14 mars 2011

Révolution à caractère spirituel

 Dans son livre ‘’Tamata et l’Alliance’’ (1993) Bernard Moitessier,navigateur français né en Indochine, écrit :
Hier j’ai recopié une page de « l’Appel aux Vivants » de Roger Garaudy, une page dont le souffle m’a littéralement envoyé sur orbite ! Alors j’ai voulu que ces lignes inspirées par le Ciel entrent dans le journal de bord pour que Stéphan (son fils) puisse les méditer quand il aura grandi. Pour mémoire, Roger Garaudy était député communiste et ami de l’Abbé Pierre.

Appel aux VivantsLa prochaine Révolution sera Spirituelle
L’expérience fondamentale et la révélation en nous du divin : « C’est l’acte créateur ».
Ouvrir cette brèche de transcendance en nous exige que l’on se place en ce lieu unique de jaillissement où l’acte de foi, la réation poétique et l’action révolutionnaire ne font qu’un.
Le Grand Art nous offre le modèle le plus évident de cette transcendance. J’appelle Grand  Art (en me référant, pour l’essentiel, aux arts non occidentaux ou à l’art occidental avant la Renaissance – XV et XVI° siècle) le contraire de l’art individualiste qui cherche la singularité à tout prix, à la fois parce qu’il vise à l’intégration au marché et à la concurrence, et parce qu’il n’est que le reflet d’un monde en miette et sans espérance.
Le Grand Art n’est pas reflet  mais projet, exploration et expérimentation de mondes  possibles… Au-delà de celui qui la crée, l’œuvre suscite non des spectateurs ou des consommateurs passifs, mais descélébrants de cette vie en train de naître, des co-créateurs de la création. Pas seulement de la création artistique, mais de la création tout court.
Cette imagination a valeur prophétique, subversive, car elle fait entrevoir des possibilités dont les conditions ne sont pas contenues dans ce texte qui existe déjà. Elle nous suggère que le monde n’est pas une réalité déjà faite, mais une œuvre à créer...
Dans cette perspective, l’éducation consiste non à préparer l’enfant à s’adapter à l’ordre existant  ou à ses exigences techniques ou politiques, à le gaver de savoirs et de respects, mais à lui montrer les chemins pour accéder à la transcendance, c’est-à-dire à l’invention du futur. A faire émerger la transcendance au-delà de tous les conditionnements !
La véritable éducation  n’est pas dogmatique mais prophétique. Elle est subversive car elle apprend à vivre de façon créatrice, même au milieu du chaos, à ne pas fondre notre espérance sur les dérives de la nature ou de l’histoire, mais à faire prendre conscience qu’il est possible de vivre autrement !  [...] Les seules  révolutions possibles sont les révolutions qui ne font pas abstraction  de cette dimension transcendante de l’Homme, qui ne font pas abstraction du divin, celles qui se fondent sur cette certitude de la foi : « Le fond dernier de la réalité  est un acte de cette  liberté créatrice qu’on appelle Dieu ! »
Être révolutionnaire, c’est être un créateur de cette réalité, c’est participer à la Vie Divine !

Bernard Moissetier : Je referme pensivement ce journal de bord. J’ai relu une bonne dizaine de fois ce matin la page de Garaudy en songeant à Stéphan et à son attirance pour les lance-pierres. J’ignore où le conduira la vie, mais je souhaite le voir comprendre un jour qu’avec son lance-pierres et sa foi, le minuscule David a fait mordre la poussière au terrible Goliath qui croyait seulement aux vertus de son glaive, de sa cuirasse et de son Or !

Marcel Ginhoux