Est-ce que la fidélité à
Jésus implique, oui ou non, une option préférentielle pour les
« pauvres » à qui d’abord Jésus a porté son message ?
Est-ce que le
judéo-christianisme de Paul, qui ignore la vie humaine de Jésus, peut nous
conduire à croire que Jésus est un second David, condottieri au service de
n’importe quel pouvoir ?
L'attitude de Paul,
demandant aux riches de faire aux pauvres l'aumône de leur
« superflu », sans pour cela se mettre dans la gêne, est-elle
compatible avec l'appel de Jésus à se dépouiller de « tout », si l'on
veut le suivre ?
Peut-on dire enfin, dans
l’esprit de la création d'un judaïsme réformé (Jésus étant seulement le messie
d’Israël) que Jésus est le messie d’Israël, que le vrai Dieu est celui d’Israël
et que Jésus n'est plus que l'acteur obéissant d'un scénario écrit dans
l'Ancien Testament, n'ayant pas creusé cette brèche immense dans l'histoire des
hommes et des dieux, en faisant émerger la transcendance non du pouvoir d'un Roi,
mais du dénuement du plus démuni des hommes ?
Le judaïsme réformé de
Paul restaure le pouvoir du « Dieu des armées ». A Jésus il fait dire
après sa mort, le contraire de ce qu’il a professé toute sa vie : il en
refait un Dieu tout-puissant qui reviendra « avec les anges de sa
puissance ».
Nos «croyances»
religieuses actuelles, prisonnières de cette conception anthropomorphique de
Dieu, ne se sont pas séparées de ces illusions. Même lorsque l'homme n'est plus
sous la menace d'une «loi» divine, avec ses péchés et ses interdits, il n'est
pas moins dépouillé de sa responsabilité:même nous rappelant que l'homme n'est
plus sous la domination de la "Loi", le pouvoir arbitraire absolu
demeure avec la « grâce ».
Tout événement humain
obéit au « plan préétabli de Celui qui mène toutes choses au gré de sa
volonté », comme l'écrit encore
le catéchisme de Jean-Paul II reprenant,
en 1992, les formules exactes du concile de Trente (1545-1563) qui reprenaient
elles-mêmes les formules de saint Paul dans l’Épître aux Philippins :
« C'est Dieu qui fait en vous le vouloir et le faire. » (Ph. II, 13) « C'est par grâce, ce n'est donc pas en
raison des œuvres » précise Paul aux Romains (11, 6) Et la grâce est un
«don gratuit» de Dieu « Vous n'y êtes pour rien. » insiste Paul (Eph.
II, 8).
Roger Garaudy