Hanté par le souci de dominer la nature par la science et la technique, l’homme devient chose parmi les choses : « tout ce monde est composé d’artifices et de machines » (Don Quichotte, II, 30 ; p.738). Surtout de machines à broyer : les moulins en sont la parabole. Comme la « chaîne » dans cette autre allégorie : Les Temps modernes de Chaplin.
(…) De cette mécanisation du monde et de cet écrasement de l’homme, dépouillé de sa dimension divine, Don Quichotte dégage la source : le pouvoir absolu de l’argent devenu maître des hommes et de leur société à la place de Dieu. « Le meilleur fondement du monde est l’argent » (II, 20, p.66). « L’intérêt peut tout » (II, 20, P.667). L’argent devient le moteur de toutes les actions. Il confère le pouvoir et le corrompt : « Il n’y a office si honorable qui ne s’acquière avec quelques pots de vin » (II, 61, P.811)
Roger Garaudy, La poésie vécue : Don Quichotte (Vega Press, 1998). Un texte qui est plus que jamais d’actualité magnifiquement illustré par Daumier.
Nul, mieux que Daumier n’a vécu de façon plus profonde dans son œuvre et dans sa vie, le drame de Don Quichotte. En chaque tableau, en chaque dessin, la lumière, la couleur, le trait, la composition, tout conspire à esquisser à la fois la solitude du héros et sa tension héroïque vers le monde, dont il se sait responsable. Autour de lui tout s’effrite ou s’évanouit, en lui vit la seule poussée ascendante d’un monde volontaire en train de naître. Un réseau de forces se nouent contre un monde qui se défait. Une seule arabesque nerveuse, convulsive, emporte en un même tourbillon Don Quichotte et sa jument, suggérant, à chaque inflexion, l’étirement de toute leur substance, comme celle d’une famme ou d’une torche tordue par le grand vent de Dieu (4e de couverture)
Texte proposé par Luc Collès
Texte proposé par Luc Collès