(Texte proposé par un ami du blog et qui me semble dans la droite ligne des idées et des combats de Roger Garaudy. Lire http://rogergaraudy.blogspot.fr/2013/04/la-revolution-de-lamour.html)
Celui qui parvient à se représenter la souffrance
des autres a déjà parcouru la première étape sur le difficile chemin de
son devoir. (Georges Duhamel, Paroles de médecin)
Le cri du cœur d’une révoltée
nommée sœur Emmanuelle
Avec l'abbé Pierre |
Cette
révolte-là est essentielle. Comme elle est incomprise et peu partagée ! En
effet, la plupart des hommes sont prêts à répondre ponctuellement à telle ou
telle détresse, avec grande générosité parfois. Mais ils considèrent en
général que la pauvreté est inéluctable. C’est comme ça : elle fait partie
du paysage, de toute société, du système économique.
Au terme de mon parcours, je
sens donc la nécessité d’éveiller les consciences : continuons à porter secours, mais
n’oublions pas les causes. Le scandale vient en
effet d’un ordre planétaire injuste et finalement accepté. (…) Je ne
fais pas de politique au sens courant du terme, mais je cherche à éveiller les
consciences sur l’injustice vécue dans la cité, je pousse les jeunes et
les moins jeunes à se lancer dans les instances nationales et internationales
pour batailler et s’unir à tous ceux qui
n’acceptent pas que des pauvres soient humiliés et que des peuples aient faim.
La
nature de l’homme est sociale et fraternelle. C’est dans l’ordre politique,
celui de la relation entre les hommes, entre les peuples, que se jouent
et le bonheur de l’homme et le projet de Dieu. Lorsque les sentiments de
charité se font « politiques », au sens noble et large du terme, lorsque les
mots d’amour et de justice se traduisent en actes, s’engage alors une éthique
divine. C’est véritablement entrer
là dans le choix de Dieu. A l’inverse de « politiques » qui, à
travers des pratiques contestables, cherchent la victoire
d’intérêts personnels, le pouvoir de quelques-uns sur les peuples, la
domination des uns sur les autres, le message qui parcourt la
Bible implique une
politique divine, une vision politique d’ordre spirituel.
Les prophètes d’Israël ne craignent pas l’impopularité quand il s’agit de
combattre l’injustice des puissants. (…) Ils n’y vont pas de main morte, les
prophètes ! Voici Osée : « Ecoutez la parole de
Yahvé, enfants d’Israël, car Yahvé est en procès avec les habitants du
pays : il n’y a ni fidélité, ni amour, ni connaissance de
Dieu dans le pays, mais parjure et men-songe, assassinat et vol, adultère et
violence, et le sang versé succède au sang versé. Aussi le pays est en deuil, et tous ses habitants dépérissent jusqu’aux bêtes des
champs, aux oi-seaux du ciel, et même les poissons de la mer
disparaissent ! » (Os. 4, 1-3). La leçon est claire : la justice appelle le bonheur, tout genre d’oppression est
germe de malheur. « Opprimer le pauvre, c’est outrager le
Créateur » (Pr. 14, 31). Langage fort de ceux qui parlent au nom de Dieu ! Ils risquent la prison, l’exil, la mort. Peu importe, il faut
crier la vérité comme le fit le
Christ.
En s’élevant contre la classe
dirigeante, il savait qu’il risquait sa vie. Mais, quand le souffle de l’Esprit habite un homme, il
n’a peur de rien et même pas de la mort.
La
plupart d’entre nous, « bons » chrétiens, n’avons-nous pas perdu ce
souffle de tempête ? Prudence, pas d’histoire ! Le langage tenu aujourd’hui est trop modéré
pour soulever le monde. Où entend-on
aujourd’hui le verbe audacieux d’un saint Jean Chrysostome devant la cour de Constantinople : « Malheur à
vous qui laissez pourrir vos vêtements cousus d’or dans vos coffres tandis que le peuple reste nu » ? Où
entend-on l’exclamation d’un saint Basile : « Vous volez aux pauvres tout ce que vous gardez en
surplus » ? (…) Il n’est pas inutile,
certes, de « faire la charité ». Beaucoup y sont appelés. Il faut
plus encore s’attaquer à la cause du mal. Or
celle-ci est politique : elle concerne des systèmes sociaux et économiques,
à l’intérieur des nations comme entre les nations.
L’ignorer
serait s’éloigner de la tradition prophétique. Sans cesse elle s’attaque à la
tête de l’hydre, toujours la même et chaque fois différente au cours des
siècles : les structures oppressives
que les puissants instaurent pour saigner les pauvres gens. Par la bouche des prophètes, c’est Dieu qui s’insurge. Qui
voudra donc entrer dans cette insurrection divine ?
Sœur Emmanuelle, Richesse de la pauvreté, Éditions J’ai Lu,
2002, pages 11 et 112-114.
yalla / en-avant !
L'hommage de Calogero à Soeur Emmanuelle