Roger Garaudy
Intégrismes, 1990, Editeur Belfond, pages 139 à163
Intégrismes, 1990, Editeur Belfond, pages 139 à163
COMMENT COMBATTRE
L'INTÉGRISME
?
(1) Ce qu'il ne faut pas faire
(1) Ce qu'il ne faut pas faire
Perséphone. Tapisserie.Mario Prassinos. Goubely Aubusson. 1959
mortelle
de cette fin du xxe siècle à
l'intérieur de
toutes
les religions et de toutes les politiques?
Peut-être
doit-on réfléchir d'abord à ce qu'il ne
faut
pas faire : ni concessions, ni diversions, ni répression.
LES
CONCESSIONS
Les
concessions naissent de l'erreur qui
consiste
à croire qu'en empruntant à l'intégriste
quelques-unes
des thèses qui ont fait son succès,
il sera
possible de grignoter sa clientèle. Or tous
les
parrançais se sont engagés, à l'égard de
l'intégrisme
politique de Le Pen, dans c
tis fette voie
funeste
qui consiste à accepter sa règle du jeu et
à se
placer sur son terrain.
L'exemple
le plus typique est celui de
M.
Laurent Fabius, président de l'Assemblée
nationale
et ancien Premier ministre, déclarant
à la
télévision : « Le Pen apporte de mauvaises
réponses
à de vrais problèmes. » O ne saurait
mieux
égarer l'opinion. Car ce sont les questions
mêmes
de Le Pen qui empoisonnent le débat
politique
en France en détournant l'attention
des
vrais problèmes.
La
question fondamentale posée par Le Pen
est
celle-ci: peut-on résoudre le problème du
chômage
en France en chassant les travailleurs
immigrés?
[…]
Ce
qu'il y a de mensonger et de vicieux dans la
question
elle-même, c'est de lier le problème du
chômage
à celui de l'immigration. Tout comme,
nous le
verrons, de lier le problème de l'immigration
à celui
du racisme, autre piège dans
lequel
tous nos hommes politiques sont tombés.
En
1974, il y avait en France autant de travailleurs
immigrés
qu'aujourd'hui mais quatre fois
moins
de chômeurs. Il n'est donc pas vrai que le
chômage
soit fonction de l'immigration. Il est
fonction
du dynamisme de l'économie. L'arrêt
officiel
de l'immigration par le gouvernement,
le 3
juillet 1974, n'enraya nullement l'accroissement
du
chômage.
C'est
d'ailleurs une réalité économique dans
le
monde entier : le chômage n'est pas fonction
du
surpeuplement. Le Japon surpeuplé assure
le
plein emploi. En revanche le Canada, sous-peuplé,
compte
plus de 10 % de chômeurs.
La
question de Le Pen détourne ainsi l'attention
du
problème de fond: en finir avec une
politique
qui ne peut qu'entretenir le chômage
et dont
l'armement et le nucléaire sont les deux
mamelles.
Et ce, pour une raison simple : ce sont
des
industries qui exigent le maximum d'investissements
pour le
minimum de création
d'emplois
permanents.
La
véritable question, c'est comment donner
vie à
une économie répondant aux besoins réels
du
peuple français en ne bloquant pas le quart
du
budget de la France pour des armements
inutiles.
C'est d'en finir avec un programme
délirant
de centrales nucléaires qui détruisent la
possibilité
de recherche et de développement
pour
produire l'énergie autrement, avec moins
de
risques et moins d'investissements. Or on
prépare
des tranches nouvelles de centrales
nucléaires
destinées à exporter l'énergie, en
gardant
les risques et les déchets délétères qu'on
léguera
en héritage terrifiant aux futures générations.
Au lieu
de repenser fondamentalement un
projet
de restructuration globale et harmonieuse
de
l'économie, l'on se condamne à la
stagnation
avec la cascade de ses conséquences
pour
les plus défavorisés aux prises avec la
difficulté
de trouver un emploi, tout particulièrement
les
jeunes, sans formation et sans projet,
jetés
dans une société déstructurée. Cette situation
économique
rend facile et percutante la
démagogie
populiste de Le Pen à l'égard des
plus
démunis parmi les démunis: les travailleurs
immigrés.
De
même, la cohabitation est rendue de plus
en plus
difficile non pas spécialement à cause de
l'immigration
[…], mais du fait de
l'insuffisance
de biens sociaux et de logements.
C'est
là un problème général, aussi bien pour les
Français
que pour les immigrés.
La
scolarité des enfants d'immigrés est perturbée,
d'abord
à cause du handicap de la
langue.
Une politique scolaire qui ne prend pas
sérieusement
en compte la nécessité de
résoudre
ce problème conduit à perturber aussi
la
scolarité des autres enfants et entraîne donc
les
légitimes protestations de leurs familles.
Le taux
de petite délinquance croît en fonction
inverse
du niveau de vie : il ne tient pas à
l'origine
ethnique mais à des conditions d'existence
infra-humaines.
Telles
sont les vraies « questions », loin desquelles
nous
entraînent Jean-Marie Le Pen et
ceux
qui acceptent ses fausses questions, au lieu
de
montrer que les intérêts des immigrés et des
Français
les plus démunis sont les mêmes et
relèvent
d'une solution économique et sociale
globale
et non d'une discrimination ethnique.
Mêmes
concessions et mêmes confusions de la
part de
Jacques Chirac lorsque, au cours de sa
campagne
présidentielle, à Marseille, il
condamne
en paroles la xénophobie, mais
ajoute
aussitôt à propos de ce sentiment: « Si je
ne peux
l'admettre, je puis le comprendre. »
Étrange
« compréhension» d'un sentiment
xénophobe
— compréhension qui s'est traduite
pendant
longtemps par des alliances électorales
avec le
Front national — et incompréhension
des
conditions économiques et sociales qui permettent
à la
démagogie populiste d'exploiter les
difficultés
réelles en détournant sur un bouc
émissaire
(les travailleurs immigrés) les colères
légitimes
engendrées par un système écrasant
pour
les plus pauvres, quelles que soient leur
race et
leur nationalité.
Le
Premier ministre cherche à tout prix le
«
consensus », le consensus scélérat du type de
celui
qui a été réalisé sur la « défense nucléaire »
et qui,
pour les problèmes de l'immigration,
s'est
réalisé dans « l'affaire des foulards », l'un
des
plus beaux cadeaux offerts à Le Pen.
L'hystérie
politicienne, raciste et médiatique,
a fait
de trois foulards une affaire d'État. Sont
entrés
en scène, comme des acteurs de tragédie,
les
mots spectres, encore chargés de frissons,
d'angoisse
et de haine d'un autre âge: intégrisme
et
laïcité, islam et immigration, le foulard
devenant
le tchador ; puis, « prosélytisme »
et, au
terme du crescendo, l'expression « drame
pour
l'identité française » !
Qu'y
a-t-il au départ de ce délire? A Creil
comme à
Montfermeil, un acte de discrimination
raciale
: a-t-on jamais reproché à une écolière
de
porter à son cou une croix ou une étoile
de
David, signe extérieur de son appartenance
religieuse
?
Le
consensus scélérat a créé un climat intégriste
de
croisade. Le Pen peut applaudir ce
rassemblement
unanimiste. Y a-t-il moins
d'intégrisme
à interdire le voile qu'à l'imposer?
A
l'imposer, comme en Arabie Saoudite, ou à
l'arracher
aux étudiantes à l'entrée de l'université,
comme
en Turquie?
Sommes-nous
réduits à opter pour une
France
« saoudisée », ou une France « turquisée» ?
Ni l'une ni l'autre solution ne semble
Ni l'une ni l'autre solution ne semble
promise
au moindre avenir. Mais, dans leurs
fantasmes,
certains semblent pencher vers la
«
turquisation ». Et cela avec d'étranges propos
de
justification : le voile serait le symbole de
l'aliénation
et de l'asservissement de la femme.
Oubliant
que ce voile était aussi celui de la
Vierge
Marie, comme en témoigne toute
l'iconographie
chrétienne, et qu'il est, depuis
des
siècles, celui des religieuses. Une « féministe»,
à la télévision, a affirmé que l'interdiction
à la télévision, a affirmé que l'interdiction
du
voile dépassait le cadre de la laïcité de
l'école
: il s'agit, dit-elle, de « défendre la dignité
de la
femme ». Va-t-on interdire à des religieuses
de
porter le voile?
Une
telle discrimination ne peut que nourrir
les fanatismes
des deux bords : si « l'intégration
» exige
la destruction de l'identité culturelle,
on
accule les immigrés au choix entre
l'intégration
et l'intégrisme, encouragé par
l'intolérance.
Une
table ronde est organisée à l'hôtel Matignon
sur le
thème : « Immigration et racisme ».
C'est
déjà se placer sur le terrain de Le Pen en
acceptant
ce postulat: il y aurait relation de
cause à
effet entre l'immigration et le racisme,
celle-ci
engendrant celui-là.
Cette
assertion n'a aucun fondement car
affirmer
cette relation, c'est oublier que le
racisme,
dans tous les dictionnaires, est défini
comme
une idéologie postulant l'existence de
races
supérieures et de races inférieures. Est-ce
cette
idéologie qui met en transe les Français ou
bien
des problèmes très concrets, déjà énoncés :
logement,
emploi, scolarité... dus à la carence
d'une
véritable politique à l'égard des secteurs
sociaux
les plus défavorisés sans distinction de
race ou
d'identité ?
Dans la
perspective, ou plutôt l'impasse, où
s'engagent
des « concertations » aussi aberrantes
que
celle de Matignon, l'on voit émerger
les
thèmes chers à Le Pen, repris, un ton au-dessous,
par
l'opposition et, de concession en
concession,
intégrés par Rocard dans la « charte
minimale
».
La
première concession est capitale, car elle
est un
recul sur les principes: le retrait de la
proposition
de vote des immigrés aux élections
locales.
Plus grave encore : dans la « charte
minimale
» sont introduits des thèmes répressifs
et des
préjugés énoncés par l'opposition lors
de ses
« États généraux de l'immigration ». Par
exemple,
le projet de légiférer sur « l'excision »
pratiquée
par certains Africains ou sur la polygamie
dénoncée
avec emphase, alors qu'il s'agit
dans
les deux cas de phénomènes très rares
parmi
les immigrés, et que les lois ordinaires
existent
tant pour empêcher la pratique mutilante
de
l'excision que pour empêcher toute
violation
de la législation française en matière
d'héritage
ou de prestations sociales que pourraient
entraîner
des mariages multiples, au
demeurant
fort limités dans l'immigration.
On est
d'ailleurs en droit de se demander
pourquoi
les mêmes ont attendu si longtemps
pour
s'émouvoir de ces pratiques, au point
d'envisager
des sanctions juridiques ? L a
France,
comme l'Angleterre, ont été les maîtres
de l'Afrique
noire pendant plus d'un siècle.
Qu'ont-elles
fait pour mettre fin à la pratique
inhumaine
de l'excision, quand elles en avaient
le
pouvoir, pour s'autoriser à en faire maintenant
un
motif d'exclusion lorsqu'il ne s'agit plus,
en
France, que de cas individuels rarissimes?
La
France a régné sur une grande partie du
monde
arabo-musulman pendant plus d'un
siècle.
Ne serait-ce pas parce que la polygamie,
proscrite
dans ses lois, est inscrite hypocritement
dans
ses moeurs, qu'il lui était difficile de
montrer
clairement le passage d'un état de droit
à un
état de fait, lorsque notre législation en la
matière
est déjà très floue? Pourquoi en faire
aujourd'hui
bruyamment un motif de discrimination,
alors
qu'on n'a fait aucun geste dans
cette
voie lorsque, dans la colonisation, cela ne
gênait
pas notre trafic mais fournissait au
contraire
une main-d'oeuvre bon marché du fait
de la
surpopulation ou lorsque, dans les années
d'expansion,
jusqu'en 1974, cette main-d'oeuvre
était
souhaitée ? Personne alors ne proposait de
lois à
ce sujet.
Et
voici que nos vertueux défenseurs de la
famille
veulent multiplier les obstacles légaux
du
regroupement familial. Ce n'est pas un danger
redoutable
— 29 000 personnes en 1989 —
mais un
thème démagogique porteur dont on
ne veut
pas laisser le monopole à Le Pen.
Une
telle politique ne peut conduire qu'à la
montée
à la fois de l'intégrisme, combattu par
des
voies seulement répressives, et du Front
national
dont on accepte de plus en plus les
exigences,
concession après concession.
Lorsque
M. Mitterrand parle d'un « seuil de
tolérance
« et que Michel Rocard déclare que la
France
» ne peut accueillir toute la misère du
monde
», ils reprennent en un langage plus
pudique
ou plus emphatique le slogan majeur
de Le
Pen formulé par lui, dès 1982, aux Assises
nationales
du Front national à Nice : « Le
nombre
des chômeurs se multiplie d'autant plus
que nos
frontières sont ouvertes à tous les chômeurs
du
monde. »
Si tous
les partis reprennent ainsi les thèmes
de Le
Pen, il est aisé de comprendre que lui, le
précurseur,
est plus crédible, et que toutes ces
concessions
ont fait son jeu : son parti, qui végétait
au
temps de l'expansion économique avec
1 % des
voix aux législatives de 1974, et 44 000
voix en
1981, atteint, après le blocage des
salaires
et des prix de 1982, 4 400 000 voix aux
présidentielles
de 1988.
Les
perspectives d'ascension de Le Pen seront
plus
favorables encore avec l'Europe de 1992
qui va
exiger, par exemple, sous prétexte de
«
compétitivité », de réviser en baisse tout ce qui
grève
le prix de la main-d'oeuvre, du fait que la
France
dépasse de 5 % la moyenne européenne
des «
charges sociales ».
Il
pourra, en outre, se prévaloir d'une
«
défense des intérêts français » en critiquant
l'Europe,
« par en bas », du point de vue national,
détournant
là encore de la vraie question :
la
critique de l'Europe « par en haut », c'est-à-dire
du
point de vue de sa fermeture au Tiers
Monde,
alors que l'intérêt de notre peuple,
comme
de tous les autres, en exige l'ouverture.
LES
DIVERSIONS
Les diversions
détournent des problèmes
réels :
les démarches politiques tendent à escamoter
les
questions véritables en nous faisant
croire
que le critère politique permettant de
classer
les Français à droite ou à gauche, c'est le
racisme.
Les Français, « racistes », seraient
opposés
aux immigrés musulmans, « intégristes».
Le «
racisme », c'est-à-dire, répétons-le, la
croyance
selon laquelle il existe des races supérieures
et des
races inférieures — celle de Drumont
lors de
l'Affaire Dreyfus — ne touche pas
un Français
sur mille. A peu près la même
proportion
que « l'intégrisme » pour les immigrés.
Lorsque
ces « intégristes » mobilisent leurs
troupes,
par exemple pour demander la mise à
mort de
Rushdie, ils sont trois cents — dont
beaucoup
de naïfs — sur des millions de musulmans
vivant
en France, à répondre sur le boulevard
Sébastopol
à l'appel d'un provocateur.
Cette
polarisation artificielle est éminemment
profitable
à Le Pen. Significative est la croissance
parallèle
de Le Pen et de S.O.S. Racisme.
La
promotion médiatique de Harlem Désir et
l'affluence
des subventions gouvernementales à
son
mouvement suivent la même courbe ascensionnelle
que Le
Pen et le Front national qu'il est
censé
combattre. Pourquoi? Parce que, là
encore,
on se place sur le terrain de Le Pen,
comme
si le racisme et l'antisémitisme étaient
l'objet
de son mouvement.
Hitler
et le nazisme, expression suprême de
l'intégrisme,
ne sont pas nés seulement de ce
qu'un
homme spéculait sur les humiliations et
les
misères imposées au peuple allemand par le
traité
de Versailles, comme aujourd'hui naissent
dans le
Tiers Monde les révoltes et les intégrismes
des
humiliations et des misères imposées
par les
« politiques d'ajustement » du
F.M.I.
et de la Banque mondiale. Ils sont nés de
la
colère de millions de chômeurs allemands
dans
une situation sans issue. Hitler n'est pas
venu au
pouvoir par un coup d'État mais par
des
élections « démocratiques » où il obtint la
majorité.
Il attira à lui les voix de millions
d'ouvriers
auxquels il promettait la fin du chômage
et de
la servitude. Il résolut, en fait, à sa
manière,
le problème du chômage en transformant
les
chômeurs en ouvriers du réarmement,
puis en
soldats, puis en cadavres.
Mais,
en face de partis politiques sans projet
s'affrontant
en querelles stériles pour arriver au
pouvoir
ou s'y maintenir, profitant de la lassitude
du
peuple devant cette politique-spectacle
et
devant la corruption des partis, sa démagogie
trouvait
crédit. Cette politique caricaturale des
dirigeants
et la désespérance des masses furent
un
terrain fertile et un fumier qui nourrirent
cette
fleur monstrueuse.
N'existe-t-il
pas, en ce moment, en France,
sans un
sursaut et un changement radical
d'orientation,
des conditions analogues où les
mêmes
causes pourraient produire les mêmes
effets?
Pour
Hitler autrefois, le « racisme » n'était
qu'un
prétexte pour atteindre ses objectifs de
prise
du pouvoir en profitant de la crise économique
— neuf
millions de chômeurs en Allemagne
en
1933! —, de la décomposition du
régime
parlementaire de Weimar, de la corruption
des
partis, des conséquences aberrantes du
traité
de Versailles, en un mot de la désespérance
de la
jeunesse, des chômeurs, d'une population
à
laquelle aucun parti n'offrait un projet
de
société crédible.
C'était
une révolution du « nihilisme » qui
pouvait
ouvertement se donner pour telle dans
la
décomposition de toutes les valeurs et rassembler
des
millions de desperados, devenus tels par
l'absence
de perspectives et d'avenir, proie de la
démagogie
populiste la plus grossière.
La
situation présente des analogies avec celle
qui a
donné naissance à Le Pen.
Hitler
sut parfaitement éviter toute intervention
des
prétendues « démocraties libérales » en
se
donnant pour le champion de « l'antibolchevisme».
Les évêques allemands réunis à Fulda
Les évêques allemands réunis à Fulda
le 24
décembre 1936 lançaient l'appel: « Le
chef et
chancelier du Reich, Adolf Hitler, s'est
rendu
compte à temps de l'avalanche du bolchevisme.
Il
s'est consacré tout entier à écarter ce
formidable
danger de notre peuple allemand et
de
l'Occident tout entier. Les évêques allemands
considèrent
comme leur devoir de soutenir le
chef du
Reich dans cette lutte, par tous les
moyens
dont ils disposent dans le domaine religieux.»
Dans le
même esprit, à Munich, en 1938,
Daladier
et Chamberlain, pour encourager
Hider
dans sa lutte contre le bolchevisme, lui
livrèrent,
avec la Tchécoslovaquie, la clé de
l'invasion
de l'Europe.
Le
nationalisme et le racisme n'étaient, pour
Hitler,
que l'habillage de son dessein de domination.
Le juif était identifié par lui à la fois à la
haute
finance et au bolchevisme : le judéo-bolchevisme.
Le juif
était le bouc émissaire, cause
de tous
les malheurs de l'Allemagne, comme
aujourd'hui,
pour Le Pen, le Maghrébin est
responsable
du chômage, du manque de logements,
de
l'insécurité, etc.
C'est
partager la même illusion et se laisser
entraîner
dans la même diversion que de voir en
Le Pen
simplement un « antisémite ». Il est
significatif
qu'on polarise la polémique contre
lui
davantage autour de ses propos que de son
action.
Les médias ont accordé infiniment plus
de
place à ses débordements oratoires odieux
sur «
le détail » ou « Durafourcrématoire » qu'à
ses
propositions concrètes d'expulsion de millions
d'immigrés.
Il est
insensé de mettre sur le même plan les
propos
ignoblement antijuifs de Le Pen et son
action
systématique pour dresser les Français
contre
les Maghrébins qui sont, et de loin, sa
véritable
cible parce que, sur ce thème, il peut
mobiliser
des millions de naïfs qui voient dans
l'immigré
arabe le concurrent sur le marché du
travail,
le gêneur dans l ' H . L . M . , ou le
délinquant potentiel.
délinquant potentiel.
La
diversion d'Harlem Désir et de S.O.S.
Racisme,
savamment téléguidée par son mentor
Julien
Dray et par Bernard Henri-Lévy, a pour
résultat
de déplacer le centre réel du combat, ce
qui
n'est certes pas l'objectif conscient de la
masse
des adhérents qui viennent au mouvement
par
générosité : « Touchez pas à mon
pote !
» Un exemple typique de cette diversion
est la
manifestation contre la profanation
infâme
de Carpentras.
Une mobilisation
gigantesque.
Contre
qui?
Contre
une abstraction : le racisme. Car personne
ne sait
encore qui est l'auteur de l'acte.
Mais
pour qui? Les drapeaux de l'État
d'Israël,
où l'on massacre chaque jour des
vivants,
flottent sur l'offense faite à des morts.
Seule
Mme Veil osa déplorer la présence de tels
drapeaux.
Pour ce courage, elle fut insultée, le
lendemain.
Ne
conviendrait-il pas de rappeler ici les
réflexions
de l'écrivain Tahar ben Jelloun, dans
Le
Monde du mercredi 27 septembre 1982, au
lendemain
des massacres de Sabra et de Chatila
au
Liban : « Il est des coïncidences qui, à force
de se
répéter, finissent par devenir un indice
majeur.
A présent, on sait à quoi sert un attentat
antisémite
en Europe, et à qui profite le crime. »
Ne
pourrait-on ajouter que l'orchestration
sans
précédent de l'abjecte profanation de Carpentras
survient
au moment de l'assassinat de
sept
ouvriers palestiniens à Haïfa, du sept centième
assassinat
de Palestiniens depuis le début
de
l'Intifada, et de la révélation par le Comité de
défense
des enfants — Comité américain et
suédois
— que cent soixante enfants de moins
de
quinze ans ont été tués en Palestine par
l'armée
d'occupation ? Quelqu'un a-t-il rappelé,
à
l'occasion de la provocation macabre de Carpentras,
que les dirigeants israéliens ont effacé
que les dirigeants israéliens ont effacé
de la
terre, au bulldozer, trois cent cinquante
villages
palestiniens avec leurs cimetières?
LA
RÉPRESSION
Un
exemple typique de la malfaisance de la
méthode
répressive: prenant prétexte d'un
crime
commis contre des tombes juives pour
s'en
prendre aux immigrés et prétendant frapper
seulement
Le Pen, l'on assassine la liberté
non
seulement de la presse, mais de la
recherche
historique.
L'on
est ainsi conduit nécessairement aux lois
d'exception.
Les conséquences de l'affaire de
Carpentras
sont révélatrices: la première fut
d'amener
les dirigeants du Parti socialiste à
retirer
leur projet de droit de vote aux immigrés
et ce,
bien que le rapport avec l'événement ne
paraisse
pas évident. La seconde fut l'initiative,
prise
par le Parti communiste français, se ruant
vers le
consensus scélérat: une proposition de
loi
rendant les tribunaux juges de la vérité
historique
lorsqu'il s'agit de la Seconde Guerre
mondiale
et interdisant aux historiens de mettre
en
cause les conclusions du procès de Nuremberg.
En
vertu de la « loi scélérate », « liberticide »,
comme
disaient les démocrates du siècle dernier,
il est
inséré dans la loi sur la liberté de la
presse
de 1881, un article 24 bis : « Seront punis
des
peines prévues [...] ceux qui auront contesté
[...] l'existence d'un ou plusieurs crimes
contre
l'humanité
tels qu'ils sont définis par l'article 6
du
Tribunal militaire international annexé à
l'accord
de Londres du 8 août 1945. »
La
vérité historique serait désormais officielle
et
intouchable, sacralisée par la loi et ne devrait
en
aucun cas remettre en question les conclusions
du
tribunal de Nuremberg devenant ainsi
la
norme infaillible et définitive de la vérité sur
l'histoire
de la Seconde Guerre mondiale.
Aucune
décision d'un tribunal, dans toute l'histoire
et dans
tous les peuples, n'a été investie de
cette
canonisation.
Or le
tribunal de Nuremberg est, de l'aveu
même de
ses juges et de ceux qui l'ont institué,
un «
tribunal d'exception » et « le dernier acte
de la
guerre ». Le procureur général des États-
Unis,
Robert H. Jackson, au cours de l'audience
du
26juillet 1946, disait: « Les Alliés se
trouvent
encore techniquement en état de
guerre
avec l'Allemagne... En tant que tribunal
militaire,
ce tribunal représente une continuation
des
efforts de guerre des nations alliées. »
Le
statut de ce tribunal est ainsi défini:
«Article
1 9 : le Tribunal ne sera pas lié par les
règles
techniques relatives à l'administration des
preuves.
Il adoptera et appliquera autant que
possible
une procédure rapide — la version
anglaise
dit : « expéditive » — et non formaliste,
et
admettra tout moyen qu'il estimera avoir une
valeur
probante. Article 21 : le Tribunal n'exigera
pas que
soit apportée la preuve des faits de
notoriété
publique, mais les tiendra pour acquis.
Il
considère également comme preuves authentiques
les
documents et rapports officiels des
gouvernements
des Nations unies. »
Sur la
foi d'un rapport soviétique, le nombre
des
morts, à Auschwitz, était de quatre millions.
C'est
le chiffre qui fut gravé sur le monument
d'Auschwitz
et dans la mémoire collective. Le
musée
de Yad Vachem, à Jérusalem, « indiquait
un
total très au-dessus de la réalité » selon François
Bedarida,
directeur de l'Institut de l'histoire
du
temps présent (C.N.R.S.) dans le Monde
du 23
juillet 1990). Or le musée d'Auschwitz
vient
de montrer — le Monde du 19 juillet
1990 —
que « le chiffre de quatre millions, ne
reposant
sur aucune base sérieuse, ne pouvait
être
retenu ».
Si l'on
s'en rapporte aux travaux les plus
récents
et aux statistiques les plus fiables, on
aboutit
à environ un million de morts à Auschwitz.
Un
total corroboré par l'ensemble des
spécialistes
puisque, aujourd'hui, ceux-ci
s'accordent
sur un nombre de victimes oscillant
entre
950 000 et 1 200 000, chiffres déjà monstrueux.
Trois
millions de morts en moins, qui ne
s'en
réjouirait? Et n'y eût-il eu que quelques
victimes
dans ce camp, elles eussent été de trop.
Aussi,
ces faits historiques qui, aujourd'hui,
ne sont
plus contestés par aucun spécialiste,
comme
le rappelait le directeur de l'Institut
d'histoire
du temps présent dans le Monde du
23 juillet
1990, ne doivent en aucun cas
conduire
à la tentative infâme de minimiser les
crimes
nazis qui ont coûté au monde 60 millions
de
morts et des douleurs innombrables au cours
de la
Seconde Guerre mondiale, parmi lesquels
tant de
juifs victimes du racisme et de l'antisémitisme
barbares
d'Hitler.
L'auteur
de ces lignes, qui s'éleva contre cette
horreur
hitlérienne dès l'invasion de la France
— il
fut arrêté le 1 septembre 1940 — et qui
connut
trois ans de déportation dans le même
camp
que son ami Bernard Lecache, fondateur
de la
Ligue contre l'antisémitisme (LICA), peut
en
témoigner par ses épreuves personnelles.
La vérité
nue porte en elle une accusation
implacable.
Elle ne souffre ni emphase ni sous-estimation.
«
L'ensemble des spécialistes »... le nombre
des «
révisionnistes » s'accroît ainsi singulièrement!
Car, aux termes de la loi scélérate de mai
Car, aux termes de la loi scélérate de mai
1990
(article 24 bis), l'on doit s'en tenir aux
définitions
du tribunal de Nuremberg. Or
l'article
21 de ce Tribunal «considère comme
preuves
authentiques les documents et rapports
officiels
des gouvernements des Nations unies. »
En
l'occurrence, le rapport soviétique et ses
«
quatre millions » gravés dans le marbre
d'Auschwitz
et de Yad Vachem, et dans la
«
mémoire universelle ».
Les
décisions du tribunal de Nuremberg ne
feront
pas seulement jurisprudence, comme le
font
naturellement les décisions des tribunaux
ordinaires,
en principe sereins et non passionnels,
elles
auront valeur normative pour marquer
des
limites infranchissables, sous peine de
poursuites
judiciaires, à la recherche historique,
à la
discussion de ces recherches, à leur publication,
ou à
leur expression dans la presse.
Pour
mesurer l'aberration d'un tel vote, prenons
deux
exemples de textes tombant désormais
sous le
coup de la loi.
Ces
deux textes émanent de deux des partisans
les
plus éminents et inconditionnels des
thèses
israéliennes et de livres dont les titres
seuls
évoquent l'intention de leurs auteurs: le
Bréviaire
de la haine de Léon Poliakov, et la
Solution
finale, de Gérard Reidinger.
Si,
désormais, quelqu'un cite Poliakov écrivant,
dans la
première édition de son ouvrage
(1951)
: « E n ce qui concerne la conception proprement
dite du
plan d'extermination totale, les
trois
ou quatre principaux acteurs sont morts.
Aucun
document n'est resté, n'a peut-être
jamais
existé » ; il est passible des tribunaux
pour «
semer le doute » sur l'existence d'un
plan
d'extermination. Crime de « révisionnisme»
si l'on citait la dernière édition 1979,
si l'on citait la dernière édition 1979,
page
124, où Poliakov écrivait: « Il manque les
documents
qui concernent le processus de formation
de
l'idée de la « solution finale de la
question
juive » au point que, jusqu'ici, il est
difficile
de dire comment, quand, et par qui exactement
l'ordre
d'exterminer les juifs a été
donné.
»
Désormais,
il est également passible des tribunaux
de
citer l'auteur de l a Solution finale, le
défenseur
le plus rigoureux des thèses israéliennes,
Gérard
Reidinger. Avec la meilleure
volonté
du monde, i l ne parvient pas à élever le
nombre
des victimes juives au - delà de
4 500
000. N'atteignant pas le chiffre fatidique
de six
millions fixé par le procureur général
Jackson
à Nuremberg, l'auteur d'une telle citation
serait
traduit en justice pour « contester
l'existence
d'un ou plusieurs crimes contre
l'humanité
» selon l'article de loi précité. Minimisant
d'un
quart l'étendue des crimes nazis en
ne
retenant pas les « six millions », il serait
même
accusé de vouloir innocenter Hitler et de
préparer
un néo-nazisme 1
Je puis
personnellement témoigner de la
nocivité
d'une telle loi, qui aggrave celle de
1972,
pour avoir fait l'expérience de l'utilisation
que
l'on pouvait déjà faire de la première.
Je
publiai, dans le journal le Monde du 17 j u in
1982,
avec le père Michel Lelong et le pasteur
Matthiot,
un article sur « Le sens de l'agression
israélienne
au Liban ». La L.I.C.R.A. nous
intenta
un procès pour « antisémitisme et provocation
à la
discrimination raciale ». A trois
reprises,
la L.I.C.R.A. fut déboutée et condamnée
aux
dépens. Le 24 mai 1983, le tribunal de
grande
instance de Paris conclut : « Considérant
qu'il
s'agit de la critique licite de la politique
d'un
État et de l'idéologie qui l'inspire, et non de
provocation
raciale [...], déboute la L.I.C.R.A.
de
toutes ses demandes et la condamne aux
dépens.
»
Bien
entendu, aucun journal — sauf celui
dont le
directeur, Jacques Fauvet, était accusé
en même
temps que nous — n'a fait état de ce
jugement.
Maintenant, grâce à la nouvelle loi
scélérate,
qui aggrave la précédente en n'accordant
le «
droit de réponse » qu'à certaines associations
—
Article 7 de la loi de 1990 —, la
L.I.C.R.A.
disposera du droit de dire qui est
antisémite
et qui ne l'est pas et de faire poursuivre
quiconque
au nom de sa définition. Étant
bien
entendu qu'Hitler, responsable de la mort
de
soixante millions de morts dans le monde au
cours
de la Seconde Guerre mondiale, n'a
commis,
selon la loi, de crimes contre l'humanité
que
contre les juifs. Le fléau nazi ne fut rien
d'autre
qu'un vaste pogrom. Tous ses autres
crimes
entrent dans le droit commun banalisé
des «
crimes de guerre », pour lesquels il y a
d 'ailleurs
prescription, selon la loi du
26
décembre 1964. L'histoire officielle exige
désormais
que l'on respecte ce dogme.
Écoliers
ou chercheurs devront s'en tenir à
cette vulgate
sacro-sainte.
Roger Garaudy A SUIVRE ICI