Après les attentats de Paris et Saint-Denis, une tribune de Marie-Jean Sauret, Psychanaliste Université Toulouse-III. Sur l'Humanité.fr
Non,
l’islamisme radical n’est pas la raison première du terrorisme, et son
éradication n’est pas la solution miracle : un peu comme si les pompiers
confrontés à un incendie se contentaient d’enlever du brasier le
briquet du pyromane. Sans remonter aux croisades et à la cohabitation
médiévale avec les musulmans finalement ratée (malgré
« l’enrichissement » réciproque) en Europe, à s’en tenir à l’histoire
moderne, tout témoigne d’une politique conduite par nos pays dans le
seul souci de leurs intérêts « impérialistes » : la guerre d’Algérie, le
soutien aux moudjahidin afghans (assassins d’instituteurs, maltraitant
des femmes), contre le gouvernement laïque, l’instrumentation de l’Irak
contre l’Iran, sa manipulation avec le Koweït, le mensonge sur les armes
de destruction massive pour détruire Saddam Hussein (pas un saint), et
maîtriser la région, le soutien aux royaumes totalitaires de la région
du Moyen-Orient, la guerre à la Libye et l’assassinat de Kadhafi (pour
le faire taire ?), jusqu’au calcul sordide de laisser l’« État
islamique » (mal nommé) régler son compte à Bachar Al Assad, abandonnant
entre deux feux la résistance née de la révolution du printemps arabe…
Et il faudrait évoquer les retournements d’alliances : hier soutenant le
tyran, aujourd’hui le dénonçant pour la même tyrannie en fonction des
alliances et sans doute de l’opportunité de se partager les richesses de
la région, et la vente d’armes à tous les camps. Le pire est sans doute
de laisser s’éterniser le conflit israélo-palestinien dont les
Palestiniens paient le plus lourd tribut, un peu comme si nous étions
assurés d’un déséquilibre perpétuel et d’un motif tout trouvé
d’intervention chez les voisins que ce conflit inquiète légitimement… Le
tableau est à peaufiner (Rwanda, Mali, Tchad, Niger, République
centrafricaine…).
Les attentats de Paris constituent un crime atroce et il convient de
sortir de la logique qui amènera inéluctablement à leur répétition, plus
terrible encore. Depuis des années, les mesures de sécurité ne cessent
d’augmenter : forces de police, contrôles, portiques de sécurité,
agences de surveillance privées, administration de plus en plus
exigeante, mobilisation de l’armée, développement des services secrets,
lois autorisant le contrôle et l’espionnage des particuliers,
juridictions d’exception, collaborations internationales (pas toujours
en confiance), autres mesures parfois aux limites de la démocratie ou
franchement liberticides, et maintenant couvre-feu et état d’urgence.
Elles n’ont jamais évité la survenue d’un crime de masse, d’autant plus
important qu’il a dû s’élever au-dessus du mur de sécurité dressé pour
protéger les citoyens : en nous proposant d’élever le mur encore plus
haut, on crée les conditions pour des crimes encore plus odieux.
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