26 février 2018

Mai 68 - Mai 2018 (5). Révolution-mutation


Les plus grandes révolutions de l'histoire n'ont pas été substitution de pouvoir mais émergence d'une réalité nouvelle qui naît en dehors de l'ordre déjà existant. Le monde issu de la désintégration du système féodal n'est pas né de la victoire des serfs, mais, en dehors du système féodal, par un triomphe qui n'était ni celui des serfs ni celui des seigneurs, mais celui d'une force nouvelle : celle de la bourgeoisie.
Aujourd'hui, au-delà de la sphère des luttes entre ouvriers et patrons, une réalité nouvelle est en train de naître. Une révolution qui consisterait à substituer une dictature prolétarienne à une dictature bourgeoise, par une dialectique qui ne s'est jamais manifestée dans l'histoire, ne pourrait que perpétuer les fins de l'ancien système, notamment son modèle de croissance, avec toutes ses aliénations.
L'expérience historique du dernier demi-siècle ne l'a que trop vérifié.
Sans cette mutation véritable de l'homme, il y a simple passation de pouvoir à l'intérieur d'un même système d'aliénation de l'homme.
Ceci doit être clair : une révolution véritable est pour une société ce qu'une conversion est pour un individu: un changement des fins et du sens de la vie et de l'histoire.

Roger Garaudy, Appel aux vivants, 1980, extrait        A SUIVRE ICI

23 février 2018

Jésus, fils de David, vraiment ?

Marc, contributeur du blog, et auteur du livre "Du fondamentalisme biblique à la lumière de l'Evangile", livre très documenté, très argumenté, et d'une lecture agréable et presque haletante, jette ici un regard critique sur la prétendue filiation davidique de Jésus...[A.R.]



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La lecture des évangiles semble attester que Jésus est de la lignée du roi David. En effet, de nombreux passages des évangiles rappellent cette filiation. Mais la question est de savoir si Jésus lui même a revendiqué cette filiation davidique. C'est l'objet de cette étude.

Le roi David

Il semble d'abord utile de retracer la vie et les actes de David. Bien évidemment, le récit du combat entre David, jeune berger armé de sa seule fronde, et le guerrier philistin Goliath, est bien connu.  Nous ne l'évoquerons pas. Mais il est d'autres épisodes de la vie de David, plus obscurs et aussi plus sanguinaires, que l'on évite soigneusement de citer, mais qu'il nous faut évoquer.

Les relations ambigües entre les Philistins et le peuple d'Israël

Les Philistins qui occupaient les régions le long de la mer constituaient une menace permanente pour le peuple d'Israël. Il semble qu'il y ait eu régulièrement des conflits, suivis de périodes de cohabitation paisible. A cet égard, le récit de Samson est emblématique. Nous lisons les informations suivantes dans le livre des Juges

14.1 Samson descendit à Thimna, et il y vit une femme parmi les filles des Philistins.
14.2 Lorsqu'il fut remonté, il le déclara à son père et à sa mère, et dit: J'ai vu à Thimna une femme parmi les filles des Philistins; prenez-la maintenant pour ma femme.
14.3 Son père et sa mère lui dirent: N'y a-t-il point de femme parmi les filles de tes frères et dans tout notre peuple, que tu ailles prendre une femme chez les Philistins, qui sont incirconcis? Et Samson dit à son père: Prends-la pour moi, car elle me plaît.
14.7 Il descendit et parla à la femme, et elle lui plut.
14.10 Le père de Samson descendit chez la femme. Et là, Samson fit un festin, car c'était la coutume  des jeunes gens.
14.11 Dès qu'on le vit, on invita trente compagnons qui se tinrent avec lui.
15.1 Quelque temps après, à l'époque de la moisson des blés, Samson alla voir sa femme, et lui porta un chevreau. Il dit: Je veux entrer vers ma femme dans sa chambre.
Juges 14 et 15

Ce récit montre qu'il y avait à ce moment là des relations pacifiées entre Philistins et le peuple d'Israël.


Mais revenons à David. Après sa victoire sur le géant Goliath, il devint un héros national et fut l'objet d'un accueil triomphal à son retour

18.6  Comme ils revenaient, lors du retour de David après qu'il eut tué le Philistin, les femmes sortirent de toutes les villes d'Israël au-devant du roi Saül, en chantant et en dansant, au son des tambourins et des triangles, et en poussant des cris de joie.
18.7  Les femmes qui chantaient se répondaient les unes aux autres, et disaient: Saül a frappé ses mille, et David ses dix mille.
18.8  Saül fut très irrité, et cela lui déplut. Il dit: On en donne dix mille à David, et c'est à moi que l'on donne les mille! Il ne lui manque plus que la royauté.
18.9  Et Saül regarda David d'un mauvais oeil, à partir de ce jour et dans la suite.
1 Samuel 18, 6 à 9
La jalousie du roi Saül allait bien vite se transformer en une haine farouche obligeant David  à ''prendre le maquis''.
22.1 David partit de là, et se sauva dans la caverne d'Adullam. Ses frères et toute la maison de son père l'apprirent, et ils descendirent vers lui.
22.2 Tous ceux qui se trouvaient dans la détresse, qui avaient des créanciers, ou qui étaient mécontents, se rassemblèrent auprès de lui, et il devint leur chef. Ainsi se joignirent à lui environ quatre cents hommes.
1 Samuel 22,1 à 2

David, un guerrier sanguinaire
Avec sa troupe de rebelles, on dirait aujourd'hui ''d'insoumis'', David va parcourir le pays, continuellement poursuivi par une troupe d'élite et bien souvent en danger extrème. Finalement il ne lui restera plus d'autre issue que  de se réfugier chez les Philistins.
27.1 David dit en lui-même: je périrai un jour par la main de Saül; il n'y a rien de mieux pour moi que de me réfugier au pays des Philistins, afin que Saül renonce à me chercher encore dans tout le territoire d'Israël; ainsi j'échapperai à sa main.
27.2 Et David se leva, lui et les six cents hommes qui étaient avec lui, et ils passèrent chez Akisch, fils de Maoc, roi de Gath.
27.3 David et ses gens restèrent à Gath auprès d'Akisch; ils avaient chacun leur famille
1 Samuel 27, 1 à 3
Pendant cette période, David va opérer des razzias dans la région du Neguev,
Le temps que David demeura dans le pays des Philistins fut d'un an et quatre mois.
27.8 David et ses gens montaient et faisaient des incursions chez les Gueschuriens, les Guirziens et les Amalécites; car ces nations habitaient dès les temps anciens la contrée, du côté de Schur et jusqu'au pays d'Égypte.
27.9 David ravageait cette contrée; il ne laissait en vie ni homme ni femme, et il enlevait les brebis, les boeufs, les ânes, les chameaux, les vêtements, puis s'en retournait et allait chez Akisch.
27.10 Akisch disait: Où avez-vous fait aujourd'hui vos courses? Et David répondait: Vers le midi de Juda, vers le midi des Jerachmeélites et vers le midi des Kéniens.
27.11 David ne laissait en vie ni homme ni femme, pour les amener à Gath; car, pensait-il, ils pourraient parler contre nous et dire: Ainsi a fait David. Et ce fut là sa manière d'agir tout le temps qu'il demeura dans le pays des Philistins.
27.12 Akisch se fiait à David, et il disait: Il se rend odieux à Israël, son peuple, et il sera mon serviteur à jamais.
1 Samuel 27
David agit avec une rare cruauté, massacrant des tribus bédouines, et raflant le butin. Avec cynisme aussi, puisque, en ne faisant aucun prisonnier, il élimine tout témoin gênant. A son retour d'expédition, il n'hésiste pas à mentir  sans vergogne au roi des Philistins.
Devenu roi après la mort de Saül, David va encore mener de nombreuses guerres.
8.1 Après cela, David battit les Philistins et les humilia, et il enleva de la main des Philistins les rênes de leur capitale.
8.2 Il battit les Moabites, et il les mesura avec un cordeau, en les faisant coucher par terre; il en mesura deux cordeaux pour les livrer à la mort, et un plein cordeau pour leur laisser la vie. Et les Moabites furent assujettis à David, et lui payèrent un tribut.
8.3 David battit Hadadézer, fils de Rehob, roi de Tsoba, lorsqu'il alla rétablir sa domination sur le fleuve de l'Euphrate.
8.4 David lui prit mille sept cents cavaliers et vingt mille hommes de pied; il coupa les jarrets à tous les chevaux de trait, et ne conserva que cent attelages.
8.5 Les Syriens de Damas vinrent au secours d'Hadadézer, roi de Tsoba, et David battit vingt-deux mille Syriens.
2 Samuel 8, 1 à 5

Le roi David représente donc le roi guerrier, victorieux et triomphant de tous ses ennemis. Mais au prix de beaucoup de sang versé. Ce sera la raison pour laquelle ce ne sera pas à lui que reviendra la mission de construire le  temple de Yahweh à Jérusalem.

28.1 David convoqua à Jérusalem tous les chefs d'Israël, les chefs des tribus, les chefs des divisions au service du roi, les chefs de milliers et les chefs de centaines, ceux qui étaient en charge sur tous les biens et les troupeaux du roi et auprès de ses fils, les eunuques, les héros et tous les hommes vaillants.
28.2 Le roi David se leva sur ses pieds, et dit: Écoutez-moi, mes frères et mon peuple! J'avais l'intention de bâtir une maison de repos pour l'arche de l'alliance de l'Éternel et pour le marchepied de notre Dieu, et je me préparais à bâtir.
28.3 Mais Dieu m'a dit: Tu ne bâtiras pas une maison à mon nom, car tu es un homme de guerre et tu as versé du sang. 
 1 Chroniques 28, 1 à 3
Alors, oui, pour le peuple judéen en l'an 30 ap.J.C., le roi David représentait un idéal, celui d'un souverain vainqueur de tous ses ennemis. Le peuple, soumis à l'occupation romaine, aspirait à retrouver un libérateur, qui, tel David, viendrait le libérer du joug romain. On comprend l'enthousiasme de la foule. Beaucoup de gens étaient attirés par ce courant de pensée.
'' Leur envie naturelle était de  voir la destruction de l'ennemi, de venger l'injustice et d'humilier les adversaires. Il n'est pas surprenant que dans une tradition de chefs militaires, et de rois guerriers, les gens préféraient que le messie soit un roi guerrier dans la lignée du roi David, débouchant sur une ère de paix sans fin.''(1)
La foule lors de l'entrée de Jésus à Jérusalem était enthousiaste, comme nous le rapporte l'évangéliste Matthieu ;
21.8 La plupart des gens de la foule étendirent leurs vêtements sur le chemin; d'autres coupèrent des branches d'arbres, et en jonchèrent la route.
21.9 Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient Jésus criaient: Hosanna au Fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna dans les lieux très hauts!
Matthieu 21, 8 à 9
Et pourtant Jésus ne partage pas cette vision d'un roi guerrier. D'abord, il demande comme monture un ânon, symbole s'il en est de la douceur et de la paix, le contraire d'une monture de guerre comme un cheval.
21.1 Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem, et qu'ils furent arrivés à Bethphagé, vers la montagne des Oliviers, Jésus envoya deux disciples,
21.2 en leur disant: Allez au village qui est devant vous; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée, et un ânon avec elle; détachez-les, et amenez-les-moi.
21.3 Si, quelqu'un vous dit quelque chose, vous répondrez: Le Seigneur en a besoin. Et à l'instant il les laissera aller.
21.4 Or, ceci arriva afin que s'accomplît ce qui avait été annoncé par le prophète:
21.5 Dites à la fille de Sion : Voici, ton roi vient à toi, plein de douceur, et monté sur un âne, Sur un ânon, le petit d'une ânesse.
Matthieu 21, 1 à 5
Comme le rapporte Naïm Stifan Ateek (2) il semble que Jésus lui-même refuse cette filiation davidique, si on en juge par ses propres paroles :
«  Les trois évangiles synoptiques rapportent un débat entre Jésus et les scribes et les pharisiens sur la relation entre le messie et David. Jésus souligne que le messie ne peut pas être le fils de David, parce que David l'appelle '' Seigneur''. « Comment les scribes peuvent-ils dire que le messie est le fils de David ? David lui-même, guidé par le Saint-Esprit, a déclaré : Le Seigneur a dit à mon Seigneur, assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que je mette tes ennemis sous tes pieds' »( Mc 12,35-37;Mt 22, 41-46 ; Lc 20, 41-44). Cela ne signifie-t-il pas que Jésus ait remis en question, ou même rejeté, le courant davidique guerrier  de la tradition ? »(3)
Roger Garaudy aussi remet en cause cette filiation. Dans son livre '' Vers une guerre des religions'', il écrit : «  Jésus refuse d'être tenu pour le'' roi des juifs'' .Lorsque Pilate l'interroge : « Es-tu le roi des juifs ? » Jésus lui répond : « C'est toi qui le dis. ». Pilate dit aux grands prêtres et aux foules : « Je ne vois rien qui mérite condamnation en cet homme »(Lc 23, 3-4). Il est donc clair que la réponse de Jésus ne signifie pas qu'il accepte ce  titre, sans quoi Pilate ne l'aurait pas absous : se proclamer ''roi des juifs'' étant un acte de rebellion contre l'Empereur romain, acte passible de mort.
Ce qui est confirmé par la version de Jean( 18,33-38). Lorsque Pilate pose la question : «  Es-tu le roi de juifs ? », Jésus lui répond : « Dis-tu cela de toi même ou d'autres te l'ont dit de moi ? ».Et il précise : « Ma royauté n'est pas de ce monde ». Pilate revient à la charge : « Tu es donc roi ? », Jésus  lui répond : «  C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né et venu dans le monde pour rendre témoignage de la vérité. » »(4)
Roger Garaudy pose la question de la continuité entre l'Ancien et le Nouveau Testament, et il ajoute : '' Jésus est-il l'héritier de David ?''(5)
Jésus n'a jamais voulu de cette puissance, il n'a jamais voulu être un messie de puissance. Et Garaudy de poursuivre : «  Nous avons montré dans ''Avons-nous besoin de Dieu ?'',(6) en rappelant la biographie de David établie dans Samuel I et II, combien il était paradoxal de prétendre trouver en Jésus les ''traits fondamentaux'' de ce condotierre sanglant »
Garaudy relève aussi(6) que « le Catéchisme de 1992 nous dit que «  David fut par excellence le roi selon le cœur de Dieu » et qu'on a pu trouver en Jésus-Christ, Messie d'Israël, ses «  traits fondamentaux ». Cette identification est d'autant plus fâcheuse, poursuit Garaudy, que la biographie de David d'après la Bible( il n'existe aucune trace historique de David(7) en dehors de ce qu'en dit la Bible), de 1 S 16 à  2 S 24, en fait un personnage inquiétant. » Nous avons évoqué précédemment les '' exploits '' guerriers de David. « Cette ascendance davidique sera revendiquée par Paul et les évangélistes et elle va peser sur toute l'histoire de l'Eglise. Comment le dieu tribal, Yahweh, peut-il être assimilé au Père qu'invoque Jésus, et ses plus féroces exécutants, par exemple Josué et David, être considérés comme des précurseurs de Jésus ? »(8).
Relevons aussi que pour justifier la thèse de Paul, soucieux d'intéger Jésus à l'histoire juive, disant de son Christ qu'il est «  issu selon la chair de la lignée de David »(Rm 1,2), Matthieu( 1,1-16) et Luc(3,23-38) sont contraints à d'étranges manipulations. Comme l'écrit Garaudy, « l'un,(Luc) énumérant quarante-deux générations de David à Jésus, l'autre, (Matthieu), vingt-six avec des noms si arbitraires que deux seulement( Salathiel et Eliakim) se retrouvent dans les deux listes, tout cela pour aboutir à Joseph, père adoptif de Jésus et non «  selon la chair », selon la «  race » comme le dira Paul, revendiquant son appartenance juive( Rm 9,3) »(9)

En conclusion, nous avons relevé que Jésus lui-même ne revendique nullement une filiation davidique, bien au contraire. Par  ses paroles, par ses actes, il rejette toute idée de domination ou de restauration d'un royaume terrestre. Il ne s'agit pas, pour Jésus, conclut Roger Garaudy,(10) de restaurer le royaume d'Israël et d'être un messie de type davidique, mais de donner de l'espérance à tous les hommes.

Marc

(1)  Naïm Stifan Ateek, Le cri d'un chrétien palestinien pour la réconciliation, Editions l'Harmattan, Paris, 2013, p.153

(2)Naïm Stifan Ateek, prêtre de l'Eglise épiscopalienne( anglicane) du diocèse de Jérusalem et du Moyen-Orient, est né en 1937 à Beit-Schéan en Galilée. Sa famille est expulsée de son domicile en 1948 lors de la guerre israélo-arabe. Il fut le fondateur et directeur du centre oecuménique Sabeel de théologie de la Libération à Jérusalem, créé en 1990. Sur le site de Sabeel France, le lecteur trouvera tous les renseignements ainsi que la revue Cornerstone qui donne des nouvelles régulières sur la Palestine: http://amisdesabeelfrance.blogspot.fr/

(3) Naïm Stifan Ateek, Le cri d'un chrétien palestinien pour la réconciliation, Editions l'Harmattan, Paris, 2013, p.153

(4) Roger Garaudy, Vers une guerre de religion ?, Desclée de Brouwer, p.158

(5)Titre du chapitre 4, Roger Garaudy, de Vers une guerre de religion ? p.160

(6) Roger Garaudy, Avons nous besoin de Dieu ?, p.41 à 43

(7) A l'exception d'un indice relevé sur  des débris d'une stèle  découverte en 1993-1994 à Tel Dan et datée de la seconde moitié du IX e siècle av.J.C. Ces quelques lignes incomplètes gravées dans la pierre ont fait couler beaucoup d'encre. D'abord parce que la pierre est brisée et qu'on a de la peine à
reconstituer le texte manquant, ensuite parce que cette stèle peut mentionner(ou pas) la « maison de David » 

(8) Roger Garaudy, Vers une guerre de religion ?, Desclée de Brouwer, p.168 et suiv.

(9) Roger Garaudy, Vers une guerre de religion ?, Desclée de Brouwer, p.162

(10) Roger Garaudy, Vers une guerre de religion ?, Desclée de Brouwer, p.158















20 février 2018

Mai 68-Mai 2018 (4). Le mouvement des femmes



Picasso. La jeune fille. 1914
De tous ces mouvements nous insisterons particulièrement sur l'un d'eux, le plus important non seulement par le nombre d'êtres humains qu'il concerne, mais parce qu'il met en cause les structures de nos sociétés depuis 6000 ans : le mouvement des femmes.
Ici encore, les tentatives de récupération n'ont pas manqué : on a accordé quelques strapontins aux femmes dans le gouvernement et atténué les inégalités les plus agressivement évidentes liées au sexe, avec des amendements au droit familial, la levée de la répression
contre la contraception ou l'avortement.
Même sur ce plan, toutes les batailles sont loin d'être gagnées : il fallut de courageuses campagnes pour que la honte du viol ne retombe pas sur la victime mais sur le coupable. La pilule est devenue légale,
permettant à la femme de choisir volontairement d'être mère et de se libérer de l'angoisse de maternités involontaires mais, significativement, la recherche depuis des années est orientée de telle sorte que la
femme seule, jusqu'ici, doit prendre le risque des déséquilibres éventuels de la pilule, non pas l'homme. Ce n'est sûrement pas un problème technique.
Il y a même encore des combats d'arrière-garde contre l'avortement qui n'est, certes, un but pour personne, mais qui peut, à défaut de prévention, être un ultime recours. Ne voit-on pas brandir la menace moyenâgeuse de l'excommunication contre les femmes et les médecins, mais épargner le vrai coupable : l'homme qui fait un enfant sans
en assumer la responsabilité.
Il est étrange d'ailleurs que cette croisade contre l'avortement occupe beaucoup plus de place dans les préoccupations des intégristes que les campagnes contre la course aux armements, pour la dénonciation des préparateurs de guerre, contre l'avortement planétaire des entrepreneurs de l'atome et que la protection des objecteurs de
conscience refusant d'être tueurs ou tués. L'homme n'aurait-il donc droit au respect de la vie qu'à l'état de foetus, sa destruction à l'âge adulte passant au second plan ?
De telles hypocrisies doivent être dénoncées, mais nous n'atteignons pas ainsi le centre du problème posé par le mouvement des femmes.

17 février 2018

Mai 68 - Mai 2018 (3). Les partis politiques, suite: changer ou disparaître


Roger Garaudy à la tribune du 19e Congrès du PCF en 1970
D'aucun parti n'émanant un grand dessein, un projet d'avenir à l'échelle de notre temps, les élections obéissent à la loi marécageuse de l'entropie politique se répartissant entre 49 % et 51 % avec, en général, un léger avantage pour les plus crédibles partisans du statu
quo et du maintien de l'ordre ancien puisque les adversaires sont incapables d'en concevoir et d'en proposer un nouveau.
Comment l'électeur pourrait-il faire un choix fondamental alors
que, sur tous les problèmes dont dépend notre avenir — le modèle de
croissance, l'armement nucléaire, l'énergie nucléaire, avec toutes
leurs conséquences mortelles —, tous les partis sont d'accord à
quelques nuances de vocabulaire près ?
La réalité du pouvoir reste donc aux groupes de pression qui
fondent la « croissance économique » sur les secteurs les plus
rentables pour eux : le nucléaire et l'automobile, les seuls qui n'aient
pas été touchés par la crise et qui poursuivent inflexiblement leur
progression. On pourrait dire aujourd'hui, paraphrasant un axiome
du passé : nucléaire et automobile sont les deux mamelles de la
croissance.
Du nucléaire, nous avons déjà évoqué les méfaits physiques et
politiques. Mais nous pourrions tenir un propos analogue sur l'automobile,
et sur l'ensemble du groupe de pression (le plus fort en
France) qui gravite autour d'elle et oriente la politique économique,
puisque les constructeurs de voitures, les fabricants de pneus, les
promoteurs d'autoroutes, les pétroliers et leurs satellites représentent
près de la moitié du budget de la France.
[…] Tous les partis et le Parlement s'inclinent devant ce contre-pouvoir
réel des groupes de pression du nucléaire et de l'automobile, masqués
en France, comme aux États-Unis, en Allemagne, en Italie et ailleurs,
par le « pouvoir » aussi officiel qu'illusoire des Parlements chargés de
persuader le public qu'en devenant électeur i l devient « souverain »,
alors que les choix vitaux lui sont interdits et que les décisions sont
prises, en dehors de tout contrôle, par la technocratie des groupes de
pression.
Il faut que ceci soit clair : aucun parti politique aujourd'hui n'est
capable ni de réaliser un nouveau projet de société échappant à la
«logique» mortelle de la croissance aveugle, ni même de le concevoir et
de le proposer.
La politique, au sens vrai et fort du mot, c'est-à-dire la volonté de
créer une société à visage humain, est pourtant en gestation, surtout
depuis 1968, à l'extérieur des partis. Les germes de l'avenir sont là où
de petits groupes d'hommes se rassemblent, se concertent, se fédèrent
pour prendre en main leurs propres affaires sans attendre « d'en
haut », d'élus ou de chefs auxquels ils auraient délégué leurs pouvoirs,
les décisions concernant leur vie quotidienne comme leur destin.
Déjà, en dehors des institutions officielles, est en train de sourdre la
volonté de vivre autrement.
Au sein même des « foules solidaires » naissent, meurent et se
recréent sans cesse des communautés d'un type nouveau. Des regards
se rencontrent. Des mains se nouent. Des projets sont bâtis en
commun. Ici un puits. Ici un stade ou une garderie d'enfants. Ici une
prière. Ici une coopérative. Ici une école. Ensemble. Et à l'initiative
de ceux « d'en bas » : communautés chrétiennes de l'Amérique latine
à la France, ou communes chinoises, jeunes n'acceptant plus d'être
estropiés par la pédagogie périmée des écoles et des universités, ni par
les idéologies de récupération et d'intégration sournoise au désordre
établi.
L'action s'organise pour le respect des équilibres écologiques entre
l'homme et son environnement de terres, d'arbres, de fleuves et de
lacs tués par la pollution, pour la défense des océans, pour la
protection de l'espace contre des satellites espions à équipement
nucléaire dont la chute fait peser sur nos têtes une menace permanente.
La terre, l'eau, le ciel... l'homme est devenu responsable de tous les
éléments. Nous sommes arrivés à ce point crucial de l'épopée humaine
où nous ne survivrons pas par la seule force d'inertie des dérives de
notre siècle : prolongées, elles conduisent toutes au suicide planétaire.
« Changer ou disparaître ! » crie-t-on dans les îles.
Le continent répond : « L'utopie ou la mort ! »
Ceci doit être clair : survivre et vivre dépendent désormais d'un choix
humain et nul ne peut déléguer son pouvoir.
Les germes d'avenir naissent de toutes parts : mouvements pour les
autonomies régionales contre la centralisation dévorante, mouvements
de consommateurs, comités de quartiers pour le contrôle et la
gestion des affaires locales et des organismes élus, mouvement
antinucléaire, dont le référendum autrichien est un bel exemple,
résistance à l'implantation des centrales de la mort, en France, en
Allemagne, mouvement coopératif, action non violente chez les
paysans du Larzac, comme chez les ouvriers de Lip, exigence
autogestionnaire s'imposant même aux directions syndicales qui s'en
défiaient, lutte des OS, en dehors des structures et des méthodes
traditionnelles pour le dépassement de la promotion individuelle des
qualifications et des salaires au profit des qualifications collectives.

Roger Garaudy / Extrait de "Appel aux vivants" / A SUIVRE ICI

13 février 2018

Le petit verset mystique du Che: entre communisme et transcendance…

"[Dans la vie], ce qui est important, ce n'est pas ce que vous faites  mais ce que vous cessez de faire"
(Nisargadatta, sage d'Orient)
Voici des vers peu connus, lus par Ernesto Che Guevara en personne, de mémoire (et donc légèrement différents de l'original ici) lors d'un discours qu'il prononça lors de la remise de "certificats de travail communiste" émis par le Ministère de l'Industrie à Cuba (dont il fut à la tête de 1961 à 1965):
[Le poème original comportait en introduction: "Si seulement nous savions cheminer sous les applaudissements des astres; et faire de chaque journée un symbole poétique"…]
Che: "C'est l'histoire d'un homme désespéré qui se comporte comme un enfant bûcheur et stupide et qui a fait du jeu une corvée journalière. Il a ainsi fait de son bâton de tambour une pioche, et au lieu de jouer sur Terre une chanson de joie, il a entrepris de la creuser"…
"Or, personne n'a jamais su creuser le sol en harmonie avec les cycles du soleil; de même que personne n'a encore coupé un épi avec amour et la grâce qui s'imposent..." [Quiero decir que nadie sabe cavar al ritmo del sol y que nadie ha cortado todavía una espiga con amor y con gracia].
[Le poème original concluait: "Ce boulanger, par exemple… Pourquoi ce boulanger ne placerait-il pas une rose de pain blanc dans le rabat de ce mendiant affamé ?"]
La cérémonie avait été précédée de l'exemple personnel que le ministre-révolutionnaire donna en participant lui-même au travail manuel des ouvriers. On peut le voir et écouter ces versets mystiques (2 minutes) historiques à cet endroit de la Toile.
Le travail comme action juste
De manière inédite, le Che posait la question métaphysique de l'action (juste) en harmonie avec le Tout; ainsi que l'avaient abordée avant lui les auteurs classiques du taoïsme, de l'hindouisme, du bouddhisme, de l'islam, du christianisme, de la philosophie grecque. Selon ces visions, l'homme est  pour ainsi dire "condamné" à n'être que l'automate d''une "volonté" qui le dépasse: celle de Dieu.
Les bouddhistes enseignent ainsi une discipline du "travail quotidien" (souvent du ménage) sous le nom de "samu" (école japonaise). L'action juste est le message central de l'hindouisme (à travers la notion de "karma") que Krishna expose à la perfection à Arjuna dans la Baghavad Gita. Ce dernier doit, contre sa propre volonté, prendre les armes pour combattre et tuer des membres de sa propre famille.
On retrouve exactement la même idée dans le Coran (8:17): "Ce n’était pas toi qui décochait [des flèches] quand tu décochais ; Dieu est Celui qui les décochait…" ["wa ma ramayta id ramayta walakinna-Llaha rama…"]. Au passage, notons la coïncidence linguistique heureuse de la fin du verset ("Allah Rama") qui est d'autant plus remarquable que Rama, en tant qu'incarnation de Vishnu, est un autre nom de Dieu dans l'hindouisme…. A tel point que Kabir, le célèbre poète mystique indien, auquel Roger Garaudy a rendu hommage dans l'un de ses textes, se voulait ni hindouiste ni musulman mais hindouiste et musulman à la fois, et les confondait volontiers tous "Deux"… 
Travail et jeu
Ainsi, par ce "petit verset", Che Guevara a en fait grand ouvert les portes de la Conscience Universelle car il aborde ici la question de la culture (celle du travail) en tant que jeu. Il évoque bien, dans son introduction, l'enfant borné qui, au lieu de chanter un hymne à la joie de vivre sur terre, se met à creuser cette dernière... L'attitude de cet enfant, ajoute-t-il à la fin, est en fait celle en œuvre dans l'"autre monde" qui nous fait face, celui du Capital, et ne devrait donc pas être celle du nôtre qui prétend le dépasser spirituellement et moralement.
-Cette comparaison de nature anthropologique est tout d'abord conforme à celle de l'ouvrage de sociologique classique de Johan Huizinga (1872-1945) "Homo Ludens": la culture humaine comme champ permanent d'action du jeu, y compris dans sa dimension transcendantale.
-Elle correspond aussi à la vision orientale d'un monde produit par le Jeu Divin (la "Lila" hindouiste en particulier) durant lequel des acteurs humains font face à des situations en tout genre. Les dieux, ou plus exactement le Dieu Unique sous ses formes diverses, participe(nt) aussi activement au Spectacle. L'homme est condamné à accepter ce Jeu et surtout, à ne pas s'identifier aux acteurs sous peine de voir son bonheur partir en fumée… Cette erreur classique, il la commet fréquemment et elle constitue la source même de la tragédie humaine. Or, la sagesse locale avertit: "Savoir que le film n'est qu'un jeu de lumière sur l'écran vous libère de l'illusion que le film est réel" (Nisargadatta)      
A noter que dans le "Lahw" (la Grande Distraction) musulman, c'est-à-dire la vie avec ses objets infinis (Araignée 29), une prise de conscience, quant au caractère illusoire du Spectacle, est attendue de la part de l'homme ["Alha-kum attakaturu hatta zurtum al-maqabir"](Accumulation 1-2). Par ailleurs, les Jinns (génies), comme acteurs à part entière, interviennent également sur la scène…
Egoïsme et communisme
Le marxisme n'est pas l'"opposé", le "symétrique" (en mots et en maux pour commencer) du capitalisme et n'a aucunement vocation à lui faire concurrence à l'image du spectacle des partis politiques qui se succèdent périodiquement sur le théâtre de la cité dite démocratique. Son adversaire réel est l'égoïsme, source première du capitalisme. Le communisme représente un dépassement de ce dernier.
Tous les sages (voir par exemple cet article) issus de toutes les religions (car il faut bien s'en détacher un jour pour ne conserver que le souffle spirituel qu'elles canalisent) sont de fait des communistes qui ont toutefois décidé, à l'instar du poète Maïakovski (qui dans un poème, parvenait à s'élever si haut qu'il voyait la Tour Eiffel depuis Moscou…), de faire d'abord, et comme Che Guevara, la Révolution dans leur tête.
Le sage oriental Nisargadatta, encore lui, donna d'ailleurs, lors d'un entretien, une magistrale définition (sans la nommer ainsi toutefois) de la société communiste à venir, critiquant la souffrance inhérente aux sociétés capitalistes et comment elles tentent d'y remédier artificiellement:
"-Produisez pour distribuer;
-Nourrissez avant de manger;
-Donnez avant de prendre;
-Pensez aux autres avant de penser à vous-même;
Seule une société non-égoïste fondée sur le partage peut être stable et heureuse. Si vous n'en voulez pas, continuez à vous battre…"
Comme Marx, Che Guevara ignorait peut-être ces autres références orientales mais, comme tous les vrais communistes, par définitions humanistes, ils avaient tous deux "vu juste".  Rétrospectivement, Che, assassiné par la CIA, main de fer et expression ultime du Capital, est, à la différence de tant d'autres mystiques à travers le monde, mort les armes à la main. Cependant, comme eux, ils nous a quittés en Pleine Conscience.  
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Sources:
-Che Guevara: un versito
-Sur la question du jeu:
Johan Huizinga: "Homo ludens", 1938.
-Sur la question du Travail:
"Nous baratterons le lait sans cesser de penser à Dieu"
-Sur la question du communisme et de la spiritualité:
"Une idée révolutionnaire pour 2017…"



10 février 2018

Mai 68-Mai 2018 (2).Les partis politiques et les "évènements" de mai 68


Les partis politiques apportent-ils réponse aux problèmes fondamentaux de notre temps ?
Nous nous limiterons ici à l'expérience française, car, malgré les variantes, les trajectoires des partis politiques, dans les pays où ils existent, c'est-à-dire en gros dans l'Occident « libéral », présentent de grandes analogies.
Et nous nous limiterons aux dernières années, en prenant pour point de départ 1968, parce que, avec le recul historique de cette décennie, au-delà des espérances messianiques des uns et de la nouvelle « grande peur des bien-pensants », il apparaît clairement que, pour la première fois depuis un demi-siècle, émergeait une
alternative au modèle régnant de culture et au modèle de croissance.
L'événement était d'autant plus significatif que cette colère ne naissait pas de la misère. En 1968, le monde occidental n'était pas en crise, mais en pleine croissance, et c'est alors qu'éclate une révolte généralisée dans tous les domaines de la vie : culturel, politique, social. Cette crise n'est pas une crise économique. Elle n'est pas née
d'une dépression. L'aspiration à une « autre vie » se fait jour, sous des formes parfois apocalyptiques ou confuses, en pleine période ascendante du système, faisant éclater le contraste entre ce nouveau triomphalisme des dirigeants de la société et la prise de conscience de l'absurdité de la vie à l'intérieur de leur système.
Pour la première fois dans l'histoire de l'Occident, le mouvement de
mai 1968 mettait en cause à la fois le modèle de croissance et le modèle
de révolution.

07 février 2018

Mai 68-mai 2018 (1). Vivre autrement. Par Roger Garaudy

2018: le cinquantenaire de mai 1968. Nous publions en "feuilleton" une partie du livre de Roger Garaudy Appel aux vivants, qui date de 1979, qui bénéficie donc outre la hauteur de vue habituelle de l'auteur d'un recul de 10 années, hauteur et recul qui permettent de mieux faire comprendre ce que furent les enjeux de cette période et comment leur non-résolution pèse sur la France, l'Europe et le monde de 2018. Nous ne commémorons pas, nous donnons à voir un passé récent pour en tirer des leçons - en positif ou en négatif - pour l'avenir, l'avenir qui n'est pas comme aimait à le dire Garaudy "ce qui sera" mais "ce que nous ferons". AR

… L'avenir se fait aujourd'hui sans vous. C'est vrai. Et s'il existait une possibilité qu'il ne se fasse pas contre vous ? Qu'il se fasse même avec vous?
Je ne suis pas de ceux qui disent : l'homme est mort. L'homme
n'existe pas encore. Voulez-vous que nous essayions de le faire
exister? Que nous essayions d'exister. C'est-à-dire de n'être pas un anneau dans une chaîne de causes et d'effets, mais des êtres en naissance, d'où émergent à chaque instant, avec un but plus clair, des forces plus vivaces.
Contre une économie de la richesse qui engendre la pauvreté,
contre cette vie pauvre faite de politique pauvre, d'amour pauvre, d'art pauvre, de science pauvre et de religion pauvre, tenterons-nous de créer une manière plus riche de vivre ?
Vous n'aimez pas les paris stupides? Moi non plus. Mais nous n'avons pas le choix : la foi ou le néant. La seule foi nécessaire, au départ, c'est d'espérer que l'homme reste
à faire.
Peut-on vivre autrement ? En se posant les vrais « pourquoi » ? Et d'abord : pourquoi ne pouvons-nous pas vivre autrement ? Vivre autrement. C'est de cela qu'il s'agit. Rien de plus. Rien de moins. Vivre autrement.
Je n'écris ces choses qu'inspiré par la certitude qu'exister, désormais, est un défi permanent aux actuelles dérives historiques, un défi qui ne peut être victorieux, que si nous parvenons à établir de nouveaux rapports avec la nature en consacrant l'essentiel de la recherche à l'utilisation du flot pratiquement inépuisable de l'énergie solaire, et en ne créant plus des besoins artificiels et les plus criminels gaspillages en fonction des exigences non humaines du marché et de la guerre ; que si nous parvenons à établir de nouveaux rapports entre l'homme et l'homme qui n'oscillent plus entre un individualisme de jungle et un totalitarisme de termitière, et à retrouver le rapport proprement humain de la communauté ; que si nous parvenons à établir un nouveau rapport avec le divin qui redécouvre la dimension de la transcendance, la possibilité permanente de rupture avec le passé et le présent, au-delà de l'abandon aux errements catastrophiques et aveugles d'un développement d'où l'homme est absent.
A chaque étape, il sera demandé un choix. Pas seulement un choix intellectuel. Un acte de foi, c'est-à-dire un choix engageant dans une expérience où chacun met comme enjeu la totalité de sa vie.
A ces interrogations vitales il n'existe pas de réponse toute faite.
— Ni celle des partis politiques.
— Ni celle des sciences et des techniques.
— Ni celle des Églises.

Roger Garaudy, Extrait du chapitre 3 de l' Appel aux vivants publié en 1979, prix des Deux Magots 1980, pages 23 à 65            A SUIVRE ICI