Les
bisons ou les rennes qui ornent les parois des grottes de
Lascaux,
par exemple, ne sont nullement la projection passive
ou
le décalque impersonnel du détour de la silhouette de l'animal.
Ce
qui fait la force et aussi la grâce de quelques-uns de
ces
dessins préhistoriques c'est ce qui fait la force et la grâce
de
toute oeuvre d'art à n'importe quelle période de l'histoire.
Entre
la figure et son image un esprit, un coeur et une main
d'homme
ont laissé leur empreinte. La ligne synthétique par
laquelle
s'exprime le mouvement de l'animal est une ligne de
force
: elle exprime la tension vivante du corps de l'animal, tel
que
le chasseur qui le poursuit ou qui le combat en a éprouvé
l'intensité.
Le geste créateur de l'homme, de l'artiste, exprime
cette
tension, et ce corps nous apparaît comme un ressort bandé
ou
comme un arc.
Hommage à Kenny Clarke, 1962 |
Lorsqu'on
étudie les différentes étapes du dessin d'un taureau par
Picasso, lorsque l'on examine la manière dont le peintre
s'efforce
de dégager du détail anecdotique et individuel les grandes
lignes de force qui parcourent le corps de la bête pour
arriver
à une arabesque extrêmement dépouillée, qui n'est plus que
le signe du taureau et de sa force, l'on est nécessairement saisi
par la continuité de cette signification de l'art et de la
création
artistique depuis l'âge des cavernes jusqu'à nous, et
lorsque
l'on compare le point d'aboutissement de cet effort de
dépouillement
réalisé par Picasso dans le dessin de son taureau,
l'on
est frappé de la ressemblance saisissante entre la dernière
version
et tel dessin des cavernes néolithiques du Tassili, représentant
un
boeuf à longues cornes et le réduisant à un signe, à
un
signe abstrait très proche de celui qu'à réalisé Picasso.
L'on
pourrait faire des remarques analogues en prenant comme
point
de référence quelques-unes des oeuvres les plus significatives
de
la sculpture grecque classique. Lorsque Miron
représente
son Discobole, il réalise une véritable contraction
des
moments du temps, le geste de l'athlète ne saurait être
reproduit
tel quel dans la réalité. Miron, comme le fera plus
tard
Rodin ou comme le fera Bourdelle, rassemble, en un point
du
temps, des mouvements et des gestes qui ne peuvent en
réalité
s'accomplir qu'en plusieurs moments du temps, et c'est
ainsi
qu'il suggère le mouvement et donne le sentiment de son
intensité.
bien
obligé d'appeler une abstraction, que cette opération se réalise
sous la forme d'une extraction, d'une ligne de force essentielle
choisie dans le chaos des apparences immédiates, ou sous
la forme d'une contraction des moments du temps permettant d'exprimer
la forme ou l'acte au moment le plus tendu et
le plus expressif de son existence.
Dans les exemples précédents, l'abstraction est une manière de saisir le réel visible pour en dégager l'essentiel, pour en donner le sens et le traduire par des signes.
L'abstraction
s'est aussi exprimée historiquement, au cours du
développement
de l'art, comme un effort pour rendre visible
l'invisible
: à l'inverse de ce qui s'est produit dans les cas
précédents
on ne part pas du réel pour en dégager la signification
humaine
mais, au contraire, l'on essaye de rendre présentes
et
visibles des forces invisibles ou surnaturelles. Lorsque,
par
exemple, dans une église comme celle de Daphni, le
mosaïste
byzantin inscrit l'image d'un Christ pantocrator sur
la
surface courbe d'une coupole, il suggère, en quelque sorte
physiquement,
le sentiment de l'infinité en nous empêchant
d'assigner
une dimension précise à la figure. Lorsque ces
mosaïques
byzantines, par le jeu d'une perspective inversée,
renforcent
encore ce sentiment, en nous donnant l'impression,
non
pas que nous sommes les spectateurs immobiles et passifs
d'un
spectacle dont le point de référence se trouverait dans
nos
yeux, mais, au contraire, nous donnent l'impression que
les
figures et les choses viennent vers nous, convergent vers
notre
regard, lorsque l'éclat même des couleurs, le scintillement
des
smaltes avec leurs ors et leurs bleus lumineux nous transporte
dans
un monde sans commune mesure avec celui de la
réalité
quotidienne, la volonté de rendre visible l'invisible,
de
suggérer la présence du surnaturel, cette manière d'agrandir
à
l'infini un visage ou un geste, de nous donner le sentiment
direct
par la courbure de cet espace, par l'inversion de
cette
perspective, par la magie de ces couleurs, qu'une force
immense
et transcendante par rapport à notre vie terrestre,
à
la fois vient vers nous comme un appel et une sommation
et
semble nous attirer et nous happer vers un autre monde. La
recherche
des équivalents plastiques permettant de produire
de
tels effets conduit à l'une des formes les plus hautes de
l'abstraction
dans les arts plastiques. L'abstraction ici, selon
l'étymologie
même du mot, est encore une manière de... « tirer
de...
» mais en un sens nouveau : ce n'est pas nous qui tirons
de
la réalité l'essentiel ; c'est une forme qui semble construite
avec
des lois étrangères à celles de notre monde, qui semble
nous
tirer nous-mêmes de ce monde, pour nous révéler quelque
chose
d'essentiel de notre destinée : sa transcendance.
Nous
pourrions ainsi multiplier les exemples empruntés à
l'histoire
de l'art entre ces deux points extrêmes de l'art classique
grec
et de l'art byzantin, de l'art humaniste et de l'art
religieux,
mais la signification de l'abstraction, du détour de
l'humain,
serait toujours la même.
Lorsque
Poussin agrandit jusqu'au ciel dans un paysage
une
aventure ou une action de l'homme, lorsque le contrepoint
des
architectures, des arbres ou des nuages, renforce l'intensité
du
motif essentiel, la présence de l'homme, de l'artiste créateur,
s'affirme
avec une autorité particulière : ce qui est grand dans
une
telle oeuvre, ce n'est évidemment pas la représentation
anecdotique
de tel épisode de la mythologie ou une copie de
toute
évidence infidèle d'un paysage, puisqu'il s'agit, dans les
deux
cas, d'une construction soumise aux intentions délibérées
de
l'artiste créateur ; ce qui est grand, c'est entre les événements
et
les choses d'une part, et l'oeuvre d'autre part, ce
Le poète blessé. Hommage à Guillaume Apollinaire, 1947 |
détour
de l'humain, cette manière de suggérer, par la synthèse, l'élision,
ou la déformation, ou encore la construction, un rapport de
l'homme avec le réel qui ne soit seulement utilitaire ou
intellectuel.
Chaque grande époque de l'histoire a ainsi défini des
rapports particuliers entre l'homme, la nature, la société et
son propre avenir et les formes d'abstraction par lesquelles
les
artistes ont exprimé, à chaque époque, ce rapport, nous permettent
de lire, de déchiffrer, à travers leurs oeuvres, les grandes
attitudes historiquement prises par l'homme à l'égard
de
la nature, de la société et de son propre avenir.
Il
est arrivé parfois aussi au cours de l'histoire de l'art, mais plus
rarement, que les formes soient purement abstraites.
L'interprétation
de cette abstraction est souvent difficile :
s'agit-il
de motifs simplement décoratifs ou bien de symboles ?
Le
thème des entrelacs dans certains manuscrits irlandais, le
thème
du labyrinthe dans des églises gothiques ont-ils simplement
une
valeur d'ornement ou bien une signification mystique ?
Le
problème est posé avec une particulière acuité par l'art
islamique
: son abstraction n'est-elle pas commandée par la
conception
du monde, de l'homme et de Dieu, propre à la religion
islamique
? La tâche de l'art n'est-elle pas, selon l'Islam,
non
de copier le visible, mais de rendre visible l'invisible et
l'indicible
: l'ordre divin de l'univers et de la société, les lois
rigoureuses
qui la régissent et dont les expressions sensibles
et
proches sont les lois mathématiques de la géométrie et les
lois
musicales de l'harmonie et du rythme ?
Même
lorsqu'apparaissent à certaines périodes de l'histoire de
l'art
islamique, sous les Abbassides de Bagdad par exemple,
des
figures et des personnages dans la peinture, ce sera moins
le
symbole que la stylisation qui évoquera, par delà l'écoulement
anecdotique
des choses, la loi du monde et son rythme :
les
plis d'un vêtement ou les mouvements d'une danse ne rechercheront
pas
un rapport de ressemblance avec la chose ou l'événement,
mais
le déroulement d'un motif cadencé qui échappe
au
temps. Les enluminures rigoureusement abstraites du Coran
qui
inspireront d'ailleurs presque toutes les formes ultérieures
de
l'art décoratif musulman, qu'il s'agisse des cuirs, des tapis
ou
des cuivres, souligneront cette unité d'inspiration. Le caractère
essentiel
de cet art, c'est la prédominance de la géométrie
pour
maîtriser la luxuriance des formes, soit que cette géométrie
demeure
latente sous l'enroulement des tiges et des formes
florales
stylisées, pour en diriger l'ordonnance secrète, soit
que
le motif géométrique abstrait apparaisse comme tel et se
noue
au décor floral. Dans les plus belles réussites de cet art, la
puissance
de la composition abstraite est devenue particulièrement
sensible
aux hommes de notre temps, qui ont vécu les
aventures
de la peinture moderne. Dans l'arabesque se résument
en
une composition abstraite et rythmée, le sens musical de la
nature
et le sens rationnel de la géométrie, qui sont les deux
composantes
essentielles de l'art islamique et de sa conception
de
l'ordre du monde. N'y a-t-il pas, dans cette création parallèle
à
la nature d'un monde qui n'est plus celui de la nature mais
celui
de la construction abstraite, une volonté, non pas simplement
décorative,
mais une volonté d'exprimer, non les apparences
du réel, mais ses rythmes fondamentaux et ses lois ?
Composition, 1963 |
L'art
européen, depuis l'art grec classique jusqu'au début du
XX*
siècle, a été, en général, représentatif. Même s'il s'éloignait
de
la nature, comme par exemple l'art roman, il nous présentait
toujours
quelque chose de reconnaissante, qu'il s'agisse du
réel
ou du fantastique. C'est seulement au début du XX* siècle
qu'apparaît
un art qui se veut essentiellement abstrait et qui
fuit
même délibérément toute représentation et toute figuration.
Le
détachement à l'égard de cette tradition, la protestation
contre
elle, la négation même de cette tradition se sont opérés
en
plusieurs étapes.
Le
détour de l'humain, la présence de l'homme, a pris une
importance
croissante à partir du milieu du XIX* siècle, sous
la
forme d'une affirmation de plus en plus violente, d'abord
des
droits de la subjectivité de l'homme : qu'il s'agisse de
l'impressionnisme
au milieu du XIX* siècle ou de l'expressionnisme
de
la fin du XIX* siècle, l'accent est mis sur la volonté de
présenter
dans un tableau, non pas les choses en elle-mêmes,
mais
telles que les éprouve l'individu, selon son tempérament
ou
son humeur. Qu'il s'agisse avec les impressionnistes de
noter,
avec une sensibilité extrême, les variations les plus ténues
de
la lumière, en retenant dans la toile l'image fugitive et la
pellicule
colorée d'un paysage, ou qu'il s'agisse, dans le dessin
expressionniste,
de mettre au service même d'une vision tragique
et
douloureuse du monde les procédés jusque-là mis en
oeuvre
par les seuls caricaturistes, jusqu'à faire de la ligne, non
plus
le contour d'une forme, mais le sillage d'un mouvement.
Dans
les deux cas, c'est une affirmation exaspérée de l'homme,
de
l'homme comme individu ou de l'homme comme vie
intérieure,
par opposition au monde coutumier et utilitaire
des
objets et au découpage traditionnel qui en est fait dans une
société
donnée.
Peut-être
serait-il possible de montrer qu'à travers l'histoire
de
l'art l'accent est mis sur l'abstraction, chaque fois que
domine
dans une société une conception dualiste de l'homme
et
du monde, chaque fois que s'opposent fortement la nature
et
l'esprit, l'âme et le corps. Cette conception du monde dualiste
semble
elle-même liée à l'ensemble des conditions de
vie,
aux rapports de classes et aux différentes aliénations,
conduisant
à atteindre, à rechercher un autre monde et à saisir
dans
son art, non pas la nature, mais une surnature, le
surnaturel.
Peut-être
aussi la naissance et le développement des tendances
à
l'abstraction dans la peinture contemporaine depuis presque
un
siècle sont-ils liés à une rupture entre le social et le spirituel,
à
un hiatus entre le créateur et la société. Peut-être la
peinture
abstraite est-elle la forme d'art caractéristique d'un
monde
des hommes doubles où l'individu s'affirme dans un
effort
pour exprimer sa propre existence : non plus un monde
extérieur
qu'il redoute, qu'il méprise ou qui l'écrase, mais un
monde
intérieur en lequel i l croit se retrouver lui-même et sa
liberté.
Quelques-uns
des maîtres de l'abstraction semblent avoir eu
conscience
de cette motivation. Paul Klee, en 1915 déjà, écrivait:
« Plus horrible devient ce monde, comme il le fait en ce
« Plus horrible devient ce monde, comme il le fait en ce
moment,
plus abstrait devient l'art, alors qu'un monde en paix
produit
un art réaliste. » Mondrian déclarait de son côté :
«
L'art est un produit de remplacement à une époque où la vie
manque
de beauté. » Kandinsky parle de « se détourner du
contenu
sans âme de la vie présente. » Malevitch proclame :
«
L'art arrive à un désert où i l n'y a plus rien de reconnaissable
que
la seule sensibilité. » Enfin, un contemporain comme
Bazaine
écrit dans ses Notes sur la peinture d'aujourd'hui :
«
L'art est la tentation de respirer dans un monde irrespirable. »
Quoiqu'il
en soit de cette attitude de négation et de refus, i l
semble
bien que l'origine du mouvement qui aboutit au début
du
XX* siècle à la peinture abstraite soit contemporaine des
débuts
du romantisme à la fin du XVIII* siècle : dans la critique
qu'il
fit de L'essai sur la peinture de Diderot, Goethe souligne
que
« la confusion de la nature et de l'art est la maladie
de
notre siècle. L'artiste doit dans la nature se fonder son propre
royaume
et i l cesse d'être un artiste s'il s'assimile à la
nature.
» Combattant l'esthétique du XVIIIe
siècle, notamment
celle
de Diderot fondée sur la confusion de la nature et de
l'art,
Goethe insiste sur le fait que l'artiste n'a pas à rivaliser
avec
la nature, mais à lui donner une signification pour
l'homme
: « L'artiste, écrit Goethe, reconnaît sa dépendance à
l'égard
de la nature qui l'a créée, mais lui, il crée à partir d'elle
une
seconde nature. » Cette expression sera reprise par Baudelaire
appelant
le peintre à créer « une autre nature ». Dans une
page
qui montre l'influence exercée sur lui par la philosophie
allemande
de Kant et de Fichte, qu'il connaissait à travers le
livre
de Mme de Staël sur l'Allemagne, Delacroix, dans son
Journal,
à la date du 26 janvier 1824, écrit : « Je retrouve dans
Mme
de Staël le développement de mon idée sur la peinture...
le
rôle de la peinture n'est pas d'imiter les êtres de la nature,
mais
de créer des êtres nouveaux qui prendront place dans la
nature.
» Déjà ainsi la tâche qui est assignée à l'art n'est plus
l'imitation
de la nature, mais la construction, la création d'une
autre
nature. Il s'agit d'accroître le réel, de faire pousser des
branches
nouvelles sur l'arbre de la réalité. Dans le romantisme
allemand,
cette conception a conduit à l'idéalisme magique
de
Novalis, et il n'est pas rare de retrouver soit dans le
mouvement
symbolique de la fin du XIXe siècle, soit chez certains
théoriciens
actuels de l'abstraction, des spéculations de cet
ordre.
Depuis les théories de Maurice Denis et des Nabis jusqu'au
«
Spirituel dans l'art » de Kandinsky l'on a assisté à de
nombreuses
tentatives mystiques de donner à l'art mission
d'exprimer
le sacré, la surnature et de faire de l'artiste un
médium
et un révélateur. Chez d'autres, ces spéculations se
sont
données des allures pseudo-scientifiques : reprenant et
transposant
les conceptions de certains artistes de la Renaissance
sur
les proportions et le nombre d'or, certains ont voulu
donner
à l'art mission d'exprimer le nonempirique, la géométrie
secrète
des choses, et leur musique mathématique. Ce néopythagorisme
esthétique
a fait souvent sa jonction avec les
courants
mystiques. Enfin, les interprétations surréalistes de
la
psychanalyse ont conduit, en peinture, à la recherche
d'équivalents
de ce que fut pour la poésie la mode de « l'écriture
automatique
», en laquelle, par une interprétation plus ou
moins
cabalistique, l'on croyait retrouver, dans un monde intérieur
spontané
et dans ses expressions automatiques, la révélation
d'un
monde de l'au-delà.
En file indienne, 1961 |
Il
ne serait pas sage de partir de telles spéculations soit pour
condamner
en bloc les expériences abstraites, soit pour chercher
à
établir une classification des courants de la peinture
abstraite
en fonction de telles théories.
S'agissant
de peinture, il convient de partir, pour établir cette
classification,
de critères proprement picturaux. Dans un beau
livre
M. Bru s'y est employé en cherchant par exemple ce que
pouvait
être un fauvisme abstrait ou un cubisme abstrait. Sans
prétendre
aboutir de cette manière à une classification systématique,
i
l est nécessaire de rappeler comment certains maîtres
de
la fin du XIX* siècle s'engageaient déjà dans la voie de
l'abstraction
et ceci d'une manière tout à fait consciente. Van
Gogh
par exemple écrit dans une lettre d'août 1888 : « Au lieu
de
chercher à rendre exactement ce que j'ai devant les yeux
je
me sers de la couleur arbitrairement pour m'exprimer fortement.»
Et il ajoutait dans une lettre à Emile Bernard : « ça
Et il ajoutait dans une lettre à Emile Bernard : « ça
devient
naturelllement un peu abstrait. » Gauguin également
parlait
de « s'attaquer aux fortes abstractions », et il entendait
par
là la ligne synthétique et la couleur transposée.
Le
père de la peinture moderne, Paul Cézanne, a joué en ce
domaine,
comme en tous les autres, un rôle déterminant : remettant
en
cause la conception de la perspective et de l'espace
comme
la conception du modelé élaborées depuis la Renaissance,
il
a fait faire un pas décisif à la recherche des équivalents
plastiques
; lorsque pour exprimer la profondeur ou le
relief
des objets i l transpose les valeurs en couleurs et lorsqu'il
donne
ainsi à la couleur la charge de suggérer et non pas
d'imiter
la profondeur des choses, nous avons affaire à un
usage
déjà abstrait de la couleur, à une transposition et à une
équivalence.
Lorsque Cézanne, par une géométrisation et une
stylisation
des formes naturelles, appelle le peintre à découvrir
dans
les formes des choses, les formes élémentaires de la
sphère,
du cylindre, du cône, du cube, il inaugure une volonté
d'humanisation
de la nature, et il donne ainsi aux lignes et aux
structures
une orientation abstraite. Il en est de même de la
composition.
Cézanne s'efforce de créer des êtres nouveaux, de
faire
de son tableau un objet qui vaut pour d'autres raisons
que
sa référence à la nature, il s'agit pour lui de « réaliser »,
c'est-à-dire
de faire naître. Son ambition, dira-t-il encore, c'est
de
« faire du Poussin sur nature ». Dans une oeuvre comme
Les Grandes Baigneuses, Cézanne construit littéralement les
corps
humains et les arbres d'une manière architectonique, i l
crée
une sorte d'ogive à la fois avec le fût des arbres et le corps
des
femmes, c'est dire que la composition n'a plus la signification
théâtrale
ou géométrique du passé ; elle s'apparente
davantage
à la composition musicale, elle se détache de l'ordre
de
la nature pour reconstruire celle-ci selon un plan humain
qui
est, lui aussi, une abstraction. Cézanne est ainsi à l'origine
des
recherches qui, avec Matisse et le fauvisme, avec Picasso,
Braque,
Léger et le cubisme, conduiront à élaborer un langage
nouveau
de la peinture, un langage dont il suffira de pousser
les
conséquences jusqu'à leur limite extrême pour arriver à
l'abstraction.
De
ce langage nous pourrions résumer très sommairement les
caractères
essentiels de la manière suivante :
Le
dessin est de moins en moins le contour d'une image, mais le
signe
abstrait d'un sentiment, et, de plus en plus, la trace ou le
sillage
d'un mouvement, d'un acte.
La
couleur n'est plus nécessairement le ton local des choses, ni
le
jeu impressionniste du soleil et de la vie, elle est soit un symbole
de
valeur purement émotionnelle, soit une valeur constructive,
capable
de créer un espace qui n'est plus donné mais construit.
La
composition n'est plus nécessairement une variante de la
mise
en scène obéissant aux lois physiques et géométriques
des
choses, mais tantôt une ordonnance simplement musicale,
tantôt
une construction d'un « modèle » exprimant la structure
d'un
acte. Elle n'est plus soumise aux choses extérieures et à
leur
ordre, elle exprime la vie propre de l'homme, son action
sur
les choses, sa participation créatrice au devenir du monde.
Le
tableau est ainsi un objet dont la valeur ne se mesure pas
Le fief des Rouges-Queues, 1965 |
par
rapport à un monde qu'il est sensé représenter. Il vaut par lui-même
comme un objet technique, avec cette différence qu'il n'est
pas destiné à servir une action particulière, mais à offrir à
chaque époque un « modèle » exprimant notre pouvoir de création
ou de transformation du monde et notre confiance dans
ce pouvoir.
La
peinture abstraite, au début du XX* siècle, opère un passage à
la limite. Alors que l'abstraction avait toujours été une
composante
de l'art même le plus figuratif, des peintres vont tenter
d'isoler ce moment de l'abstraction et de réaliser le rêve d'une
peinture pure.
Peut-être
ont-ils commis le péché d'angélisme, en essayant d'échapper
à cette tension constante entre les deux pôles de toute
grande peinture : l'image et la musique.
Kant,
définissant dans sa théorie de la connaissance la nécessaire
tension
entre le sensible et le conceptuel, évoque d'une
manière
imagée l'utopie du philosophe qui prétendrait se libérer
du
sensible pour vivre dans le royaume des essences abstraites
:
la colombe qui peine à battre l'air de ses ailes, écrit-il,
est
peut-être tentée de penser que s'il n'y avait point cet air
qui
lui résiste elle volerait mieux et plus librement. Mais c'est
une
illusion mortelle : elle ne volerait plus du tout, car on ne
s'appuie
que sur ce qui résiste.
Peut-être
le peintre abstrait poursuit-il le rêve menteur de la
colombe
de Kant : en me libérant de la servitude de la représentation
ne
puis-je réaliser la musique pure, l'harmonie pure
des
formes ? N'est-ce pas oublier que toute forme est la forme
d'une
matière ? Qu'il n'y a d'abstraction qu'à partir du concret
et
en tension dialectique, tragique, mais vivante, avec le
concret
? Le passage à la limite, la poursuite de l'abstraction
pure
ne conduit-elle pas à appauvrir les formes elles-mêmes, à
vivre
l'harmonie dans une atmosphère de plus en plus subtile,
mais
de plus en plus raréfiée ? L'oeuvre de Mondrian s'achève
avec
les trois couleurs fondamentales et des droites se coupant
à
angle droit. Lorsque Malevitch pousse la tentative jusqu'à
l'extrême
limite, i l en arrive à exposer un tableau intitulé :
Carré blanc sur fond blanc ; au-delà il ne reste plus guère que le
suicide.
L'expérience
de l'abstraction, qui est vieille aujourd'hui de plus
d'un
demi-siècle, ne représente donc sans doute pas l'aboutissement
ultime
et décisif de la peinture. Il serait tout à fait hasardeux
d'extrapoler
et d'affirmer qu'il n'y aura plus désormais
d'autre
peinture que la peinture abstraite.
Mais
inversement la tentative d'isoler le moment abstrait, le
moment
musical de la peinture en essayant de se priver de tout
support
représentatif est un moment légitime, un moment
nécessaire
: il nous a aidé à prendre conscience de ce qui est
spécifiquement
peinture dans la peinture, indépendamment
de
toute technique d'imitation. Cela nous a même permis de
mieux
comprendre la peinture classique, de ne plus voir en
elle
la représentation d'une belle chose mais une belle représentation
d'une
chose, à ne plus traiter le tableau comme du
théâtre
figé mais comme une harmonie et une présence
humaine.
L'ambition
de la peinture abstraite est donc une haute ambition
et
une ascèse fertile des arts. Ce que la peinture abstraite
a
voulu dire, il fallait que cela une fois fut dit.
Le
réalisme qui, nous l'avons déjà souligné, comporte toujours
une
composante abstraite, sans quoi il dégénère en naturalisme
et
en photographie, ne peut plus être, après l'abstraction pure,
ce
qu'il était avant elle : il doit être au-delà et non en-deça,
c'est-à-dire
intégrer l'abstraction comme l'un de ces moments.
C'est
pourquoi, sans prétendre arrêter la peinture à cette étape
abstraite
non plus qu'à aucune autre, il paraît nécessaire de
défendre
cette tentative, c'est-à-dire non d'en faire l'apologie
ou
d'en prononcer la condamnation, mais d'essayer avant tout
de
comprendre, ce qui est la meilleure façon d'accomplir le
premier
devoir du critique, le devoir de défendre les vivants
contre
les morts.
Tel
est l'esprit dans lequel nous voudrions aborder l'oeuvre de
James
Pichette.
Le robot noir, 1962 |
Le
chemin de James Pichette commence avec des paysages de son
Berry natal, en 1941, de ce Berry qui fut l'un des berceaux de
la peinture française au temps où les frères Limbourg illustraient
les
Très riches heures du Duc de Berry, au temps aussi où
fleurissait l'école de la Loire.
Un
portrait de son frère, exécuté en 1944, révèle le coloriste qui,
sans rompre avec la ressemblance, recherche déjà les
accords
riches et violents de la couleur.
Bien
entendu, ce jeune peintre, né en 1920, subit l'influence du
prince
des peintres de notre temps, celle de Picasso, dont l'empreinte
marque
ses envois au Salon des Surindépendants en
1947.
Il subit également, pendant une courte période,
l'influence
du surréalisme, comme en témoignent, par exemple,
Le Poète blessé (1947-48),
qui est un hommage à Guillaume
Apollinaire,
le Portrait d'Adrienne Monnier (1948), Les Opposés
(1948).
Le
premier grand tournant de sa carrière de peintre se produit
à
Rome, en 1948. Lorsqu'un peintre va à Rome, en général,
c'est
pour se pénétrer de l'enseignement des classiques. Pichette
en
revient peintre abstrait. Non peut-être pour se détourner
des
enseignements des classiques, mais au contraire pour en
avoir
dégagé la leçon profonde, les grandes lois majestueuses
de
la composition, de la maîtrise des lignes de force.
Ses
premières toiles abstraites, précisément parce qu'elles interprètent
encore
avec quelque raideur les leçons des classiques,
sont
géométriques.
Un aîné magistral, Fernand Léger, soucieux de créer un nouveau
classicisme,
l'aide à dégager l'abstraction géométrique,
transposant
dans les conditions de notre époque la tradition
classique.
Alberto Magnelli a également marqué ses débuts et
Gino
Severini, qui parlait si volontiers aux jeunes peintres, ne
lui
a pas ménagé ses encouragements.
Le
deuxième grand moment de l'affirmation de Pichette se
situe
en 1952, au cours d'un séjour en Hollande comme boursier
français
à la Maison Descartes, où il s'imprègne de l'enseignement
de
Rembrandt, de Frans Hais, de Vermeer. Ce n'est
point
un hasard, ni une rencontre sans conséquence, si James
Pichette,
dont l'art est si profondément de tradition française,
a
subi la double influence des deux grands foyers de la peinture
européenne,
de l'Italie et de la Hollande, qui convergèrent
déjà,
dans le passé, chez tant de maîtres de la première école
de
Paris au X I V siècle ou de l'école de Bourgogne ou de la
Loire.
Mais la Hollande, ce n'est pas seulement pour Pichette,
le
passé, c'est aussi Piet Mondrian et Van Doesburg, l'école du
Stijl.
Un graphisme pur et de grands aplats caractérisent ses
toiles
de 1952.
Mais
déjà en 1953 les fonds s'animent et font sentir leurs vibrations.
Il
y a, chez Pichette, un fond méridional, méditerranéen,
qui
surgit avec des couleurs généreuses.
Dès
1955 éclate le lyrisme des Feux de la Saint-Jean ou en 1956
la
Joie méditerranéenne, avec des rapports de bleus et des
rouges
éclatants qui évoquent Fra Angelico et aussi Jean Fouquet.
Accords
plaqués fortement, en des formes aux arrêtes
vives.
Désormais,
la personnalité de James Pichette s'affirme.
Le
point de départ est toujours, chez lui, la nature vivante ou
l'actualité
de l'événement humain. Mais il ne se contente pas
d'en
faire le récit, comme s'il en était spectateur passif : au delà
du
spectateur et de l'anecdote, il nous dit d'abord sa réaction
ou
son émotion devant la nature ou l'événement.
L'expérience
de la lumière et du graphisme s'enrichit, chez
James
Pichette, à chacun de ses voyages. Une période, que l'on
pourrait
appeler catalane, porte l'empreinte d'un premier
voyage
en Espagne, avec divers séjours en Catalogne en 1956-
1958.
Puis, ce sont deux voyages, en Tunisie et de nouveau en
Vénétie
et en Sicile. C'est d'un côté Espagne (1956), Les Animalesques
(1958)
et de l'autre Tunisie (1958) et les toiles
d'atmosphère
de Chioggia (1956) et de Mondello (1957) qui
marquent
un souci de découvrir le climat poétique du lieu
même.
En
Tunisie, par exemple, est significatif l'usage des grandes
surfaces
blanches, et d'un blanc qui n'est pas négation de la
couleur,
mais au contraire évocation des tons de l'Orient traditionnel.
En
1960, c'est le continent américain, New York, ou Pichette
séjourne
plusieurs mois : un autre monde, une dimension nouvelle
avec City in anguish (1960),
Harlem (1961), Espace insolite
(1962),
Spacialité (1964). Alexandre Calder le pilote dans
l'espace
de New York : le pont de Hudson apparaît dans The
Bridge (1960).
Puis
viennent les oeuvres inspirées par le jazz : Résonnance de
Broadway (1960), Harlem-Jazz
(1961), Hommage à Kenny
Clarke (1962), Coltrane
(1962), Three to get ready (Ray Charles)
(1964), Blue Rondo (1964),
Salut Dave (Brubeck) et / like
Count Basie (1965).
Pichette
tentera plus tard l'expérience d'oeuvres exécutées pendant
que
joue une formation-jazz sur un thème non prévu à
l'avance,
aventure de toiles réalisées dans un climat musical.
Cet
essai baudelarien de « correspondances » et de transpositions
est
caractéristique de la peinture de Pichette : qu'il
transpose
le graphisme de l'art musulman comme dans Hommage
à lhn Khaldoun (1963)
ou qu'il évoque son ascendance
canadienne
(ses ancêtres étant installés au Québec en 1720) son
aïeule
hurone dans File indienne (1961) ou dans sa série des
Huronies (1965-66)
ou qu'il vibre aux angoisses, aux colères ou
aux
espérances de tous comme dans ses toiles sur le Vietnam, ou
ses
gouaches sur L’Eté de Prague.
A
partir d'une multitude d'impressions et de réactions, Pichette
s'efforce
de dégager une dominante et de l'exprimer d'une
manière
synthétique. Abstraction, disions-nous plus haut, c'est
extraction
de l'essentiel et contraction du temps. Le détour
humain
ici prend tout son sens.
Si
la tâche du peintre est de nous aider à lire notre époque, la
tâche
du critique est de nous aider à lire l'oeuvre du peintre.
Le
langage de Pichette est remarquable par sa probité. Il
découle
de sa conception même de la peinture. Il ne s'agit pas,
pour
lui, de décrire une chose selon la loi des apparences
immédiates
ou de raconter une anecdote, mais de nous communiquer
les
réactions de l'homme devant la réalité : une angoisse
ou
une colère, un désir ou une espérance. Le problème est
donc
de trouver des équivalents plastiques propres à nous
communiquer
cette vibration.
Les
lignes et les formes ne seront point des contours ou des
silhouettes
des choses, mais des mouvements : il y a des courbes
qui
sont douloureuses ou accablantes comme des chutes
et
des coulées de couleurs qui sont comme des geysers de puissance
et
de certitude. Le dessin ici ne nous livre pas des formes,
mais
des signes.
Il
en est de même des couleurs : ces déflagrations de rouges,
ces
bleus intenses, ces aigrettes jaunes comme du feu, évoquent
la
joie païenne, et la danse du soleil de paysages méditerranéens
ou
des mystères orgiaques qui leur sont associés.
Je
retirerais volontiers le mot d'orgiaque si je ne craignais de
diminuer
l'impression générale d'optimisme, de confiance dans
la
vie qui se dégage de ce que peint Pichette, car l'une de ses
caractéristiques
c'est que toute cette joie, qui pourrait être
débordante,
est toujours maîtrisée, ordonnée, ici encore selon
la
leçon des classiques de la Renaissance italienne.
Chaque
toile obéit à une construction rythmique, minutieusement
élaborée
dans des pochades, des crayons ou des gouaches.
Les
carnets de croquis de Pichette nous donnent la preuve de
ses
scrupules de bon ouvrier. Tout ce qui, dans la toile achevée,
apparaîtra
comme improvisation, a été longuement médité
et
calculé. Le découpage rythmique de l'espace, l'élan du mouvement
principal,
la stricte subordination des thèmes secondaires
à
l'ensemble, l'équilibre des masses et des couleurs, la
tension
interne des lignes de force du tableau, tout ce qui dirigera
le
mouvement de nos yeux et de notre esprit dans l'exploration
de
la toile, et, finalement, nous communiquera sa pulsation,
est
prémédité.
Cette
recherche laborieuse ne nuit jamais pourtant au lyrisme
final
et à la poésie qui se dégage de l'oeuvre.
Dans
ses plus grandes réussites James Pichette parvient à nous
donner
intensément le sentiment d'une présence humaine dans
la
présence de l'oeuvre qui a alors cette réalité inépuisable non
d'un
objet mais d'une personne, inspiratrice d'un dialogue qui
reproduit
sans fin, dans la lecture amoureuse de l'oeuvre, l'acte
de
celui qui l'a créée.
Roger
GARAUDY
Quel monde serein ? (1968) |