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"Les égarés" de Jean-Michel Vernochet ,
le wahhabisme est-il un contre-islam ?,
une lecture par Maria Poumier
Publié sur le site du Comité Valmy
Dans son nouvel ouvrage « Les Égarés » (Sigest éd.),
Jean-Michel Vernochet s’attaque au wahhabisme, nom générique qui englobe
aussi bien salafistes, djihadistes que tafkiristes. Il s’agit d’un
ouvrage bouclé le 30 juillet 2013, qui fait l’historique de ce
mouvement, et s’achève avec des données irréfutables et bienvenues sur
le Qatar et sa brève trajectoire précipitée. Le livre se conclut sur le
soulagement que représente la chute des Frères musulmans en Égypte.
Le format de l’ouvrage est celui d’un outil militant.
L’auteur entend apporter des éléments d’analyse utiles pour bloquer la
progression du wahhabisme en Europe et en France, l’avancée d’une
idéologie d’autant plus menaçante qu’elle est soutenue par des
investissements colossaux. Le wahhabisme devrait bientôt non seulement
ligoter les musulmans de France sous son rigorisme maniaque, mais
peut-être déclencher des affrontements intercommunautaires voire une
guerre civile qui aura d’abord pour facette et façade le "djihad par les
urnes", première étape avant le terrorisme et les sécessions, comme en
ex-Yougoslavie… Bosnie, Kossovo !
Comment ce projet de future ex-France peut-il avancer
aussi sournoisement sans que la classe dirigeante veuille ou daigne en
prendre la mesure ? Il y a bien sûr les cohortes d’ignorants,
incrédules, sans contact avec les populations musulmanes de France. Il y
a les personnalités corrompues, qui vendent allègrement les "joyaux de
la couronne" ou biens nationaux qui ne leur appartiennent pas,
froidement, au plus offrant.
Il y a les agents israélo-américains, qui militent activement pour
dissoudre les nations sur l’autel du marché, pour qui toute tradition
historique enracinée, toute culture religieuse et politique nationale
est un obstacle, et qui introduisent leurs alliés objectifs dans la
place, comme des pions utiles.
Il y a les jeunes musulmans pauvres et incultes, mais vivant intensément
leur dégoût face à notre société dévorée par le sexe et l’argent tous
azimuts, la prostitution assumée, le cynisme généralisé... et pleins
d’amertume parce qu’ils ruminent la geste de l’exil, celle de leurs
parents, qui avaient durement bataillé et trimé pour quitter leurs
campagnes et venir embrasser le pays de l’égalité, de la liberté et de
la fraternité, avant de découvrir que ce même pays les méprise, les
rejette, les parque et les redoute.
Le livre s’adresse à nos compatriotes désorientés,
qui ont beaucoup à en apprendre. Le wahhabisme c’est une famille
d’Arabie qui, au dix-huitième siècle, a été très proche des premiers
sionistes, y compris par les liens du sang, et des cabalistes. Comme les
sionistes encore aujourd’hui, ils ont élaboré une utopie de conquête du
monde à partir d’une révision radicale de la tradition à laquelle ils
prétendaient appartenir. Le point de jonction avec le judaïsme hérétique
se fait par le sabbataïsme, son fondateur Sabbataï Zevi, persécuté,
ayant finalement rallié l’islam, et donné naissance aux Dönmeh ou secte
des juifs cachés sous une identité musulmane, une minorité importante en
Turquie et plus tard instigatrice du mouvement kémaliste. Cela se
passait au moment où le pétrole commençait à devenir l’or noir, et où la
Grande Bretagne entreprenait de ravir à son profit les territoires de
l’empire ottoman. Cela s’est développé tout au long du XX° siècle, comme
idéologie, comme construction artificielle censée déchiffrer
définitivement le monde en faisant table rase de l’histoire de l’islam,
pour n’en retenir que des formules fossilisées, déclarées préceptes
supérieurement obligatoires et suffisants.
Le wahhabisme est-il à ce titre un contre-islam,
comme le suggère le sous-titre ? L’auteur rappelle les valeurs de
l’islam comme civilisation, et non pas réduit jusqu’à la caricature que
nous connaissons par le juridisme étriqué, dont les wahhabites sont les
policiers menaçants. En tout cas, c’est comme le sionisme par rapport au
judaïsme, une hérésie au service d’une politique expansionniste, qui
imite le sionisme, et s’en fait l’allié sans états d’âme contre les
autres musulmans qu’il veut éradiquer.
On ne peut s’empêcher de voir dans le fétichisme
wahhabite qui divise les moindres attitudes, pensées et objets en hallal
et haram, pur et impur, obligatoire et interdit, une bonne dose
d’hypocrisie. C’est en tout cas le fondement disciplinaire des sectes et
sociétés secrètes, typiques des hordes primitives engagées dans des
luttes à mort contre les autres tribus prétendant partager leur
territoire. Si ces structures anthropologiques ont pu être
fonctionnelles à une époque reculée, elles sont aussi, avec leur
archaïsme futuriste, des cadres solides pour l’entraînement individuel à
la discipline militaire. et favorisent la tendance à piétiner les
coutumes des autres, des impurs en tous genre. L’auteur signale avec
raison que les sociétés occidentales multipliant les interdits et
faisant de toute situation inédite matière à traitement judiciaire sont
en train de retomber dans le même travers, et pèsent indûment sur la
liberté des Occidentaux.
Ah si le Prophète ou le Talmud avaient eu la bonne
idée d’interdire l’usage des ordinateurs et des téléphones portables...
toutes ces sourcilleuses barbes seraient restées à l’ombre de leurs
chameaux, et auraient cultivé leurs délires ascétiques entre eux. Mais
le Prophète vivait à l’époque où la justice pratiquait flagellations,
mutilations et décapitation, avec les meilleures intentions du monde :
aussi nos djihadistes s’en donnent-ils à cœur joie ; et ils en
rajoutent, sous prétexte sans doute que le Prophète n’a pas précisé que
cela puisse être haram, ils nous polluent avec leurs atroces vidéos en
live, et ajoutent d’autres façons de tuer, très anciennes, comme
lapidation et crucifixion, ou débordant du charme de la modernité, comme
les armes chimiques, inventées et fournies par l’Occident "chrétien"...
Comme toute mouvance conquérante, comme le christianisme à certaines
époques, ils pratiquent la destruction des lieux, rites et objets sacrés
pour les autres. C’est ce que l’on voit à l’œuvre contre animistes,
chiites, soufis, kharijites, chrétiens, laïques, au Kossovo, au Yémen,
au Soudan, en Somalie, en Irak, en Libye, en Afghanistan, en Syrie.
L’auteur insiste sur les analogies et liens réels
entre tueries de Cromwell, génocides prémédités par les Turcs, férocité
des Israéliens et des islamistes, hier en Algérie comme aujourd’hui en
Syrie, se disant fondamentalistes, mais en fait promoteurs de
l’anarchie. On a peine à croire que ces assoiffés de sang et de pillage,
semblant sortis des pages de Salambô, aient la moindre référence
religieuse. Hélas, c’est le financement arabe et le soutien politique
israélien et américain qui fait des miracles, et croise inextricablement
mercenaires et fanatiques.
Le livre se conclut sur une note d’espoir : le fait
que les Égyptiens aient mis un terme à la tyrannie que ces gens-là sous
le label Frères musulmans prétendaient exercer chez eux. Très
généralement, les musulmans semblent craindre ces confréries qui
s’emparent quand ils le peuvent du pouvoir par des moyens légaux, et en
abusent aussitôt.
Naturellement, comme tous les peuples, les musulmans
souhaitent pratiquer un islam tolérant et passionné de réflexion, celui
qu’avait embrassé Roger Garaudy, un islam éblouissant de spiritualité et
de raffinement, un islam qui apporte à nos pays l’air frais de la
vision holistique du monde, que notre rationalisme mercantiliste a
chassée. C’est le tawhid [le sens de l’unité du monde et de l’analogie
en action dans le monde, un monothéisme authentique] qui nous manque,
celui que Garaudy annonçait avec son titre célèbre L’islam habite notre
avenir. À la même époque, le révolutionnaire vénézuélien Carlos voyait
dans l’islam un moteur révolutionnaire rejoignant dans les faits les
programmes communistes (1). Mais l’enrichissement faramineux des pays du
Golfe a coupé court à ces projets et pronostics. Dans la misère des
pays arabes, et dans celle des pays européens, où ils se trouvent
déracinés, sans perspective et sans ressources, les jeunes se cherchent
dans une foi sommaire, primaire et binaire, soutenue par des subventions
bienvenues, des rêves de martyre héroïque et un certain exotisme.
La situation, telle que décrite par Jean-Michel
Vernochet, est angoissante. Pour quelqu’un qui se sent comme lui
représenter la tradition française, c’est quelque chose comme la menace
soviétique de jadis, quelque chose de complètement attentatoire, mais
avec en outre un côté radicalement étranger et impensable, parce que
cela part de ces peuples que la France avait naguère colonisés et
vaincus.
Il semblerait qu’avec l’utilisation des armes
chimiques par la même mouvance, avec une mise en scène pour en faire
accuser le gouvernement syrien, même les Américains et les Turcs qui
soutenaient les rebelles jusqu’à maintenant commencent à mesurer
l’irresponsabilité complète de leurs protégés wahhabites, prêts à se
retourner contre eux s’ils voient leur champ de pillage rétrécir. Ne
parlons pas des responsables français engagés dans le bourbier, ils
agissent comme s’ils étaient simplement des agents israéliens de langue
française.
Le sursaut de la résistance, de la part des Français
de tradition chrétienne comme des musulmans normalement constitués,
devient possible. Ce livre y contribue, par une expression synthétique
et sans détour.
Les notes documentaires enrichissent avec bonheur la
synthèse historique. Par exemple, on nous rappelle que les habitants de
Misrata, en Libye, qui ont mis à mort Mouamar Kadhafi avec la cruauté
que l’on sait, sont ou seraient non seulement des wahhabites convaincus,
mais aussi des marranes, des juifs superficiellement convertis à une
date récente, ce dont se flatte le site juif.org.
Et naturellement, il y avait aussi à l’origine des
aspects libérateurs dans le mouvement wahhabite, comme dans tout élan
réformateur dans son étape juvénile, aspects qui ne sont pas développés
ici : retour à la pureté des origines, régénération morale contre la
corruption et la déliquescence des mœurs au sein de l’Oumma ; le
sionisme aussi a connu une première phase romantique, comportant par
exemple le retour vers l’univers paysan, l’esprit pionnier, l’austérité,
le dégagement des contraintes que faisaient peser les anciens ; Tolstoï
était la grande référence des sionistes russes !
En tout cas, il faut bien constater que dans la
réalité culturelle, islam admirable et contre-islam sont bien souvent
mêlés, et que toute action contre les militants wahhabites amène aussi
des réactions sous forme de rejet à "l’islamophobie des néo-croisés".
On aimerait cependant protéger les religions qui
rassemblent et pacifient, mais bannir l’idéologie qui divise. On
aimerait des élites qui fassent bloc pour écouter leur conscience et la
voix de la nation , celle de la raison et du cœur, telles qu’elle
existent encore, et ceci malgré toutes les trahisons dont ces élites se
sont rendues coupables.
Maria Poumier - 13 septembre 2013
(1) voir L’Islam révolutionnaire, par Ilich Ramirez Sanchez "Carlos", propos recueillis par J.-M. Vernochet, éd. du Rocher.