Asger Jorn. Perte du centre. 1958 |
Roger
Garaudy, Integrismes, Belfond
éditeur, pages 165 à 194
COMMENT
COMBATTRE L'INTÉGRISME ?(2) Les vraies solutions
Quelles
sont donc les vraies solutions aux problèmes
posés par les cancers intégristes de tous
bords?
Elles
exigent un changement radical de politique:
à
l'égard du Tiers Monde, à l'égard de
l'Europe,
à l'égard du chômage et de l'ensemble
de la
politique sociale, à l'égard des cultures,
celles
des autres et la nôtre. Ces quatre problèmes
sont
étroitement interdépendants.
LE
PROBLÈME DES IMMIGRÉS,
INTÉGRISME
ET INTÉGRATION
Les
causes de l'immigration
La
période d'immigration la plus massive va
de la
fin de la Seconde Guerre mondiale, en
1945,
au commencement de la crise économique
de
1974.
Le
premier fait fondamental dégagé en
France
par le Centre d'information éducative
dans
son document sur « l'immigration »
(p.
35), c'est que : « Les pays industrialisés sont
les
plus grands responsables de l'immigration. »
La
destruction des systèmes économiques traditionnels
et des
structures des pays colonisés a
fait
apparaître la loi suivante: le pillage des
richesses
humaines et matérielles des pays colonisés,
considérés
comme sources de matières
premières
et de main-d'oeuvre à bas prix, et
comme
marché pour l'écoulement des produits
de la
métropole, a conduit à la désintégration
des
économies et des cultures propres à ces
pays,
dont toute l'activité était déterminée par
les
besoins de la métropole.
Choisir
d'inventer un avenir nouveau au lieu
de
subir les poussées du passé, c'est admettre
d'abord
que le problème de l'immigration n'est
qu'un
cas particulier du problème central de
notre
temps: celui des rapports avec le Tiers
Monde,
autrement dit avec les peuples anciennement
colonisés.
L'immigration, c'est le Tiers
Monde
chez nous.
Pour
aborder sérieusement les problèmes de
l'avenir,
il est nécessaire de rappeler les causes
de
l'immigration qui ont conduit à la situation
actuelle
et de faire le bilan de cette situation.
Trois
raisons principales ont amené la
France,
de 1945 à 1974, afin d'assurer sa
reconstruction,
à faire appel à des milliers
d'étrangers.
Premièrement, les pertes humaines
de la
guerre en Europe et le faible taux de
natalité,
en France, pendant l’entre-deux guerres,
rendaient
nécessaire un appel de main d'oeuvre
extérieure.
Ensuite,
les emplois les plus rebutants, dans la
voirie,
le bâtiment, la sidérurgie ou les
«
chaînes » de l'industrie automobile, ne trouvaient
plus de
candidats français.
Troisièmement,
la désintégration des économies
des
pays colonisés et la misère qui en
résultait
contraignaient à l'émigration des
masses
sans emploi. Les premières vagues
vinrent
donc d'Afrique du Nord et d'Afrique
noire.
Les
indépendances politiques des anciennes
«
colonies » ne modifièrent pas sensiblement la
tendance.
Des accords furent signés, en 1963,
avec le
Maroc et la Tunisie, puis avec l'Algérie,
qui
obtint que le recrutement ne soit pas fait par
l'organisme
français de l'O.N.I. mais par
l'Office
national algérien de la main-d'oeuvre:
O.N.A.M.O.
Brutalement,
en 1973, la conjoncture économique
s'inversa
: la crise frappa la quasi-totalité
des
secteurs industriels. En outre, les naissances
ayant
fortement augmenté, en France, de 1945
à 1965,
les enfants de ce qu'on a appelé le baby
boom
se présentaient sur le marché du travail en
pleine
récession.
Ne
considérant toujours les problèmes que
d'une
manière unilatérale, en fonction de ses
seuls
besoins, le gouvernement décida, le 3 juillet
1974,
de suspendre l'immigration, en attendant
de
chercher à refouler les travailleurs
immigrés.
Depuis
1982, « le nombre total d'étrangers en
France
stagne... Il tourne autour de quatre millions
et demi
de personnes », d'après La Documentation
française:
Immigrés et étrangers en
France , paru en septembre 1989. Parmi eux,
« les
immigrés d'Europe représentent la majorité
(56 %
contre 39 % originaires d'Afrique du
Nord et
d'Afrique noire) », selon les données
sociales
de l'I.N.S.E.E. de 1990.
Comment
vivent-ils?
Évidemment,
ils occupent des emplois subalternes:
85,8%
d'entre eux sont ouvriers: 13,4%,
manoeuvres,
34,5 %, ouvriers non qualifiés
(O.S.),
37,9 %, ouvriers professionnels (O. P.) et
seulement
4,7 %, agents de maîtrise et cadres.
De là
une cascade de conséquences, par
exemple
en ce qui concerne le logement : 43 %
d'entre
eux vivent en « garnis », 17 % dans des
taudis.
Donc : 60 % de très mal logés. D'autre
part,
ils sont les plus touchés par le chômage,
surtout
les moins de vingt-cinq ans. Par ailleurs,
la
proportion des accidents du travail chez les
immigrés
est environ le double de la moyenne
nationale,
et les Maghrébins sont plus touchés
encore
que les autres, du fait de la nature des
emplois
occupés (bâtiment, travail de nuit, etc.),
où les
risques sont plus grands.
En ce
qui concerne la santé, par exemple, l'on
compte,
pour les travailleurs immigrés, suivant
les
lieux de travail et de logement, de deux à
soixante
fois plus de tuberculeux que chez les
Français,
en raison d'une nourriture insuffisante
et de
logements malsains, surpeuplés, où
le
sommeil et l'hygiène sont difficiles.
A cela
s'ajoutent les maladies d'adaptation,
telles
les maladies psychosomatiques: ulcères
gastro-duodénaux,
états dépressifs, maladies
mentales,
etc., autant de réactions physiques
aux
conditions de vie.
Par
ailleurs, la scolarité des enfants d'immigrés
se
solde, dans l'immense majorité des cas,
par un
échec. D'abord, parce que ces écoliers se
heurtent
aux mêmes handicaps que ceux des
familles
françaises les plus pauvres ; ensuite
parce
que s'y ajoutent des problèmes de langue
et des
adaptations à des modes de vie et d'enseignement
qui les
déracinent.
Les
réactions des Français devant ces
problèmes
Dans
leur immense majorité, les Français
n'ont
reçu aucune éducation leur permettant de
comprendre
ces problèmes, ni par l'enseignement
des
manuels scolaires, ni par les médias,
dont le
travail relève davantage de la manipulation
que de
l'information.
L'analyse
critique des manuels scolaires, telle
que l'a
entreprise, en France, l'association
« Islam
et Occident », montre combien l'image
de
l'Islam est présentée sous une forme caricaturale
aux
enfants, et constitue un obstacle
majeur
à la compréhension et au dialogue.
Quelques
exemples:
—
L'Islam est présenté comme « une religion
entièrement
nouvelle » avec un Dieu : Allah, qui
serait
aussi étranger à la tradition judéo-chrétienne
que le
Jupiter des Romains. Ce qui interdit
la
prise de conscience de l'unité abrahamique
des
juifs, des chrétiens et des musulmans.
—
L'Islam est présenté comme un phénomène
purement
spirituel, ce qui interdit de
comprendre
l'originalité de la communauté islamique,
et
rejette le mode de vie musulman,
séparé
de la foi, du côté du folklore.
— Cette
« spiritualité », dit un autre manuel,
est
caractérisée par la croyance en un Dieu
unique
« qui a fixé à l'avance la destinée de
chaque
homme », ce qui inculque aux petits
Français
« le cliché du musulman résigné,
indolent,
fataliste ».
— La
culture arabo-islamique est méconnue
dans sa
spécificité et présentée seulement
comme
une transmission à l'Occident d'un héritage
antérieur.
Si bien que, ce rôle achevé, les
musulmans
seraient sortis de l'histoire. Et il n'y
aurait
plus rien à apprendre de cette civilisation
morte !
Une telle vision rend impossible le dialogue
—
puisqu'il n'y a rien à apprendre de
l'autre
— et justifie l'intégration d'immigrés
musulmans
non qualifiés à la seule « civilisation
»
possible : celle de l'Occident.
Nous
pourrions multiplier ces exemples montrant
combien
nous sommes loin des
recommandations
de l'UNESCO, en 1974,
selon
lesquelles : « L'enseignement scolaire
devrait
être l'un des principaux instruments
encourageant
la compréhension et le respect
entre
les peuples, leurs civilisations, leurs modes
de vie,
leurs systèmes sociaux. » Surtout quand
nous
considérons que la presse et la radiotélévision
prennent
le relais de l'école pour bloquer
davantage
encore les possibilités de
communication.
Ces
grandes manoeuvres des fabricants d'opinion
sont
révélatrices, car elles manifestent,
sous un
fort grossissement lorsqu'il s'agit
d'immigrés,
une opération qui vise les travailleurs
les
plus démunis. Ainsi, à Renault-Flins,
sur 15
000 ouvriers, il y a 8 000 immigrés, dont
5 000
musulmans ; à Renault-Billancourt, sur
12 400
ouvriers, près de 7 000 immigrés, dont
5 000
musulmans ; à Talbot-Poissy, sur 16 000
salariés,
7 000 immigrés, dont 6 000 musulmans
; à
Citroën-Aulnay, sur 5 300 ouvriers,
4 000
immigrés dont près de 3 000 musulmans.
Les
raisons objectives de leurs grèves
—
salaires ou conditions de travail — expliquent
largement
leur colère, mais les médias et les
pouvoirs
entretiennent le mythe du « chef
d'orchestre
clandestin » venu de l'extérieur. Il
fut un
temps où, en toute grève, on dénonçait
« la
main de Moscou » ; c'est aujourd'hui « la
main de
Khoméini », ou de l'« intégrisme » islamique.
Il
s'agit de créer un réflexe conditionné de
rejet,
en faisant croire aux Français que l'expulsion
des
travailleurs immigrés résoudrait le problème
du
chômage.
C'est
là un mensonge éhonté. Car l'étude des
postes
occupés par des travailleurs immigrés
montre
que 85 % d'entre eux ne trouvent pas
de
candidats français. Le renvoi de 2 500 000
immigrés
libérerait donc 450 000 emplois et
désorganiserait
profondément notre économie
par le
vide des 85 % restants. Le chômage en
serait
très largement accru, et non l'inverse.
La pire
erreur serait de laisser croire aux
Français,
à la manière de groupements néo-racistes
et
néo-fascistes actuels, que l'avenir,
c'est «
la France aux Français » et l'expulsion
des
étrangers. Ce serait de faire croire aux
immigrés
qu'ils n'ont de choix qu'entre le
départ
ou l'assimilation.
Même
les très prudents rédacteurs du rapport
Emploi
et relations de travail pour le 8ee
plan
(1981-1985),
évoquant le « rôle structurel des
travailleurs
immigrés dans l'économie française
»,
donnaient cet avertissement : « Les incitations
aux
départs volontaires ne peuvent
guère
concerner plus de quelques dizaines de
milliers
d'actifs... et risquent de réduire une
population
active à laquelle la France devra
demain
faire de nouveau appel. »
Envisageons
pourtant, pour l'avenir, les deux
hypothèses
: celle du départ et celle de l'avenir
dans la
société française.
L'hypothèse
du « retour ».
Le
gouvernement avait adopté, en 1977, une
politique
dite « d'aide au retour ». Elle consistait
à
donner une somme de dix mille francs à
chaque
travailleur immigré, à condition qu'il
quitte
la France dans les deux mois. Dans la
majorité
des cas, les résultats furent déplorâbles:
retourner
dans son pays pour s'y retrouver
sans
emploi, être mal vu de ses compatriotes
comme
un concurrent privilégié, de son
gouvernement
comme contestataire, n'était pas
une
solution. Dans le meilleur des cas, des travailleurs
immigrés
ayant amassé quelques
économies
trouvaient dans la prime un appoint
pour
s'acheter un taxi ou s'installer comme artisan
plombier.
Ce n'étaient là qu'expédients individuels,
sans
intérêt majeur pour leur pays
d'origine.
En tout état de cause, sans solution
pour la
France au problème du chômage.
Les
retours, — même en nombre limité,
comme
le prévoyaient les rapporteurs du v m e
plan —
ne pouvaient être efficaces qu'à trois
conditions
:
— La
première: être organisés en fonction
des
besoins des pays d'origine.
— La
seconde: être précédés d'un stage de
formation
professionnelle pour répondre à ces
besoins.
— La
troisième: garantir l'insertion par un
contrat
d'embauché à l'arrivée.
Un pas
important a été fait dans cette voie par
l'accord
franco-algérien du 18 septembre 1980,
dont
l'application ne commença vraiment
qu'avec
la circulaire du ministère de la Solidarité
nationale
du 3 mars 1982, qui offrait aux
volontaires
pour le retour trois possibilités : soit
une
allocation retour plus substantielle que la
précédente
; soit un stage de formation professionnelle
en France,
tel que l'Algérie puisse
fournir
un contrat de travail dès l'arrivée ; soit
une
aide à la création de petites entreprises,
sous
forme de prêts pour acheter en France
l'équipement
nécessaire.
C'était,
incontestablement, un progrès considérable,
surtout
après l'effort d'humanisation
de ces
mesures et de coopération avec le gouvernement
algérien
entrepris par Mme Georgina
Dufoix.
Néanmoins, cette réaction se heurte à
deux
limites: d'une part, elle ne concerne
qu'une
minorité de travailleurs immigrés et ne
peut
donc résoudre vraiment aucun problème,
ni en
Algérie ni en France. D'autre part, elle
demeure
une solution individuelle — très « occidentale
» —
alors qu'en prenant en compte
l'esprit
communautaire de l'Islam, il serait sans
doute
préférable d'expérimenter une autre formule.
Par
exemple, au lieu d'attribuer les
primes
à des individus, les attribuer à des
communautés
décidées à créer des coopératives
d'utilisation
et de maintenance du matériel agricole,
ou tout
autre type d'entreprise, en conservant
bien
entendu les autres aspects positifs du
projet:
l'accord du gouvernement d'origine
pour la
création et l'implantation de telles unités
dans le
cadre de sa propre programmation ; et
la
formation professionnelle, conçue non
comme
moyen de promotion individuelle, mais
de
constitution d'unités organiques de production
ou de
services.
Même
ces améliorations du projet primitif ne
permettent
pas de résoudre le problème essentiel:
celui qui concerne l'immense majorité des
celui qui concerne l'immense majorité des
travailleurs
immigrés. Surtout les travailleurs
immigrés
musulmans car les problèmes de civilisation
et de
religion ne se posent pas avec autant
d'acuité
pour les migrants d'origine européenne,
pour
l'essentiel latins, tels les Italiens,
les
Portugais, les Espagnols... d'imprégnation
chrétienne,
en général catholique.
Le
problème essentiel, pour construire
ensemble
un avenir à visage humain, est de
n'acculer
personne à cette alternative déshumanisante:
ou bien
partir, ou bien perdre, pour
rester,
toute identité, en adoptant les modes de
vie et
la vision du monde de l'Occident. Au
contraire,
rester et garder un semblant d'identité,
c'est
s'isoler et se marginaliser. Pas d'autre
choix
que l'intégration ou l'intégrisme.
Intégrisme
et intégration sont deux attitudes
symétriques
impliquant le rejet de l'autre. C'est
tout
refuser de l'autre que d'exiger qu'il
s'intègre
à nos modes de vie et à notre conception
du
monde, comme si nous n'avions rien à
apprendre
de lui; c'est tout refuser de l'autre
que
s'enfermer dans sa particularité, sous prétexte
de
conserver son identité intégrale,
comme
si nous n'avions rien à apprendre de
l'autre.
L'un et
l'autre extrêmes s'appauvrissent ainsi.
LE
NÉCESSAIRE CHANGEMENT
DE
RAPPORTS AVEC LE TIERS MONDE
Ces
problèmes de culture et de dialogue des
cultures
impliquent un changement radical de
nos
rapports économiques et politiques avec le
Tiers
Monde, changement qui seul rendra possible
un vrai
dialogue.
Pour
établir avec le Tiers Monde des rapports
qui
n'engendreraient pas des réactions de rejet
et
d'intégrisme, il convient d'adopter une attitude
diamétralement
opposée à celle du Fonds
monétaire
international (F.M.I.) dont la logique
est
actuellement régnante.
La
politique du F.M.I. est celle d'un colonialisme
collectif
des pays riches, prenant la relève
du
colonialisme ancien. Elle n'exige plus
l'occupation
militaire et la prise en main directe
de
l'administration par la métropole. Ses
moyens
de domination sont essentiellement
économiques
: imposer, comme condition à ses
prêts,
une « politique d'ajustement destinée à
garantir
le paiement des intérêts de la dette ».
Un
programme dit « d'ajustement » exige :
une
dévaluation de la monnaie afin de décourager
les
importations mais d'encourager les
exportations
; des réductions draconiennes des
dépenses
publiques, particulièrement au niveau
social
; l'élimination des subventions à la
consommation,
y compris la consommation alimentaire;
la privatisation des entreprises
la privatisation des entreprises
publiques
et/ou une augmentation de leurs
tarifs
(électricité, eau, transports, etc.) ; l'élimination
du
contrôle des prix ; la « gestion de la
demande
», autrement dit une réduction de la
consommation
assurée par le plafonnement des
salaires,
la restriction du crédit, l'augmentation
des
impôts et des taux d'intérêt, le tout afin de
faire
baisser le taux d'inflation.
Le
F.M.I., qui exige constamment une
compression
des budgets sociaux, ne demande
en
revanche jamais de réduction des dépenses
militaires.
Or, rien de tel qu'un régime militaire
pour
saigner un peuple à blanc.
Les
pays qui ont contracté les plus lourdes
dettes
sont ceux qui ont subi des dictatures
militaires
: Brésil, Argentine, Chili — ce dernier
détenant
un record: 1 540 dollars par tête
d'habitant.
Imposant ainsi aux pays pauvres du
Tiers
Monde un modèle de développement destiné
à faire
de leur économie un appendice de
l'économie
des pays riches et répondant aux
besoins
de leur croissance, le F.M.I., après le
colonialisme
traditionnel, a fait du sous-développement
des
deux-tiers du monde le corollaire
de la
croissance des autres.
L'Europe
de 1992 va encore aggraver cette
situation.
Trop souvent, la critique de cette
«
Europe » est faite aussi « par en bas », c'est-àdire
du
point de vue des intérêts nationaux de
certains
pays européens, comme la France. Il
conviendrait
de la faire aussi « par en haut », du
point
de vue de la communauté internationale,
à
l'échelle planétaire. Cette Europe sera largement
ouverte
aux États-Unis et au Japon, mais
de plus
en plus insoucieuse du Tiers Monde.
Déjà,
elle y a massivement réduit ses investissements
— la
France, de moitié, et l'Allemagne,
des
quatre cinquièmes en Afrique — et les prêts
à l'Est
sont systématiquement prélevés sur les
« aides
» au Tiers Monde.
C'est
une politique suicidaire pour tous : pour
le
Tiers Monde, elle conduit à la « marginalisation»,
expression pudique du dernier rapport
expression pudique du dernier rapport
de la
Banque mondiale sur l'Afrique, c'est-à-dire,
en
clair, à la faillite et à la famine. Mais
aussi
pour les pays riches eux-mêmes qui,
détruisant
ainsi leurs propres débouchés solvables,
créent
les conditions d'une crise économique
sans
précédent.
La
solution ne consiste pas à annuler simplement
la
dette, fût-ce au profit de Mobutu ou de
quelques
autres, qui vampirisent leurs peuples.
Elle
consiste à pratiquer une politique de prêts
inverse
de celle du F.M.I. : ne prêter ou n'investir
que
pour des entreprises répondant, non pas
aux
profits des pays prêteurs par la fourniture
d'armements,
de centrales nucléaires, de projets
démentiels
par leur gigantisme qui conduisent à
des
désastres écologiques, produits de luxe
importés
pour une minorité urbaine de dirigeants
et de
trafiquants parasites, mais aux
besoins
réels des peuples. Par exemple, dans le
secteur
agricole, pour rechercher l'autosuffisance
alimentaire
par la sélection et la fourniture
de
semences, l'outillage agricole adaptés
aux
besoins et aux qualifications des paysans et
non aux
profits des multinationales de la
machine
agricole, par les industries de transformation
et de
conservation, etc.
En un
mot, créer les conditions pour per-
mettre
à ces pays de rompre leur dépendance à
l'égard
du marché international par le jeu des
monocultures,
des exportations de matières
premières
à des prix de plus en plus bas et des
monoproductions.
Afin de
ne pas laisser accaparer, une fois de
plus,
ces crédits par des cliques ou un pouvoir
collaborant
à la saignée de leur pays en se
rendant
complices des créanciers étrangers, les
prêts
ne seraient accordés qu'à des organisations
ou à
des entreprises fondées sur la participation
des
usagers, qu'il s'agisse de coopératives
ou
d'entreprises nationales à la gestion desquelles
participeraient
majoritairement les usagers
et le
personnel, les populations rurales avec
une
représentation proportionnelle à leur
nombre
réel, et les minorités ethniques.
Même
orientation pour investir dans la santé,
le
logement, l'éducation et la formation de
cadres
autochtones dans tous les domaines.
Seule
cette inversion des priorités pour
consentir
des prêts et des investissements permettrait
de
servir, dans ces pays, le double et
indivisible
objectif d'une véritable démocratie
par la
participation populaire et d'un vrai développement:
celui des nommes et non celui des
celui des nommes et non celui des
profits
des riches de l'extérieur et de leurs
complices
de l'intérieur.
Un tel
projet est-il utopique ? Repose-t-il simplement
sur un
sentiment moral des « tiersmondistes»?
Nullement, car il répond aussi aux
Nullement, car il répond aussi aux
intérêts
à long terme des pays riches.
Mme
Susan George, dans son ouvrage
Jusqu'au
cou, paru aux Éditions de La Découverte
en
1988, souligne (page 369) le réalisme
de ces
propositions: les pays du Tiers Monde
aujourd'hui
écrasés par leur dette, dit-elle,
« devraient
exploiter les contradictions entre les
intérêts
des banques transnationales et tous les
autres
secteurs de l'économie du Nord: alors
que les
banques se nourrissent de la crise, les
industriels
et les agriculteurs voient chuter leurs
ventes
puisque le Tiers Monde ne peut faire
beaucoup
de dépenses en matière de nourriture
importée
ou de biens d'équipements ».
Auprès
d'un tel projet, combien dérisoire est
la
seule condition du « multipartisme » pour
accorder
les prêts, comme il fut préconisé au
sommet
franco-africain de La Baule de juin
1990,
où fut confié à l'un des despotes les plus
répressifs,
les plus corrompus et les plus contestés
par son
propre peuple le soin de préparer la
prochaine
rencontre dans deux ans. Ce qui
implique,
entre autres, qu'il sera soutenu
jusque-là
par la France contre son propre
peuple.
C'est
aveuglement que d'acculer à la faillite
une
clientèle des deux Tiers Monde et de la
rendre
insolvable.
C'est
réalisme, en revanche, de prendre conscience
des
dérives actuelles : « Les pays du Tiers
Monde
se sont endettés jusqu'au cou pour avoir
accepté,
intériorisé et imité le modèle de développement
qui a
les faveurs du F.M.I. et de la
Banque
mondiale. »
Il est
urgent, pour la France par exemple, au
lieu de
s'intégrer au club « européen » des
anciens
colonialistes que constitue « L'Europe
des
douze », de s'orienter fermement vers le
reste
du monde et de réaliser cette inversion de
politique
à l'égard du Tiers Monde. En finir
avec
l'hégémonie bancaire et sa politique de
Shylock
à courte vue qui, en exigeant le paiement
des
intérêts de la dette, saigne le Tiers
Monde
et l'empêche ainsi d'être un partenaire
actif
dans l'économie mondiale. Aider, au
contraire,
à un développement « endogène »,
enraciné
dans son histoire et sa culture, et
orienté
vers les besoins propres de la masse de
son
peuple, est le seul choix qui permette,
contre
la politique des banques exigeant le paiement
des
arrérages de la dette tout en créant des
économies
difformes et des échanges de plus en
plus
inégaux, d'harmoniser les besoins des deux
parties
: rendre possible le développement et la
participation
démocratique dans les pays du
Tiers
Monde, et, par là même, donner une
impulsion
nouvelle aux industries et aux agricultures
des pays
occidentaux par des marchés
plus
vastes et plus sains, créant ainsi des emplois
réels —
et pas de « petits boulots » — dans le
monde «
occidental ».
Le
problème du chômage reste le problème
essentiel.
Il n'est pas vrai qu'il pourra se
résoudre
par la création du « grand marché
européen
». A u contraire : la disparité des
niveaux
de vie — par exemple, à qualification
égale,
un ouvrier portugais ou grec gagne cinq
fois
moins qu'un ouvrier allemand — et les
pôles
d'attirance des plus favorisés tendront à
créer,
en Europe même, un ersatz de Tiers
Monde.
L'addition de marchés de pays ayant
des
structures économiques proches et par
conséquent
rivales n'élargira pas les débouchés
mais
exaspérera plutôt les concurrences et la
recherche
de la baisse des prix de revient par la
baisse
des « charges sociales ». Car telle est la loi
de fer
de la compétitivité.
En
revanche, l'assainissement des économies
du
Tiers Monde et leur équipement pour
répondre
aux besoins de leurs populations
ouvriraient
des perspectives, donnant priorité
— sur
la spéculation bancaire et boursière — à la
production
industrielle et agricole en Occident
même.
Car, si on limite en Amérique la production
de blé
des fermiers, ou en France, la production
de lait,
ce n'est pas parce que tout le
monde a
trop de pain ou de beurre. C'est là un
mensonge
comme d'opposer les travailleurs
français
aux travailleurs immigrés en leur faisant
croire
qu'il y a trop de main-d'oeuvre et pas
assez
de travail, alors qu'il existe un marché
potentiel
pratiquement illimité pour fabriquer
des
équipements utiles pour le Tiers Monde.
Mais il
faut pour cela ne plus détruire ses possibilités
d'achat.
Elles le sont aujourd'hui de par la
dette
et les intérêts de la dette payés aux
banques
par les échanges inégaux ; par la vente
d'armes
qui ne servent qu'aux profits de ceux
qui les
fabriquent et à la répression pour les
dirigeants
qui les achètent. Ainsi naissent les
émeutes
des peuples dont les besoins réels ne
sont
pas satisfaits.
Telle
est la grande inversion qui s'impose,
dans ce
monde à l'envers, pour mettre fin au
gâchis
et au chaos. Là seulement est le remède
de fond
à la montée des intégrismes de tous
ordres
nés des frustrations, des refoulements,
de la
négation des vrais besoins et de l'identité
personnelle
du plus grand nombre, du cortège
des
démagogies, des surenchères, des agressivités
qui
trouvent leur meilleur bouillon de
culture
dans ce marasme.
Contre
toutes les diversions des histrions de la
politique
et les orchestrations des médias, i l est
nécessaire
de rappeler que le changement fondamental
de nos
rapports avec le Tiers Monde
est la
clé de voûte de toute construction de
l'avenir.
De ce choix crucial, et urgent, dépend
la
solution des autres problèmes : de la prolifération
du
chômage à celle de l'intégrisme, de
l'économie
à la culture.
Il est
vain de parler de dialogue si l'on ne crée
pas les
conditions qui le rendent possible : il n'y a
pas de
dialogue véritable entre le maître et
l'esclave,
entre l'affamé et celui qui entend
conserver
le pouvoir de l'affamer.
Le
monde aujourd'hui est Un.
Aucun
problème ne peut désormais être
résolu
dans le cadre d'une seule nation, ou à
partir
des vues d'une seule communauté religieuse
ou
spirituelle. Ainsi sont irrémédiablement
condamnés
les nationalismes — tous les
nationalismes
—, les blocs — tous les blocs —
d'Ouest,
d'Est ou d'Europe, les intégrismes —
tous
les intégrismes —, prétendant apporter
une
panacée à tous nos maux et exclure toute
autre
approche que la leur.
Le fait
nouveau, à notre époque, c'est que
cette
vision planétaire de l'Un n'est plus un idéal
mais
une réalité. Une réalité qu'on ne saurait
enfreindre
sous peine de mort.
Le
couplage mortel du missile et de l'atome
engendre
une menace totale : l'archaïque équilibre
des
forces est devenu équilibre de la terreur
où
chacun a le pouvoir de détruire l'autre
et de
se détruire lui-même. Le satellite relayant
la
télévision rend le monde présent en chaque
point
du globe. Le marché mondial fait du
sous-développement
des uns le corollaire de la
croissance
des autres.
L'Un et
le Tout ne sont plus seulement un
appel
ou une utopie.
De cet
idéal, la réalité la plus profonde nous
donne
l'image dans la science la plus moderne :
à
l'inverse de la conception ancienne de l'atome,
particule
individuelle séparée des autres par un
vide,
la physique nous révèle une universelle
interaction.
Chaque objet a ses racines jusqu'aux
confins
de l'univers. Vague sans frontières dans
un
Océan d'énergie sans rivages, il est habité
par
tous les autres. Il est tous les autres.
C
O N C L U S I O N
LE
DIALOGUE
A notre
époque, où existe la possibilité technique,
pour
les hommes, de détruire l'humanité,
nous
n'avons plus le choix qu'entre une
«
destruction mutuelle assurée » — Mutual
Assured
Destruction: M AD —, ou le dialogue.
Dès
lors qu'aucun problème ne peut être
résolu
dans le cadre d'une communauté partielle
en
raison d'une universelle interdépendance,
l'intégrisme,
religieux ou politique, la
prétention
de posséder une vérité totale pour
résoudre
tous les problèmes et imposer sa solution,
est
devenu le pire des dangers.
Le
dialogue a pour but de découvrir en
commun
les valeurs absolues qui peuvent,
seules,
à l'étape actuelle, nous permettre
d'échapper
aux jungles suicidaires des individualismes
et des
nationalismes, fanatismes de
croyances
ou de partis.
Mais il
n'y a de véritable dialogue que si
chacun
est convaincu qu'il a quelque chose à
apprendre
de l'autre et, par conséquent, qu'il
est
prêt à remettre en question ses propres
certitudes.
Un tel
dialogue exige de se prémunir contre
certaines
tentations : exclure tout ce qui n'est pas
« notre vérité », par exemple : « Hors de
l'Église,
pas de salut. » Inclure la foi de l'autre :
« notre
vérité » contient tout, et dans la hiérarchie
des
croyances nous occupons ce sommet,
l'autre
n'étant qu'une étape dépassée. Mettre
tout
sur le même plan: nous suivons des chemins
parallèles.
Ce qui évite les rencontres... et
les
échanges.
La
fécondation réciproque ne peut se réaliser
dans
l'éclectisme et la confusion: elle exige
d'abord
une claire distinction entre la croyance
et la
foi. La croyance est l'expression de la foi à
travers
une culture, une tradition, une idéologie.
La foi
est une manière de vivre découlant de
la
certitude que la vie a un sens, que le monde
est un.
Et que nous sommes personnellement
responsables
de l'accomplissement de ce sens et
de
cette unité.
C'est
un postulat. A la fois indémontrable et
nécessaire
pour la cohérence et la signifiance de
notre
vie, comme le postulat d'Euclide, indémontrable
mais
nécessaire pour construire des
murs ou
des tables d'aplomb.
A ce
niveau, le dialogue n'est pas un colloque
de
spécialistes de l'histoire comparée des religions
ni même
une rencontre de théologiens de
confessions
différentes. Il est une communion
d'hommes
de foi acceptant l'hypothèse et le
risque
vital que la foi des autres peut enrichir
leur
propre foi, leur faire découvrir en eux-mêmes
des
dimensions parfois occultées. Cela
suppose
que l'on cherche à comprendre l'autre
non pas
comme un objet de connaissance extérieur,
mais à
l'intérieur de soi-même, quand on
fait de
soi-même une question. La foi étant de
l'ordre
non d'une réponse, mais d'une question.
Toutes
les religions et toutes les sagesses
visent-elles
le même but?
Peut-on
penser séparément leurs approches
de
l'absolu?
Peut-on
les vivre ensemble?
Aucune
foi ni aucune communauté ne peut
épuiser
l'expérience de l'absolu, ni faire triompher
l'unité
planétaire contre les rébellions particularistes
et les
intégrismes des individus, des
nations,
des Églises ou des partis.
La
victoire de l'avenir contre le passé, de l'un
et du
tout contre les particularismes archaïques,
du
dialogue contre l'intégrisme, de la symphonie
contre
les hégémonies, sera une victoire de
l'esprit.
Car, à l'inverse de ce que croient les
prétendus
« réalistes », les armes ne sont pas la
force.
Les armes, ce sont des hommes qui les
portent
et lorsque quelque chose se casse dans la
tête ou
le coeur de ces hommes, les armes, si
sophistiquées
soient-elles, tombent de leurs
mains
et la victoire est remportée par celui que
les
stratèges militaires ou politiques croyaient le
plus
faible, parce que la foi n'entre pas dans
leurs
circuits électroniques. C'est, contre les prévisions
des
prétendus experts, l'expérience
constante
de notre siècle depuis Hiroshima: le
peuple
vietnamien l'emportant sur une armée
américaine
disposant d'une technique, d'une
puissance
de feu, d'une logistique cent fois
supérieures
; de même le peuple algérien
contraignant
au départ l'armée française; un
peuple
aux mains nues, en Iran, triomphant de
la «
cinquième armée du monde » et de ses
appuis
américains ; des peuples de l'Est brisant
le plus
puissant des jougs...
Les
obstacles les plus forts sont en nous et
dans le
pouvoir intégriste des médias. Leur
invasion
intérieure des âmes brise l'esprit critique,
et
jusqu'au pouvoir (et au vouloir) de dire
« Non »
au monde régnant du non-sens, de son
économie
triomphante de marché aveugle, à
l'imposture
de ses « dissuasions nucléaires » et
de ses
armées dont aucune, des plus grandes
aux
plus petites, n'a plus aucun rôle de défense
nationale,
mais de répression intérieure ou
d'anachroniques
interventions post-colonialistes.
Jusqu'aux
dérisions de la culture où la
musique
entre dans l'histoire du bruit et de
l'assourdissement
de l'oreille et de l'esprit, où le
cinéma,
sous hégémonie américaine, fournit les
modèles
des comportements sanglants, où la
télévision,
depuis ses films jusqu'à ses « informations
», de
ses jeux et de sa publicité, de ses
rubriques
sportives à ses variétés, anesthésie
l'esprit
critique. Elle engendre la passivité et le
sentiment
d'impuissance, donne du monde
l'image
seule de ses luxes ou de ses violences,
part du
postulat de l'imbécillité des masses,
qu'elle
génère et qu'elle cultive.
Contre
cette occupation intérieure de l'intégrisme,
des
ennemis de l'esprit, il s'agit
aujourd'hui
d'appeler au réveil des vivants et
d'organiser
des réseaux de résistance, de résistance
au
non-sens.
Il y
faut les forces unies de tous les hommes
de foi,
de tous ceux qui ont fait ce pari : la vie a
un
sens. Il y faut l'implacable rejet des scories du
passé,
le dépouillement par chacun de tous les
préjugés
qui, le séparant des autres, mutilent sa
propre
foi.
Si je ne brûle pas,
Si tu ne brûles pas,
Si nous ne brûlons pas,
Comment les ténèbres
deviendront-elles clarté ?
L'intégrisme,
religieux ou politique, naît toujours
d'une
frustration devant la solitude et le
non-sens
d'un monde sans but.
Des
hommes désespérés, sans avenir, des desperados
sont la
proie de tous les « nihilismes » à
l'égard
de prétendues « valeurs » qui ne
donnent
plus à la vie consistance et signification,
la
proie aussi de messianismes, de faux messies
promettant
un royaume de Dieu, de n'importe
quel
Dieu.
C'est
alors la griserie sécurisante de défilés en
masse,
avec des torches, à Nuremberg, pour y
brûler
des livres comme symboles des fausses
sagesses
qui conduisaient au néant, et célébrer
les
vieux mythes et les rites guerriers du Dieu
Wotan.
L'on ne
peut échapper à ces fausses réponses
des
intégrismes qu'en éveillant les hommes au
sens
des vraies questions.
D'abord
celle d'un ordre social et économique,
politique,
donnant à chacun les possibilités
de
déployer pleinement les richesses qu'il
porte
en lui, mais aussi celle des postulats sur
lesquels
un tel ordre repose, et qui sont la
matrice
de toute vision religieuse du monde.
D'un
monde découpé, à la tronçonneuse du
positivisme,
en objets isolés et en individus présentant
la même
mutilation, faire renaître la
conscience
de l'unité vécue de ce monde où
chaque
être n'existe que par sa relation avec
tous
les autres et prend par elle un sens.
Tu te
crois « branché » ? Branché sur quoi ?
Sur le
contraire de la vie.
«
Branché » sur l'avalanche des décibels ou
dans la
cage du w a l k m a n.
Branché
sur ce bourdonnement d'ailes de
mouches
se débattant dans la glu des pubs, au
supermarché.
Branché
sur la télé des fausses vies, faites de
coïts,
de flics et d'explosions, sur fond de p ub
encore,
de jeux de mémoire pour oublier, de
loteries
à l'ignoble slogan : « C'est facile et ça
peut
rapporter gros! »
Débranchez,
robots télécommandés, débranchez
vos
prothèses ! Sortez de vos prisons pendant
que,
dehors, il y a encore des gens, de vrais
gens,
avec un langage d'homme ! Pendant qu'il y
a
encore des choses, avec leurs parfums sous le
gaz-oil,
leur amour sous le sexe, leurs musiques
sous
l'hystérie, le poète amoureux ou mystique
sous l’«
ordinanthrope ».
Alors
nous n'éprouverons plus le besoin
d'aucun
intégrisme pour trouver dans le grégaire
un
ersatz de communauté, dans le fanatisme
un
ersatz du divin.
Toute
éducation, tout art, toute politique qui
n'aident
pas à cette prise de conscience de ce qui
est
proprement humain en l'homme nous
conduisent
à un suicide planétaire.
R.G
Chennevières
15
septembre 1990