21 janvier 2016

Sur le wahhabisme, par Maria Poumier (2013)

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"Les égarés" de Jean-Michel Vernochet ,
le wahhabisme est-il un contre-islam ?,
une lecture par Maria Poumier

Publié sur le site du  Comité Valmy

Dans son nouvel ouvrage « Les Égarés » (Sigest éd.), Jean-Michel Vernochet s’attaque au wahhabisme, nom générique qui englobe aussi bien salafistes, djihadistes que tafkiristes. Il s’agit d’un ouvrage bouclé le 30 juillet 2013, qui fait l’historique de ce mouvement, et s’achève avec des données irréfutables et bienvenues sur le Qatar et sa brève trajectoire précipitée. Le livre se conclut sur le soulagement que représente la chute des Frères musulmans en Égypte.
Le format de l’ouvrage est celui d’un outil militant. L’auteur entend apporter des éléments d’analyse utiles pour bloquer la progression du wahhabisme en Europe et en France, l’avancée d’une idéologie d’autant plus menaçante qu’elle est soutenue par des investissements colossaux. Le wahhabisme devrait bientôt non seulement ligoter les musulmans de France sous son rigorisme maniaque, mais peut-être déclencher des affrontements intercommunautaires voire une guerre civile qui aura d’abord pour facette et façade le "djihad par les urnes", première étape avant le terrorisme et les sécessions, comme en ex-Yougoslavie… Bosnie, Kossovo !
Comment ce projet de future ex-France peut-il avancer aussi sournoisement sans que la classe dirigeante veuille ou daigne en prendre la mesure ? Il y a bien sûr les cohortes d’ignorants, incrédules, sans contact avec les populations musulmanes de France. Il y a les personnalités corrompues, qui vendent allègrement les "joyaux de la couronne" ou biens nationaux qui ne leur appartiennent pas, froidement, au plus offrant. Il y a les agents israélo-américains, qui militent activement pour dissoudre les nations sur l’autel du marché, pour qui toute tradition historique enracinée, toute culture religieuse et politique nationale est un obstacle, et qui introduisent leurs alliés objectifs dans la place, comme des pions utiles. Il y a les jeunes musulmans pauvres et incultes, mais vivant intensément leur dégoût face à notre société dévorée par le sexe et l’argent tous azimuts, la prostitution assumée, le cynisme généralisé... et pleins d’amertume parce qu’ils ruminent la geste de l’exil, celle de leurs parents, qui avaient durement bataillé et trimé pour quitter leurs campagnes et venir embrasser le pays de l’égalité, de la liberté et de la fraternité, avant de découvrir que ce même pays les méprise, les rejette, les parque et les redoute.
Le livre s’adresse à nos compatriotes désorientés, qui ont beaucoup à en apprendre. Le wahhabisme c’est une famille d’Arabie qui, au dix-huitième siècle, a été très proche des premiers sionistes, y compris par les liens du sang, et des cabalistes. Comme les sionistes encore aujourd’hui, ils ont élaboré une utopie de conquête du monde à partir d’une révision radicale de la tradition à laquelle ils prétendaient appartenir. Le point de jonction avec le judaïsme hérétique se fait par le sabbataïsme, son fondateur Sabbataï Zevi, persécuté, ayant finalement rallié l’islam, et donné naissance aux Dönmeh ou secte des juifs cachés sous une identité musulmane, une minorité importante en Turquie et plus tard instigatrice du mouvement kémaliste. Cela se passait au moment où le pétrole commençait à devenir l’or noir, et où la Grande Bretagne entreprenait de ravir à son profit les territoires de l’empire ottoman. Cela s’est développé tout au long du XX° siècle, comme idéologie, comme construction artificielle censée déchiffrer définitivement le monde en faisant table rase de l’histoire de l’islam, pour n’en retenir que des formules fossilisées, déclarées préceptes supérieurement obligatoires et suffisants.
Le wahhabisme est-il à ce titre un contre-islam, comme le suggère le sous-titre ? L’auteur rappelle les valeurs de l’islam comme civilisation, et non pas réduit jusqu’à la caricature que nous connaissons par le juridisme étriqué, dont les wahhabites sont les policiers menaçants. En tout cas, c’est comme le sionisme par rapport au judaïsme, une hérésie au service d’une politique expansionniste, qui imite le sionisme, et s’en fait l’allié sans états d’âme contre les autres musulmans qu’il veut éradiquer.
On ne peut s’empêcher de voir dans le fétichisme wahhabite qui divise les moindres attitudes, pensées et objets en hallal et haram, pur et impur, obligatoire et interdit, une bonne dose d’hypocrisie. C’est en tout cas le fondement disciplinaire des sectes et sociétés secrètes, typiques des hordes primitives engagées dans des luttes à mort contre les autres tribus prétendant partager leur territoire. Si ces structures anthropologiques ont pu être fonctionnelles à une époque reculée, elles sont aussi, avec leur archaïsme futuriste, des cadres solides pour l’entraînement individuel à la discipline militaire. et favorisent la tendance à piétiner les coutumes des autres, des impurs en tous genre. L’auteur signale avec raison que les sociétés occidentales multipliant les interdits et faisant de toute situation inédite matière à traitement judiciaire sont en train de retomber dans le même travers, et pèsent indûment sur la liberté des Occidentaux.
Ah si le Prophète ou le Talmud avaient eu la bonne idée d’interdire l’usage des ordinateurs et des téléphones portables... toutes ces sourcilleuses barbes seraient restées à l’ombre de leurs chameaux, et auraient cultivé leurs délires ascétiques entre eux. Mais le Prophète vivait à l’époque où la justice pratiquait flagellations, mutilations et décapitation, avec les meilleures intentions du monde : aussi nos djihadistes s’en donnent-ils à cœur joie ; et ils en rajoutent, sous prétexte sans doute que le Prophète n’a pas précisé que cela puisse être haram, ils nous polluent avec leurs atroces vidéos en live, et ajoutent d’autres façons de tuer, très anciennes, comme lapidation et crucifixion, ou débordant du charme de la modernité, comme les armes chimiques, inventées et fournies par l’Occident "chrétien"... Comme toute mouvance conquérante, comme le christianisme à certaines époques, ils pratiquent la destruction des lieux, rites et objets sacrés pour les autres. C’est ce que l’on voit à l’œuvre contre animistes, chiites, soufis, kharijites, chrétiens, laïques, au Kossovo, au Yémen, au Soudan, en Somalie, en Irak, en Libye, en Afghanistan, en Syrie.
L’auteur insiste sur les analogies et liens réels entre tueries de Cromwell, génocides prémédités par les Turcs, férocité des Israéliens et des islamistes, hier en Algérie comme aujourd’hui en Syrie, se disant fondamentalistes, mais en fait promoteurs de l’anarchie. On a peine à croire que ces assoiffés de sang et de pillage, semblant sortis des pages de Salambô, aient la moindre référence religieuse. Hélas, c’est le financement arabe et le soutien politique israélien et américain qui fait des miracles, et croise inextricablement mercenaires et fanatiques.
Le livre se conclut sur une note d’espoir : le fait que les Égyptiens aient mis un terme à la tyrannie que ces gens-là sous le label Frères musulmans prétendaient exercer chez eux. Très généralement, les musulmans semblent craindre ces confréries qui s’emparent quand ils le peuvent du pouvoir par des moyens légaux, et en abusent aussitôt.
Naturellement, comme tous les peuples, les musulmans souhaitent pratiquer un islam tolérant et passionné de réflexion, celui qu’avait embrassé Roger Garaudy, un islam éblouissant de spiritualité et de raffinement, un islam qui apporte à nos pays l’air frais de la vision holistique du monde, que notre rationalisme mercantiliste a chassée. C’est le tawhid [le sens de l’unité du monde et de l’analogie en action dans le monde, un monothéisme authentique] qui nous manque, celui que Garaudy annonçait avec son titre célèbre L’islam habite notre avenir. À la même époque, le révolutionnaire vénézuélien Carlos voyait dans l’islam un moteur révolutionnaire rejoignant dans les faits les programmes communistes (1). Mais l’enrichissement faramineux des pays du Golfe a coupé court à ces projets et pronostics. Dans la misère des pays arabes, et dans celle des pays européens, où ils se trouvent déracinés, sans perspective et sans ressources, les jeunes se cherchent dans une foi sommaire, primaire et binaire, soutenue par des subventions bienvenues, des rêves de martyre héroïque et un certain exotisme.
La situation, telle que décrite par Jean-Michel Vernochet, est angoissante. Pour quelqu’un qui se sent comme lui représenter la tradition française, c’est quelque chose comme la menace soviétique de jadis, quelque chose de complètement attentatoire, mais avec en outre un côté radicalement étranger et impensable, parce que cela part de ces peuples que la France avait naguère colonisés et vaincus.
Il semblerait qu’avec l’utilisation des armes chimiques par la même mouvance, avec une mise en scène pour en faire accuser le gouvernement syrien, même les Américains et les Turcs qui soutenaient les rebelles jusqu’à maintenant commencent à mesurer l’irresponsabilité complète de leurs protégés wahhabites, prêts à se retourner contre eux s’ils voient leur champ de pillage rétrécir. Ne parlons pas des responsables français engagés dans le bourbier, ils agissent comme s’ils étaient simplement des agents israéliens de langue française.
Le sursaut de la résistance, de la part des Français de tradition chrétienne comme des musulmans normalement constitués, devient possible. Ce livre y contribue, par une expression synthétique et sans détour.
Les notes documentaires enrichissent avec bonheur la synthèse historique. Par exemple, on nous rappelle que les habitants de Misrata, en Libye, qui ont mis à mort Mouamar Kadhafi avec la cruauté que l’on sait, sont ou seraient non seulement des wahhabites convaincus, mais aussi des marranes, des juifs superficiellement convertis à une date récente, ce dont se flatte le site juif.org.
Et naturellement, il y avait aussi à l’origine des aspects libérateurs dans le mouvement wahhabite, comme dans tout élan réformateur dans son étape juvénile, aspects qui ne sont pas développés ici : retour à la pureté des origines, régénération morale contre la corruption et la déliquescence des mœurs au sein de l’Oumma ; le sionisme aussi a connu une première phase romantique, comportant par exemple le retour vers l’univers paysan, l’esprit pionnier, l’austérité, le dégagement des contraintes que faisaient peser les anciens ; Tolstoï était la grande référence des sionistes russes !
En tout cas, il faut bien constater que dans la réalité culturelle, islam admirable et contre-islam sont bien souvent mêlés, et que toute action contre les militants wahhabites amène aussi des réactions sous forme de rejet à "l’islamophobie des néo-croisés".
On aimerait cependant protéger les religions qui rassemblent et pacifient, mais bannir l’idéologie qui divise. On aimerait des élites qui fassent bloc pour écouter leur conscience et la voix de la nation , celle de la raison et du cœur, telles qu’elle existent encore, et ceci malgré toutes les trahisons dont ces élites se sont rendues coupables. 

Maria Poumier - 13 septembre 2013
(1) voir L’Islam révolutionnaire, par Ilich Ramirez Sanchez "Carlos", propos recueillis par J.-M. Vernochet, éd. du Rocher.