15 janvier 2021

Défense de l’homme et défense du sacré

©Alain Raynaud, 2021. Tous droits réservés

La défense de l’homme et la défense du sacré sont en ce XXIe siècle deux tâches sœurs. Les grandes religions monothéistes et les systèmes idéologiques marxistes ont dégénéré en théologies de la domination, voire de l’écrasement, en imitation ou en gestion du capitalisme, ou en guimauves idéologiques. Il est important pour chaque homme que les exemples que leur donnent les militants de ces deux espérances puissent apparaître comme en prise sur le réel et en capacité de le changer. En finir avec les intégrismes religieux, philosophiques et politiques, ouvrir les textes sur de nouvelles interprétations (l’«ijtihad» des musulmans) afin que le présent cesse d’être vu comme la fossilisation du passé mais aussi comme matière à un avenir différent. A la fois, et du même élan, changer le monde et se changer soi, dans tout ce qui fait évènement (c’est-à-dire rupture avec l’ordre normé du monde), du personnel le plus petit au collectif le plus grand. «Plus on gravit la transcendance sans nom / Plus on appréhende en soi le sans-fond», écrit François Cheng ["Enfin le royaume"], inversant les termes de Teilhard pour dire la même chose que lui : «C’est par ce que nous avons de plus incommunicablement personnel que nous touchons à l’Universel».

Le matérialisme brut, qui «consiste à regarder comme plus réels  les éléments de l’analyse que les termes de la synthèse» est source d’illusions pour l’homme car il tend à faire passer la partie pour le tout. «Une Evolution à base de Matière ne sauve pas l’Homme : car tous les déterminismes accumulés ne sauraient donner une ombre de liberté». Finalement, «la seule réalité… est la passion de grandir». Quel sens de la formule ce Teilhard...!

Dans sa thèse de doctorat Didier Gauvin étudie la notion de transcendance chez Roger Garaudy : «Lors de sa période communiste, Garaudy  utilise volontiers l’expression dépassement dialectique qui désigne le surgissement du nouveau, du différent au-delà de toutes les conditions déjà présentes dans la réalité… C’est dans cette rupture créatrice que Garaudy repère, chez Marx… une forme de transcendance qui est essentiellement dépassement de l’ordre présent». C’est cette conception que ses détracteurs, au premier rang desquels Michel Foucault et les althussériens, ont baptisé d’un ironique «chardino-marxisme», dont le livre de Garaudy «De l’anathème au dialogue» fut une sorte de «manifeste», et qu’il ne nous paraît pas aberrant de reprendre à notre compte. «Dans [ce] livre , écrit Didier Gauvin, il [Garaudy] cite élogieusement le père Teilhard de Chardin [qui] n’oppose jamais la foi en l’au-delà au combat terrestre… Face [aux] penseurs chrétiens qui s’efforcent de convaincre leur communauté de revaloriser le monde, il importe que les marxistes revalorisent la dimension de la transcendance comme dépassement dialectique». Entre tous les hommes de foi (foi en dieu ou foi en l’homme), ce dialogue est plus que jamais actuel et nécessaire. Teilhard en a formulé en 1924 les «principes fondamentaux» : «primat de la conscience», «foi en la vie», «foi en l’absolu», «priorité du tout».

A.R.

Le monde d'aujourd'hui est saisi d'une étrange maladie...

Le monde d’aujourd’hui est saisi d’une étrange maladie. Depuis une génération environ, nous avons été les témoins de la lente propagation de ce virus, qui se glisse dans nos veines, glace notre sang et dessèche nos cœurs. Nous lui cherchons vainement un vaccin : extrêmement contagieux, le mal se répand comme une traînée de poudre, faisant des ravages dans toutes les couches de la société. Ce cancer, c’est le stress, la forme la plus pernicieuse de la peur. (…) Cette peur triomphe aux quatre coins du globe, et rares sont ceux qui peuvent prétendre lui échapper.


Peur du chômage, peur des étrangers, peur de l’échec dans un univers compétitif, peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas trouver de logement, de manquer de nourriture, ou d’amour, peur de tomber malade, de périr d’ennui, peur de s’ouvrir aux autres, de vieillir, de ne plus séduire, de voir s’en aller les êtres aimés, peur de la solitude, peur de devoir prendre sa retraite, ou de ne jamais la toucher, peur des couloirs du métro, peur du qu’en dira-t-on, peur des ténèbres, peur du Diable, de l’envoûtement, de la "fatalité"… Peurs individuelles et collectives, peur du terrorisme, peur des trafiquants de drogue, de la délinquance, du sida, de la famine, de la pollution, peur de l’épée de Damoclès nucléaire, peur des manipulations génétiques, peur de tout. (…)