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Pourquoi donc fallait-il, pour aboutir à un programme politique
concret, répondant aux interpellations les plus urgentes et les
plus
décisives d'aujourd'hui et aux appels du plus proche avenir,
prendre le recul de 5 000 ans d'histoire et le détour d'un dialogue
universel des civilisations ?
Seuls peuvent se poser cette question ceux qui entendent par
« politique » exclusivement celle de politiciens empiristes ou
technocrates, naviguant à vue, agissant au coup par coup, et attendant les désastres pour tenter d'y parer par des expédients techniques.
Mais quiconque embrasse maintenant d'un seul regard la
trajectoire
entière de la réflexion que nous venons de proposer dans ce
livre peut
en apercevoir l'unité et donc saisir l'interdépendance
nécessaire de
chacun de ses maillons : de la peinture Song à la politique
nucléaire,
des hymnes védantins au rôle attribué à la vidéo, de la
mystique
chrétienne et du soufisme à la théorie de la défense et de la
dissuasion.
Ce n'est point un lien artificiel qui rattache la sensibilité à
la
peinture Song à la politique énergétique du troisième
millénaire.
Quand nous disons, à propos de la politique énergétique
actuelle, que
l'homme ne peut se comporter à l'égard de la nature comme un
conquérant brutal, un maître rapace, ou un pirate chasseur de
trésors
cachés pour s'emparer du charbon, du pétrole, de l'uranium,
c'est-à-dire
des « stocks » d'énergie engrangés depuis des millions d'années
dans les entrailles de la terre, mais au contraire s'insérer
dans le
« flux » inépuisable des énergies maternelles (celles du
soleil, du vent
et des eaux), nous redécouvrons, à une étape nouvelle, le
rapport
mystique avec la nature qui était celui du Tao.
Dans notre conception de la communauté et de son fondement
nécessaire en la transcendance de Dieu, nous retrouvons
l'inspiration
du prophète de l'Islam, de son intransigeante affirmation de
cette
transcendance, et — ne faisant qu'un bloc avec elle — sa
conception
de la communauté, de la umma, où chaque institution sociale et
chaque geste de l'homme sont sacrés par leur rapport à Dieu, ou
profanes lorsqu'ils sont considérés, en eux-mêmes,
indépendamment
de la réalité rayonnante de Dieu.
Notre conception de la non-violence découle d'une conception de
la
force qui fut celle de tous les mystiques : la force la plus
grande n'est
pas une composante d'un parallélogramme physique des forces.
Elle
est ce « vide », au coeur de chaque être, qui, du Tao aux
Upanishads,
et de Rumi à saint Jean de la Croix, est le moteur des mondes :
être à
ce point vidé de toute chose que Dieu, en nous, occupe toute la
place
et devienne le moteur immobile du devenir de l'univers entier.
Quant à notre conception des rapports entre le mysticisme, le
prophétisme et la politique, c'est l'une des plus exaltantes
constantes
de l'histoire.
Les peintres de l'époque chinoise des Song, qui créèrent, au
XIIe siècle, des paysages jouant le rôle de ce
que sont pour nous les
« icônes » (l'évocation visible de la présence de Dieu), furent
en
même temps des mystiques du Tao et du Zen, des poètes et des
hommes d'État.
La Bhagavad Gîtâ nous dit, en un indépassable poème, ce que
peut
être la vie d'un mystique incarnée dans l'action, de la divine
épopée de
Rama aux luttes de Gandhi.
Jésus de Nazareth, dans sa résistance inflexible au
totalitarisme des
grands prêtres juifs et au totalitarisme de l'Empire romain,
nous
révèle, à travers les aliénations de l'histoire, l'irrésistible
sillage de
l'homme et de Dieu.
Le prophète de l'Islam a scellé l'unité profonde de la
soumission à
Dieu et de l'appartenance à la communauté véritable de ceux qui
ont choisi de vivre et de combattre pour répandre le message
divin.
Joachim de Flore, ce moine calabrais du XIIIe siècle, à partir de sa
conception de la Trinité scandant les âges de l'histoire, est
devenu le
père de toute la tradition révolutionnaire en Europe, de Jan
Hüs à
Thomas Münzer et à Karl Marx.
Saint François d'Assise a marqué ce moment de fracture et de
renouvellement de l'Église, en allant, au-delà des monastères
implantés
dans le monde paysan, à la rencontre du peuple nouveau des
villes,
tout comme il vint, en pleine croisade, rencontrer le sultan
Abd el-
Malek.
Pour qui aperçoit cette trajectoire dans son unité profonde, et
la
nécessaire harmonie de la dimension prophétique et de la
dimension
politique dans la vie de tout homme et de chaque homme, ce qui
apparaissait comme un paradoxe devient une évidence.
Notre unique souci a été de découvrir ce point central de notre
vie
où l'acte de création artistique, l'acte de foi et l'acte
politique, au sens
le plus noble du mot, ne font qu'un.
Car de là seulement se découvrent dans leur juste perspective
la
plénitude et l'unité du panorama de l'histoire déjà faite et de
l'avenir à
inventer, du monde extérieur et de la vie, de l'humain et du
divin : au
point unique de jaillissement de l'acte proprement humain de
l'homme, l'acte créateur d'avenir et l'acte d'amour avec la
totalité du
réel.
De là seulement nous pouvons prendre conscience de la
possibilité
d'une rupture avec l'ordre existant des hommes et des choses,
et c'est
l'irruption en nous de ce surcroît de force et de vie, qui est
la
transcendance.
De là seulement nous pouvons prendre conscience de cette
certitude
que nous nous sauverons tous ensemble ou que nous nous
perdrons tous ensemble, et c'est l'irruption de cette vie
nouvelle où
nous sentons danser en nous toutes les forces de l'univers, où
nous
sentons vivre en nous la vie de tous les hommes, l'irruption en
nous de
ce surcroît de force et de vie qu'est la communauté.
De là seulement devient possible, dans un jugement serein et
lucide, de confronter toute réalité et toute institution à sa
propre fin,
ce qui est union indivisible du prophétisme et de la politique,
ce qui
est naissance, en chacun de nous, du pouvoir de participer à
part
entière à l'immense mutation du monde.
Nous avons pris acte, d'abord, dans la première partie de ce
travail,
de la faillite des espérances faustiennes de l'Occident et de
sa
conception dévitalisante de l'homme, définie de façon lapidaire
par
Descartes : « Je pense, donc je suis », qui réduit l'homme à
l'individu
et l'esprit au concept.
Les sagesses et les prophétismes de trois mondes nous on fait
prendre conscience, au contraire, que nous ne sommes pas un
individu, un atome, un grain de poussière séparé de tous les
autres par
un vide et ballotté au hasard, ou selon d'implacables lois, par
les
souffles de l'air, mais que nous sommes semblables à une vague
sans
frontière, point unique et singulier de la mer, mais habité par
toutes
les vagues de l'océan, par toutes ses marées, et, à travers
elles, par
toutes les attractions et les gravitations des mondes.
Tel est le fondement de la personne, qui n'est pas l'individu.
Comme diraient les physiciens en leur langage : l'individu est
de
l'ordre du corpuscule et la personne de celui de l'onde. Nous
n'en
avons pas encore saisi la mystérieuse unité. Pas plus que celle
de
l'Orient et de l'Occident.
C'est pourtant là, sur le plan social et politique, le
fondement de la
communauté. Elle n'est pas, comme dans la conception bourgeoise
ou
anarchiste, une simple addition d'individus ; elle n'est pas,
comme
dans la conception totalitaire, un organisme animal réduisant
l'homme à n'être qu'un fragment subordonné à un pouvoir
extérieur à
lui, et faisant de lui un objet.
La communauté est cette société qui ne se fonde ni sur le « moi
»
individuel ni sur le concept décharné. Elle ne part pas du « je
pense »
mais du « nous aimons ». Ce n'est pas une collection
d'individus
solitaires ou une hiérarchie de cellules biologiques n'ayant
pas, par
elles-mêmes, de sens ni même de réalité, mais une communauté de
personnes où chacune s'épanouit par la richesse de ses
relations avec
toutes les autres.
Par cette vision de l'homme, de la société et du monde, nous
avons
pu passer, dans notre réflexion politique, de la technocratie
au
prophétisme (c'est-à-dire du « comment » au « pourquoi »), de
la
démocratie statistique au consensus sur un but commun
(c'est-à-dire
de la délégation et de l'aliénation de pouvoir à
l'autodétermination
des fins et à l'autogestion des moyens), en partant des deux
dimensions spécifiquement humaines de l'homme : la
transcendance
de la foi et la communauté de l'amour.
Dans ce passage de l'individualisme à la communauté, la
communauté
de base, en son inviolable autonomie, constitue l'unité
nouvelle
indivisible, capable de créer le tissu social nouveau d'une
société
proprement humaine comme fédération de communautés.
Ainsi avons-nous pu esquisser un « tableau économique » de la
France, qui ne soit plus la résultante de coalitions affrontées
où l'on
appelle « Plan » l'absence de projet, inéluctable conséquence
d'aveugles
rivalités et d'un rapport provisoire des forces. La nouvelle
croissance ne peut naître, au contraire, qu'à partir des
besoins réels de
tout un peuple, et de l'appel fait à l'homme d'exaucer la
prière de
Dieu.
Nous n'hésitons pas à chercher, en saint Grégoire de Nysse,
cette
définition plénière de la croissance : « Dieu, écrit-il, c'est
l'éternelle
découverte de l'éternelle croissance. »
Une nouvelle croissance fondée non plus sur les hiérarchies et
les
soumissions mais sur une décentralisation de la production de
l'énergie, et des techniques en général, sur la
décentralisation du
pouvoir, de la consommation et de l'information, sur la
décentralisation
de la culture et de l'éducation ; cette nouvelle croissance
n'enfantera plus ces monstres que sont, par exemple, la
séparation du
travail intellectuel et manuel, ou l'hypertrophie du tertiaire,
au profit
du parasitisme et de la bureaucratie et au détriment du travail
productif et créateur.
A partir de cette vue globale de la société, la politique n'est
plus une
technique de domination et de manipulation, une stratégie de
l'accès
au pouvoir et du maintien au pouvoir où, démagogiquement, tout
est
promis à chacun au gré des « clientèles » partisanes, et des
surenchères
électorales, sans souci de l'équilibre et de l'harmonie entre
toutes les communautés :
— Nous ne pouvons pas faire aux travailleurs la promesse
illusoire
que le régime nouveau élèvera automatiquement et pour tous le
salaire monétaire — augmentation trompeuse aussitôt récupérée
par
le patronat et l'État grâce à une dévaluation ou une hausse des
prix,
comme en France après 1936 et 1968. Mais nous pouvons et nous
devons élever le salaire social (culture, sports et loisirs,
transports et
soins, logement, école et éducation permanente) tout comme il
est
possible, par la suppression des « gaspillages institutionnels
», de
réduire le temps de travail à 35 puis à 30 heures.
— Nous ne pouvons pas faire au patronat la promesse illusoire
que
sa notion de la hiérarchie et de l'autorité restera intangible,
car elle
est, à nos yeux, archaïquement fondée sur l'extériorité du
pouvoir,
selon une image sacralisée du pouvoir et de la transcendance
dont les
théologiens ne veulent même plus pour leur Dieu. Mais nous
pouvons
l'assurer qu'à partir d'une conception de la direction dont le
seul
critère soit la performance au service du plus-être et du
mieux-être de
la communauté, des marchés immenses s'ouvriront à l'intérieur
par les
moyens nouveaux dont disposeront les travailleurs, et, dans le
tiers
monde, lorsqu'on s'attachera à répondre à ses besoins au lieu
de lui
imposer nos surplus et nos armes.
— Nous ne pouvons pas faire aux techniciens et aux cadres la
promesse illusoire d'un plus grand élargissement de l'éventail
des
salaires, ni flatter leurs tendances technocratiques, mais leur
ouvrir la
perspective exaltante de devenir les créateurs actifs d'une
société
échappant aux dominations, en devenant non plus les « chefs »,
mais
les animateurs d'un mouvement de « conscientisation »
technique,
scientifique et humaine de l'ensemble des producteurs, ouvriers
ou
patrons, par le partage, sans suffisance ni paternalisme, de
leur savoir
qui cessera d'être, comme l'avoir, un moyen de pouvoir.
— Nous ne pouvons pas faire aux étudiants la promesse illusoire
que les diplômes demeureront exploitables comme un titre de
rente
ou de commandement, dispensant du travail manuel. Mais nous
devons au contraire leur demander d'être les artisans les plus
actifs,
sans morgue et sans privilège, de la mutation radicale de
l'école et de
l'université, se fondant de plus en plus dans le monde du
travail,
comme le levain dans la pâte, et cessant ainsi d'être des
instruments
d'intégration de la jeunesse à l'ordre moral et économique
existant,
pour devenir des lieux d'élection de l'invention du futur.
— Nous ne pouvons pas faire aux paysans, pas plus qu'à
quiconque,
la promesse illusoire de défendre n'importe quelle production
indépendamment de son utilité sociale : il n'y aura plus de
groupes de
pression pour défendre à tout prix les bouilleurs de cru ou les
planteurs de tabac. Mais une aide systématique à la
reconversion des
cultures, à leur adaptation plus harmonieuse à chaque sol et à
chaque
climat, et, surtout, une protection impitoyable des prix contre
les
intermédiaires pillards, contre le despotisme des ramasseurs,
des
transporteurs et des mandataires, et contre les trafiquants de
la terre
et de l'immobilier.
— Nous ne pouvons pas faire aux chefs militaires la promesse
illusoire de les laisser vivre sur l'illusion technocratique
selon laquelle
la cybernétique et la « théorie des jeux » s'appliquent à la
gestion des
techniques de la mort, et peuvent se mener en dehors du peuple
et au dessus
de lui. Mais nous pouvons, en revanche, leur demander de
mettre au service de tous les vertus d'abnégation, de sacrifice
et de
générosité qui ont été cultivées dans la tradition militaire.
Ce ne sera
plus, désormais, à l'intérieur d'une caste, mais dans un
dialogue
fraternel et quotidien avec le peuple tout entier, pour prendre
ensemble conscience des fins et des moyens de la défense, qui
n'est
pas seulement question de technique et de discipline, mais
participation
humble et passionnée à une pédagogie de la grandeur.
A la jeunesse il est possible de donner bien d'autres moyens
d'expression que la moto ou la drogue en lui offrant des
raisons de
vivre, un avenir, et le pouvoir de le construire.
Le changement le plus radical doit venir des femmes, pour les
raisons que nous avons suggérées dans le premier chapitre : il
ne
s'agira plus seulement de considérer, enfin, à l'inverse de
notre
absurde « comptabilité nationale », le travail fait par elles à
la maison
comme un travail « productif » et de le rétribuer comme tel ; i
l ne
s'agira plus seulement de revendications sectorielles
d'égalité, ou
d'abolition de vieux tabous traditionnellement imposés aux
femmes,
ou de privilèges masculins. Le problème, très au-delà d'une
égalité
abstraite, est celui d'une véritable relève du pouvoir de
décision et de
création à tous les niveaux de l'économie, de la politique, de
la
culture, non point pour se contenter d'établir un équilibre
numérique,
statistique, dans la répartition des leviers de commande, mais
pour
changer en son principe même le fondement humain de nos
sociétés,
faussé et perverti, depuis la fin du néolithique, par une
hégémonie
masculine sans partage.
A celles qui créent les hommes il appartient de les changer.
Le chemin qui nous reste à parcourir, à partir des tombeaux
vides et
des dieux morts, pour entrevoir ce que sera l'homme du
troisième
millénaire — l'homme capable, d'ici vingt ans, de remonter le
terrible
courant de l'entropie historique, de devenir un « mutant »,
c'est-àdire
un agent et un poète de cette mutation de la vie, un homme
habitant déjà un monde encore à naître, et habité par lui —, ce
chemin est encore immense pour découvrir l'univers au centre de
nous-mêmes et nous-mêmes au coeur de l'univers.
Si, comme l'écrivait l'un des plus éminents théologiens du
Concile
de Vatican II, le Père Rahner, « l'histoire est le seul lieu où
se
construit le Royaume de Dieu », il serait temps d'en tirer les
conséquences : au lieu de ne voir les combats de la terre ne se
dérouler que dans une « vallée de larmes », dévaluée par
rapport à un
certain « au-delà », ou de ne voir dans la foi qu'un « opium du
peuple », au coeur même de ces combats dont elle est le levain,
il
devient chaque jour plus clair qu'en Occident la révolution ne
sera
vraiment révolutionnaire que si elle intègre la dimension
chrétienne
de la transcendance et que la foi ne sera vraiment la foi que
si elle
intègre les dimensions historiques, sociales, et militantes du
marxisme.
Le révolutionnaire devient un bureaucrate lorsqu'il ne conçoit
l'avenir qu'à travers le passé.
L'homme de foi devient un « intégriste » lorsqu'il confond la
foi
avec la culture ou les institutions à travers lesquelles elle
s'est
historiquement incarnée.
Créer des « mutants », c'est combattre cette double sclérose.
Et
d'abord en recueillant, dans le passé sans frontière de
l'humanité, ce
qui portait les germes vivants de notre avenir.
Vivifié par toutes ces flambées du divin à travers quatre
continents,
un socialisme, en Occident, ne peut échapper au dogmatisme
stalinien
— et aux inquisitions qui découlent inéluctablement de ce
dogmatisme
— que s'il sait s'ouvrir à l'infini de la foi
Je ne prétends pas avoir résolu tous les problèmes, mais je
suis sûr
que nous y aideront des millions d'hommes et de femmes venus de
toutes les sciences, de tous les arts, de tous les partis, de
tous les
syndicats, de toutes les Églises, pour accomplir le grand
projet, celui
qui dit à tous : il est encore temps de vivre, il est possible
de vivre
autrement, et qui fait naître aussi la nouvelle croissance et
la nouvelle
espérance.
Au-delà des Parlements sans pouvoirs, de gouvernements soumis à
des groupes de pression, de partis sans projet humain, de
nations sans
message et d'États sans visage, pour qui voter si je ne veux ni
armes
nucléaires pour détruire la vie ni centralisation nucléaire
pour
l'asservir, si je ne veux ni civilisation du jouir ni avenir
programmé ?
Un seul pouvoir demeure encore qui puisse infléchir le futur :
celui
de la présidence de la République. J'ai décidé d'y être
candidat
— D'abord parce que le danger est imminent.
[…]
[…]
— Ensuite, parce que contrairement à la politique des quatre
« grands partis » j'ai proposé une alternative non seulement
sur les
problèmes cruciaux du modèle de croissance et du nucléaire
civil et
militaire, dont dépend notre avenir, celui de nos enfants et de
nos
sociétés (et sur lesquels les « quatre grands » sont
implicitement
d'accord ou se taisent), mais aussi sur le projet politique
global
qu'implique ce choix, et sur la culture et la foi qui
sous-tendent ce
projet politique.
— Enfin, parce que je ne veux pas être un utopiste, éternel
critiqueur ou donneur de conseils, je propose d'engager ma
responsabilité
personnelle dans la réalisation de l'ensemble des mesures
économiques, politiques et culturelles que j'ai formulées dans
cet
ouvrage, et cela en cinq ans. Le but final est de fonder une
véritable
démocratie, radicalement différente de la politique présente
dans
laquelle quelques-uns, se réclamant des voix de 51 de la
population,
décident de tout sans tenir compte de l'avis des 49 autres.
Notre
peuple doit être dirigé par tout notre peuple. L'autorité
venant
d ' « en bas », et le « pluralisme » réel n'étant pas seulement
celui
des idéologies et des partis, mais des problèmes et des
solutions
contradictoirement exposés et proposés à tous, et réalisés par
tous.
[…]
Je n'ai sollicité l'investiture d'aucun parti ni d'aucun
Je n'ai sollicité l'investiture d'aucun parti ni d'aucun
mouvement, et je présente ce projet à chaque Français, en
appelant
chacun, sans aucune exclusive, à son accomplissement, car je
suis sûr
que nous y rejoindrons des femmes et des hommes venus de tous
les
horizons.
Ainsi pourra être réorientée une politique de principe, ayant
sa
source à la base, puis, cette inversion opérée, aboli, dans les
cinq ans,
le régime présidentiel, pour restituer le pouvoir à ceux-là
seuls qui en
sont actuellement dépossédés et d'où il doit émaner : les
communautés
de base.
Il importe de savoir si le peuple de France est animé de la
volonté
de vivre autrement.
Combien, parmi ce peuple, ont décidé d'ouvrir une route inédite
vers l'avenir et de courir le risque de la rupture et de la
création?
Combien de Français ne veulent pour la France ni l'avenir du
Chili
ni celui du goulag ?
Combien de Français veulent un avenir à visage humain ?
Combien décideront de le choisir?
Combien d'entre eux, pour inventer l'avenir, prendront ce recul
de
5000 ans d'histoire et d'un dialogue universel des cultures
pour
devenir, tous ensemble, les hommes du « huitième jour de la
création » ?
5 mai 1979.
ISBN 2-02-005322-5.
© ÉDITIONS DU SEUIL, 1979.