30 novembre 2016

Roger Garaudy est un oiseau rare. Entretien (1996)

CECI EST LE 1500 EME ARTICLE DE "ROGER GARAUDY A CONTRE-NUIT"


« Garaudy le prophétique »
Numéro 6 - 16 octobre 1996 - de la revue L'Autre histoire dirigée par André Chelain


EXTRAITS DE LA PRESENTATION :

Roger Garaudy est un oiseau rare. Chrétien, communiste, ex-communiste, musulman, un tel itinéraire inhabituel ne peut manquer d'étonner et donner prise à l'argument d'incohérence intellectuelle de la part de ses adversaires. Ceux-ci ont la part belle, car ils sont en mesure de le dénoncer et de le calomnier sans risque, dans la mesure où ils dénient le droit à la parole à l'homme qu'ils dénigrent.

Rarement la situation a été aussi caricaturale. Une grande partie de la presse s'est coalisée contre un hérétique des temps modernes qui incarne les

deux fantasmes les plus à la mode de la société française : la phobie de l'islam, de la population en général,
et le sionisme exacerbé d'une fraction importante

des juifs de France.

Dans ces conditions, les média ne pouvaient donner la parole à un homme

aussi peu respectueux des tabous actuels (1). Il n'aurait pas manqué de répondre à

ses détracteurs et, ce faisant, donner un nouvel écho à ses arguments.

La notoriété de Roger Garaudy est aussi un facteur nouveau et dérangeant.

Ce n'est plus un professeur de lettres inconnu, issu d'une université de deuxième

ordre, un retraité tout aussi inconnu, ou bien encore un agitateur gauchiste

qui publie un brûlot.

Roger Garaudy est un intellectuel respecté et mondialement connu. Notre

homme possède de la substance, de l'étoffe. Un long parcours politique l'a frotté

aux réalités de la vie et une profonde connaissance des rapports de force du

monde politique lui a décillé les yeux,

Garaudy connaît les puissances réelles qui animent la politique internationale.

Il sait quelles sont les vraies victimes de l’arrogance et du cynisme, non pas

celles d'il y a soixante ans, mais les martyrs d'aujourd'hui, de ceux que l'on

égorge, que l'on bombarde ou que Ton bastonne, sans que les bonnes âmes

s'émeuvent et protestent.

La publication, en supplément de la revue La Vieille Taupe, de son livre Les

Mythes fondateurs de la politique israélienne fut, à la fin de 1995, un coup de

tonnerre, te philosophe remettait en question les fondements idéologiques,

théologiques et mythologiques de la politique israélienne. Beaucoup de journalistes

ne semblent hélas pas avoir ressenti le besoin de lire ce livre, préférant

lancer l'anathème « négationniste » contre Roger Garaudy et enfermant ce dernier

dans le ghetto de ceux à qui le droit à la parole est refusé par la loi et par le

lobby dominant.

Mais cette fois-ci, les porte-parole de la nouvelle race des seigneurs ont

trouvé un homme qui a refusé de se laisser faire (2). Roger Garaudy n'est pas seul,

son engagement religieux lui a ouvert les portes d'un autre univers culturel,

celui des 600 raillions de musulmans du monde entier.

À Cordoue Roger Garaudy a créé une fondation pour commémorer l'héritage

musulman de l'Espagne. À Damas, Le Caire ou Amman, il est reçu par les

intellectuels, les chefs religieux et les responsables politiques.

Les journaux musulmans du monde entier se font l'écho de ses idées. Au

grand désespoir des sionistes, les Mythes fondateurs de la politique israélienne

se répand comme une traînée de poudre. Le philosophe ayant renoncé à tous

ses droits d'auteur, on dénombre déjà plusieurs éditions en arabe, en grec, en

portugais, en espagnol, en anglais.., Bref, ce livre deviendra le nouvel outil de

travail de tous ceux qui s'opposent à la volonté de domination planétaire d'une

minorité, aveuglée par une interprétation littérale de l'Ancien Testament,



Le soutien public que lui a apporté l'abbé Pierre fut un coup dur pour les

régents du système. La France entière, et une bonne partie de l'opinion éclairée

des autres pays, découvrait que ces opinions sacrilèges pouvaient être partagées

au-delà du seul cercle des révisionnistes connus.


Du jour au lendemain l'homme le plus aimé de France devient à son tour la

cible d'attaques vicieuses. Le saint homme se transforme en vieillard sénile. À

la demande des dirigeants juifs, l'Église se désolidarise de l'abbé, et le cardinal

de Paris, tout en lui adressant une lettre affectueuse, l'attaque dans les

colonnes de... Tribune juive !

Nous avons voulu nous entretenir avec Roger Garaudy afin de lui donner la

possibilité de répondre à ses détracteurs. Nous l'avons rencontré, vers la fin de

l'été (1996), dans sa maison des bords de Marne, décorée avec soin d'oeuvres

d'art rapportées des quatre coins du monde.



Pour l'entretien en intégralité:



L'ENTRETIEN EN INTEGRALITE:


Photo Alain BUU. Gamma.Getty Images. 1996


André Chelain ; Pouvez-vous présenter en quelques mots votre itinéraire

philosophique?

Roger Garaudy : À l'origine, je suis un philosophe, j'ai toujours voulu donner

un sens à la vie de l'homme. Tout au long de ma carrière, j'ai suivi un principe

simple, combattre 2000 ans de philosophie de l'être au profit d'une philosophie

de l'action dont j'ai puisé les éléments fondateurs chez Fichte, Hegel et,

surtout, Marx, Toutefois, j'ai également ressenti très vite qu'il manquait une

dimension à cette philosophie, celle de la transcendance, j'étais convaincu

qu'une philosophie de l'acte avait davantage besoin de transcendance que de

déterminisme.

Le fait que le déterminisme soit un conservatisme a, par exemple, été bien

compris par un homme aussi éloigné de moi que Maurras. Voilà pourquoi j'ai,

dès 1933, été passionné par l'idée de la transcendance et que j'ai pensé

l'homme dans toutes ses dimensions, Une des clefs de la transcendance était à

mes yeux la personnalité de Jésus (mais non pas telle qu'elle nous est rapportée

par saint Paul), Jésus rompait avec la notion de Dieu héritée de la Tbora, ce

Dieu vengeur, ordonnateur de sacrifices et imposant sa volonté du haut vers le

bas comme un Moloch, Jésus inaugurait à mes yeux une nouvelle transcendance,

celle des humbles, celle qui va du bas vers le haut, Cette transcendance

ennoblissait l'homme, ne l'écrasait pas.

Ayant aussi au coeur de ma pensée la volonté marxiste de transformer le

monde et non pas celle de me limiter à l'interpréter, j'ai été porté à m'intéresser

à l'islam. Mahomet nous enseigne que Dieu n'a pas créé le monde une fois

pour toutes. Le Coran nous dit que l'homme est son khalife. J'avais compris cet

aspect des choses dès 1948, lorsque j'ai publié le roman Le 8ee jour de la création.
Voilà, résumées en peu de mots mes idées philosophiques de base.




A. C. ; Comment avez-vous fait votre entrée dans le Parti communiste ?

R. G. ;Après la Seconde Guerre mondiale, le Parti communiste semblait

être le seul acteur réel de transformation de la société française et du monde.

Après les horreurs des années quarante, il apportait un véritable espoir de

changement, Mes convictions philosophiques et ma volonté personnelle de

contribuer à l'unification du monde m'y conduisaient donc très naturellement,

Toutefois, mon premier engagement, je ne l'ai pas vécu au sein du communisme,

mais dans la foi. Au grand étonnement de mon père qui était libre-penseur,

j'avais rejoint auparavant le protestantisme qui me permettait de mieux

vivre mon exigence relieuse.

J'ai pris ma carte au Parti communiste alors que j'avais des responsabilités

au sein du mouvement des étudiants protestants, Le Parti n'a fait aucune difficulté

à mon adhésion, bien au contraire. En revanche, mes amis protestants

m'ont demandé de choisir entre mes convictions religieuses et politiques. Au

sein du Parti, j'ai conservé l'intérêt que je portais aux religions et à la dimension

spirituelle de l'homme, En 1958, j'ai animé des dialogues avec des chrétiens. J'ai

même publié dans les Cahiers du communisme un article très favorable aux

interrogations de l'Église catholique au moment du concile Vatican II.

Évidemment, mes orientations ne plaisaient pas à tous les communistes.

Mais je n'étais pas pour autant isolé. Avec les camarades qui partageaient mes

convictions, lombarde Radice du Parti communiste italien et Manuel Ascarate

du Parti communiste espagnol, nous étions surnommés les trois mousquetaires.

Face à nous, nous pouvions compter sur des théologiens d'une grande

valeur comme Chenu, Rahner, J. Moldeman, le père Cafarena, A. Bolardo avec

qui nous avons défriché des chemins permettant une fécondation réciproque.



A. G : Comment s'est faite votre évolution vers l'islam ?

R, G. : L'islam, dans le Coran, n'est pas une religion nouvelle, mais le rappel

de la religion fondamentale et première depuis que Dieu a insufflé son esprit

dans le premier homme.

Cette religion des origines a été interprétée différemment selon les lieux et

selon les cultures. On ne peut pas enserrer Dieu d'une seule perspective. Ce

n’est pas de l'éclectisme, mais l'acceptation de sa transcendance. Je ne nie pas

les différences qui existent entre le christianisme et l'islam, notamment sur le

plan de la pratique religieuse, mais j'affirme que l'on peut se dire chrétien et

musulman car mon but est de faire comprendre au plus grand nombre qu'il

n'existe qu'une seule foi.



A. C. : Vous affirmez que l'on peut se dire chrétien et musulman, le cardinal

de Paris affirme quant à lui que l'on peut se dire juif et chrétien. Peut-on

alors se dire juif et musulman ?

R, G. : Le cardinal Lustiger affecte d'oublier qu'il existe une rupture fondamentale,

essentielle, entre le Dieu de la Thora et le Dieu de Jésus, Cette rupture

n'existe pas entre le christianisme et l'islam qui ne comportent pas l'idée

de « peuple élu », Le cardinal s'abuse lui-même lorsqu'il prétend que l'on peut

être à la fois juif et chrétien, A moins qu'il ne veuille abuser les autres.



A. C. : Comment voyez-vous la continuité entre le christianisme et

l'islam?

R. G. : Les grands soufis musulmans affirment qu'un chrétien qui devient

musulman ne change pas de religion. Pour Ibn Arabi, Jésus est le sceau de la sainteté,

Il serait naïf d'ignorer les différences entre les deux religions, mais ce qui est

commun aux deux religions est plus important que ce qui les sépare. L'islam n'est

pas plus la propriété des Arabes que le christianisme n'est l'apanage des Européens.



A. C. : Comment vivez-vous votre islam ?

R. G. : Vivre l'islam, c'est vouloir être un avec le tout, J'utilise à dessein

cette phrase car elle a été écrite par un taoïste, Rien de mieux pourtant pour

définir mon vécu islamique ! Élargissons la perspective et abordons la chari'a

(telle qu'elle est définie dans le Coran dans la sourate 42, verset 13, et qui la

considère commune à toutes les religions). Le livre saint nous demande d'agir

selon les trois principes suivants :

• « Dieu seul possède. » Selon le Coran, la notion de propriété absolue

n'existe pas (contrairement au droit romain). On n'est que le gérant des biens

que vous confie Dieu. Par exemple, un paysan qui ne cultive pas sa terre peut

en être dépossédé pour qu'elle soit confiée à un cultivateur qui la travaille,

• « Dieu seul commande. » Il ne s'agit pas bien sûr d'une affirmation théocratique,

mais bien au contraire l'affirmation que nul ne peut parler au nom de

Dieu et nul ne peut commander les hommes en son nom.

• « Dieu seul sait, » Ce principe rend possible toute discussion et tout

révisionnisme, car si seul Dieu sait, les hommes peuvent se tromper et nul ne

peut affirmer posséder la vérité.

Être musulman c'est agir en respectant ces trois principes, car c'est agir

humainement. Tout le reste dépend du contexte culturel.



A, C. : Comment s'est faite votre rupture avec le parti communiste ?

R. G, : Ma rupture remonte à 1968. Dans ce phénomène social, il fallait voir

plus loin que l'anarchie apparente,

Pour moi ce mouvement exprimait le sentiment que le système était plus

dangereux par ses succès que par ses échecs. En fait, ils remettaient en cause le

principe même de cette société. Malheureusement, le Parti communiste n'a pas

compris la signification du phénomène qui se déroulait sous ses yeux, J'ai eu

l'occasion de dire à Georges Marchais : « Tu seras le fossoyeur du Parti ». Ma

prédiction s'est réalisée, le Parti est tombé sur les bas côtés de l'histoire, car il n'a

pas été capable de voir et de comprendre ce qui se passait sous ses yeux.



A. C. : Vous avez donc quitté le parti ?

R, G. : Je n'ai pas quitté le Parti, c'est le parti qui m'a exclu en 1970 lorsque

j'ai dit : « l'Union soviétique n'est pas un pays socialiste ».



A. C, : À quelle occasion avez-vous prononcé ces paroles ?

R. G, : Au moment de l'invasion de la Tchécoslovaquie.



A. C. : Vous auriez pu prononcer les mêmes mots lors de l'invasion de la

Hongrie en 1956?

R. G. : Non, je n'ai pas condamné cette opération militaire, il faut se souvenir

que la Hongrie fut un allié fidèle de Hitler durant la Seconde Guerre mondiale,

Le succès de la contre-révolution en Hongrie aurait entraîné un risque

sérieux d'apparition d'un État fasciste au coeur de l'Europe. Le régent Horthy,

réfugié au Portugal, manifestait bruyamment son enthousiasme. De Gaulle se

taisait car lui aussi avait compris le danger pour l'Europe d'une résurgence du

fascisme hongrois. Rappelez-vous que 70 000 ex-gendarmes de Horthy sont

entrés en Hongrie à cette époque pour abattre le régime socialiste (3).

le cas tchèque était totalement différent. Le contexte n'avait rien à voir, On

risquait tout au plus le retour d'une république bourgeoise. Tout cela ne justifiait

pas une invasion.



A. C. : Qu'avez-vous fait après votre exclusion du parti?

R. G. : Ce fut un des moments les plus pénibles de mon existence. J'ai

même songé au suicide. J'ai renoué avec mes activités de professeur et j'ai

repris mes recherches en faveur d'une alternative. En 1974, j'ai créé un Institut

international pour le dialogue des cultures car j'avais conscience que notre

grande erreur était d'être restés des Occidentaux. Nous devions nous ouvrir au

monde et aux autres grandes cultures, l'islam, l'hindouisme, la Chine...

C'est en ayant pour objectif cette ambition d'unifier spirituellement le

monde que j'ai entrepris de m'attaquer aux intégrismes.

Dans mon livre Avons-nous besoin de Dieu ? j'ai critiqué l'intégrisme catholique

romain en écrivant notamment que Jésus, à la différence de saint Paul, ne

peut fonder des théologies de la domination. Ensuite, j'ai publié Grandeur et

décadences de l'Islam, où je dénonce l'islamisme, maladie de l'islam. Enfin,

dans mon dernier ouvrage, les Mythes fondateurs de la politique israélienne,

j'analyse l'hérésie sioniste qui remplace le Dieu d'Israël par l'État d'Israël.



A, C. : Quelles furent les réactions soulevées par ces livres ?

R. G. : Pour les deux premiers, les réactions normales que suscite toute

polémique. Ce qui est en soi normal et fécond. Mon livre sur l'islam a trouvé

un accueil enthousiaste parmi le peuple, j'ai reçu l'appui des intellectuels et j'ai

déclenché la colère des dirigeants.



A, C. : Quelle a été la genèse du livre les Mythes fondateurs de la politique

israélienne ?

R, G, : Ma démarche est avant tout politique. Je ne m'intéresse pas aux

points de détail de l'histoire. Je considère que le meurtre de juifs durant la

Seconde Guerre mondiale est un fait.

Je m'intéresse en revanche bien plus au rôle d'Israël en tant que bastion

avancé de l'Occident contre la barbarie ainsi que le voulait Herzl, le fondateur

du sionisme, Aujourd'hui la prophétie de Herzl s'est réalisée, mais au profit

des États-Unis. Les Américains sont un coin enfoncé dans le monde non-occidental

et Israël est leur avant-garde dans une région cruciale pour l'avenir du

monde, le Proche Orient,

Il existe des relations ambiguës entre ces deux pays. Sans les États-Unis,

Israël ne peut pas exister et, en contre partie de l'appui financier américain,

l'État sioniste sert les intérêts de Washington. D'un autre côté, les sionistes

jouent un rôle considérable aux États-Unis dans la vie politique et médiatique.

En soutenant les intérêts de l'État sioniste, les présidents des États-Unis assurent

leurs arrières. Sachez qu'ïsraél a été condamné 197 fois par l'ONU sans que

cela ait la moindre conséquence. Je me suis donc posé la question : comment un

peuple peut-il se placer à ce point au-dessus des lois ? J'ai donc cherché des justifications

mythologiques, idéologiques et je me suis interrogé sur l'exploitation

historique des persécutions des juifs durant le dernier conflit mondial.



A, C. : Pourquoi avez-vous confié votre manuscrit à la Vieille Taupe ?

R. G. : La liberté d'expression en France est non seulement restreinte par la

toi, mais aussi par les éléments les plus radicaux au service du lobby. Prenons

l'exemple de mes deux précédents livres, L'affaire Israël, son éditeur (4) n'a pas

pu faire diffuser le livre et a connu des difficultés telles qu'il a fait faillite, le suivant,

La Palestine, terre des messages divins (5), les libraires qui osaient le

mettre en vente recevaient des messages de menace et s'ils persévéraient, des

pierres dans la vitrine.

Je me suis trouvé avec un manuscrit qui risquait de causer de graves

troubles à l'éditeur qui aurait accepté de le publier. C'était pour moi un cas de

conscience, Pierre Guillaume, qui avait eu connaissance de l'existence de ce

manuscrit, s'est offert pour le publier, j'ai accepté cette solution, Je regrette

seulement que cette décision ait permis à des critiques malveillants et malhonnêtes

de m'associer aux thèses de Robert Faurisson.

Pierre Guillaume a publié mon texte dans la publication qu'il réserve à ses

amis, ce qui en fait un courrier personnel. Par conséquent, toute poursuite

contre lui est illégale.

Un abonné de Pierre Guillaume a remis un exemplaire au MRAP qui a

annoncé urbi et orbi qu'il allait porter plainte contre moi. En réalité, c'est une

dissidence de l'association de déportés dont je fais partie qui a porté plainte au

titre de la loi Gayssot.

N'est-il pas extraordinaire de constater que la LICRA a jugé bon d'exclure

l'abbé Pierre de ses rangs pour m'avoir apporté son soutien ?

Quel paradoxe ! J'étais déporté avec Bernard Lecache, le fondateur de la

LICRA. Dans le camp, j'assurais les cours clandestins sur les prophètes d'Israël

Bernard m'apportait le concours de sa mémoire, car il connaissait les textes mieux

que moi. Un vieux verrier athée, est venu me voir un soir, après une lecture du

prophète Amos, Il m'a dit : « Ton truc me donne un renforcement de courage ».

Eh bien, ce sont des mots comme ceux-là qui justifient une vie.

Dans la même veine, une journaliste du Figaro m'a avoué avoir téléphoné

au MRAP pour avoir des renseignements sur la plainte que cette association

allait déposer contre moi, et elle a eu la stupéfaction d'apprendre de la bouche

même de l'avocat de cette association qu'il n'avait même pas lu mon livre ! En

définitive, sans le claironner, le MRAP n'a pas porté plainte.

la plainte déposée contre moi m'a valu une convocation par la police judiciaire.

Les fonctionnaires ont été d'une correction parfaite. En juin 1996, j'ai

été convoqué par un juge d'instruction qui me signifia ma mise en examen au

titre de la funeste loi Gayssot. Je me suis rendu au Palais de justice de Paris,

accompagné par mon conseil, Me Jacques Vergés, où j'ai rencontré un magistrat

d'une grande civilité. Nous avons consulté le dossier et mon avocat et moi

avons constaté qu'il était vide de tout argument sérieux.

Selon toute évidence, certains préféreraient enterrer l'affaire car le prétoire

m'offrirait une tribune de plus pour m'adresser aux citoyens honnêtes.



A C. : Quel peut être l'impact de votre livre sur les milieux juifs et sionistes?

R. G. : Vous faites bien de distinguer les deux éléments du peuple juif. Le

sionisme est aujourd'hui la fraction dominante au sein de la communauté juive

car il! flatte les passions nationales et l'orgueil tribal. Mais il existe des juifs qui

n'ont pas accepté l'hérésie sioniste et qui voient les dangers qu'elle comporte

pour l'âme de leur peuple et pour leur foi.

Il est difficile de percevoir l'impact de cet ouvrage sur tes sionistes, je crois

qu'il peut exacerber leurs divisions, entre la gauche travailliste, traditionnellement

pro-britannique  puis pro-américaine, en d'autres termes, les juifs occidentalisés;
et la droite israélienne, héritière du groupe Stem, celui qui offrait à

l'Allemagne hidérienne son alliance militaire et qui aujourd'hui s'engage dans

le nationalisme le plus exacerbé.

Je souhaite que ce livre puisse être traduit au plus vite en hébreu et publié

en Israël pour susciter dans ce pays un véritable débat public. Car Israël n'a

d'avenir dans le concert des peuples que s'il est « dé-sionisé », c'est-à-dire s'il

devient fidèle à l'admirable foi juive de ses prophètes : celle qui ne vise pas à la

conquête militaire nationaliste et colonialiste, mais au rayonnement du message

divin sur la terre entière.



Notes

(1) À la notable exception du Figaro qui a publié quelques extraits des

droits de réponse envoyés par Roger Garaudy.

 (2) Une Association Roger Garaudy pour le dialogue des cultures a été

créée en 1997.

(3) Le chiffre de 70 000 gendarmes avancés par Roger Garaudv nous semble

extrêmement exagéré.

(4) Éditions Papyrus, 1983.

(5) Éditions Albatros, 1986.