19 novembre 2015

L’islamisme radical n’est pas la raison première du terrorisme

Après les attentats de Paris et Saint-Denis, une tribune de Marie-Jean Sauret, Psychanaliste Université Toulouse-III.  Sur l'Humanité.fr
 
Non, l’islamisme radical n’est pas la raison première du terrorisme, et son éradication n’est pas la solution miracle : un peu comme si les pompiers confrontés à un incendie se contentaient d’enlever du brasier le briquet du pyromane. Sans remonter aux croisades et à la cohabitation médiévale avec les musulmans finalement ratée (malgré « l’enrichissement » réciproque) en Europe, à s’en tenir à l’histoire moderne, tout témoigne d’une politique conduite par nos pays dans le seul souci de leurs intérêts « impérialistes » : la guerre d’Algérie, le soutien aux moudjahidin afghans (assassins d’instituteurs, maltraitant des femmes), contre le gouvernement laïque, l’instrumentation de l’Irak contre l’Iran, sa manipulation avec le Koweït, le mensonge sur les armes de destruction massive pour détruire Saddam Hussein (pas un saint), et maîtriser la région, le soutien aux royaumes totalitaires de la région du Moyen-Orient, la guerre à la Libye et l’assassinat de Kadhafi (pour le faire taire ?), jusqu’au calcul sordide de laisser l’« État islamique » (mal nommé) régler son compte à Bachar Al Assad, abandonnant entre deux feux la résistance née de la révolution du printemps arabe… Et il faudrait évoquer les retournements d’alliances : hier soutenant le tyran, aujourd’hui le dénonçant pour la même tyrannie en fonction des alliances et sans doute de l’opportunité de se partager les richesses de la région, et la vente d’armes à tous les camps. Le pire est sans doute de laisser s’éterniser le conflit israélo-palestinien dont les Palestiniens paient le plus lourd tribut, un peu comme si nous étions assurés d’un déséquilibre perpétuel et d’un motif tout trouvé d’intervention chez les voisins que ce conflit inquiète légitimement… Le tableau est à peaufiner (Rwanda, Mali, Tchad, Niger, République centrafricaine…).
Les attentats de Paris constituent un crime atroce et il convient de sortir de la logique qui amènera inéluctablement à leur répétition, plus terrible encore. Depuis des années, les mesures de sécurité ne cessent d’augmenter : forces de police, contrôles, portiques de sécurité, agences de surveillance privées, administration de plus en plus exigeante, mobilisation de l’armée, développement des services secrets, lois autorisant le contrôle et l’espionnage des particuliers, juridictions d’exception, collaborations internationales (pas toujours en confiance), autres mesures parfois aux limites de la démocratie ou franchement liberticides, et maintenant couvre-feu et état d’urgence. Elles n’ont jamais évité la survenue d’un crime de masse, d’autant plus important qu’il a dû s’élever au-dessus du mur de sécurité dressé pour protéger les citoyens : en nous proposant d’élever le mur encore plus haut, on crée les conditions pour des crimes encore plus odieux.

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