L'intégrisme, religieux ou
politique, naît toujours d'une frustration devant la solitude et le non-sens
d'un monde sans but. Des hommes désespérés, sans avenir, des desperados sont
la proie de tous les « nihilismes » à l'égard de prétendues « valeurs » qui ne donnent
plus à la vie consistance et signification, la proie aussi de messianismes, de
faux messies promettant un royaume de Dieu, de n'importe quel Dieu.
C'est alors la griserie
sécurisante de défilés en masse, avec des torches, à Nuremberg, pour y brûler des livres comme symboles
des fausses sagesses qui conduisaient au néant, et célébrer les vieux mythes et les rites
guerriers du Dieu Wotan.
L'on ne peut échapper à ces
fausses réponses des intégrismes qu'en éveillant les hommes au sens des vraies questions.
D'abord celle d'un ordre social
et économique, politique, donnant à chacun les possibilités de déployer pleinement les
richesses qu'il porte en lui, mais aussi celle des postulats sur lesquels un tel ordre repose, et
qui sont la matrice de toute vision religieuse du monde.
D'un monde découpé, à la
tronçonneuse du positivisme, en objets isolés et en individus présentant la
même mutilation, faire renaître la conscience de l'unité vécue de ce monde où chaque être n'existe que par sa
relation avec tous les autres et prend par elle un sens.
Tu te crois « branché » ? Branché
sur quoi ? Sur le contraire de la vie.
« Branché » sur l'avalanche des
décibels ou dans la cage du walkman. Branché sur ce bourdonnement
d'ailes de mouches se débattant dans la glu des pubs, au supermarché.
Branché sur la télé des fausses
vies, faites de coïts, de flics et d'explosions, sur fond de pub encore, de jeux de mémoire pour
oublier, de loteries à l'ignoble slogan : « C'est facile et ça peut rapporter gros! »
Débranchez, robots télécommandés,
débranchez vos prothèses ! Sortez de vos prisons pendant que, dehors, il y a encore des
gens, de vrais gens, avec un langage d'homme ! Pendant qu'il y a encore des choses, avec leurs
parfums sous le gaz-oil, leur amour sous le sexe, leurs musiques sous
l'hystérie, le poète amoureux ou mystique sous l’« ordinanthrope».
Alors nous n'éprouverons plus le
besoin d'aucun intégrisme pour trouver dans le grégaire
un ersatz de communauté, dans le
fanatisme un ersatz du divin.
Toute éducation, tout art, toute
politique qui n'aident pas à cette prise de conscience de ce qui est proprement humain en l'homme
nous conduisent à un suicide planétaire.