Masque d'ivoire du Bénin. Début XVIe. in Comment l'homme devint humain de R. Garaudy (Ed JA) |
Charte
datant du XIII° siècle, la première déclaration des droits humains connue au
monde.
Conçue
(sans influence étrangère) lors de l'achèvement de la construction de l'empire
du Mali par Soundiata Keita.
Cette
charte s'adresse aux « douze parties du monde ». Elle a donc une vocation
universelle selon ses auteurs. Elle comporte
sept paroles, qui sont autant d'entêtes d'articles de la charte :
Connu
aussi sous les noms Donsolu
Kalikan (Serment des Chasseurs), Dunya Makilikan (Injonction au Monde), ou
plus couramment Manden Kalikan (le Serment du Mandé)
1 . Les chasseurs déclarent :
Toute
vie (humaine) est une vie.
Il
est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre vie,
Mais
une vie n'est pas plus "ancienne", plus respectable qu'une autre vie,
De
même qu'une vie n'est pas supérieure à une autre vie.
2 . Les chasseurs déclarent :
Toute
vie étant une vie,
Tout
tort causé à une vie exige réparation.
Par
conséquent,
Que
nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin,
Que
nul ne cause du tort à son prochain,
Que
nul ne martyrise son semblable.
3 . Les chasseurs déclarent :
Que
chacun veille sur son prochain,
Que
chacun vénère ses géniteurs,
Que
chacun éduque comme il se doit ses enfants,
Que
chacun "entretienne", pourvoie aux besoins des membres de sa famille.
4 . Les chasseurs déclarent :
Que
chacun veille sur le pays de ses pères.
Par
pays ou patrie, faso,
Il
faut entendre aussi et surtout les hommes ;
Car
"tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface
Deviendrait
aussitôt nostalgique."
5 . Les chasseurs déclarent :
La
faim n'est pas une bonne chose,
L'esclavage
n'est pas non plus une bonne chose ;
Il
n'y a pas pire calamité que ces choses-là,
Dans
ce bas monde.
Tant
que nous détiendrons le carquois et l'arc,
La
faim ne tuera plus personne au Manden,
Si
d'aventure la famine venait à sévir ;
La
guerre ne détruira plus jamais de village
Pour
y prélever des esclaves ;
C'est
dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable
Pour
allez le vendre ;
Personne
ne sera non plus battu,
A
fortiori mis à mort,
Parce
qu'il est fils d'esclave.
6 . Les chasseurs déclarent :
L'essence
de l'esclavage est éteinte ce jour,
"D'un
mur à l'autre", d'une frontière à l'autre du Manden ;
La
razzia est bannie à compter de ce jour au Manden ;
Les
tourments nés de ces horreurs sont finis à partir de ce jour au Manden.
Quelle
épreuve que le tourment !
Surtout
lorsque l'opprimé ne dispose d'aucun recours.
L'esclave
ne jouit d'aucune considération,
Nulle
part dans le monde.
7 . Les gens d'autrefois nous disent :
"L'homme
en tant qu'individu
Fait
d'os et de chair,
De
moelle et de nerfs,
De
peau recouverte de poils et de cheveux,
Se
nourrit d'aliments et de boissons ;
Mais
son "âme", son esprit vit de trois choses :
Voir
qui il a envie de voir,
Dire
ce qu'il a envie de dire
Et
faire ce qu'il a envie de faire ;
Si
une seule de ces choses venait à manquer à l'âme humaine,
Elle
en souffrirait
Et
s'étiolerait sûrement."
En
conséquence, les chasseurs déclarent :
Chacun
dispose désormais de sa personne,
Chacun
est libre de ses actes,
Chacun
dispose désormais des fruits de son travail.
Tel
est le serment du Manden
A
l'adresse des oreilles du monde tout entier.
Youssouf Tata Cissé
Texte réécrit par Youssouf Tata Cissé dans "Soundjata, la Gloire du
Mali", éd. Karthala, ARSAN, 1991