16 septembre 2016

Guerre à l'ordinanthrope !

Si le XXIe siècle continue sur de telles dérives, c'est-à-dire s’il est conduit, comme le XXe siècle par des aveugles tout-puissants, il ne durera pas cent ans et nous sommes en train d'assassiner nos petits enfants. J'ai eu la chance (ou le malheur ?) de vivre la quasi-totalité du XXe siècle, le plus sanglant de l'histoire. Il a ruisselé de pétrole et de sang ; il est engorgé de déchets nucléaires qui menacent nos fils pour des siècles, de lucarnes télévisées où, chaque soir, des faits divers, de préférence sanguinolents, leur cachent et la réalité réelle et ceux qui en tirent les fils ; une nouvelle inversion commence avec le siècle : celui des communications informatiques lorsqu'il n'y a plus rien d'humain à communiquer, sinon les côtes universelles de la Bourse : l’ordinanthrope (il en pullule aujourd'hui) est un être préhistorique, pré-humain, qui voit dans l'ordinateur, non pas une merveilleuse machine qui peut nous donner les moyens de construire (ou de détruire) le monde, mais une «intelligence artificielle» qui permettrait d'assigner des fins, un but, un sens, à cette construction, à notre vie. C’est le monde aussi des jeux télévisés qui apprennent à nos enfants comment on peut être un tueur, dès l’âge de sept ans, avec un risque « zéro mort », comme dans l'armée américaine, ou à devenir idiots (c'est-à-dire sans jamais se poser de questions sur le sens de leur vie) en leur apprenant à tapoter sur des claviers d'ordinateurs en leur faisant croire que l'intelligence peut se réduire à la fourniture des «moyens» mais sans jamais poser la question des «fins».
Ces héritiers attardés du cléricalisme scientiste du XIXe siècle, ont simplement remplacé le mécanisme de Laplace par la cybernétique.
L’ordinanthrope technocrate, qui ne se pose jamais la question des fins dernières, met les pouvoirs d'un géant, ceux de l’atome ou de la manipulation des gènes, au service des désirs d'un animal dont les instincts ont été dépravés. L’ordinanthrope est ainsi le dernier avatar du pithécanthrope.
L’actuelle mise en cause, par les sciences elles-mêmes, du principe d’identité d’Aristote, de l’empirisme de Locke, du dualisme de Descartes, du positivisme d'Auguste Comte, de tout ce qui fut la marée noire d'une philosophie de l’être, qui pollue l’Occident depuis vingt-cinq siècles, est le meilleur encouragement pour faire advenir, après des siècles d'hégémonie de l’Occident, une philosophie de l’acte.
Renouer - au delà du dérapage spirituel de l’Occident - avec Héraclite d’Éphèse, qui pensait aux frontières de l’Orient, de la Perse et, au-delà, de l’Inde, les racines de la vie.
J'erre parmi ces décombres d'humanité faits d'armes de plus en plus sophistiquées pour détruire le monde, et de « gadgets » marchands pour en éliminer le sens.
Cherchons ensemble le nouvel horizon d’où peut pointer le jour.
C’est pourquoi il faut écrire et parler de Dieu, précisément pour rassembler, parfois en désordre, quelques germes de réflexion nés de l'expérience de tout le siècle maudit, pour aider ceux qui veulent n'être pas les hommes de la fin des temps, ceux qui pensent qu'on peut vivre autrement.
Nous semons seulement des graines d'avenir. Pour vivre autrement. Pour vivre.

Roger Garaudy