L'expansion
de l'Islam ne saurait donc être expliquée seulement par des
causes extérieures telles que l'incontestable affaiblissement, voire
la
désintégration, des empires vaincus (Empire romain d'Orient,Empire
de la Perse sassanide, Empire wisigoth d'Espagne) et moins encore
par des causes uniquement militaires.
L'Empire
romain d'Orient et l'Empire perse sassanide, les deux«
grands » de l'époque, s'étaient effectivement épuisés dans des
guerres
ininterrompues entre eux pour l'hégémonie et la domination du
Proche-Orient, notamment de 604 à 628.
Il est
vrai aussi que les deux empires rivaux avaient eux-mêmes
introduit
les tribus arabes dans leurs affaires en utilisant ces cavaliers
guerriers
du désert comme mercenaires pour défendre les « marches
»
avancées de leurs Etats.
Les
Perses sassanides avaient installé à Hira, tout près de Ctésiphon,
leur
capitale, la tribu des Banou Lakhm, dont ils firent une
dynastie
arabe, les Lakhmides, qui avaient la charge, comme vassaux,
de
guerroyer en permanence contre les Romains. Réciproquement,
les
empereurs de Byzance avaient choisi une autre famille arabe, celle
de
Ghassan, nomades dans l'actuelle TransJordanie, pour en faire, en
529,
les princes ghassanides, convertis bientôt au christianisme
«
monophysite » (celui qui refusait de reconnaître la double « nature »
de
Jésus), particulièrement populaire de la Syrie à l'Egypte.
Ce
furent là des facteurs favorables aux victoires futures des Arabes
musulmans.
Mais
les raisons profondes de cette expansion fulgurante qui, au
lendemain
de la mort du Prophète, en douze années, de 633 à 645,
permirent
d'assurer la suprématie arabe en Palestine, en Syrie, en
Mésopotamie
comme en Egypte (cette première vague ne s'arrêtant
que
devant des obstacles naturels : les chaînes de montagnes du
Taurus,
en Asie Mineure, et celles de l'Iran oriental, et, à l'ouest, les
déserts
de Cyrénaïque et de Nubie), furent des raisons internes, liées à
D'abord
l'affirmation radicale de la transcendance de Dieu, en
relativisant
tous les pouvoirs, postulait, comme nous l'avons vu, une
égalité
de principe entre tous, et devenait donc un ferment de
libération
de toutes les oppressions politiques, économiques ou
religieuses.
Elle donnait un visage à l'espérance de tous les opprimés.
C'est
ce qui explique pourquoi une seule victoire militaire sur
chacun
des despotes régnants (Héraclius en 636 pour l'Empire romain
d'Orient
; Yezdégerd après la prise de Ctésiphon, sa capitale, en 637,
pour
l'Empire sassanide de Perse; ou, plus tard, en 711, celle de la
poignée
de guerriers de Tarik qui triompha du roi wisigoth Rodéric
sur le
rio Barbate, en Espagne) fait s'effondrer des empires, comme
l'Empire
wisigoth d'Espagne ou l'Empire perse, ou livre aux Arabes
les
plus riches provinces de l'Empire romain d'Orient (la Syrie,
l'Egypte
et, peu après, toute l'Afrique du Nord).
Dans
chaque cas, après la défaite de la caste dominante détestée du
peuple,
les Arabes sont accueillis en libérateurs par ceux qui étaient
victimes
d'une oppression sociale ou politique ou d'une persécution
religieuse.
Pour
les chrétiens monophysites, persécutés comme hérétiques par
l'Empire
romain d'Orient, comme pour les chrétiens nestoriens de
Perse,
comme pour les tribus berbères — qui avaient soutenu
autrefois
les donatistes alors que saint Augustin avait fait appel,
contre
l'hérésie, à la répression militaire et policière de l'empereur de
Rome —,
comme pour les juifs ou les chrétiens ariens ou priscilliens
d'Espagne
harcelés par un clergé fanatique, comme pour les paysans
coptes
d'Egypte soumis aux exactions des grands propriétaires terriens
de
Byzance, la victoire des Arabes sur leurs maîtres et
oppresseurs
fut une délivrance. D'autant plus que leurs «hérésies »,
nées
pour la plupart des interprétations hellénisantes de la Trinité,
leur
rendaient aisément convaincante la conception islamique de Dieu
et de
son unité (tawhid). La sourate 112 du Coran dit :
« Lui,
Dieu est un !
Dieu!
L'Impénétrable!
Il
n'engendre pas ;
Il
n'est pas engendré;
Nul
n'est égal à lui... ! »
Tout
chrétien, monophysite, nestorien ou arien, pouvait reconnaître,
par-delà
les distinguos trop subtils des théologiens, sa propre foi
fondamentale,
comme le confirme remarquablement le IVe
Concile
[de
Latran, tenu en 1215 pour condamner la conception de la Trinité
[ de
Joachim de Flore.
Réaffirmant,
toujours dans le même langage emprunté aux Grecs,
l'absolue
unité de la « substance, essence ou nature divine », il la
définit
comme une «suprême Réalité incompréhensible et ineffable
[...]
qui seule est principe de toute chose [...] et cette Réalité
n'engendre
pas et n'est pas engendrée ».
Monseigneur
Duchesne, dans ses études sur la situation de l'Eglise
au Vie siècle
en Syrie, cite Michel le Syrien ; « Le Dieu des
Vengeances
[...] voyant la méchanceté des Romains qui, partout où ils
dominaient,
pillaient cruellement nos églises et nos monastères et
nous
condamnaient sans pitié, amena du Sud les fils d'Ismaïl pour
nous
délivrer par eux [...] Ce ne fut pas un léger avantage, pour nous,
d'être
délivrés de la cruauté des Romains, de leur méchanceté et de
leur
colère, de leur cruelle jalousie, et de nous trouver en repos. »
A
l'autre pôle de la Méditerranée, en Espagne; il s'agira aussi d'une
libération
à la fois sociale et religieuse. Ignacio Olaguë a montré
combien
il était invraisemblable que l’Espagne ait été militairement
conquise
par une invasion massive des habitants du Hedjaz : « Comment
une
poignée de nomades, venus du fond de l'Arabie, auraient-ils
pu
imposer leur langue et la loi de l'Islam aux quinze millions
d'habitants
vivant sur les six cent mille kilomètres carrés de la
Péninsule
ibérique (1) ? »
En
revanche, beaucoup plus vraisemblable est l'importance du rôle
des
luttes religieuses et politiques en Espagne. En 476, un roi
wisigoth;
Euric, rompant avec l'empereur de Byzance, fait de
l'arianisme
la religion officielle de toute la Péninsule et, bien qu'en
589, au
concile de Tolède, un autre roi, Récarède, abjure I'arianisme,
le
problème n'était nullement tranché dans l'esprit du peuple. Si bien
qu'en
Espagne, les ariens, les priscillaniens, les gnostiques adhèrent
aisément
à l'Islam dont ils se sentent proches.
La
victoire de l'Islam en Espagne apparaît ainsi, pour l’essentiel,
comme
le résultat d'une « guerre civile ». L'Islam, ralliant les sectes
«
unitaires » (celles qui refusent la définition de la Trinité telle qu'elle
a été
formulée à Nicée, qui
voient en Jésus un prophète, et refusent
donc
d'appeler Marie « mère de Dieu »), apparaît, même à l'Eglise
officielle,
non pas comme une religion nouvelle mais comme une
«
hérésie chrétienne ». C'est ainsi que le considère saint Jean de
Damas
(mort en 749), et Dante
lui-même ne placera pas Mahomet
parmi
les païens, mais parmi les hérétiques, dans le « huitième
cercle
» de l'Enfer (chant 28), le même cercle que les papes Nicolas
III, Boniface
VIII et Clément V.
Ces «
unitaires », appuyés par quelques tribus berbères du Rif,
n'eurent
à engager qu'une unique bataille entre Gibraltar et Cadix
pour
l'emporter sur les « orthodoxes ». L'influence des marchands
arabes
fut autrement décisive, et surtout l'impact d'une idée-force
comme
celle de l'Islam, puis l'envoi de quelques chefs arabes et,
finalement,
la grande politique d'islamisation d'Abd al Rahmân, le
prince
omeyyade qui, fuyant Bagdad, arriva en Espagne en 756,
quarante-cinq
ans après « la » bataille.
L'orientaliste
Dozy, dans son Histoire des musulmans d’Espagne
(t. II,
p. 43), écrivait : « La conquête arabe fut un bien pour
l'Espagne
: elle produisit une importante révolution sociale, elle fit
disparaître
une grande partie des maux sous lesquels le pays gémissait
depuis
des siècles [...] Les Arabes gouvernaient selon la méthode
suivante
: les impôts étaient tout à fait réduits par rapport à ceux dés
gouvernements
précédents. Les Arabes enlevèrent aux riches la terre
qui,
partagée en immenses domaines de la chevalerie, était cultivée
par des
fermiers serfs ou des esclaves mécontents, et la répartirent
également
entre ceux qui travaillaient le sol. Les nouveaux propriétaires
la
travaillèrent, pleins de zèle, et en obtinrent de meilleures
récoltes.
Le commerce fut libéré des limitations et des lourdes taxes
qui
l'écrasaient et se développa notablement. Le Coran autorisait les
esclaves
à se racheter moyennant un dédommagement équitable, et
cela
mit en jeu de nouvelles énergies. Toutes ces mesures provoquèrent
un état
de bien-être général qui fut la cause du bon accueil fait au
début
de la domination arabe »
L'expansion
de l'Islam ne prit pas, le plus souvent, la forme d'une
invasion,
moins encore d'une colonisation. Blasco Ibanez le proclame
dans A
l'ombre de la cathédrale : « L'Espagne, esclave de rois
théologiens
et d'évêques belliqueux, recevait à bras ouverts ses
envahisseurs
[...] En deux années les Arabes s'emparèrent de ce que
l'on
mit sept siècles à leur reprendre. Ce n'était pas une invasion qui
s'imposait
par les armes, c'était une société nouvelle qui poussait de
tous
côtés ses vigoureuses racines. Le principe de la liberté de
conscience,
pierre angulaire sur laquelle repose la vraie grandeur des
nations,
leur était cher. Dans les villes où ils étaient les maîtres, ils
acceptaient
l'église du chrétien et la synagogue du juif. »
Si l'on
cherchait à exprimer le caractère de cette expansion dans le
vocabulaire
de la politique contemporaine, on pourrait parler d'une
« crise
révolutionnaire », c'est-à-dire d'une mutation sociale née du
renversement
d'un système social périmé, allant au-devant des
aspirations
populaires et en libérant des possibilités nouvelles (grâce
notamment
à une réforme agraire). Dans une telle guerre, l'arme
principale
n'est pas militaire, mais économique, politique et sociale, et
porteuse
d'une forme nouvelle de culture. Dans le cas de l'Islam,
c'est,
je le répète, indivisiblement, une foi nouvelle et une nouvelle
communauté.
Le
deuxième trait de l'Islam, qui explique sa rapide pénétration,
c'est
son ouverture et sa tolérance. Le Coran commandait déjà de
respecter
et protéger lés « gens du Livre » (c'est-à-dire de la Bible),
juifs
et chrétiens, héritiers eux aussi de la foi d'Abraham (Ibrahim)
qui
était la référence commune. Cette tolérance s'étendit d'ailleurs
aux
zoroastriens de Perse et aux hindous, si bien que, lorsque
s'instaura
en Perse la domination arabe, seul un très petit nombre de
zoroastriens
émigrèrent en Inde où leurs descendants constituent,
aujourd'hui
encore, les communautés « parsies ». Seuls les polythéistes
furent
systématiquement combattus.
L'acceptation
de ceux des juifs, et plus encore des chrétiens, qui
refusaient
de se convertir à l'Islam, et la confiance en eux étaient telles
qu'ils
pouvaient accéder aux plus hautes fonctions de l'Etat : le grand-père
de
saint Jean Damascène, Ibn Sarjoun, fut le premier ministre du
calife
omeyyade de Damas, et à saint Jean Damascène lui-même fut
confiée
par le calife la direction de l'administration financière de
l'Empire
à Damas. Cet esprit d'ouverture subsista après 750 avec les
abbassides
de Bagdad : lorsque le calife Al Mamoun créa, en 832, la
«
Maison de la Sagesse », avec son université et son observatoire, il
confia
la direction de ce centre de la culture de son empire à un
médecin
chrétien nestorien, Hunayn ibn Ishaq.
Cette
attitude nous permet de rétablir, dans son vrai sens et sa vraie
perspective,
le djihad.
Il est
de tradition, chez les Occidentaux, de traduire djihad par
«
guerre sainte », c'est-à-dire guerre entreprise pour la propagation
de
l'Islam. Le rédacteur de l'article « Djihad » dans l' Encyclopédie de
l'Islam,
l'orientaliste D. B. Macdonald, commence par affirmer :
«
L'expansion de l'Islam par les armes est un devoir religieux pour
tous
les musulmans. »
Or, djihad
ne signifie pas « guerre » (il existe un autre mot pour
cela : narb),
mais « effprj » sur le chemin de Dieu. Le Coran est
parfaitement
explicite : « Pas de contrainte en matière de religion »
(11,256).
Tous
les textes que l'on a invoqués pour faire de l'Islam un
épouvantait,
une « religion de l'épée », ont été invariablement
séparés
de leur contexte. On a, par exemple, appelé «verset de
l'épée
» le verset 5 de la IXe sourate
en en détachant « tuez les
polythéistes
partout où vous les rouverez » précédent
(IX,4)
qui précise qu'il s'agit de combattre ceux qui ayant conclu un
pacte
l'ont ensuite violé ou ceux qui prétendent empêcher les
musulmans
de professer et de pratiquer leur foi.
En un
mot, si la guerre n'est pas exclue, elle n'est acceptée que pour
la
défense de la foi lorsque celle-ci est
menacée, et non pas pour la
propagation
de la foi par les armes.
La
guerre ne se justifie, selon le Coran, que lorsqu'on est victime
d'une
agression ou d'une transgression, actes que les musulmans eux-mêmes
s'interdisent
formellement s'ils obéissent au Coran :
«
Combattez dans le chemin de Dieu
ceux
qui luttent contre vous.
Ne
soyez pas transgresseurs ;
Dieu
n'aime pas les transgresseurs » (H,190).
La
lutte armée pour celui qui pratique le djihad (le mudjahid) n'est
que
l'aspect second du djihad. Un hadith célèbre distingue le « petit
djihad
», c'est-à-dire la défense de la foi par la force contre
un ennemi
extérieur
qui la menace ou la persécute, et le « grand djihad »
qui est
le
combat intérieur pour vaincre notre égoïsme, maîtriser nos instincts
et nos
passions, pour laisser toute la place à la volonté de Dieu.
Le
grand djihad est une lutte contre soi, contre les tendances qui
tirent
l'homme loin de son centre, ce qui, en entraînant vers des
désirs
partiels, le conduit à se faire des « idoles » et, par conséquent,
l'empêche
de reconnaître l'unité de Dieu..Cette « idolâtrie » est plus
difficile
encore à vaincre que celle des idolâtres de l’extérieur.
Il y a
là, aujourd'hui encore, une grande leçon pour beaucoup de
«révolutionnaires
» qui prétendent tout changer, sauf eux-mêmes,
comme
autrefois tant de « croisés » qui, à Jérusalem, dans l'Espagne
de la «
Reconquista », ou contre les Indiens d'Amérique, voulaient
imposer
aux autres un christianisme qu'ils bafouaient en chacun dé
leurs
actes.
Séparer
la vie extérieure de la vie intérieure, c'est se condamner à
ne
propager, sous le nom de christianisme ou de socialisme, que des
idolâtries
sanglantes.
L'un
des exemples les plus éclatants de la réalisation humaine de ce
double djihad
est celui de l'émir Abd el-Kader, qui ne fut pas
seulement
le grand chef de guerre, qui organisa pendant quinze ans,
contre
un envahisseur disposant de moyens militaires sans commune
mesure
avec les siens, la résistance armée pour la défense de son
peuple
et de sa foi, mais qui fut aussi l'un des plus grands mystiques du
siècle,
disciple d'Ibn Arabi auquel il était lié par filiation initiatique.
Dans
son Livre des étapes, il médite sur l'enseignement fondamental
des
soufis de l'Islam : la réalité profonde des créatures, c'est Dieu, et
Dieu
n'est pas seulement l'Etre, mais aussi tous les possibles non
manifestés
et l'acte de liberté qui les engendre. Exilé à Damas par le
gouvernement
français, lors des émeutes xénophobes de 1860, il
prend
sous sa protection et sauve du massacre les 14000 chrétiens de
Damas.
Le pape même lui conféra Tordre de-Pie IX. Cette haute
figure
chevaleresque écrivait, dans son Livre des étapes ces lignes si
caractéristiques
de l'ouverture de l'Islam : « S'il te vient à l'esprit que
Dieu
est ce que professent les différentes écoles islamiques, chrétiennes,
juives,
zoroastriennes, ou ce que professent les polythéistes et
tous
les autres, sache qu'en effet II est cela, et qu'il est, en même
temps,
autre que cela1 . »
Cette
haute conception du djihad, de l'effort sur le chemin de Dieu,
s'exprime
d'une autre manière encore dans le rôle que joue le
«
martyre » dans la perspective du mudjahid de l'Islam. Un théologien
musulman
iranien, qui lutta dans le mouvement religieux contre
le
despotisme dès 1960, M . Motaharri, dans son livre Shahid (témoin,
martyr)
de 19772,
définit le martyre par deux caractéristiques
fondamentales
: le « martyr », le « témoin », affronte la mort au nom
d'une
cause sacrée ; il le fait en pleine connaissance du risque :
« Ne
crois surtout pas
que
ceux qui sont tués
dans le
chemin de Dieu sont morts.
ils
sont vivants! » (Coran 111,169).
Ce
sacrifice du martyr peut intervenir dans un combat où l'on
pouvait
espérer triompher, comme ce fut le cas dans la bataille
d'Ohod,
livrée par le Prophète, et à laquelle se rapporte ce verset du
Coran ;
ou bien ce peut être une mort délibérément acceptée avec la
certitude
de la défaite immédiate. Le modèle de ce martyre, dans
l'Islam
shi'ite, est celui d'Hossein, le petit-fils du Prophète^ tué à la
bataille
de Kerbéla. Le martyre a ici une autre signification : par-delà
la
défaite et la mort, parce qu'il est un témoignage au nom de la vérité
et de
la foi, il est en lui-même une contribution à la victoire de cette
vérité
et de cette foi. Le cri de « Allah akbar » (« Dieu est plus
grand
»), qui a fait se lever en Iran des millions d'hommes et de
femmes
aux mains nues, face à une armée américanisée, et à vaincre
cette
armée au prix du martyre de tant d'hommes de foi, traverse
toute
l'histoire de l'Islam. Il a donné l'espérance et le courage
d'affronter
les oppressions et les persécutions depuis les premiers
combats
du Prophète jusqu'à l'insurrection du mahdi du Soudan
contre
les mitrailleuses anglaises à la fin du xixe
siècle, et à l'héroïsme
des mudjahids
algériens, une fois encore, contre des forces militaires
infiniment
supérieures mais qui vit la victoire de la foi sur les armes.
Le
théologien musulman Ali Shari'ati, l'un des inspirateurs de la
résistance
à l'oppression en Iran, écrivait en 1972 que le martyre n'est
pas une
dimension de l'Islam, mais son essence même, unissant
indivisiblement
la résistance à l'ennemi extérieur de la foi, et la lutte
intérieure
contre les plus animales vibrations, en nous, de l'égoïsme
et
de la
peur.
En
essayant ainsi de rendre compte des raisons profondes de
l'expansion
musulmane, et en même temps de dégager la notion de
djihad
de ce qu'ont accumulé contre elle des siècles de fanatisme
antiislamique,
de
colonialisme et de préjugés racistes, nous ne voulons pas
idéaliser
l'Islam historique, mais simplement rappeler qu'en son
principe
même il exclut la Croisade et l'Inquisition, tout comme le
christianisme
les exclut en son principe même, bien que ce soient des
chrétiens,
leurs rois très chrétiens, leurs clergés et leurs papes, qui en
aient
accompli les forfaits, du sac de Constantinople et des massacres
de
Jérusalem aux bûchers de Torquemada en Espagne, et au génocide
des
Indiens d'Amérique.
Roger Garaudy, Promesses de l'Islam >> A SUIVRE ICI >>