Si le XXIe siècle continue
sur de telles dérives, c'est-à-dire s’il est conduit, comme le XXe siècle par des
aveugles tout-puissants, il ne durera pas cent ans et nous sommes en train
d'assassiner nos petits enfants. J'ai eu la chance (ou le malheur ?) de
vivre la quasi-totalité du XXe siècle, le plus sanglant de l'histoire. Il a
ruisselé de pétrole et de sang ; il est engorgé de déchets nucléaires qui
menacent nos fils pour des siècles, de lucarnes télévisées où, chaque soir, des
faits divers, de préférence sanguinolents, leur cachent et la réalité réelle et
ceux qui en tirent les fils ; une nouvelle inversion commence avec le
siècle : celui des communications informatiques lorsqu'il n'y a plus rien
d'humain à communiquer, sinon les côtes universelles de la Bourse :
l’ordinanthrope (il en pullule aujourd'hui) est un être préhistorique, pré-humain,
qui voit dans l'ordinateur, non pas une merveilleuse machine qui peut nous
donner les moyens de construire (ou de détruire) le monde, mais une
«intelligence artificielle» qui permettrait d'assigner des fins, un but, un
sens, à cette construction, à notre vie. C’est le monde aussi des jeux
télévisés qui apprennent à nos enfants comment on peut être un tueur, dès l’âge
de sept ans, avec un risque « zéro mort », comme dans l'armée
américaine, ou à devenir idiots (c'est-à-dire sans jamais se poser de questions
sur le sens de leur vie) en leur apprenant à tapoter sur des claviers
d'ordinateurs en leur faisant croire que l'intelligence peut se réduire à la
fourniture des «moyens» mais sans jamais poser la question des «fins».
Ces
héritiers attardés du cléricalisme scientiste du XIXe siècle, ont
simplement remplacé le mécanisme de Laplace par la cybernétique.
L’ordinanthrope
technocrate, qui ne se pose jamais la question des fins dernières, met les
pouvoirs d'un géant, ceux de l’atome ou de la manipulation des gènes, au
service des désirs d'un animal dont les instincts ont été dépravés.
L’ordinanthrope est ainsi le dernier avatar du pithécanthrope.
L’actuelle
mise en cause, par les sciences elles-mêmes, du principe d’identité d’Aristote,
de l’empirisme de Locke, du dualisme de Descartes, du positivisme d'Auguste
Comte, de tout ce qui fut la marée noire d'une philosophie de l’être, qui
pollue l’Occident depuis vingt-cinq siècles, est le meilleur encouragement pour
faire advenir, après des siècles d'hégémonie de l’Occident, une philosophie de
l’acte.
Renouer - au
delà du dérapage spirituel de l’Occident - avec Héraclite d’Éphèse, qui pensait
aux frontières de l’Orient, de la Perse et, au-delà, de l’Inde, les racines de
la vie.
J'erre parmi
ces décombres d'humanité faits d'armes de plus en plus sophistiquées pour
détruire le monde, et de « gadgets » marchands pour en éliminer le
sens.
Cherchons ensemble le nouvel horizon d’où peut pointer
le jour.
C’est
pourquoi il faut écrire et parler de Dieu, précisément pour rassembler, parfois
en désordre, quelques germes de réflexion nés de l'expérience de tout le siècle
maudit, pour aider ceux qui veulent n'être pas les hommes de la fin des temps,
ceux qui pensent qu'on peut vivre autrement.
Nous semons
seulement des graines d'avenir. Pour vivre autrement. Pour vivre.
Roger
Garaudy