D'après Picasso. Le visage de la paix |
Dans
la si générale corruption du pouvoir et des puissants,
je sais combien peut paraître aussi dérisoirement utopique,
jusqu'à soulever le rire, d'exiger de quiconque
brigue un mandat politique qu'il renonce à toute
ressource supérieure à celle d'un cadre moyen de la
fonction publique.
A
qui se moquera de la folle naïveté d'une telle suggestion,
je ne répondrai pas par des exemples aussi exotiques
ou historiquement lointains que ceux des ascètes
et des sages de l'Inde védique, auxquels obéissaient les
guerriers et les marchands, ou ceux du Coran où
Dieu proclame : « Quand je veux détruire une cité, je
donne le pouvoir aux riches » , ou celui de moines chrétiens
défricheurs ou savants. Je prendrai l'exemple le
plus proche : celui de mon expérience personnelle d'un
parti dans lequel, à l'époque de sa grandeur,aucun
député, aucun dirigeant ne recevait un salaire supérieur
à celui d'un ouvrier qualifié de la région parisienne.
Féconde expérience de vice-président de l'Assemblée
nationale vivant quotidiennement les difficultés que
connaît un ménage moyen pour élever une famille
de trois enfants, exigeant que la mère travaille hors
du foyer pour y parvenir.
Le
résultat global est qu'aussi longtemps que la règle en
est appliquée, aucun parlementaire ou dirigeant de ce
parti n'est compromis dans aucune affaire de corruption.
Utopie
? Non : réalité quotidienne vécue pendant un tiers
de siècle.
N
' y aurait-il d'autre réalité que celle de la fange, et faudrait-il
être un Don Quichotte ?
Roger
Garaudy, Les fossoyeurs, pp 201-202