TERRORISME ET RELIGION : Des rapports clairement définis en droit international
A l’heure où un débat grave et passionné a lieu dans notre pays [le MALI, ndlr], il
nous semble utile de poser la question de savoir si et dans quelle
mesure le droit international établit un lien quelconque entre le
terrorisme et la religion.
Pour y répondre il suffira ici de passer en revue les
références implicites et formelles faites à la religion dans les
instruments juridiques internationaux consacrés au terrorisme et adoptés
au niveau universel et régional. Ces références ont trait aux questions
essentielles suivantes : 1- l’intolérance culturelle et religieuse ; 2-
la justification du terrorisme par la religion en général et par
l’islam en particulier ; 3- l’incitation et l’apologie du terrorisme ;
4- le devoir de l’Etat de mettre en place un appareil judiciaire
efficace pour combattre le terrorisme.
- I. L’intolérance culturelle et religieuse
Selon le droit international le dialogue des cultures et des religions constitue un rempart fondamental contre le terrorisme.
Aussi condamne-t-il sans ambages le phénomène de
l’intolérance culturelle et religieuse. Pour étayer cette affirmation on
peut à titre d’exemples citer les références ci-après :
1- Résolution 1624 (2005) du Conseil de sécurité de l’ONU
du 14 septembre 2005 portant « interdiction de l’incitation à commettre
des actes terroristes ».
– Paragraphe 13 du préambule. Il en ressort que pour
renforcer la lutte internationale contre le terrorisme, il faut : 1-
renforcer le dialogue et promouvoir une meilleure compréhension entre
les civilisations ; 2- afin d’empêcher le dénigrement sans distinction
des autres religions et cultures
– Paragraphe 3 du dispositif. Il en ressort que le Conseil
de sécurité appelle tous les Etats : 1- à poursuivre les efforts pour
approfondir et améliorer la compréhension entre les civilisations ; 2-
afin d’empêcher le dénigrement systématique des autres religions et
cultures
2- Résolution 60/288 de l’Assemblée générale de l’ONU du 8
septembre 2006 portant « stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU ».
– Paragraphe 9 du préambule. Il en ressort que selon
l’Assemblée générale « le terrorisme ne saurait ni ne devrait être
associé à une religion, une nationalité, une civilisation ou une origine
ethnique donnée ».
– Paragraphes 2 et 3 de la partie I du Plan d’action de la
stratégie mondiale. Il en ressort que les Etats membres de l’ONU
doivent : 1- favoriser le dialogue, la tolérance et la compréhension
entre les civilisations, les cultures, les peuples et les religions ; 2-
promouvoir le respect mutuel et la prévention de la diffamation entre
les religions, les valeurs religieuses, les croyances et les cultures ;
3- promouvoir une culture de tolérance religieuse ; 4- promouvoir le
dialogue interconfessionnel et intra-confessionnel.
II- La justification du terrorisme par la religion en général et par l’islam en particulier
La question fondamentale qui se pose ici et qui est au
cœur du débat actuel est celle de savoir si et dans quelle mesure les
actes terroristes peuvent être justifiés par la religion ou au nom de
celle-ci. Aussi importe-t-il de passer en revue les références
pertinentes contenues dans les textes de droit international, que
ceux-ci parlent de façon implicite ou formelle de la religion en général
ou de l’islam en particulier.
A- Les références à la religion en général
A1- Dispositions visant implicitement la religion. On peut à titre d’exemples citer les textes suivants :
1- Résolution 49/60 de l’Assemblée générale de l’ONU du 9
décembre 1994 portant « déclaration sur les mesures visant à éliminer le
terrorisme international ».
– Paragraphe 1 de la partie I. Il en ressort que les Etats
membres de l’ONU condamnent de façon catégorique comme étant
« criminels » et « injustifiables », tous les actes, méthodes et
pratiques terroristes, où qu’ils se produisent et quels qu’en soient les
auteurs.
2- Résolution 60/288 de l’Assemblée générale de l’ONU du 8
septembre 2006 portant « stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU ».
– Paragraphe 1 du plan d’action. Il en ressort que les
Etats membres de l’ONU condamnent systématiquement, sans équivoque et
vigoureusement le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses
manifestations, quels qu’en soient les auteurs, les lieux et les buts.
A2- Disposition visant expressément la religion. On peut à titre d’exemple citer le texte suivant :
– Résolution 49/60 de l’Assemblée générale de l’ONU du 9
décembre 1994 portant « Déclaration sur les mesures visant à éliminer le
terrorisme international ».
– Paragraphe 3 de la partie I. Il en ressort que « les
actes criminels qui sont conçus ou calculés pour provoquer la terreur
dans le public, un groupe de personnes ou chez des particuliers, 1- sont
injustifiables ; 2- en toutes circonstances, et 3- quels que soient les
motifs de nature : a/ politique, b/ philosophique, c/ idéologique, d/
raciale/ e/ ethnique, f/ religieuse ou autre que l’on puisse invoquer
pour les justifier ».
B- Les références spécifiques à l’islam
Il est important d’attirer ici l’attention sur le fait que
les références qui sont citées dans cette partie sont tirées de textes
juridiques qui ont été adoptés par des groupes d’Etats – dont le Mali –
appartenant à la communauté arabe et/ou islamique, et qui sont censés
exprimer leur point de vue officiel sur les questions liées au
terrorisme. Ces références sont tantôt rédigées en des termes
implicites, tantôt libellées de façon formelle.
B1- Dispositions visant implicitement l’islam
On peut à titre d’exemples citer les textes suivants :
1- Convention de l’Organisation de la conférence islamique
pour Combattre le terrorisme international adoptée à Ouagadougou le 1er
juillet 1999
– Paragraphe 11 du Préambule. Il en ressort que les Etats
membres de l’OCI : 1- sont « Convaincus que le terrorisme ne saurait se
justifier en aucun cas », et 2- « qu’il convient de le combattre sous
toutes ses formes et manifestations sans égard à ses actes, moyens et
pratiques ni à son origine, ses causes et ses objectifs ».
2- Convention du Conseil de coopération des Etats arabes
du Golfe sur la lutte contre le terrorisme signée à Koweït le 4 mai 2004
– Paragraphe 12 du préambule. Il en ressort que les Etats
membres du Conseil : 1- sont « convaincus que le terrorisme ne peut être
justifié ; 2- « quels qu’en soient les circonstances, les mobiles ou
les objectifs » ; et 3- qu’il « devrait être combattu dans toutes ses
formes et manifestations, nonobstant son origine, ses causes et ses
objectifs ».
B2- Dispositions visant expressément l’islam
On peut à titre d’exemples citer les textes suivants :
1- Convention arabe relative à la répression du terrorisme signée au Caire le 22 avril 1998.
– Paragraphe 3 du préambule. Il en ressort que les Etats
arabes signataires sont « fermement attachés : 1- aux principes moraux
et religieux les plus élevés ; 2- notamment aux préceptes de la charia
islamique ; 3- ainsi qu’au legs humanitaire d’une nation arabe qui
rejette toutes les formes de violence et de terrorisme ».
2- Convention de l’Organisation de la conférence islamique
pour combattre le terrorisme international adoptée à Ouagadougou le 1er
juillet 1999.
– Paragraphe 2 du préambule. Il en ressort clairement que
les Etats membres de l’OCI – dont le Mali – : 1- « se fondent sur les
enseignements de la charia islamique sublime qui rejettent toutes les
formes de violence et de terrorisme » ; 2- « en particulier celles
reposant sur l’extrémisme ». Commentaire important : Cette position
officielle extrêmement importante exprimée par l’OCI vient ainsi clore
définitivement tout débat sur toute tentative de justifier le terrorisme
à la lumière ou à la faveur de toute interprétation de la charia
islamique.
3- Convention du Conseil de coopération des Etats arabes
du Golfe sur la lutte contre le terrorisme signée à Koweït le 4 mai 2004
- Paragraphe 3 du préambule. Il en ressort que les Etats membres du Conseil : 1- agissent « conformément : a/ aux principes de la religion et de la morale, b/ aux dispositions du patrimoine culturel humain de la communauté internationale et des deux nations arabe et islamique, c/ aux valeurs et traditions de la société du Golfe », 2- « qui tous invitent à rejeter la violence et le terrorisme sous toutes leurs formes et manifestations ».
III- L’incitation et l’apologie du terrorisme
Le droit international condamne l’incitation à commettre
des actes terroristes ainsi que toute conduite visant à en faire
l’apologie. Sur cette question fondamentale, on peut à titre d’exemples
citer les textes suivants :
A- Position des Etats arabes du Golfe – Convention du Conseil de coopération sur la lutte contre le terrorisme du 4 mai 2004
– Paragraphe 3 de l’article 1er du chapitre premier :
cette disposition érige au rang de crime terroriste « l’incitation à
commettre des actes terroristes ou le fait de promouvoir ou de défendre
de tels actes ».
B- Position de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité de l’ONU
1- Résolution 1624 (2005) du Conseil de sécurité du 14
septembre 2005 portant « Interdiction de l’incitation à commettre des
actes terroristes ».
– Paragraphe 5 du préambule. Il en ressort
clairement que le Conseil de sécurité : 1- « condamne avec la plus
grande fermeté l’incitation à commettre des actes terroristes », et 2-
« récuse toute tentative de justifier les actes terroristes ou d’en faire l’apologie, susceptible d’inciter à commettre de nouveaux actes de terrorisme ».
– Paragraphe 6 du préambule. Il en ressort que :
« l’incitation à commettre des actes terroristes motivés par
l’extrémisme et l’intolérance constitue un grave danger et une menace
grandissante pour la jouissance des droits de l’homme… »
– Paragraphe 1 du dispositif. Il en ressort que
tous les Etats sont invités à adopter les mesures nécessaires et
appropriées pour : 1- « interdire par la loi l’incitation à commettre un
ou des actes terroristes » ; 2- « prévenir une telle incitation » ; 3-
« refuser l’asile à toute personne au sujet de laquelle on dispose
d’informations crédibles et pertinentes selon lesquelles il existe des
raisons sérieuses de penser qu’elle est coupable d’une telle
incitation ».
2- Résolution 60/288 de l’Assemblée générale de l’ONU du 8 septembre 2006 portant « stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU »
-Paragraphe 4 de la Partie I du Plan d’action. Il
en ressort que les Etats doivent : 1- « éliminer les conditions propices
à la propagation du terrorisme » ; et à cette fin 2- « adopter les
mesures nécessaires et appropriées pour a/ interdire, en vertu de la
loi, l’incitation à commettre des actes terroristes, et b/ prévenir de
tels comportements ».
IV– Le devoir de l’Etat de mettre en place un appareil judiciaire efficace pour combattre le terrorisme
Le droit international impose à tous les Etats ce devoir
fondamental comme moyen déterminant de la lutte contre le terrorisme. Il
suffira à cet égard de citer à titre d’exemple le texte suivant :
-Résolution 60/288 de l’Assemblée générale de l’ONU du 8 septembre 2006 portant « stratégie antiterroriste mondiale de l’ONU »
– Paragraphe 4 de la Partie IV du Plan d’action. Il
en ressort clairement : 1- que les Etats doivent « tout faire pour
mettre en place et maintenir un appareil national de justice pénale
efficace » ; 2- que celui-ci doit « garantir que quiconque participe au
financement, à l’organisation, à la préparation ou à la perpétration
d’actes de terrorisme ou qui y apporte un appui soit traduit en
justice » ; et 3- que ces actes de terrorisme doivent être érigés en
« infractions graves dans la législation nationale ».
Par Dr. Salifou Fomba, professeur de droit international à l’Université de Bamako
Les échos
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