Ne prétendant jamais être
Dieu, mais messager des volontés de celui qu'il n'appelait ni Seigneur ni
Maître, mais son Père, c'est à dire l'Amour sans limite. L'amour du tout de
l'humanité et de la vie.
Il montre aux hommes ce
qu'est la vie véritable: l'amour qui est d'abord l'amour du Tout, prévalant sur toutes nos ambitions ou
nos désirs partiels.
Les Pères de l'Église, ne
s'y sont pas trompés, rappelant le message unique de Jésus ; nous montrer
ce qu’est une vie véritablement humaine, c’est à dire, divine :
« Dieu c’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu. » Jésus
n'a jamais prétendu édicter des lois, mais appeler à l'amour. Il n'a jamais
prétendu exclure ou interdire. Il n'a jamais prétendu juger. Jésus
disait : «Je suis venu appeler non pas les justes mais les pêcheurs.» (Mc
II, 12). Il disait au criminel sur sa Croix : « Aujourd'hui tu seras au
Paradis avec moi.» (Luc.23-41) et aux «gens du monde» : « publicains
et prostituées vous précéderont dans le Royaume de Dieu ». IL ne s'est pas
attribué de miracle, répétant à ceux qui lui en prêtaient le pouvoir magique.
« C'est ta foi qui t'a sauvé » (Matth. IX, 22-30-34; McIV, 15; Luc, VIII, 24-VII
43-XVIII, 4243).
Au, lieu de se laisser
appeler «seigneur » (le nom qu'à cette époque les esclaves donnaient à
leur maître et les juifs à leur Dieu ), il ne se laisse appeler ni seigneur ni
maître ni même bon: « Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon sinon
Dieu seul ! ». (Luc XVII, 19)
Car Jésus ne prétend
jamais être Dieu mais seulement son messager. Lorsqu’il dit: « Le Père et
moi nous sommes UN » (Jn XII, 45). IL précise aussitôt, qu'Il rend
visible, par ses paroles et ses actions, le Dieu caché : « Qui me voit,
voit celui qui m'a envoyé » (Jn XII, 45). « Je n'ai pas parlé de
moi-même, mais le Père qui m'a envoyé, m'a prescrit ce que j'ai à dire. »
(XII, 40)
Il s'identifie si peu au
Père, qu'il dira sur sa Croix: « Père, si tu veux, écarte de MOI cette
coupe... mais que ta volonté soit faite et non la mienne.» (Lc XXII, 42)
Il ne se réserve pas,
pour Lui seul, le titre de «Fils de Dieu»: « Les pacifiques seront appelés
Fils de Dieu ». (Mt, X, 9)
Le Coran a enseigné aussi
cette vision dynamique du monde que Dieu «ne cesse de créer» (XXXV, 81), «un
dieu qui ne connaît ni cesse ni repos.» (II, 255) «Il commence la création et il
la recommence.» (X, 4). «Il est présent en chaque chose nouvelle. »
Ces révélations toniques
sont plus actuelles que jamais: les périls qui nous menacent sont si grands
qu'ils ne pourraient être conjurés par des mesures économiques ou politiques
partielles, mais par un changement radical dans l'esprit et le cœur des
multitudes, par une nouvelle levée de la
foi. Les disciples demandaient déjà à Jésus: « Que faut-il faire pour
travailler aux œuvres de Dieu ? » (Jn VI, 19)
Ce dieu de Jésus ou de
Mahommet n'est ni un être ni un maître, mais au contraire un appel au combat
pour réaliser ce Royaume. Rien ne nous est promis et personne ne nous attend.
Bonhoeffer voit la
spécificité du christianisme, dans le fait que c'est la seule
"religion" dans laquelle «Dieu est impuissant et faible dans le
monde », «Dieu nous fait savoir qu'il nous faut vivre en tant qu'hommes
qui parviennent à vivre sans Dieu»[1]. C'est ainsi que Jésus nous a rendus majeurs et
responsables: finis les dieux bouche-trous de nos ignorances et de nos
impuissances ! Ce n'est pas Dieu qui a à nous aider, c'est nous qui avons à
aider le Dieu vivant dans sa lutte pour l'avènement du Royaume, à travers
toutes les défaites de l'histoire. Jésus n'est pas venu nous « sauver », comme
un pompier qui tire de l'eau un homme qui se noie. II est venu pour nous sauver
de toutes les religions craintives et plaintives implorant à chaque difficulté,
la "puissance" de Dieu pour nous décharger de notre propre
impuissance. Jésus nous a enseigné à vivre debout, en hommes qui se savent
pleinement responsables de la vie grande et nouvelle dont il nous a montré le
chemin et donné l'exemple. Aucune Église ne peut nous prendre en charge comme
des enfants ou des infirmes, nous pardonner nos fautes ou les punir, nous faire
des promesses parolières qui nous dispenseraient du combat. L'iconoclasme de
Bonhoeffer à l'égard de toutes les caricatures cléricales de la foi est le plus
stimulant des efforts.
Il n'est pas le premier à
s'engager dans cette voie; déjà l'abbé Joachim de Flore, au XIIe siècle,
avait montré que les Églises ne sont pas le Royaume de Dieu, et que l'histoire
des hommes continue sous la propre responsabilité de chacun d'eux habité par l'Esprit tout en tous.
Jésus nous a montré ce
qu'est la plénitude de l'homme. Il demeure le pivot autour de qui flottaient
mes voies changeantes, où, comme dit Leonardo Boff : «J'ai changé, non de
bataille, mais de tranchée.»