05 septembre 2010

Il faut un réveil de conscience

Pour que se produise enfin, sur notre planète en péril, un changement radical d'orientation de nos sociétés, il ne suffit pas de réformes économiques et sociales, ni même de révolutions et de transferts de pouvoir. Pour opérer une radicale mutation, il faut un véritable soulèvement spirituel, un réveil global de conscience...
L'éducation, de ce point de vue, a pour fin première la libération et la culture de l'imagination. Il n'est pas d'éducation plus révolutionnaire que celle qui tend à faire prendre conscience à l'enfant que le monde n'est pas une réalité donnée, toute faite, mais une oeuvre à créer, comme une oeuvre d'art.
L'art est le symbole de l'acte de vivre, de créer.
Cette manière d'aborder le monde est un choix, un postulat, un acte de foi, comme est un choix, un postulat, un acte de foi, l'attitude inverse de la résignation, de l'acceptation du monde prétendument "donné", inchangeable en ses mortelles dérives.
Contre ce choix inavoué de la passivité, tout enfant doit pouvoir mesurer, au-delà des religions institutionnelles, le sens de la foi comme possibilité de transgression des morales, des logiques, des ordres établis.
A partir de cette éducation des dimensions proprement humaines de l'imagination créatrice, et de la foi comme possibilité permanente de rupture avec le passé, peut naître une pratique nouvelle de la politique.
Aucune institution, aucune loi n'est intouchable. Son ancienneté ne la rend pas digne de respect si elle n'est plus qu'un projet fossilisé. L'imagination politique est l'art de retrouver le projet vivant sous l'institution ou la loi sclérosées, l'intention qui anima le législateur, soit pour les adapter, soit pour les remplacer.
En redécouvrant la finalité des projets qui se sont cristallisés en eux, "faire entrer dans la danse les rapports sociaux pétrifiés en leur jouant leur propre mélodie dialectique ", disait Marx.
Cette imagination critique est au principe de toute thérapeutique sociale contre le conservatisme intégriste ou totalitaire. L'intégrisme consiste à identifier une foi religieuse ou politique avec la forme culturelle ou institutionnelle qu'elle a pu revêtir à une période dépassée de son histoire.
Le totalitarisme consiste à considérer comme totalité absolue une totalité qui n'est pas universelle: la nation, le parti, l'Etat, le dogme. Seul l'horizon de la totalité véritable, c'est-à-dire universelle, peut combattre le totalitarisme, c'est-à-dire l'aveuglement du partiel qui se prétend le tout.
La politique ainsi conçue n'est pas une technique de l'accès au pouvoir et du maintien au pouvoir, une technocratie politique des moyens. Elle est ordonnée à la fin avant-dernière: donner à chaque enfant, à chaque femme, à chaque homme, tous les moyens de développer pleinement toutes les possibilités humaines qu'il porte en lui. L'organisation des moyens pour atteindre cette fin doit être homogène au but poursuivi, car la fin n'est jamais supérieure aux moyens mis en oeuvre pour l'atteindre.

Roger Garaudy, Les fossoyeurs. Un nouvel appel aux vivants. pp 207-209 (extraits). L'Archipel éditeur.