CECI EST LE 1500 EME ARTICLE DE "ROGER GARAUDY A CONTRE-NUIT"
« Garaudy le prophétique »
Numéro 6 - 16 octobre 1996 - de la revue L'Autre
histoire dirigée par André Chelain
EXTRAITS DE LA
PRESENTATION :
Roger Garaudy est un oiseau rare.
Chrétien, communiste, ex-communiste, musulman, un tel itinéraire
inhabituel ne peut manquer d'étonner et donner prise à l'argument d'incohérence
intellectuelle de la part de ses adversaires. Ceux-ci ont la part belle, car ils sont en
mesure de le dénoncer et de le calomnier sans risque, dans la mesure où ils dénient le
droit à la parole à l'homme qu'ils dénigrent.
Rarement la situation a été aussi
caricaturale. Une grande partie de la presse s'est coalisée contre un
hérétique des temps modernes qui incarne les
deux fantasmes les plus à la mode
de la société française : la phobie de l'islam, de la population en général,
et le sionisme exacerbé d'une fraction importante
et le sionisme exacerbé d'une fraction importante
des juifs de France.
Dans ces conditions, les média ne
pouvaient donner la parole à un homme
aussi peu respectueux des tabous
actuels (1). Il n'aurait pas manqué de répondre à
ses détracteurs et, ce faisant,
donner un nouvel écho à ses arguments.
La notoriété de Roger Garaudy est
aussi un facteur nouveau et dérangeant.
Ce n'est plus un professeur de
lettres inconnu, issu d'une université de deuxième
ordre, un retraité tout aussi
inconnu, ou bien encore un agitateur gauchiste
qui publie un brûlot.
Roger Garaudy est un intellectuel
respecté et mondialement connu. Notre
homme possède de la substance, de
l'étoffe. Un long parcours politique l'a frotté
aux réalités de la vie et une
profonde connaissance des rapports de force du
monde politique lui a décillé les
yeux,
Garaudy connaît les puissances
réelles qui animent la politique internationale.
Il sait quelles sont les vraies
victimes de l’arrogance et du cynisme, non pas
celles d'il y a soixante ans,
mais les martyrs d'aujourd'hui, de ceux que l'on
égorge, que l'on bombarde ou que
Ton bastonne, sans que les bonnes âmes
s'émeuvent et protestent.
La publication, en supplément de
la revue La Vieille Taupe, de son
livre Les
Mythes fondateurs
de la politique israélienne fut, à la fin de
1995, un coup de
tonnerre, te philosophe remettait
en question les fondements idéologiques,
théologiques et mythologiques de
la politique israélienne. Beaucoup de journalistes
ne semblent hélas pas avoir
ressenti le besoin de lire ce livre, préférant
lancer l'anathème « négationniste
» contre Roger Garaudy et enfermant ce dernier
dans le ghetto de ceux à qui le
droit à la parole est refusé par la loi et par le
lobby dominant.
Mais cette fois-ci, les porte-parole
de la nouvelle race des seigneurs ont
trouvé un homme qui a refusé de
se laisser faire (2). Roger Garaudy n'est pas seul,
son engagement religieux lui a
ouvert les portes d'un autre univers culturel,
celui des 600 raillions de
musulmans du monde entier.
À Cordoue Roger Garaudy a créé
une fondation pour commémorer l'héritage
musulman de l'Espagne. À Damas,
Le Caire ou Amman, il est reçu par les
intellectuels, les chefs
religieux et les responsables politiques.
Les journaux musulmans du monde
entier se font l'écho de ses idées. Au
grand désespoir des sionistes, les
Mythes fondateurs de la politique israélienne
se répand comme une traînée de
poudre. Le philosophe ayant renoncé à tous
ses droits d'auteur, on dénombre
déjà plusieurs éditions en arabe, en grec, en
portugais, en espagnol, en
anglais.., Bref, ce livre deviendra le nouvel outil de
travail de tous ceux qui
s'opposent à la volonté de domination planétaire d'une
Le soutien public que lui a
apporté l'abbé Pierre fut un coup dur pour les
régents du système. La France
entière, et une bonne partie de l'opinion éclairée
des autres pays, découvrait que
ces opinions sacrilèges pouvaient être partagées
au-delà du seul cercle des
révisionnistes connus.
Du jour au lendemain l'homme le
plus aimé de France devient à son tour la
cible d'attaques vicieuses. Le
saint homme se transforme en vieillard sénile. À
la demande des dirigeants juifs,
l'Église se désolidarise de l'abbé, et le cardinal
de Paris, tout en lui adressant
une lettre affectueuse, l'attaque dans les
colonnes de... Tribune juive !
Nous avons voulu nous entretenir
avec Roger Garaudy afin de lui donner la
possibilité de répondre à ses
détracteurs. Nous l'avons rencontré, vers la fin de
l'été (1996), dans sa maison des
bords de Marne, décorée avec soin d'oeuvres
d'art rapportées des quatre coins
du monde.
L'ENTRETIEN EN INTEGRALITE:
Photo Alain BUU. Gamma.Getty Images. 1996 |
André Chelain ; Pouvez-vous
présenter en quelques mots votre itinéraire
philosophique?
Roger Garaudy : À l'origine, je
suis un philosophe, j'ai toujours voulu donner
un sens à la vie de l'homme. Tout
au long de ma carrière, j'ai suivi un principe
simple, combattre 2000 ans de
philosophie de l'être au profit d'une philosophie
de l'action dont j'ai puisé les
éléments fondateurs chez Fichte, Hegel et,
surtout, Marx, Toutefois, j'ai
également ressenti très vite qu'il manquait une
dimension à cette philosophie,
celle de la transcendance, j'étais convaincu
qu'une philosophie de l'acte
avait davantage besoin de transcendance que de
déterminisme.
Le fait que le déterminisme soit
un conservatisme a, par exemple, été bien
compris par un homme aussi
éloigné de moi que Maurras. Voilà pourquoi j'ai,
dès 1933, été passionné par
l'idée de la transcendance et que j'ai pensé
l'homme dans toutes ses
dimensions, Une des clefs de la transcendance était à
mes yeux la personnalité de Jésus
(mais non pas telle qu'elle nous est rapportée
par saint Paul), Jésus rompait
avec la notion de Dieu héritée de la Tbora, ce
Dieu vengeur, ordonnateur de
sacrifices et imposant sa volonté du haut vers le
bas comme un Moloch, Jésus
inaugurait à mes yeux une nouvelle transcendance,
celle des humbles, celle qui va
du bas vers le haut, Cette transcendance
ennoblissait l'homme, ne
l'écrasait pas.
Ayant aussi au coeur de ma pensée
la volonté marxiste de transformer le
monde et non pas celle de me
limiter à l'interpréter, j'ai été porté à m'intéresser
à l'islam. Mahomet nous enseigne
que Dieu n'a pas créé le monde une fois
pour toutes. Le Coran nous dit
que l'homme est son khalife. J'avais compris cet
aspect des choses dès 1948, lorsque
j'ai publié le roman Le 8ee jour de la création.
Voilà, résumées en peu de mots mes idées philosophiques de base.
Voilà, résumées en peu de mots mes idées philosophiques de base.
A. C. ; Comment avez-vous fait
votre entrée dans le Parti communiste ?
R. G. ;Après la Seconde Guerre
mondiale, le Parti communiste semblait
être le seul acteur réel de
transformation de la société française et du monde.
Après les horreurs des années
quarante, il apportait un véritable espoir de
changement, Mes convictions
philosophiques et ma volonté personnelle de
contribuer à l'unification du
monde m'y conduisaient donc très naturellement,
Toutefois, mon premier
engagement, je ne l'ai pas vécu au sein du communisme,
mais dans la foi. Au grand
étonnement de mon père qui était libre-penseur,
j'avais rejoint auparavant le
protestantisme qui me permettait de mieux
vivre mon exigence relieuse.
J'ai pris ma carte au Parti
communiste alors que j'avais des responsabilités
au sein du mouvement des
étudiants protestants, Le Parti n'a fait aucune difficulté
à mon adhésion, bien au
contraire. En revanche, mes amis protestants
m'ont demandé de choisir entre
mes convictions religieuses et politiques. Au
sein du Parti, j'ai conservé
l'intérêt que je portais aux religions et à la dimension
spirituelle de l'homme, En 1958,
j'ai animé des dialogues avec des chrétiens. J'ai
même publié dans les Cahiers
du communisme un article très favorable aux
interrogations de l'Église
catholique au moment du concile Vatican II.
Évidemment, mes orientations ne
plaisaient pas à tous les communistes.
Mais je n'étais pas pour autant
isolé. Avec les camarades qui partageaient mes
convictions, lombarde Radice du
Parti communiste italien et Manuel Ascarate
du Parti communiste espagnol,
nous étions surnommés les trois mousquetaires.
Face à nous, nous pouvions
compter sur des théologiens d'une grande
valeur comme Chenu, Rahner, J.
Moldeman, le père Cafarena, A. Bolardo avec
qui nous avons défriché des
chemins permettant une fécondation réciproque.
A. G : Comment s'est faite
votre évolution vers l'islam ?
R, G. : L'islam, dans le Coran,
n'est pas une religion nouvelle, mais le rappel
de la religion fondamentale et
première depuis que Dieu a insufflé son esprit
dans le premier homme.
Cette religion des origines a été
interprétée différemment selon les lieux et
selon les cultures. On ne peut pas enserrer Dieu d'une seule
perspective. Ce
n’est pas de l'éclectisme, mais
l'acceptation de sa transcendance. Je ne nie pas
les différences qui existent
entre le christianisme et l'islam, notamment sur le
plan de la pratique religieuse,
mais j'affirme que l'on peut se dire chrétien et
musulman car mon but est de faire
comprendre au plus grand nombre qu'il
n'existe qu'une seule foi.
A. C. : Vous affirmez que l'on
peut se dire chrétien et musulman, le cardinal
de Paris affirme
quant à lui que l'on peut se dire juif et chrétien. Peut-on
alors se dire
juif et musulman ?
R, G. : Le cardinal Lustiger
affecte d'oublier qu'il existe une rupture fondamentale,
essentielle, entre le Dieu de la
Thora et le Dieu de Jésus, Cette rupture
n'existe pas entre le
christianisme et l'islam qui ne comportent pas l'idée
de « peuple élu », Le cardinal
s'abuse lui-même lorsqu'il prétend que l'on peut
être à la fois juif et chrétien,
A moins qu'il ne veuille abuser les autres.
A. C. : Comment
voyez-vous la continuité entre le christianisme et
l'islam?
R. G. : Les grands soufis
musulmans affirment qu'un chrétien qui devient
musulman ne change pas de religion.
Pour Ibn Arabi, Jésus est le sceau de la sainteté,
Il serait naïf d'ignorer les
différences entre les deux religions, mais ce qui est
commun aux deux religions est
plus important que ce qui les sépare. L'islam n'est
pas plus la propriété des Arabes
que le christianisme n'est l'apanage des Européens.
A. C. : Comment
vivez-vous votre islam ?
R. G. : Vivre l'islam, c'est
vouloir être un avec le tout, J'utilise à dessein
cette phrase car elle a été
écrite par un taoïste, Rien de mieux pourtant pour
définir mon vécu islamique !
Élargissons la perspective et abordons la chari'a
(telle qu'elle est définie dans
le Coran dans la sourate 42, verset 13, et qui la
considère commune à toutes les
religions). Le livre saint nous demande d'agir
selon les trois principes
suivants :
• « Dieu seul possède. » Selon le
Coran, la notion de propriété absolue
n'existe pas (contrairement au
droit romain). On n'est que le gérant des biens
que vous confie Dieu. Par
exemple, un paysan qui ne cultive pas sa
terre
peut
en être dépossédé pour qu'elle
soit confiée à un cultivateur qui la travaille,
• « Dieu seul commande. » Il ne
s'agit pas bien sûr d'une affirmation théocratique,
mais bien au contraire
l'affirmation que nul ne peut parler au nom de
Dieu et nul ne peut commander les
hommes en son nom.
• « Dieu seul sait, » Ce principe
rend possible toute discussion et tout
révisionnisme, car si seul Dieu
sait, les hommes peuvent se tromper et nul ne
peut affirmer posséder la vérité.
Être musulman c'est agir en
respectant ces trois principes, car c'est agir
humainement. Tout le reste dépend
du contexte culturel.
A, C. : Comment s'est faite
votre rupture avec le parti communiste ?
R. G, : Ma rupture
remonte à 1968. Dans ce phénomène social, il fallait voir
plus loin que l'anarchie
apparente,
Pour moi ce mouvement exprimait
le sentiment que le système était plus
dangereux par ses succès que par
ses échecs. En fait, ils remettaient en cause le
principe même de cette société.
Malheureusement, le Parti communiste n'a pas
compris la signification du
phénomène qui se déroulait sous ses yeux, J'ai eu
l'occasion de dire à Georges Marchais : «
Tu seras le fossoyeur du Parti ». Ma
prédiction s'est réalisée, le
Parti est tombé sur les bas côtés de l'histoire, car il n'a
pas été capable de voir et de
comprendre ce qui se passait sous ses yeux.
A. C. : Vous avez donc quitté
le parti ?
R, G. : Je n'ai pas quitté le
Parti, c'est le parti qui m'a exclu en 1970 lorsque
j'ai dit : « l'Union soviétique
n'est pas un pays socialiste ».
A. C, : À quelle occasion
avez-vous prononcé ces paroles ?
R. G, : Au moment de l'invasion
de la Tchécoslovaquie.
A. C. : Vous auriez pu
prononcer les mêmes mots lors de l'invasion de la
Hongrie en 1956?
R. G. : Non, je n'ai pas condamné
cette opération militaire, il faut se souvenir
que la Hongrie fut un allié
fidèle de Hitler durant la Seconde Guerre mondiale,
Le succès de la contre-révolution
en Hongrie aurait entraîné un risque
sérieux d'apparition d'un État
fasciste au coeur de l'Europe. Le
régent Horthy,
réfugié au Portugal, manifestait
bruyamment son enthousiasme. De Gaulle se
taisait car lui aussi avait
compris le danger pour l'Europe d'une résurgence du
fascisme hongrois. Rappelez-vous
que 70 000 ex-gendarmes
de
Horthy sont
entrés en Hongrie à cette époque
pour abattre le régime socialiste (3).
le cas tchèque était totalement
différent. Le contexte n'avait rien à voir, On
risquait tout au plus le retour
d'une république bourgeoise. Tout cela ne justifiait
pas une invasion.
A. C. : Qu'avez-vous fait
après votre exclusion du parti?
R. G. : Ce fut un des moments les
plus pénibles de mon existence. J'ai
même songé au suicide. J'ai
renoué avec mes activités de professeur et j'ai
repris mes recherches en faveur
d'une alternative. En 1974, j'ai créé un Institut
international pour le dialogue
des cultures car j'avais conscience que notre
grande erreur était d'être restés
des Occidentaux. Nous devions nous ouvrir au
monde et aux autres grandes
cultures, l'islam, l'hindouisme, la Chine...
C'est en ayant pour objectif
cette ambition d'unifier spirituellement le
monde que j'ai entrepris de
m'attaquer aux intégrismes.
Dans mon livre Avons-nous
besoin de Dieu ? j'ai critiqué l'intégrisme catholique
romain en écrivant notamment que
Jésus, à la différence de saint Paul, ne
peut fonder des théologies de la
domination. Ensuite, j'ai publié Grandeur et
décadences de
l'Islam, où
je dénonce l'islamisme, maladie de l'islam. Enfin,
dans mon dernier ouvrage, les
Mythes fondateurs de la politique israélienne,
j'analyse l'hérésie sioniste qui
remplace le Dieu d'Israël par l'État d'Israël.
A, C. : Quelles furent les
réactions soulevées par ces livres ?
R. G. : Pour les deux premiers,
les réactions normales que suscite toute
polémique. Ce qui est en soi normal
et fécond. Mon livre sur l'islam a trouvé
un accueil enthousiaste parmi le
peuple, j'ai reçu l'appui des intellectuels et j'ai
déclenché la colère des
dirigeants.
A, C. : Quelle a été la genèse du livre les Mythes fondateurs de la politique
israélienne
?
R, G, : Ma démarche est avant
tout politique. Je ne m'intéresse pas aux
points de détail de l'histoire.
Je considère que le meurtre de juifs durant la
Seconde Guerre mondiale est un
fait.
Je m'intéresse en revanche bien
plus au rôle d'Israël en tant que bastion
avancé de l'Occident contre la
barbarie ainsi que le voulait Herzl, le fondateur
du sionisme, Aujourd'hui la
prophétie de Herzl s'est réalisée, mais au profit
des États-Unis. Les Américains
sont un coin enfoncé dans le monde non-occidental
et Israël est leur avant-garde
dans une région cruciale pour l'avenir du
monde, le Proche Orient,
Il existe des relations ambiguës
entre ces deux pays. Sans les États-Unis,
Israël ne peut pas exister et, en
contre partie de l'appui financier américain,
l'État sioniste sert les intérêts
de Washington. D'un autre côté, les sionistes
jouent un rôle considérable aux
États-Unis dans la vie politique et médiatique.
En soutenant les intérêts de
l'État sioniste, les présidents des États-Unis assurent
leurs arrières. Sachez qu'ïsraél
a été condamné 197 fois par l'ONU sans que
cela ait la moindre conséquence.
Je me suis donc posé la question : comment un
peuple peut-il se placer à ce
point au-dessus des lois ? J'ai donc cherché des justifications
mythologiques, idéologiques et je
me suis interrogé sur l'exploitation
historique des persécutions des
juifs durant le dernier conflit mondial.
A, C. : Pourquoi avez-vous
confié votre manuscrit à la Vieille Taupe ?
R. G. : La liberté
d'expression en France est non seulement restreinte par la
toi, mais aussi par les éléments
les plus radicaux au service du lobby. Prenons
l'exemple de mes deux précédents
livres, L'affaire Israël, son éditeur (4) n'a pas
pu faire diffuser le livre et a
connu des difficultés telles qu'il a fait faillite, le suivant,
La Palestine,
terre des messages divins (5), les libraires qui osaient le
mettre en vente recevaient des
messages de menace et s'ils persévéraient, des
pierres dans la vitrine.
Je me suis trouvé avec un
manuscrit qui risquait de causer de graves
troubles à l'éditeur qui aurait
accepté de le publier. C'était pour moi un cas de
conscience, Pierre Guillaume, qui
avait eu connaissance de l'existence de ce
manuscrit, s'est offert pour le
publier, j'ai accepté cette solution, Je regrette
seulement que cette décision ait
permis à des critiques malveillants et malhonnêtes
de m'associer aux thèses de
Robert Faurisson.
Pierre Guillaume a publié mon
texte dans la publication qu'il réserve à ses
amis, ce qui en fait un courrier
personnel. Par conséquent, toute poursuite
contre lui est illégale.
Un abonné de Pierre Guillaume a
remis un exemplaire au MRAP qui a
annoncé urbi et orbi qu'il
allait porter plainte contre moi. En réalité, c'est une
dissidence de l'association de
déportés dont je fais partie qui a porté plainte au
titre de la loi Gayssot.
N'est-il pas extraordinaire de
constater que la LICRA a jugé bon d'exclure
l'abbé Pierre de ses rangs pour
m'avoir apporté son soutien ?
Quel paradoxe ! J'étais déporté
avec Bernard Lecache, le fondateur de la
LICRA. Dans le camp, j'assurais
les cours clandestins sur les prophètes d'Israël
Bernard m'apportait le concours
de sa mémoire, car il connaissait les textes mieux
que moi. Un vieux verrier athée,
est venu me voir un soir, après une lecture du
prophète Amos, Il m'a dit : « Ton
truc me donne un renforcement de courage ».
Eh bien, ce sont des mots comme
ceux-là qui justifient une vie.
Dans la même veine, une
journaliste du Figaro m'a avoué avoir téléphoné
au MRAP pour avoir des
renseignements sur la plainte que cette association
allait déposer contre moi, et
elle a eu la stupéfaction d'apprendre de la bouche
même de l'avocat de cette
association qu'il n'avait même pas lu mon livre ! En
définitive, sans le claironner,
le MRAP n'a pas porté plainte.
la plainte déposée contre moi m'a
valu une convocation par la police judiciaire.
Les fonctionnaires ont été d'une
correction parfaite. En juin 1996, j'ai
été convoqué par un juge
d'instruction qui me signifia ma mise en examen au
titre de la funeste loi Gayssot. Je
me suis rendu au Palais de justice de Paris,
accompagné par mon conseil, Me
Jacques Vergés, où j'ai rencontré un magistrat
d'une grande civilité. Nous avons
consulté le dossier et mon avocat et moi
avons constaté qu'il était vide
de tout argument sérieux.
Selon toute évidence, certains
préféreraient enterrer l'affaire car le prétoire
m'offrirait une tribune de plus
pour m'adresser aux citoyens honnêtes.
A C. : Quel peut être
l'impact de votre livre sur les milieux juifs et sionistes?
R. G. : Vous faites bien de
distinguer les deux éléments du peuple juif. Le
sionisme est aujourd'hui la
fraction dominante au sein de la communauté juive
car il! flatte les passions
nationales et l'orgueil tribal. Mais il existe des juifs qui
n'ont pas accepté l'hérésie
sioniste et qui voient les dangers qu'elle comporte
pour l'âme de leur peuple et pour
leur foi.
Il est difficile de percevoir
l'impact de cet ouvrage sur tes sionistes, je crois
qu'il peut exacerber leurs divisions,
entre la gauche travailliste, traditionnellement
pro-britannique puis pro-américaine, en d'autres termes, les
juifs occidentalisés;
et la droite israélienne, héritière du groupe Stem, celui qui offrait à
et la droite israélienne, héritière du groupe Stem, celui qui offrait à
l'Allemagne hidérienne son
alliance militaire et qui aujourd'hui s'engage dans
le nationalisme le plus exacerbé.
Je souhaite que ce livre puisse
être traduit au plus vite en hébreu et publié
en Israël pour susciter dans ce
pays un véritable débat public. Car Israël n'a
d'avenir dans le concert des peuples
que s'il est « dé-sionisé », c'est-à-dire s'il
devient fidèle à l'admirable foi
juive de ses prophètes : celle qui ne vise pas à la
conquête militaire nationaliste
et colonialiste, mais au rayonnement du message
divin sur la terre entière.
Notes
(1) À la notable exception du Figaro
qui a publié quelques extraits des
droits de réponse envoyés par
Roger Garaudy.
(2) Une Association Roger Garaudy pour le
dialogue des cultures a été
créée en 1997.
(3) Le chiffre de 70 000
gendarmes avancés par Roger Garaudv nous semble
extrêmement exagéré.
(4) Éditions Papyrus, 1983.
(5) Éditions Albatros, 1986.